BABOU

Je suis probablement malade, il faut qu’on prenne ma température, et vite. J’ai passé pratiquement la matinée à la salle de sport. Pourtant, j’ai pas fait d’excès ces derniers jours. J’ai mangé normalement, j’ai pas grignoté comme une folle, j’ai résisté à la tentation. J’ai pas non plus pris quinze kilos depuis que je suis ici, ça doit tourner autour des cinq et moins, donc rien de grave, je suis pas encore obèse. Et j’ai même pas besoin de me défouler. Personne ne m’a tapé sur le système dernièrement, et j’ai pas besoin de taper sur un punching-ball jusqu’à ce que mes poings deviennent douloureux. Non, je crois que j’avais juste … envie de faire du sport. Ouais, je suis malade, sans aucun doute. Pour que j’aie envie de faire du sport, je suis tombée bien bas. Remarque, ça peut pas me faire de mal de toute manière, ça vide l’esprit, ça aide le corps, blablabla. Enfin bref, du coup j’ai alterné la musculation, avec la cardio, et les bouteilles d’eau qui se sont entassées. Résultat des courses : je commence sérieusement à avoir besoin d’aller aux toilettes. Avant même de passer par la douche. Bon, je pense pas non plus laisser une odeur à six mètres derrière moi, et puis que celui qui n’a jamais transpiré en faisant du sport me jette la première pierre. Quoi qu’il en soit, je me rends aux toilettes pour vider ma vessie, mais je décide bien vite de faire demi-tour, parce qu’à peine entrée dans la  pièce, que j’ai un haut le cœur. Bordel, il y en a un qui est bien pourri de l’intérieur, faut qu’il consulte, je sais pas qui c'est, mais c’est absolument atroce. Du coup, je vais m’asseoir dans le couloir, en attendant que l’odeur veuille bien disparaître. Je veux pas revenir plus tard, parce que la production a eu l’idée du siècle en ne mettant qu’une cabine à disposition, et je vois le truc venir, quand je reviendrais ce sera occupé, et ce sera peut-être quelqu’un qui se fait plaisir, et là je pourrais attendre un moment. Je tape du pied dans le couloir, espérant que le temps passe rapidement parce que même si je suis une grande fille et que je peux me retenir, c’est pas forcément agréable. Heureusement, j’ai de la distraction qui s’arrive en la personne de Babou. « Je te conseille pas. » Que je lui lance, alors qu’elle s’approche de la porte. « Tu vois l’Apocalypse ? Bah c’est ça, en cent fois pire. » J’espère qu’elle a compris, mais au pire elle ouvrira la porte et elle va comprendre. Finalement je tapote le sol à mes côtés. « Alors Babou, j’ai tout mon temps. Parle-moi de toi, en cinq semaines je connais que ton prénom, c’est grave quand même. » Et puis là, on a tout notre temps. Du moins, jusqu’à ce que ma vessie explose.

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Non mais franchement, j’en ai vu des trucs dégueulasses dans ma vie, j’en ai senti aussi, mais là faut pas déconner, c’est la troisième guerre mondiale. Je pense que la personne devait être malade, et si c’est pas le cas, faut qu’elle pense à consulter un médecin, parce qu’il se tape de la moisissure dans l’estomac, il y a pas d’autres solutions. Du coup, j’attends sagement, parce que je pense bien que ça va disparaitre au bout d’un moment, et puis j’ai rien d’autre à faire, alors rester assise dans le couloir pendant une heure s’il le faut, ça me dérange pas. Et j’ai pas non plus envie qu’on me pique ma place, parce qu’après j’aurais encore plus besoin de faire pipi, et ce sera beaucoup plus chiant pour se retenir que maintenant. Je vois Babou qui arrive et je l’avertis, je suis gentille. J’aurais pu la laisser passer la tête dans la pièce, je me serais sûrement marrée vu sa tête, mais je souhaite même pas ça à mon pire ennemi. Concernant le déodorisant, j’avoue ne pas savoir si le guerrier d’avant à au moins pris le temps de sprayer la pièce. Mais dans le cas contraire, je vais pas retourner à l’intérieur pour vérifier et pour sprayer, je tiens bien trop à ma vie pour ça. J’espère quand même que la malpropre a eu un peu de jugeote et l’a fait. « Non mais là faut construire une nouvelle pièce avec des toilettes, je vois pas d’autres solutions. » Que je dis. Quant au fautif ? « Aucune idée, j’ai croisé personne en arrivant. Mais faut qu’on demande à Cupidon, histoire de traîner ce malpropre sur la place publique. » Bon, d’accord, j’exagère un peu, mais au moins l’avertir de passer durant la nuit si besoin, quand il sait qu’il ne risque de tuer personne, voyez. Pas aux heures de pointes, c’est clairement pas recommandé. N’empêche, je suis sûre que c’est le coup de quelqu’un qui n’en a rien à foutre des autres, comme genre Silas. J’accuse pas, je donne le genre. Je lui propose de me parler d’elle, parce qu’au final, je connais rien si ce n’est son prénom. On a pratiquement jamais discuté, je pourrais même pas reconnaître sa voix je pense. Et après plus d’un mois de colocation, c’est quand même grave de pas se connaître ne serait-ce qu’un tout petit peu. Je suis curieuse, et puis ça m’aidera à faire passer le temps, et surtout, à oublier mon envie de faire pipi. C’est tout bénéf’, donc. Toutes mes convictions s’effondrent quand je découvre que Babou n’est qu’un surnom. J’aurais dû m’en douter, ceci dit, mais quand même, le peu que j’étais sûre de connaître d’elle, s’avère être faux. « C’est joli Elizabeth. » Que je dis. Elizabeth, c’est le prénom de ma mère, et même si j’ai plus de contacts avec elle, j’ai une affection particulière pour ce prénom. Ceci dit, je continuerais certainement de l’appeler Babou, et puis comme c’est ainsi que tout le monde l’appelle, je ne vois pas pourquoi je ferais une exception. Elle évoque son métier ensuite. « Ça a l’air super intéressant. » Et c’est pas hyper commun, je connais personne qui exerce ce métier. « En fait, tu pousses un peu les gens à la consommation ? » Que je lui demande. C’est pas un critique, mais vraiment une question. Ça doit aider pas mal d’avoir un super rayon bien présenté pour que les clients sortent le porte-monnaie, non ? « Tu ne te trompes pas. » Contrairement à elle, ce n’est pas un surnom. On pourrait m’appeler Roro, mais je trouve assez immonde, au moins, Babou ça reste joli comme diminutif. Ça sonne déjà mieux aux oreilles. « Je suis graphiste. » Et je dois dire que mon boulot commence sérieusement à me manquer. Faut que je me recycle ici, en proposant mes talents pour créer des affiches de soutien aux nominés, ça m’aidera à pas perdre la main. « Tu viens d’où ? » Elizabeth c’est un prénom courant, donc elle peut être de partout. Et puis, même si j’ai l’impression de déceler un accent, je me fie plus à ceux-ci, à vrai dire.

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