Les habitants étaient partis un à un, laissant cette immense demeure à notre entière disposition. C'était étrange, apaisant, mais étrange de la voir aussi vide alors qu'il y avait à peine trois mois, elle grouillait de candidats. Nous n'étions plus que quatre, quatre à attendre patiemment le verdict, quatre à évoluer entre ces murs pour cette dernière semaine. Ce soir nous avions d'un commun accord de profiter de cette nuit pour nous reposer, de toute évidence le temps de fêter ce semi victoire n'allait pas nous manquer. J'étais montée à l'étage en compagnie d'Héléna, papotant allégrement alors que nous nous préparions à aller au lit. Je la regardais rejoindre sa chambre, son lit, qu'elle avait longtemps partagé avec Leone. Quant à moi, je rejoignais le lit que je partageais avec Franz depuis quelques temps. Ce n'était ni ma chambre ni la sienne pourtant, c'est ici que nous nous étions créé notre nid. Je me doutais pourtant bien qu'il n'allait pas me rejoindre, nous avions beau avoir fait une trêve lors de l'annonce des résultats, la situation était toujours tendue. Je ne savais trop comment réagir, sa réaction, son attitude face à ce secret qui était devenu un poids, je l'avais imaginé à plusieurs reprises, pourtant la réalité était tout autre. Imperceptible et particulièrement déroutante si bien que je ne savais pas tellement où me situer. Allongée sur le côté face à la porte, je ne manquais pas l'entrée de Franz dans la chambre, nous nous regardions longuement sans que aucun de nous n'ouvre la bouche. L'anxiété pouvait se lire sur mon visage, tandis que je le suivais du regard s'installant dans un lit à l'opposé duquel je me trouvais. Je soupirais doucement, me tournant ainsi de l'autre côté. Il avait besoin de temps, mon tempérament d'impatiente n'allait guère de pair avec ce genre de situation pourtant je ne bougeais pas lui laissait la distance qui lui était nécessaire. Il était tôt lorsque je m'étais couchée terrassée par la fatigue pourtant seule dans ce lit bien trop grand pour une seule personne je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Déjà habituée à la présence de Franz à mes côtés, telle une addiction, une agréable addiction dont je ne souhaitais pas me défaire, mais à laquelle je devais pourtant m'y résoudre. La chambre était étrangement silencieuse, je fermais les yeux enfonçant profondément ma tête dans mon oreiller. J'avais les clos depuis plusieurs minutes, heures peut être, pourtant je ne dormais toujours pas. La nuit allait indubitablement être longue ...

Je somnolais depuis un moment, ne parvenant pas réellement à trouver le sommeil. Bien trop absorbée par mes angoisses, mon secret pesait tellement fort dans la balance, déjà que le doute quant à la survie de notre couple était bien présent. J'étais anxieuse, les choses étaient pourtant tellement claires dans ma tête, mais la réaction de Franz ne laissait rien présager de bon. Pourtant je m'y attendais, je m'y étais toujours attendue, je savais que dès lors que celui ci serait révélé, les choses se compliqueraient davantage entre nous. Je ne pouvais pas lui en vouloir de prendre un peu de temps pour se faire à l'idée, ou peut être réfléchir à tout ça. J'espérais néanmoins qu'il me permette d'aborder le sujet avec lui sans se refermer entièrement, c'était nécessaire selon moi. Sombrant légèrement dans un semblant de sommeil, je sentis néanmoins le lit bouger sans réellement y prêter attention, ce fut le baiser que je reçue sur mon front qui me fit ouvrir les yeux sur Franz qui je distinguais à peine. Pendant quelques secondes je me demandais si je n'avais pas tout simplement rêvé le scène. Je l'observais silencieuse, me demandant ce qu'il était venu faire au beau milieu de la nuit. Un sourire se dessinait sur mes lèvres alors qu'il me demandait l'autorisation de dormir à mes côtés, sourire qu'il ne devait d'ailleurs pas voir à cause de la pénombre. « Oui bien sûr, viens. » soufflais-je doucement alors que je me dégageais de la couette que j'ouvrais, lui laissant la place nécessaire pour s'installer. Comment pourrais-je refuser alors que j'avais attendu ce moment depuis que nous étions couchés.

Soulagé qu'elle ouvre aussitôt l'épaisse couette sous laquelle elle était couchée, je ne perdis pas mon temps à peser le pour ou le contre, engouffrant aussitôt mes jambes nues sous celle-ci avant de me couvrir jusqu'au ventre, me tournant sur le côté pour la fixer un instant. Je ne pouvais que deviner son visage à travers le noir, mais je distinguais sur ses lèvres un léger sourire. Je me sentais bête, tellement bête d'agir ainsi. J'avais envie de lui dire quelque chose, n'importe quoi, pour justifier ma présence ici, ou mon comportement de la soirée. Je savais que dés demain j'allais me montrer de nouveau distant, mais je ne trouvais pourtant pas les mots, ou la force du moins, d'ajouter quoique ce soit. Me mordant la lèvre un instant, hésitant, je m'approchai finalement de l'Irlandaise avant de venir déposer ma tête contre sa poitrine, mes bras délicatement enroulés autour de sa fine taille. Bercé par les battements de son cœur, je me sentais un peu rassuré de voir qu'elle ne me repoussait pas, ce pourquoi je me permis de fermer les yeux. J'avais besoin de ces gestes d'affections, je ne pourrai trouver le sommeil cette nuit si je ne me sentais pas un minimum protégé de ce qui planait au dessus de nos têtes. J'en oubliais ainsi les questions, les dilemmes, tous ces choix qui m'empêchaient de fermer l'œil, soupirant simplement.

Je suis désolé... Je.. je pense que j'ai besoin de temps pour me faire à cette idée.. pour y réfléchir. Je suis désolé de te faire du mal. C'est juste que...

Choisir convenablement ses mots pour ne pas la blesser, l'inquiéter, c'était une tâche peu aisée et je sentais déjà les battements de son cœur marteler plus intensément encore son sein gauche.

C'est à mes yeux trop difficile à concevoir..

Je l'observais s'engouffrer sous la couette en silence, ne sachant pas quoi dire je restais silencieuse, gardant ce fin sourire collé sur mes lèvres. Non pas que ce geste signifiait que tout rentrait dans l'ordre, j'étais simplement ravie de cette "trêve" de passer cette nuit en sa compagnie. Nous nous regardions quelques secondes sans oser bouger, j'avais envie de me serrer contre lui, seulement je le laissais prendre la décision, ne le brusquant pas. Mon annonce lors du prime avait été déjà assez assommante sans en rajouter d'avantage. Il s'approcha néanmoins de moi, entourant ses bras de ma taille et déposait sa tête contre ma poitrine battante. Je passais mes mains dans ses cheveux, sa nuque que je caressais tendrement, pour le rassurer en quelque sorte, me rassurer. Cette proximité m'était essentielle, elle était salvatrice puisque en un sens, s'il était là ce soir peut être que tout n'était pas perdu. Ses excuses firent bondir mon cœur, j'étais particulièrement touchée. « Non, je t'en fais pas. Je comprends, prends le temps qu'il te faut, je peux attendre, c'est de ma faute à moi, je ... ne t'en fais pas. » soufflais-je doucement, il me faisait de la peine de se sentir coupable alors que finalement j'étais la seule fautive d'être ce que j'étais. « Non, mais ... je sais que ça n'effacera pas ce que j'ai fait, mais, ça fait parti de mon passé à présent ... » Ce n'était clairement pas le moment de me justifier, seulement, je voulais clarifier la situation, dès lors que je m'étais rendu compte de l'ampleur que prenait ma relation avec Franz, j'avais prit la décision de tirer un trait sur cette partie de ma vie. Il était temps de tourner la page, j'étais sûre de moi, maintenant encore alors que j'ignorais si notre couple allait perdurer au delà de ses murs.

Ma main vint se loger sous son t-shirt, allant et venant sur sa hanche, effleurant sa peau délicatement. Elle me certifia que cette profession faisait désormais partie de son passé, que je n'avais pas à m'en faire pour tout cela. Qu'elle le dise ou non, cela ne changeait pas vraiment à mes yeux, je me faisais toujours autant de soucis à notre sujet, j'avais besoin de mettre certaines choses au clair. Savoir que certains hommes aient pu payer ses services.. Ce n'était pas d'elle que j'étais dégouté, mais plutôt d'eux, et je n'arrivais pas à m'enlever de l'esprit ce qu'elle avait bien pu éventuellement leur faire. Qu'elle le jure ou non, je n'arrivais pas à m'ôter cette idée de la tête, et ces pensées récurrentes étaient plus perturbantes que je l'aurais voulu. Je levai ainsi légèrement mes yeux vers les siens, me glissant à sa hauteur, mon visage tellement prêt du sien que je sentais son souffle chaud s'écraser sur mes lèvres. N'osant m'accrocher à son regard, je me contentai de garder les yeux baissés vers sa bouche, son menton, prenant une légère inspiration avant de tout "déballer".

J'aimerai que tu m'en parles.. Comment as-tu pu te décider un jour à devenir escort-girl? Depuis combien de temps? Je me mordis la lèvre, je ne voulais pas la gêner mais j'avais besoin de savoir, de comprendre. Est-ce que tu as déjà... couché avec l'un de tes clients?

Je frissonnais légèrement lorsque je sentis sa main aller et venir sur ma peau nue. J'avais tenté de le rassurer comme je le pouvais mais j'étais forcée de constater que ça n'avait pet être fait qu'empirer. Ou du moins sûrement pas apaisé les choses, il ne tardait pas à se redresser si bien que je ne pus qu'ôter mes mains de sa nuque sous la surprise. Mon coeur battait la chamade alors qu'il me posait la question que je redoutais tant, mais qui était pourtant essentielle. J'inspirais profondément, comme pour me donner une dose suffisante de courage. Je ne cessais de le fixer bien que ses yeux se perdaient sur le bas de mon visage, je laissais glisser mes doigts sur son avant bras d'avant en arrière délicatement. « C'est délicat, je débarquais à Dublin avec mon bébé sous le bras, je venais d'obtenir une bourse pour l'université, et j'ai retrouvé une connaissance de l'époque du lycée, elle était escort dans une agence. Elle connaissait donc clairement ma situation, elle savait que je cherchais un emploi me permettant d'allier études et ma vie de maman. J'ai immédiatement refusé, refusant de me bafouer en couchant avec de vieux pervers dégoûtant. Puis finalement elle m'a certifié que j'avais la possibilité d'imposer des limites, j'ai rencontré la gérante de l'agence, et j'ai finalement cédé ... Il y a six ans ... » Instantanément, je baissais les yeux, sa deuxième question, était déjà beaucoup plus délicate. « Non jamais, j'ai toujours su faire la part des choses, j'ai aucun problème avec le sexe, tu le sais, je suis même assez désinhibé, mais je ne peux pas concevoir de faire l'amour avec une personne qui ne m'attire pas, que je ne désir pas. C'est sûrement mon ego, ce qui me permet de ne pas me détester, de garder un semblant de dignité je pense. » Je n'avais jamais parlé aussi ouvertement de mon ressenti à propos de ma profession de cette manière, je m'étais réellement confié à lui, complétement ouverte, et j'espérais que ça apaise ses craintes un minimum. J'osais un regard timide en sa direction essayant de capter ne serait-ce qu'une expression, un regard ce à qui me raccrocher.

Je me doutais que c'était une lourde épreuve pour elle que de devoir se confier aussi ouvertement sur ce qu'elle s'évertuait à cacher, à moi comme aux autres je le supposais. Ce n'est pas tant qu'elle ne pouvait en être fière, mais son statut de mère aux yeux de la société avait dû mainte fois la condamner d'en avoir trop parlé. Je culpabilisais au fond de la faire avouer ainsi, mais j'avais besoin de savoir, égoïstement. C'est pourquoi, sa main sur mon avant-bras me procurant d'agréables frissons, mes yeux restèrent scotchés à ses lèvres alors qu'elle s'ouvrait un peu plus à moi. J'avais l'impression de la redécouvrir, ou du moins de découvrir une Sydney plus humaine encore, fragile et touchante que celle que je connaissais auparavant. J'avais face à moi, plus qu'une femme diablement séduisante, libérée et attachante, une toute autre personne. Elle était la mère meurtrie, fragile et pourtant si courageuse. Je ne pouvais que l'admirer de tout cela, et d'autant plus lorsqu'elle m'annonça qu'elle n'avait jamais eut de relation avec l'un de ses clients. Soulagé, un sourire naquit sur mes lèvres alors que celles-ci vinrent aussitôt se déposer contre sa joue dans un léger baiser, puis sur sa tempe. Je soupirai, la serrant dans mes bras, glissant mon nez dans son cou pour venir caresser ses cheveux de ma paume. Je ne savais ce qui allait advenir de nous, mais je sentais déjà notre relation plus solide encore qu'auparavant.

Je refuse de concevoir que d'autres hommes aient pu te voir comme je t'ai vu un jour. Tu es à moi désormais.

Ma possessivité maladive parlait pour moi, j'en avais déjà fais les frais avec Austin ou Noé sans manifester explicitement ma jalousie. Même si je ne lui disais que trop peu, Sydney comptait beaucoup, énormément à mes yeux.

Je n'avais usé d'aucun artifice, aucune retenue, me livrant complétement à lui. Aussi loin que je me souvienne, je n'avais jamais fait preuve d'autant d'honnêteté à ce sujet envers une personne. Me préservant, préservant la vie de mes proches, les remarques désagréables je savais passer outre, mais je refusais d'imposer mes choix controversés aux autres. Pourtant me confier à Franz de cette manière m'avait en quelque sorte soulagé, retiré un poids que je m'obstinais à converser par fierté. M'ouvrir à lui de cette manière me dévoilait d'avantage, j'étais différente en sa compagnie, je l'avais toujours été même si parfois je m'efforçais de le dissimuler. J'étais tellement plus fragile, souvent en proie aux doutes, mais tellement plus moi au bout du compte, cette autre facette de ma personnalité, la jeune femme jalouse, et aimante, douce, c'était ce que je dissimulais souvent pour me protéger. Sa réaction, son sourire que je distinguais pourtant à peine, ses baisers eurent le don de me rassurer quelque peu. Je me plaisais à croire qu'il y avait peut être un espoir pour quoi finalement, tout ne s'arrête pas brusquement vendredi. Mon coeur battait à tout rompre lorsqu'il me serrait contre lui. Mes bras autour de son cou, je resserrais notre étreinte, afin de le sentir davantage contre moi. Ses paroles significatives m'emplissaient de joies, mes lèvres se fendirent dans un sourire. « J'ai jamais été avec d'autres comme je suis avec toi. Je t'aime Franz, je t'aime et ... C'est avec toi que je veux être, personne d'autre. »