30 ans. Aujourd’hui, j’ai 30 ans. 30 p’tain d’années. Wouoh mine de rien ça fou un coup de vieux. Et au moral. Pour d’autres raisons. Ça fait longtemps que j’ai arrêté de le fêter. Il n’y a plus rien de festif dans cet événement. C’est supposé être un moment qu’on passe en famille et… Vu l’état de la mienne. Alors mon anniversaire a tendance à plus me déprimer qu’autre chose. Quand cela devrait être joie, fête, et cadeaux, j’aurais limite plus envie de chialer. Je ne l’ai dis à personne. Pas même mon partenaire. Enfin ex partenaire à priori… Et si, dans un moment d’égarement, j’en avais fait part à Grayson. Mais il s’est barré, alors… Le seul qui connait ma date d’anniversaire, c’est Benjamin. En supposant qu’il s’en souvienne. Après tout je pourrais tellement être insignifiante à ses yeux qu’il en aurait oublié la date. Pas que je m’attende de toute façon à ce qu’il fasse quoi que ce soit à ce propos. Il ne s’est pas manifesté en dix ans, pas même une carte postale pour ce jour là, alors… Bref. Je suis dans la cuisine. Il est tard. Je suis assise au comptoir. Une bouteille de vodka à côté de moi. Et un verre rempli juste en face. J’ai la tête posée sur mes bras, et je fixe le verre. C’est mon cadeau. J’ai le droit non ? Je suis en plein dilemme. Ma volonté diminue considérablement à mesure que les minutes passent. Vous savez que je suis née à 23h27 pour être précise ? Je viens tout juste de poser ma main sur le verre, lorsque j’aperçois Ben dans mon champ de vision. Je me fige. La main qui reste plantée sur le verre. J’ai l’impression d’être prise en flagrant délit. « Tu veux quoi ? » Que je lui demande froidement. « T'as pas trouvé de pouffiasse pour tirer un coup ? » Je suis sur la défensive.

Le vingt-cinq mars. Je connais bien cette date. Ce n’est pas n’importe quelle journée. Et chaque année, à chaque vingt-cinq mars, j’ai eu une pensé pour elle. Pas qu’une pensé. J’ai toujours pensé à elle, tout au long de la journée. Mais jamais elle ne le croirait. Et je ne peux pas lui en vouloir. C’était à moi de prendre le téléphone et de lui parler. Mais je ne l’ai pas fait. Et aujourd’hui ? Et bien on se retrouve enfermé au même endroit pour la première fois en dix ans. Pourtant, j’ai eu plusieurs occasions aujourd’hui pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Mais je ne l’ai pas fait. Parce que je me dis qu’un simple voeux d’anniversaire n’arrangera rien. Et que de toute façon, le plus beau cadeau que je peux lui faire, c’est justement ne pas lui imposer ma présence ? Ce n’est pas ce qu’elle souhaitait ? Que je sois réellement mort et plus de ce monde ? Bref. Il est tard, j’ai envie d’un verre, pour faire changement, et je prend la route de la cuisine, puisque je sais que je n’ai pas à aller loin pour trouver tout ce que je désir, le cellier étant remplie de bouteille de toute sorte. Sauf que je regrette aussitôt, puisque qui est-ce que je vois assise au comptoir, un verre à la main ? Amélie. Elle n’avait pas arrêté de boire elle ? « Tu veux quoi ? » Pourquoi autant d’agressivité dans la voix à tous les coups. Je crois que j’aurais préféré qu’elle m’ignore et que je continue mon chemin tranquille. Mais maintenant que je suis face à elle, je ne peux plus le faire. « T'as pas trouvé de pouffiasse pour tirer un coup ? » Ce qu’elle est charmante. Je m’avance vers elle, faisant exprès de m’asseoir directement devant elle. « Non, je n’ai trouvé personne pour tirer un coup. Mais une pouffiasse, j’en ai une devant moi. » Je ne fais que répliquer. Elle l’a cherché. Puis je tend la main, saisissant son verre de vodka, comme la bouteille à côté l’indique, et boit son contenu en le temps de deux secondes. « Bon anniversaire. » Le verre claquant contre le comptoir glacial. Dans ma tête, si j’avais prévu le lui souhaiter, ce n’était certainement pas de cette façon. Mais c’était mieux que rien, non ? Et puis, si elle a arrêté de boire, pour des raisons que j’ignore, mais dont je suis certainement capable de m’imaginer, et bien ce n’est pas en buvant un verre de vodka qu’elle va devenir joyeuse. Encore là, il reste une bouteille complète. Donc si elle veut boire, je ne pense pas que je réussirai à l’en empêcher.

« Non, je n’ai trouvé personne pour tirer un coup. Mais une pouffiasse, j’en ai une devant moi. » Je rêve ou il vient de me traiter de pouffiasse ? Enfin pourquoi ça m’étonnerait ? Et puis après tout c’est moi qui ai démarré les hostilités, c’est de bonne guerre. Même si c’est mon anniversaire, alors on devrait me traiter plus gentiment, voilà. Le con s’installe en face de moi. C’est qu’il a décidé de rester en plus ? Pour couronner le tout, il se permet de vider mon verre. MON verre. « Bon anniversaire. » Trop sympa. Une insulte et bon anniversaire dans le même temps. « T’as décidé de m’offrir ton départ du jeu comme cadeau d’anniversaire ? » Là franchement ça serait le pied. On ne pourrait m’offrir meilleur cadeau. Et comme je sais qu’il lui tient à cœur de me faire plaisir, je me doute bien qu’il a déjà emballé ses valises, et qu’il est sur le départ. « C’est gentil de venir dire au revoir pour une fois. » Cela lui change. Bon plus sérieusement. « Rends moi ça, veux tu. » que je dis plus froidement. Je récupère le verre qu’il m’a subtilisé quelques secondes auparavant. Et le remplit de nouveau. Et qu’il ne pense même pas à me l’enlever de nouveau, sinon c’est la bouteille qu’il va se prendre sur la tronche. Ça serait dommage d’abimer son joli minois n’est ce pas. Remarquez il y aurait surement quelques pouffiasses qui se feraient un plaisir de le soigner. Je porte le verre à mes lèvres. Et puis prise d’un éclair de lucidité, je ne sais pas, je balance rageusement le verre, sacrant au passage. Le récipient finit sa course sur le sol pour s’écraser en milles morceaux, déversant au passage son contenu. Je n’ai pas l’air d’une folle, complètement instable, ça va. Je suis parfaitement équilibrée, tout est normal. C’est quand même la deuxième fois qu’il y a du verre brisé en compagnie de Benjamin. Cette fois sciemment. Heureusement que personne n'arrivait à ce moment là, il se le serait prit dans la gueule. « Tais toi, je ne veux rien entendre. » Pas besoin de me traiter de folle ou que sais je. J'attrape la pelle et la balayette, et entreprends de commencer à ramasser mes bêtises. Cette fois sans me blesser.

Est-ce que je viens de traiter Amy de pouffiasse ? Oui, c’est exactement ce que je viens de faire. Elle l’a cherché, et ça me fait plaisir de lui retourner la balle. Même si je devrais me montrer plus doux, vu qu’il s’agit de son anniversaire. D’ailleurs, je le lui souhaite, sans manquer de boire le verre de vodka qu’elle tenait en main. Eurk, c’est dégueulasse de la vodka en plus. Mais je faisais ça pour elle, puisqu’elle ne boit plus. Et mon intervention ne semble pas lui plaire. « T’as décidé de m’offrir ton départ du jeu comme cadeau d’anniversaire ? » Je ris. Elle est hilarante, ma soeur. Lui dire au revoir une dernière fois ? Non. « Dans tes rêves oui. » Je répond automatiquement. Il est hors de question que je sorte d’ici pour elle. Je ne vois pas pourquoi je le ferais. « Rends moi ça, veux tu. » Et elle m’arrache le verre des mains. Ce qu’elle est agressive comme fille. J’ai franchement l’impression d’être assis devant une inconnue par un moment pareil. Parce qu’elle ne ressemble en rien à la Amy de mes souvenirs. Elle est clairement en conflit intérieur, et je ne suis pas certain d’apprécier un tel spectacle. Ça me désole de la voir ainsi. J’ai moi aussi quelques issues avec l’alcool, clairement, je bois à une fréquence beaucoup trop élevée et je fuis toujours un peu plus dans les profondeurs du whisky. Mais je ne suis pas au même niveau qu’Amy. Ça se voit dans ses yeux. À quel point l’alcool, et je me doute qu’elle ne s’est pas arrêté à ça, est une de ses bêtes noires. « Amélie... » Ma voix se fait soudainement douce, protectrice. Je ne veux pas qu’elle boive de cette vodka. Puis ce qui suit me fait sursauter, regardant le verre se fracasser contre le sol. Je reste figé sur place, incapable de réagir. « Tais toi, je ne veux rien entendre. » Même si je le voulais, je crois que sur le moment, aucun son ne pourrais sortir de ma bouche. J’attrape la bouteille de vodka, me levant pas le fait même avec une seule intention en tête. Je me dirige vers l’évier et vide le contenu entier de la bouteille, sans même un remord. Que cette chose disparaisse de ma vue. Puis je reviens à ma place, alors qu’Amy termine de ramasser son dégât. « Tu te souviens l’anniversaire de tes 16 ans... » Je ne sais pas ce qui me prend, mais une vague de nostalgie me prend d’un coup. « Je t’avais acheté de la bière et une bouteille de gin, et on avait bu dans la forêt derrière la maison. Maman croyait qu’on faisait un petit feu de camps tout innocent... » Un faible sourire naît sur mes lèvres, les regard dans le vide, plongé dans des souvenirs aussi beaux que douloureux. C’était la première fois qu’Amy buvait à en être complètement saoule. Je n’aurais pas pensé que toutes ces années plus tard, elle aurait un rapport aussi malsain avec l’alcool. Y’a beaucoup de choses, à cette époque, que je n’aurais pu prévoir.

Il vient me dire aurevoir c’est ça ? Il s’est finalement rendu compte qu’il serait préférable pour nous deux qu’il parte ? Non ce n’est pas ça ? « Dans tes rêves oui. » Zut. J’y croyais presque moi. « Pourtant je suis même prête à te faire tes valises pour t’aider. » Toujours pas ? Tant pis. Une autre fois peut être. Bon en réalité, j’ai tiré une croix sur le fait qu’il serait prêt à se barrer de son plein grès. Il va falloir que j’attende qu’il soit éliminé. Ou que ça soit moi viré, mais je préfèrerais autant que ça soit lui le premier hein. Personellement j’ai besoin de fric. Lui…je ne sais pas trop ce dont il a besoin. A vrai dire je ne sais même pas pourquoi il est dans ce jeu. Pour tout dire, je ne sais pas grand-chose de sa vie. Même rien du tout. Je n’ai aucune idée de ce qu’il a pu faire ces dix dernières années, ou il était, comment il gagne sa vie… Il y a une chose que je sais par contre, c’est qu’il va me rendre mon verre, et me laisser boire tranquille. Je le récupère donc de manière assez brusque, avant de me resservir. Sauf que je suis en plein conflit interne, et qu’au final ma raison prend le dessus, de justesse. J’aurais pu me contenter de baisser le verre, mais c’est moi…et non, il finit plutôt sa course sur le sol. Je déteste que Ben soit là. Qu’il ait eu à assister à ce moment de vulnérabilité de ma part. Et que ça ne doit pas tourner très rond dans ma tête hm. Je l’intime de se taire, alors que j’entreprends de ramasser mes bêtises. Pendant ce temps, Benjamin vide la bouteille de vodka dans l’évier. Quel gâchis. Mais quelque part je crois que je lui en suis reconnaissante. Je suis toujours en train de ramasser les bouts de verre lorsqu’il prend la parole. « Tu te souviens l’anniversaire de tes 16 ans... » Je me stoppe net dans mes gestes, pour autant j’ai toujours le regard baissé. L’anniversaire de mes 16 ans…ça remonte à loin. Pour autant je m’en souviens très bien. Replonger dans le passé, je ne sais pas si c’est une bonne idée. « Je t’avais acheté de la bière et une bouteille de gin, et on avait bu dans la forêt derrière la maison. Maman croyait qu’on faisait un petit feu de camps tout innocent... » Un sourire involontaire se dessine sur mes lèvres à l’évocation du souvenir. « Elle ne l’a jamais dis, mais je crois qu’elle s’en doutait de ce qu’on faisait…A mon avis, elle était consciente de bien plus de choses qu’elle ne voulait nous le faire croire. » Oh oui, pas si bête que ça la madre. Les yeux dans le vague, je me remémore. « Ma première cuite…Ce qu’on a pu rire ce soir là. » A s’en pisser dessus. « Je me souviens de la gueule de bois carabinée que je me suis tapée le lendemain… Un vrai zombie. Mais ça en valait la peine. » Mëme si je crois que je voulais genre mourir sur le moment, je n’ai pas regretté. Finalement je bouge de nouveau, comme si la réalité vient de me rattraper. Je me relève, me dirige vers la poubelle et fait tomber les bouts de verre à l’intérieur. Puis je me tourne vers Ben. « Je ne suis pas alcoolique, tu sais. » Je ne sais pas pourquoi je lui dis ça. Peut être parce qu’il doit penser tout un tas de chose après cette scène et… C’est ridicule en plus, genre je n’ai pas envie qu’il me croit alcoolique. D’autant que c’est du pareil au même. Mais depuis quand je me soucie de ce qu’il pense de moi ? Je détourne le regard, et joue avec un torchon. « …mais une droguée. » Ah bah oui, c’est mieux là tout de suite dis comme ça. En plus maintenant on pourrait croire que je fais dans les drogues dures. Genre cocaïne, héroïne, et ces conneries là. « Accro aux médocs… » C'est fou ce que ce torchon est très intéressant.

« Pourtant je suis même prête à te faire tes valises pour t’aider. » Ok, elle est chiante. C’est lourd. Je ne vais pas partir, et elle le sait, qu’elle arrête de se faire des idées, ça n’arrivera pas. C’est fou à quel point ma simple personne semble lui être aussi insupportable. Mais malgré tout ça, je ne m’attendais pas à ce que la scène qui se déroule sous mes yeux me trouble autant. De la voir agir de la sorte, de la voir en plein conflit intérieur me peine. Cette réaction exagérée me force à intervenir, silencieusement, puisqu’elle me l’a ordonné. Et donc, plus de vodka dans les parages à vider dans un nouveau verre. Ça au moins, c’est réglé. Enfin, si elle veut vraiment boire, elle trouvera le moyen, ce n’est pas ce qui manque ici. Mais elle ne le fera pas dans les prochaines minutes. Pas en ma compagnie. Et voilà que je parle, du passé. D’un épisode de nos vies. Un moment plutôt joyeux en fait. C’est un bon souvenir, ça a même le don de me tirer un sourire. Et vous savez quoi ? J’ai même réussi à faire sourire Amy. Faut le faire. « Elle ne l’a jamais dis, mais je crois qu’elle s’en doutait de ce qu’on faisait…A mon avis, elle était consciente de bien plus de choses qu’elle ne voulait nous le faire croire. » Mon sourire s’agrandit. C’est vrai qu’elle était loin d’être bête notre mère. « J’avoue. En même temps, le nombre de fois où j’ai oublié mes clés, complètement saoul sur le balcon, à cogner pour qu’elle m’ouvre la porte... Je crois qu'elle avait une petite idée de ce que faisait ses enfants lorsqu'ils sortaient. » Ah, l’adolescence. Pauvre maman quand même. Faut dire que je n’ai pas été le petit garçon le plus sage en ville. « Ma première cuite…Ce qu’on a pu rire ce soir là. » Comme toujours dans ce temps-là. « Je me souviens de la gueule de bois carabinée que je me suis tapée le lendemain… Un vrai zombie. Mais ça en valait la peine. » Je m’en souviens aussi. Je la regarde fixement, souriant toujours très légèrement, le coeur gros en repensant à ce genre de souvenirs, qui sont pourtant si heureux. « T’étais horrible à voir. Mais hey, au moins, j’avais eu la gentillesse de te préparer le petit déjeuner le lendemain. » Surement pour m’excuser de l’avoir fait autant boire. En même temps, il fallait qu’elle me prouve qu’elle était faite forte la petite. Ce qui m’attriste, c’est de penser qu’aujourd’hui, la présence d’un verre d’alcool devant elle lui semble insupportable. « Je ne suis pas alcoolique, tu sais. » Je suis surpris de cette déclaration. Parce que bon, je ne vais pas me le cacher, c’était exactement ce que je pensais. Qu’elle était une alcoolique. « …mais une droguée... Accro aux médocs… » Je la fixe, me sentant soudainement encore plus mal. Je ne met pas toute la faute de sa condition sur mon dos, mais je me dis que clairement, je n’ai surement pas aidé dans tout ça. Je baisse les yeux, lâchement. « Ça a commencé... combien de temps... après ? » Je ne sais pas ce que ça va m’apporter de le savoir, mais je tiens à le lui demander. C’est important pour moi de le savoir. « Mais t’as arrêté maintenant... » C’est plus une affirmation qu’une question en fait. Puisque je fais le lien que si elle ne boit pas, c’est pour ne surtout pas retomber dans ses vieilles habitudes. « Je suis fier de toi, que t’es réussi à te sortir de ça, de cette merde là. » Ma voix est faible, mais honnête. Je crois qu’elle est beaucoup plus fort qu’elle ne doit le croire.

Benjamin nous replonge dans des souvenirs lointains. Mais cette fois, heureux. Parce qu’on en a eu, il ne faut pas croire. Un paquet même. On ne s’est pas toujours détesté. Même si déjà à l’époque on était comme chien et chat. On s’engueulait souvent, il me tapait régulièrement sur les nerfs… Mais il restait mon grand frère, et on était toujours là l’un pour l’autre. On ne peut plus en dire autant aujourd’hui. «J’avoue. En même temps, le nombre de fois où j’ai oublié mes clés, complètement saoul sur le balcon, à cogner pour qu’elle m’ouvre la porte... Je crois qu'elle avait une petite idée de ce que faisait ses enfants lorsqu'ils sortaient. » Aaah, l’exemple qu’il faisait. « Et moi je lui disais de te laisser dehors mais elle ne voulait pas m’écouter… » Elle n’était pas drôle, tss. « T’étais horrible à voir. Mais hey, au moins, j’avais eu la gentillesse de te préparer le petit déjeuner le lendemain. » C’est tout lui ça, la générosité incarnée. C’est quand même lui qui m’avait fait boire. Bon on ne m’avait pas mit un couteau sous la gorge non plus hm. Loin de là. « Quelle bonté d’âme. » A peine ironique. Je finis de ramasser les bouts de verre, et les mets à la poubelle. Puis je lui fais une confession surprenante. Histoire qu’il ne se fasse pas de fausses idées. De rétablir la réalité. Vu la scène a laquelle il vient d’assister, il doit surement se dire que je suis une alcoolique. Pas exactement…Ceci dit, mon rapport avec l’alcool reste malsain au bout du compte. « Ça a commencé... combien de temps... après ? » Qu’est ce que ça peut faire ? Cela changera quoi ? Il se sentira moins coupable si c’est arrivé plus tard ? Pourtant je lui réponds quand même.   « Je ne sais plus…Trois, quatre ans après… » Cela n’a pas été immédiat. Genre juste après, non. « Cela a commencé banalement. On m’a prescrit des antidouleurs après une blessure et… J’aimais comment ça me faisait ressentir et…J’étais infirmière, alors j’avais les accès…en peu de temps pour le dire, j’étais devenue une droguée menteuse et manipulatrice. » Doublée de voleuse aussi. Et maintenant à cause de ça, je me retrouve à exercer le métier de serveuse… Alors que j’aimais mon métier en plus. Et malgré tout, mon addiction n’a jamais influé sur mes compétences professionnelles. La preuve, cela a duré des années sans que qui que ce soit ne s’en rende compte…J’étais devenue franchement douée dans l’art de la tromperie et la manipulation. On aurait pu me remettre un oscar pour mes performances. Bon sang, je ne sais même pas pourquoi je lui dis tout ça. Faut croire que c’est cette journée particulière qui chamboule tout. « Mais t’as arrêté maintenant... » C’est pas tellement une question, plus une affirmation. « Depuis un an… » Pour être plus exact, 405 jours. « Je suis fier de toi, que t’es réussi à te sortir de ça, de cette merde là. » Il est fier de moi…Cela me fait doucement rire. « Ce n’est clairement pas grâce à toi. » M’enfin bon ça il le sait. « Mais y a pas de quoi être fier…Regarde aujourd’hui. » Et encore…Il ne m’a pas vu cette nuit. A retourner les placards de la salle de bain dans l’espoir de trouver des médocs…La seule chose qui m’a retenu c’est que…bah j’ai rien trouvé. Je suis au bord de la rupture. A deux doigts de foutre en l’air tous mes efforts. Cela ne serait pas la première fois. « Je suis une droguée, et je le resterais toute ma vie. » C’est un fait. Je ne dis pas que je consommerais, mais, droguée un jour, droguée toujours. Peut importe si je serais clean depuis 20 ans. J’aurais toujours à lutter contre mes démons intérieurs. Le mieux que je peux faire, c’est être une droguée abstinente. Et je ne m’en sors pas si bien que ça.. « Hey, au moins, tu n'as pas été là pour assister à tout ça. » Tant mieux pour lui, petit veinard.