“ It’s been the usual sunday with a flu,
and I just can’t get over you ”

w/babou

Si la cuisine prenait feu tout à coup ou qu'une inquiétante odeur s'en échappait, pas de panique, c'est que Jorah avait fini par se convaincre de persévérer dans sa quête d'apprentissage culinaire. C'était d'ailleurs un comble d'avoir autant de mal à se perfectionner dans quelque chose, quand on sait qu'il prenait toutes sortes de cours pratiques dans la vie de tous les jours. Mais la cuisine, contrairement à la botanique, il n'était peut être pas censé la maîtriser, parce qu'après tout, ça renvoyait toujours au fait qu'il n'avait de toute façon jamais tellement le temps de se mettre derrière des fourneaux, vu qu'en plus il vivait seul depuis quelques mois maintenant. Mais le fait est qu'il se sentait tout bonnement bête de ne pas être capable de faire cuire un filet de saumon sans risquer de tuer quelqu'un, et que c'était maintenant devenu une question d'honneur, oui, d'apprendre à se débrouiller un minimum. Oh il ne visait pas une étoile dans le Guide Michelin, simplement il voulait pouvoir se dire qu'il n'était pas un cas si désespéré que ça. Alors il s'était mis à préparer un börek, une spécialité turque très réputée en Azerbaïdjan et qui faisait même office de plat traditionnel, voire sacré Autrement dit, il s'attaquait là à un classique, et avait d'autant plus intérêt à bien se démerder. Pourtant, il ne se mit pas la pression, et c'est lorsqu'il eut sorti la pâtisserie du four qu'il put au moins se rassurer sur un point : ça avait a priori la même tronche que ce qu'il connaissait. Mais place au goût, maintenant, parce qu'était le plus important. Et quel heureux hasard que Babou entre justement à ce moment-là. Autant demander à quelqu'un qui ne devait pas connaître le goût original. « Eh Babou, si je te dis que je compte te faire goûter un plat que j'ai déjà loupé six fois par le passé, dont j'ai pas particulièrement suivi la recette et qui est connu pour donner des maux de ventre et des reflux gastriques, tu me réponds quoi ? » qu'il lança d'emblée, en exagérant évidemment, juste pour qu'elle s'attende au pire et qu'elle ne puisse trouver l'ensemble que meilleur, au final.

Honnêtement, Jorah avait quand même un minimum confiance en ce qu'il avait préparé. Car il estimait quand même que puisqu'il avait veillé à faire bien attention, il serait affligeant qu'il ne soit décidément bon à rien. Donc oui, pour une fois, il avait envie de partir du principe qu'il avait peut être enfin gagné un semblant de compétence en la matière. Sauf que ça, ça n'est pas ce qu'il laissa entendre quand Babou pénétra dans la pièce. Pour mettre toutes les chances de son coté, il dut lui faire croire qu'il avait possiblement raté sa recette, histoire qu'elle s'attende à goûter à une horreur telle qu'au final, quand il s'avérerait qu'elle aurait le goût en bouche, elle en vienne à se dire que ça n'était pas si mal que ça. Donc oui, il mit le paquet pour l'inquiéter, pensant qu'elle n'en refuserait pas de goûter sa pâtisserie pour autant. Et il ne s'y trompa pas. « Très bien, goûtes donc, mais à tes risques et périls ! » qu'il souffla, tentant encore une fois de lui laisser penser qu'elle s'apprêtait à y laisser ses papilles. Elle goûta alors et c'est un air plutôt fier qui apparut sur le minois du brun, vu que bon, là il s'attendait effectivement à ce qu'elle lui fasse remarquer que, ô surprise, ça n'était pas mauvais. Mais il attendit, et attendit, pour ne la voir finalement que déguster, plutôt silencieusement, le fameux met. Impatient de savoir ce qu'elle en pensait, il la fixa et resta pendu à ses lèvres jusqu'à ce qu'elle pointe la fenêtre du doigt, dans une exclamation inattendue. Et là, misère, il ne fut plus dupe de rien. Tout ce qu'elle avait cherché à faire, c'était à gagner du temps. Et pour cause, il ne connaissait lui-même que trop bien ce genre de subterfuges. « Babou, j'y crois pas, t'allais me faire le coup du 'regarde-ailleurs-que-je-puisse-cracher-ta-daube' ?! » qu'il s'exclama, dans un franc rire. Ouais, c'est comme ça qu'il l'avait toujours mentalement nommé. Là, il était amusé que ça tourna comme ça. « Parce que, pour tout te dire, je pensais que tu trouverais ça plutôt bon, au final. » Ouais, autant le lui dire maintenant, puisque de toute façon il s'était apparemment complètement gouré. « Mais sérieusement, c'est si infecte que ça ? Genre, tu dirais que c'est pas loin d'être la pire chose à laquelle t'aies goûtée ? » Et il le demanda sur un tel ton qu'on aurait pu croire que toute sa vie dépendrait de sa réponse. « Attention à ce que tu vas dire, Babou, c'est pas les couteaux qui manquent ici, et je suis un grand sensible. » Mais le clin d’œil qu'il lui adressa témoigna à lui seul du fait qu'il plaisantait, heureusement.

Alors là, vraiment, Jorah était choqué que Babou ait voulu lui faire croire qu'il avait réussi son plat alors qu'elle attendait manifestement la première occasion de se débarrasser de ce qu'elle avait dans la bouche. Oui parce qu'il fallait bien comprendre qu'à l'instant où elle avait cherché à ce qu'il se retourne, il avait capté le truc. On lui avait déjà fait le coup, il faut dire. Combien de fois avait-il retrouvé les restes de ses plats dans une corbeille à papier ou au fond d'un pot de fleurs ! Alors aujourd'hui, difficile de ne pas supposer que Babou aurait attendu qu'il lui tourne le dos pour cracher sa bouchée. Oui, elle était prise sur le fait, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la brune ne mit pas longtemps à avouer. « Et tu cherches même pas à nier, en plus ! » qu'il s'exclama, dans un rire spontané, bien évidement sans sérieux puisqu'il préférait qu'elle ne cherche pas à gagner du temps. Il fut en tout cas d'autant plus amusé de la voir péniblement avaler, puis de l'entendre dire qu'elle avait cherché à le préserver de la vérité. « Parce que tu penses être la première à me faire comprendre que je cuisine aussi bien que je joue du banjo ? Je te rassure, y'a longtemps que ma susceptibilité n'a plus besoin d'être ménagée » qu'il reprit alors, dans un fin sourire, parce qu'en effet il avait simplement voulu voir si en dépit de ses expériences passées et pour le moins désastreuses, il pouvait s'améliorer. Bon mais, était-ce vraiment si mauvais que ça ? Apparemment oui, puisque Babou parla de classer son plat dans le top 5 des pires choses qu'elle avait avalées. « Un peu plus et je serais presque fier qu'il y figure » fit-il remarquer. De toute façon, il le prenait bien. La cuisine, ça n'était pas sa vie, et il se remettrait de cet énième plantage. Voilà en tout cas que résonna subitement la musique de ce cher Cupidon, celle qu'il diffusait quand lui prenait l'envie de voir s'embrasser deux personnes. Ici, rien de dérangeant, puisqu'il s'agissait de Babou, néanmoins la brune souleva un lièvre en faisant remarquer qu'elle venait quand même de goûter à un truc potentiellement dégueulasse. « Tant que t'évites de me vomir dans la bouche, je devrais pouvoir gérer » qu'il nota, en riant, avant de saisir sa main pour l'approcher de lui et déposer ses lèvres sur les siennes. Un contact un peu approfondi, qui dura plusieurs secondes, et qu'il finit par rompre en adoptant une moue perplexe. « Eh, c'est de la ricotta que j'ai mis dans mon börek, pas du camembert ! Alors soit je suis encore plus à l'ouest que je le pensais, soit ... » Et il haussa les épaules, un peu penaud, l'air de sous-entendre de vilains trucs, toutefois sans une once de sérieux. Non, il voulait juste la taquiner. Rien à signaler question haleine, elle était au top.