Moi qui m'était couché relativement tôt ce soir -dans les environs de vingt-trois heures- il fallait que l'insomnie me guette. Être sage ne me va définitivement pas au teint, faut croire. Je sais pas trop quoi faire au début, en pensant que rester dans mon lit va m'aider à trouver le sommeil. Le pire, c'était que juste avant de me coucher, j'étais exténué, je ne tenais plus debout, j'avais les yeux qui se fermaient seul... bref, la totale. Et c'est en m'allongeant que tout a disparu. Après de longues heures à tenter en vain de dormir, je me lève du lit définitivement pour prendre l'air. Vêtu d'un simple boxer, je prends même pas la peine d'enfiler quoique ce soit. Pas l'envie, pas la motivation de chercher quelque chose dans le dressing... J'ai juste envie de sortir m'aérer l'esprit. Alors je marche jusqu'au balcon, et par miracle, un paquet de clopes traine sur la table. Béni soit son propriétaire tête en l'air. Il n'en reste plus qu'une en plus, ça tombe bien n'est-ce pas ? Et le must, il a aussi oublié son briquet. Je me pose sur le fauteuil, position tailleur, face au jardin que je détaille à peine à la lumière de la lune et savoure la nicotine. Je sais pas si c'est la cigarette ou l'air frais qui m'apaise, mais après avoir terminé de fumer, je reste un peu dehors et finit par somnoler quoi... un quart d'heure avant que quelqu'un arrive. C'est pas pour autant que je sors de ma léthargie, mais d'un faible coup d'oeil, je reconnais Sacha. « Tu tombes bien toi... Viens me réchauffer... » Et me servir de coussins, par la même occasion. Le fauteuil est assez grand pour nous deux, mais faudra se serrer.

Il est deux heures du matin et je ne dors pas. Il y a pas vraiment de raison à ça. Ou si. Je pense trop. Et ça me gave. Si bien que je décide à un moment de quitter mon lit pour sortir m’aérer. C’est tout naturellement que je me retrouve sur le balcon. A mon grand étonnement, je ne suis pas seul. Aaron semble sommeiller sur un large fauteuil. Il me repère rapidement et me demande de le réchauffer. « Pas de souci. C’est pour ça que je suis là d’ailleurs. » Je lui lance un regard taquin et je m’approche de lui sans le quitter du regard. Puis finalement, alors qu’il pensait que j’allais m’asseoir, je pose mon sac par terre devant ses yeux et je m’empare d’une bouteille que je positionne dans ma bouche. Je garde le liquide entre mes joues, mes doigts attrapent ma petite torche et mon feu. J’allume le tout, je fais un petit tour de passe-passe devant le candidat histoire de l’impressionner. Puis je me tourne d’un quart, je vacille ma tête vers le ciel et je souffle fort sur la torche. Me voilà crachant du feu. Voilà. Je pense que ça l’a réchauffé tout ça pour le coup. Je m’appuie contre la barrière, crache mon liquide d’une traite discrètement puis je me retourne vers mon interlocuteur. « Satisfait ? Je crois que la température est plus élevée, non ? » Je suis sûr qu’il n’a plus froid maintenant. Bref, je m’accroupie devant lui, m’empare de ma bouteille d’eau cette fois, et la bois d’un coup histoire d’enlever le mauvais goût qui siège dans ma bouche. Mais je tire aussitôt une sale tronche. Genre je fronce les sourcils et mâche comme si j’avais un chewing-gum sur la langue. « Fuck. Je crois que c’était pas de l’eau. » Non, j’en suis même sûr. C’est de l’alcool. Un truc fort en plus que j’ai ramené. « Oh non, c’est ce que j’ai acheté au Duty Free à l’aéroport de Dubaï ! » Quand mon avion pour l’Australie a fait une escale, j’en ai profité pour faire quelques achats et cet alcool m’avait fort intrigué. J’avais donc ramené clandestinement ce bien en le gardant dans mon sac professionnel où je range tous mes accessoires d’artiste. Evidemment, j’avais pris soin de verser le liquide dans une grande bouteille d’eau. Facile à confondre donc. « C’est fort. » Que je confesse alors. J’avais pas eu l’occasion de goûter encore mais je ne suis pas déçu.

Je suis tellement dans les vapes que ma demande est tout ce qu'il y a de plus innocent, sans aucune provocation pour une fois. « Pas de souci. C’est pour ça que je suis là d’ailleurs. »  J'esquisse un sourire, premièrement parce que j'ai trouvé un coussin bien chaud, et deuxièmement parce que je perds quelques peu mon innocence en retrouvant une pointe de perversité. En tout cas, je suis content d'avoir trouvé mon coussin, et mes yeux se clos en attendant qu'ils s'installent prés de moi, parce que c'est bien ce que je comprends, lorsqu'il parle. Mais j'entends des bruits, une bouteille qui tape le sol, des froissements de sacs et je le trouve bien long pour venir s'installer alors j'ouvre doucement les yeux et je vois ce qu'il prépare. Je souris automatiquement, parce que je sais très bien ce qu'il va faire -enfin, je sais qu'il va faire un numéro tout du moins- et je suis comme un grand enfant, attendant avec impatience qu'il s'exécute. La flamme qui jaillit me brûle quelque peu les rétines, qui s'étaient habitués à l'obscurité mais je n'en reste pas moins émerveillé par le beau spectacle qu'il m'accorde. « Satisfait ? Je crois que la température est plus élevée, non ? »Hm, oui, c'est vrai que la température est montée. « Satisfait pour la température, mais j'ai encore besoin d'un coussin... » Je dis, légèrement capricieux mais pas désagréable pour autant. En fait, qu'on soit clair, je veux pas qu'il aille me chercher un coussin ou quoique ce soit d'autre, je m'en tape d'avoir un coussin, c'est pas ça que je veux vraiment, c'est juste lui. Je l'observe, il fait une grimace lorsqu'il boit de l'eau. « Un problème ? » Je demande, en me relevant un peu, prêt à l'action en cas de besoin. Je sais pas, peut-être qu'il a confondu de l'eau avec un de ces liquides toxiques. J'en sais rien, je m'y connais pas, c'est possible ? Peut-être que ma question est idiote, parce que s'il avait vraiment bu un liquide qu'il utilise pour faire des flammes, il serait déjà mort, j'en sais rien. « Oh non, c’est ce que j’ai acheté au Duty Free à l’aéroport de Dubaï ! » Bon, je suppose que ce n'est rien de dangereux s'il l'a acheté dans un aéroport, alors je suis un peu rassuré on va dire, mais je sais toujours pas ce qu'il a bu.  « C’est fort. » Ah, de l'alcool donc. « Hm, qu'est-ce que c'est ? Je peux goûter ? » Je pense que je pourrais le surmonter, j'ai pu me préparer mentalement à ce que cela soit fort. Puis, je suis pas frileux dans ce domaine là.

A mon avis, Aaron ne s’attendait pas à ça. C’est même sûr, il pensait que j’allais venir à ses côtés et me serrer contre lui pour le réchauffer. Mais non. C’est mal me connaître. Je ne donne jamais tout, tout de suite. Je préfère faire languir mon interlocuteur et jouer les résistants. Lou pourrait en témoigner. Du moins, jusqu’à un certain point. Une limite. Pour l’instant, je suis loin de l’avoir franchie. Je ne compte même pas cédé à la deuxième demande du candidat ici présent. Pas comme il l’entend du moins. J’ai envie de le faire mariner. Ça m’amuse tout autant que le numéro que je viens de lui faire. Là, encore, je regorge de créativité pour répondre à sa demande en la contournant. Je vais lui donner le coussin de la chaise. « Tiens. » Un petit mot presque avalé. J’ai honte de ma connerie mais en même temps le garçon me tend des perches à longueur de journée. Enfin… de nuit. Bref, je me comprends. En tous les cas, j’affiche une mine enfantine, près à ce qu’il me fasse les gros yeux. Puis, je me décide à boire pour changer le goût actuellement dans ma bouche. Sauf que, faute d’attention, je me plante de bouteille et avale un liquide qui n’est autre que de l’alcool. Oh merde. J’ai clairement pas les yeux en face des trous. Je devrais songer à m’acheter des lunettes. Ou du moins un cerveau. Comment j’ai pu zapper et me planter ? Il faut dire que la couleur était semblable à celle de l’eau minérale. Une sorte d’eau de vie. Mais un truc bien fort qui décape les aphtes en trois secondes. Je suis pas du genre à douiller généralement avec l’alcool mais pour le coup, qu’est-ce que c’est fort ! Aaron veut gouter. « T’es sûr de ça ? » Je le regarde avec un sourire malicieux car je sais pertinemment dans le fond qu’il va vouloir goûter et qu’il surement le regretter. « Fais-moi confiance et ferme les yeux. » Je me lève aussitôt avec ma bouteille, puis m’approche fortement du jeune homme en m’appuyant avec fermeté avec ma main contre le fauteuil pour ne pas lui tomber dessus. « Il est toujours temps de te rétracter. » Je préfère le prévenir, quand même. C’est le moins que je puisse faire.

Je pousse un râle plaintif lorsqu'il me donne un coussin, non mais il le fait exprès en fait, c'est ça ? Oui, il le fait exprès... Je le vois bien à son petit air.  « Mais... » Je m'arrête, parce que ça lui ferait trop plaisir que je lui dise explicitement que c'est lui que je veux comme coussin. Alors je ne finis pas ma phrase, quitte à passer pour un imbécile. Mais tans pis, je peux attendre, on est pas pressé. Alors je serre le coussin, cale ma tête dessus pour ouvrir mes yeux. De là, je le vois boire dans une bouteille, qui s'avère être de l'alcool, très fort apparemment mais j'ai bien envie d'y gouter à mon tour. D'ailleurs, je n'ai pas pensé à boire à cause de mon insomnie, ce qui, je suppose, est plutôt un bon signe finalement. « T’es sûr de ça ? » Mais pour qui il me prend ? Bien sur que je suis sur ! Je lève le regard vers lui, la moue assurée, en hochant doucement la tête. « Fais-moi confiance et ferme les yeux. » Hm, ça me semble tout de suite mieux. Je souris, et m'exécute donc pour fermer les yeux. J'ai aucune raison de ne pas lui faire confiance, si ?  « Il est toujours temps de te rétracter. » Au son de sa voix, il s'est rapproché, il est même très proche. Je me mordille la lèvre inférieur, sourit et bouge la tête à la négative.  « Pas besoin... » Il a réussis à provoquer un certain suspens pour un alcool quand même, c'est fort. Il a rendu la situation plus exaltante. J'entrouvre les lèvres, mes mains venant tout de même chercher son corps pour le situer et venir se caler sur ses hanches. « Et te fous pas de moi... » Je chuchote, parce qu'il peut toujours me jouer un tour.

D’accord je suis barbu, j’ai un look un peu montagnard tel un bucheron hipster mais ça signifie pas pour autant que je suis un gros nounours. Non. Je ne suis pas plus confortable qu’un autre. Si j’avais de la graisse à revendre, je me proposerai souvent de servir de coussin mais c’est pas le cas. J’ai des os, des muscles et des tatouages, pas grand-chose d’autre. Aaron devra faire avec un vrai coussin. Et toc ! Mais à force de jouer au plus malin avec lui, je me ridicule moi-même en buvant une sorte d’eau de vie arabe accidentellement. Et mince. Surtout que de base, je l’avais acheté pour un ami. Je suis pas particulièrement fan de ce genre d’alcool. Mais maintenant que je l’ai entamé, je peux plus faire marcher arrière. Tant pis si je la fini. Enfin… vu le fort degré de la bouteille, ça ne risque pas. D’ailleurs, je vais faire goûter ça au candidat puisqu’il le souhaite. Je le mets quand même en garde à plusieurs reprises. Il semble confiant et m’écoute en fermant ses yeux. Je me rapproche de lui, ma main se saisi en douceur de son menton et je pose la bouteille au creux de ses lèvres. Je fais pivoter sa tête en douceur pour que l’alcool coule dans sa bouche. « N’avales pas ça tout de suite. » Mon intonation est devenu douce. J’ai envie qu’il se sente en confiance avec moi. Après tout, il s’est prêté au jeu en fermant les yeux donc c’est un premier signe. Non, je ne me fouterai pas de lui comme il le pense. « Comptes jusqu’à trente et bois. » Je rajoute alors tout en gardant le contact de mes doigts avec son visage. Quelques secondes défilent et à la moitié du temps je décide de reprendre la parole. « Tu vas voir, tu ne sentiras plus tes lèvres. Tu auras l’impression de t’être fait anesthésier. » Ah les effets de l’eau de vie ! C’est trop drôle ! Je connais ça car c’était la méthode que mon père m’a donné pour soigner mes aphtes et franchement, c’était radical. Bref, j’attends que le candidat avale son liquide à trente. J’ai prévu un petit quelque chose. D’ailleurs, après que ma main ait déposé la bouteille fermée sur ses jambes, celle-ci vient rejoindre l’autre pour cacher les yeux du candidat. Je ne souhaite pas qu’il triche. Ma surprise ne sera pas drôle sinon.

Je suis complètement assidu, j'écoute Sacha qui a le pouvoir sur moi pour le coup puisque j'ai les yeux fermé et que je n'ai aucune garanti qu'il fasse ce qui était convenu. Il me manipule à sa guise, portant le bout de la bouteille pour que mes lèvres s'ouvrent tandis qu'il saisit mon menton pour le soulever. Je ne suis pas aussi docile d'habitude, ça change mais c'est pas désagréable non plus. « N’avales pas ça tout de suite. » Je fronce un peu les sourcils, mais je l'écoute une fois de plus et laisse l'alcool faire sa demeure dans ma bouche. « Comptes jusqu’à trente et bois. » J'ai vraiment envie d'ouvrir les yeux, mais je lutte contre ma curiosité, parce que j'ai vraiment envie de jouer le jeu. Je compte donc dans ma tête jusqu'à trente, même si je ne comprends pas pourquoi je dois faire ça. « Tu vas voir, tu ne sentiras plus tes lèvres. Tu auras l’impression de t’être fait anesthésier. » Oh, d'accord. Vingt-huit, vingt-neuf, trente... Je bois enfin la gorgée dans ma bouche, et grimace doucement. « Ah oui quand même ! » Putain, je pensais pas que ça allait être aussi fort, j'avoue. J'allais ouvrir les yeux lorsque Sacha m'en dissuade en me cachant la vue avec sa main. Ah, toujours pas ? Bien, je ne cherche pas à forcer, et je garde mes yeux bien clos. « C'est vrai.. je sens plus grand chose... » voir plus rien en fait. Je dis ça en touchant du bout des doigts mes lèvres quelques secondes avant de la laisser tomber sur ma cuisse. C'est marrant. En tout cas, je ne suis pas du tout inquiet. Je sais très bien que les effets ne vont pas tarder à se dissiper.  « Et... maintenant ? » Parce qu'il y a bien une raison pour qu'il me cache encore la vue, et j'ai hâte de la découvrir.

Je ne sais pas si c’est la fatigue ou si c’est la folie mais ce soir ou plutôt cette nuit, je suis d’humeur joueuse et Aaron pourra en contester. Le voilà à nouveau pris au piège dans une de mes manigances. Pas un truc bien méchant. Je lui réserve juste une petite surprise une fois qu’il aura avalé l’alcool. Et ça y est. Il tire une drôle de tête et ça me fait rire. Alors qu’il entrouvre ses yeux, je les lui ferme aussitôt avec mes mains. Il témoigne alors qu’il a perdu la sensation de ses lèvres. Bien. Tant mieux. C’était le but. Et maintenant ? « Et maintenant tu ne sentiras rien. » Je lui laisse même pas le temps de réfléchir ou de réagir puisque ma bouche se pose contre la sienne pour lui offrir un doux baiser de quelques secondes. Je me retire ensuite tout en enlevant mes mains de ses yeux. « Désolé. C’était trop tentant. » Je suis joueur après tout et j’espère qu’il le sera aussi. Ce n’est qu’un baiser de toute façon. J’aurai pu faire ça avec limite n’importe qui ici. « Comment ça, il n’y avait pas la musique de Cupidon ? » Je décide même d’ironiser la chose en utilisant un humour à deux francs cinquante. En même temps, c’est vrai quoi ? Il fou quoi le chérubin cette année ? Pas une seule fois j’ai entendu sa foutue musique où on doit s’embrasser. Je l’attendais au tournant moi ce truc. C’est limite pour ça que je me suis inscrit. Choper le plus de personne possible. Hm. Et sinon, en vrai, c’était pas si désagréable que ça cet échange avec Aaron.

Je suis comme un enfant le jour de noël, aussi candide et impatient de découvrir sa surprise. Et quelle surprise... puisque même si je ne peux plus sentir aucune sensation sur mes lèvres anesthésiées, je devine malgré tout qu'il a déposé ses lèvres contre les miennes, mais je suis bien incapable d'éprouver le moindre plaisir. Alors qu'il me redonne la vue, je plonge mes yeux dans la première chose que je vois : ses yeux. Puis je remarque aussi son petit air fier de lui, à la fois joueur, taquin. « Désolé. C’était trop tentant. » Quant à moi, j'ai un air boudeur. Oui je boude, enfin j'essaie. « Tu peux pas savoir à quel point c'est frustrant... » Voila pourquoi je boude, parce que je n'ai même pas pu profiter de ses lèvres et j'aurais bien aimé moi, gouter à ses lèvres, que ce soit un échange et non à sens unique. Il tente d'utiliser son humour sur moi, mais ça ne marche pas. Je suis bien décidé à garder cette moue boudeuse. Je touche mes lèvres du bout des doigts, sentant les effets se dissiper assez rapidement puis j'attrape Sacha par les hanches, l'obligeant à venir se caler sur mes genoux. Je suis bien décidé à profiter pleinement d'un baiser à mon tour, y a pas de raison qu'il soit le seul. « Juste... un petit peu... » Je souffle, alors que je me redresse doucement pour pouvoir atteindre son visage. Mes lèvres s'entrouvrent pour capturer les siennes, échangeant un baiser, doux, lent, sensuel. « Pour bien dormir cette nuit... » J'articule, quittant ses lèvres quelques secondes, pour les capturer une nouvelle fois. J'ai eu mon avant-gout, et j'en suis déjà accro. Je me détache de ses lèvres à regret. C'est tout ce que je veux ce soir, juste un peu de tendresse. « Je vais pas dire que je suis désolé... » parce que je regrette absolument pas mon geste. J'ai même adoré. Je siffle avec un sourire malin. Ça marche plutôt bien cette technique, parce que je sens que je pourrais dormir comme un bébé maintenant.