+ Vu l'heure qu'il est, je devrais peut-être rentrer me préparer un petit quelque chose à manger avant que la cuisine ne soit prise d'assaut mais je n'ai pas vraiment la force, ni le courage de lever mes fesses du rebord de la fontaine sur lequel je viens de les poser. Pourtant j'ai un petit creux, je le sens et bientôt je l'entendrais quand mon ventre se mettra à gargouiller. J'ai décidé que ce serait le signal, l'alerte m'indiquant qu'il est grand temps d'avaler un petit quelque chose mais je ne compte pas bouger d'un pouce avant cela. Même quand la nuit tombera avant que j'ai le temps de dire "ouf". J'aime bien les nuits sombres, obscures, c'est facile de s'y cacher. J'aime aussi les nuits étoilées, quand le ciel s'éclaire grâce à ces milliers de petites lumières tout là-haut que j'aime bien regarder, parfois. En revanche, je n'aime pas les nuits froides, c'est bien pour ça qu'au cas où ce serait le genre de nuit qui pourrait pointer le bout de son nez, je porte sa veste. Il me manque, vraiment. Ses yeux, pleins de malice, son nez, je le trouve parfait, ses lèvres, mes préférées parmi les quelques unes que j'ai goûtées pendant l'émission, son rire et sourire, communicatifs, son air un peu bêta, mais tellement mignon. Son visage tout entier, adorable, si adorable visage. Son humour un peu lourd parfois mais qui m'a toujours amusée. Et ses larges épaules, surtout ça, en fait. L'impressionnant sentiment de sécurité, de confort, de simplicité qu'il faisait naître en moi, rien qu'en étant là, quelques part dans le nid à raconter des bêtises pour amuser la galerie. Et quand il est parti, tout est parti avec lui. Je soupire, et je me mets même à l'imaginer en train de s'occuper de ses gosses. Ça doit être drôle à voir. Il doit être génial comme père, quand il est avec eux. Mais je suis sans doute mal placée pour juger. Il vaut mieux que je pense à autre chose, oui, vraiment. Et bénis soit le candidat qui vient de faire son apparition dans mon champs de vision. J'adresse un sourire à Andreja alors qu'il vient dans ma direction. « Alors, avec Tilda, ça se passe comment ? » Bien, pas bien, moyen, j'en sais rien, je me sens pas trop concerné. « Elle embrasse bien ? » Et ouais, je les ai vu au prime, donc maintenant je veux tout savoir. « Mieux que moi ? » S'il dit oui, je le croirais pas. Non mais en fait, peut importe. Si je lui saute presque dessus d'un coup, de façon imagée, c'est surtout que j'ai pas envie qu'il me réponde par un simple sourire, un signe de tête et qu'il se sauve en suivant en prenant ses jambes à son coup, même s'il pourrait très bien le faire, me laissant seule avec mon esprit qui va forcément se diriger vers des contrées que j'ai assez explorées à mon goût et que je préférerais éviter.

Voilà, cette fois-ci le sort en était jeté, comme le voulait l'expression, et si Andreja n'avait de base jamais été quelqu'un de grandement optimiste il devait bien avouer que cette fois-ci plus que d'habitude il voyait le verre à moitié vide. Quatre nominés seulement, et une seule place. Quatre nominés et les deux candidates les plus importantes à ses yeux dans le nid nominées face à lui, alors il était perdant dans toutes les configurations, et il était le premier à s'étonner d'en être aussi amer. Parce qu'il n'était pas vraiment là pour le jeu au fond, tout ça ce n'était qu'une excuse, le théâtre parfait pour allier les deux choses dont il avait le plus besoin à l'époque où Jessica, sans se rendre compte des répercussions que cela pourrait avoir sur lui, lui avait parlé de cette émission. Atteindre un média, et prouver qu'il pouvait être autre chose que ce qu'il était depuis trois ans ; Qu'il pouvait n'être qu'Andreja, qu'il pouvait être quelque de bien. Ou au moins pas quelqu'un d'uniquement mauvais. Mais gagner ? Cela n'avait jamais fait partie de ses plans, aller loin oui, pour marquer les esprits, pour ne pas rester un anonyme ou pas tout de suite, mais jamais par désir de victoire. Et il n'était pas stupide Andreja, il ne se voyait pas plus vainqueur hier qu'aujourd'hui et ces nominations n'y changeaient rien, mais il devait avouer que oui : en fin de compte être éliminé dimanche, aux portes symboliques de la demi-finale, cela le frustrerait. Son esprit de compétition probablement, qui prenait le dessus. Alors il était un peu morose ce soir, et parce qu'il n'avait encore jamais fréquenté le banc des nominés il ne saurait vraiment dire si c'était spécial à cette semaine ou bien si ce sentiment l'aurait frappé pareillement les semaines précédentes. Quittant le salon sans demander son reste et surtout sans oser adresser un mot à Pia et Tilda tant il ne savait plus comme se comporter avec l'une et l'autre lorsque tous les trois se retrouvaient dans la même pièce, le serbe était finalement sorti prendre l'air, et à force de marcher avait rejoint la fontaine où une Jessica pensive l'avait de toute évidence devancé. Esquissant un sourire léger il avait parcouru sans se presser les quelques mètres qui le séparait encore de la fontaine tandis que Jessica, d'humeur visiblement badine, s'était mis en tête de le questionner « Alors, avec Tilda, ça se passe comment ? » Il ne comprenait même pas vraiment à quoi rimait cette question, cela voulait dire quoi au juste, ça se passe comment ? Comme les semaines précédentes à priori, Lou en moins. Mais pas les hormones en moins, en revanche. Pourquoi elle ne posait pas plutôt la question à Tilda, si elle souhaitait savoir comment elle allait ? « Elle embrasse bien ? » D'accord, il comprenait un peu mieux le sens de la question désormais, qui n'était donc pas du tout celui auquel il avait pensé au départ. Faut dire que Tilda n'avait pas eu l'idée la plus discrète qui soit en décidant de se dévoiler en plein prime. « Mieux que moi ? » Allons bon, parce qu'il fallait qu'il compare en plus. Un sourire plus amusé et moins forcé que juste avant se dessinant en tout cas sur ses lèvres il s'était assis sur le rebord de la fontaine et avant reposé les yeux sur Jessica. « Comme une italienne, et toi comme une américaine. Pas comparable. » Quoi ? C'était mieux qu'un simple oui ou non platonique, après tout. Et puis ce n'était pas que des salades, ce n'était pas comparable parce que la situation ne l'était pas, et cela changeait tout. « Tu faire quoi là, toute seule ? Tu vraiment croire que elle réaliser les vœux ? » Et par elle il faisait référence à la fontaine, bien évidemment. Faisant glisser ses doigts à la surface de l'eau il en avait observé le fond un instant, et les pièces qui y brillaient comme tant de vœux dépensés mais sans doute pas autant d'exaucés. Andreja n'y croyait pas trop lui, et pourtant il y avait tout un tas de choses en lesquelles il croyait, mais il doutait que cette fontaine n'ait un quelconque pouvoir outre celui de faire joli dans le paysage. « Je être sérieux, au prime. » avait-il finalement repris, changeant totalement de sujet. Il ne pensait pas utile de préciser à quoi il faisait référence, leur échange lors du prime avait été assez bref somme toute, mais jusque là il n'était pas certain qu'elle se soit rendue compte qu'il avait vraiment appris à l'apprécier. Qu'elle n'était plus juste la stripteaseuse qu'il observait avec plus d'attention que les autres. « Peut-être je revoir que toi dehors. » C'était un murmure, presque un soupir. Mais la vie était ainsi faite, Lou avait la bougeotte et Pia et Tilda vivaient de l'autre côté de l'océan, et ça lui pouvait être injuste à lui, parce qu'en dix semaines il avait fait ce qu'il ne faisait plus depuis trois ans, il s'était attaché, mais cela ne changerait sans doute rien au bout du compte.

Dès que j'aperçois Andreja, je vois en lui un excellent moyen de me changer les idées. Le premier sujet de conversation qui me vient alors qu'il a à peine eu le temps de s'asseoir, c'est Tilda. Je savais qu'il y avait quelque chose entre eux, au moins du côté de l'italienne, certes, mais je ne m'étais pas imaginée qu'elle sauterait le pas, ou en tout cas pas en public. C'est surement le fait d'être nominée, comme y avait des chances qu'elle soit éliminée à la fin du prime, elle s'est dit que c'était le moment ou jamais, ce que je comprends parfaitement. Et finalement, elle est restée, grâce à l'abandon de Sacha. Je l'aimais bien, plus que Tilda, alors disons que ça m'a fait un petit pincement au cœur, mais je me doute qu'il ne voyait plus vraiment d'intérêt de rester sans son amoureux, enfin je crois que c'était ce qu'était Lou, mais bon, moi et les relations dans le jeu c'est pas trop ça. Je comprends jamais grand chose, je me rends jamais compte de grand chose. C'est l'une des grandes différences qu'il y a entre le fait d'être devant sa télé et dans l'aventure, on a une meilleure vue de ce qu'il se passe en temps que téléspectateurs alors qu'on se perd rapidement en temps que candidat. Il faut dire aussi que je me focalise principalement sur ma petite personne, les autres passent pour la plupart bien après. Mais puisque j'ai l'occasion d'en apprendre un peu plus sur une "relation" auprès d'un des protagonistes, je ne me gêne pas pour lui poser quelques questions, peut-être un peu indiscrète, mais Andreja et moi avons dépassé ce stade depuis un moment, il me semble. Alors comme ça, il ne peut pas nous comparer, Tilda et moi, quand à notre façon d'embrasser. Elle le fait à la manière d'une italienne, moi d'une américaine. « Hm. » Je fais, l'air de dire "ouais, te mouilles pas trop surtout". Mais il a raison, c'est qu'il ne faudrait froisser ni l'une ni l'autre de nous deux, elle est italienne et je suis de Chicago et plutôt rancunière, s'il avait dit que l'une de nous était mieux que l'autre, ça lui serait sans doute retombé sur le coin du nez; le pauvre. Il me demande ce que je fais ici, si je crois vraiment qu'elle va exaucer mes voeux. Je souris. « Non. Enfin, je sais pas, peut-être. » Je dis en haussant les épaules, parce qu'au fond on ne pas vraiment savoir. Si ça se trouve, les souhaits qui ont été fait en lançant chacune des pièces qui se trouve au fond de cette fontaine se s'ont peut-être réalisé, qui sait. Si c'est le cas, ça doit faire un paquet de gens plus heureux maintenant qu'avant qu'ils ne se prêtent au jeu en pensant que ça ne fonctionnera jamais, et pourtant. Je suis presque étonnée d'entre à nouveau la voix du candidat à côté de moi, je m'étais laissée porter par mes pensées encore une fois, les yeux plongé dans l'eau. Il dit qu'il était sérieux au prime. J'ai bien envie de demander pourquoi jusqu'à ce que je me rappelle la seule chose qu'on se soit dite. C'était pendant le défi des phrases en schtroumpf, hm. Il voulait qu'on se revoit à Chicago, et pas qu'en temps que client, ou je sais plus quoi. J'avais accepté, évidement, je vois pas pourquoi j'aurais dit non. Il ajoute que je serais sans doute la seule qu'il reverra une fois l'aventure finie. « Oui, moi aussi, peut-être que je reverrai que toi, dehors. » Je réponds dans un léger sourire avant de baisser la tête. « Mais tu sais, en fait, je pense pas rester encore longtemps à Chicago. Je crois que je devrais partir. » J'ai eu plus de temps qu'il ne m'en aurait fallu pour y réfléchir et pourtant je n'ai toujours pas pris de décision définitive. Je me dis que rien ne me retient vraiment là-bas, que j'ai besoin de changer d'air, mais je me demande tout de même comment je ferais pour me débrouiller toute seule, loin de mon vrai chez-moi. Je sais pas. Peut-être que finalement, je resterai et je reprendrai ma ville moyenne voir un peu minable et c'est tout. Je sais pas.