Je me tourne et me retourne dans mon lit sans réussir à fermer l’œil. La plupart des autres candidats sont déjà endormis, peut être pas Benjamin, et si c'est le cas je dois lui sembler la partenaire la plus chiante qui soit à ce moment précis, à force de faire trembler le sommier. Je finis par me relever, incapable de rester une seconde de plus dans cette chambre à jouer désespérément à cache-cache avec le sommeil. Sans prendre la peine de m'habiller, je traverse le nid endormi en pyjama. Tout est silencieux. C'est si.. différent de l'agitation qui règne d'ordinnaire. Je prends l'ascenseur, puis les escaliers, avant de me retrouver sur le toit. C'est pas le manque de sommeil qui me file des envies de suicide, si c'est ce que vous pensez. Seulement, j'ai envie d'observer la nuit. Tout est plus beau de nuit. Je m'approche d'une des chaises longues qui trône sur le bord de la terrasse avant de m'y assoir. De là, on peut apercevoir la mer. Même-elle semble avoir trouvé une certaine quiétude. Seul le vent souffle à mes oreilles. Discret, le vent. Tout est paisible, tranquille. Sauf moi. J'ai la sensation d'être seule face au ciel d'encre. Et j'apprécie cette solitude. Que viennent troubler des bruits de pas. « Tu viens pas pour fumer j'espère. ». Je lui adresse la parole sans me retourner. Je sais qu'on a fait plus aimable comme accueil, mais à la vérité il (ou elle) me dérange un peu. Manquerait plus que ce soit un de ces cracheurs de nicotine.

Ulysse avait oublié quelque chose sur la terrasse. Il avait mangé sur le toit le soir même, et c'est en cherchant son ipad qu'il se rendit compte qu'il l'avait oublié sur la terrasse. Vers les coups de minuit donc, il remonte les escaliers pour aller le chercher. Il le récupère sans aucun problème mais ne rebroussa pas chemin pour autant. Il fut attiré par la silhouette qu'il voyait au loin sur une chaise longue. Sa nature assez sociale l'envoya directement vers elle, mais il n'eut pas le retour attendu, malheureusement. « Tu viens pas pour fumer j'espère. » Ah non, il ne fume pas c'est clair. « Puisque ce n'est pas le cas, je peux rester donc. » C'est une bonne conclusion, une conclusion qui se plait à avoir dans son avantage. Certes, elle n'a pas été la plus chaleureuse du monde mais ce n'est pas ce petit détail qui va effrayer notre jeune héros. « Enfin quelqu'un qui ne fume pas, ça fait plaisir. » Il teste une approche, avec un sourire un peu idiot sur les lèvres. Faut encore qu'elle daigne se retourner pour le voir. Lorsqu'il voit son visage, il peut alors lui demander. « Jane, c'est bien ça ? » Ca fait deux semaines que l'aventure a commencé, il n'a pas pu faire connaissance avec tout le monde. Les prénoms sont encore confus dans sa tête.

J'ai pas super envie d'avoir de la compagnie, mais ce sera encore pire si la personne qui vient de débarquer décide de partager son futur cancer des poumons avec moi, cadeau. « Puisque ce n'est pas le cas, je peux rester donc. » Oh. Il ne vient pas pour fumer. C'est bien l'un des seuls dans cette maison, moi comprise. Je suis directement moins hostile. J'y peux rien, je ne supporte pas l'odeur du tabac. Elle s'imprègne dans les cheveux, les vêtements, les lèvres, comme si elle y était la bienvenue. « Enfin quelqu'un qui ne fume pas, ça fait plaisir. ». Je vois que nous sommes sur la même longueur d'onde. Il n'a pas l'air effrayé le moins du monde par mon accueil glacial. Si c'est pas pour me cracher sa nicotine au visage, je décide de tolérer sa présence. Surtout qu'il a l'air plutôt gentil. « Assis-toi. Entre militants anti-tabagisme, on devrait pouvoir s'entendre. ». Tout en disant cela, je continue à fixer le ciel. Il est plutôt dégagé. Aucun nuage ne vient voler la vedette aux étoiles qui brillent de toutes leurs forces dans l'espoir d'être remarquées. « Jane, c'est bien ça ? ». Je daigne enfin tourner la tête vers lui, surprise. Je crois que c'est la première fois qu'on ne me demande pas de me présenter. Il n'est pas certain que Jane soit bien mon prénom, mais il ne se trompe pas. Je ne passe pas une énième fois pour la fille fantôme, sans doute pas assez exubérante pour qu'on se souvienne de son appellation dès le premier soir. Je lui adresse un sourire franc. Le premier, depuis qu'il est arrivé. « Oui, c'est ça. Et  toi c'est Ulysse. ». Je ne dis pas ça comme une question, c'est une certitude. Son prénom m'a marqué parce que c'est le même que le héros mythologique. C'est sans doute idiot, comme moyen mémo-technique, mais ça a le mérite de fonctionner. Je reporte mon regard sur le ciel. « On voit Orion. ». Je constate. Elle disparaîtra, bientôt. Elle ne se montre qu'en février-mars. Je réalise que ce n'est pas vraiment un sujet de conversation qu'on aborde pour se présenter, mais ça m'est égal. La conversation n'a de toute façon pas commencé de façon banal.

« Assis-toi. Entre militants anti-tabagisme, on devrait pouvoir s'entendre. » Oh bah petit retournement de situation, elle semble assez ouverte à sa présence. Tans mieux donc, son sourire s'agrandit et il s'assit à ses côtés, regardant directement le ciel tout comme elle. « Hm, j'irais pas jusqu'à dire que je suis anti-tabagisme. Chacun fait ce qu'il veut, tant que ça ne gêne personne. » Oui voilà, c'était un peu l'idée. Ulysse s'en foutait un peu que les gens fument, c'était un peu leur problème. Il n'irait pas leur faire la leçon. En revanche, c'était autre chose de fumer en présence de non-fumeur. Là c'était une question de respect. Passons. Il se souvient du prénom de la candidate, Jane, puisqu'elle est dans son équipe. Il émet tout de même une réserve mais elle confirme. Et de son côté, elle se souvient également de son prénom. « On voit Orion. » Il regarde le ciel, un peu penaud. Il voit des étoiles, c'est tout ce qu'il voit lui. Pourtant il cherche hein, il y met toute sa volonté mais il ne voit rien... « Dis, tu me montres ? Moi, l'astronomie tu sais... » C'était pas trop son fort. Il n'y connaissait pas grand chose... Mais il ne demandait que ça, d'apprendre. S'il lui demandait de lui montrer, c'est qu'il était vraiment intéressé. « Par contre la gastronomie, je m'y connais plus tu vois. » qu'il rajoute avec un rire. Oh ça va, c'est un peu drôle quand même.

Je me décale légèrement pour lui laisser une place à mes côtés sur la chaise longue. Il ne tarde pas à s'installer. « Hm, j'irais pas jusqu'à dire que je suis anti-tabagisme. Chacun fait ce qu'il veut, tant que ça ne gêne personne. ». Il a une vision des choses plus diplomatique, c'est vrai. Mais je n'y peux rien, je ne supporte pas l'odeur de la cigarette. Encore moins lorsqu'il est minuit passé et que je suis incapable de trouver le sommeil. On voit Orion. Je ne sais pas pourquoi je dis ça. C'est une simple constatation. « Dis, tu me montres ? Moi, l'astronomie tu sais... ». Je tourne un instant la tête vers lui. Non, je ne sais pas. Je ne le connais pas, et nous voila assis tous les deux à causer des astres. Il regarde le ciel comme je le faisais à l'instant, dans l'espoir sans doute de comprendre de quoi je lui parle. Je reporte mon regard vers les étoiles et pointe la nuit de l'index. « Là. Tu vois les trois étoiles alignées ? Elles brillent pas mal. Et autour, il y en a quatre autres qui semblent former un trapèze. C'est elle, la constellation d'Orion. ». J'étais plutôt contente de pouvoir lui apprendre quelque chose, surtout qu'il semblait intéressé. « Par contre la gastronomie, je m'y connais plus tu vois. ». Je lui adresse un sourire. « Il faudrait que tu m’apprenne, alors. ». Disons que je prend rarement le temps de cuisiner. Les plats tout-faits, c'est plus calorique mais largement plus rapide. Et puis j'essaye de faire des légumes de temps en temps, tout de même. « Tu es cuisinier ou quelque chose dans ce goût là ? Ou c'est juste un passe-temps ? ».