Je m'étais rendu près du lac afin de profiter un peu du temps qui se voulait plutôt clément. Mais quelques minutes seulement après que j'eus posé mes fesses par terre, je sentis une brutale pression sur mon dos. C'était quoi ce bordel ?! Une voix se fit alors entendre. « Te transforme pas en ninja, ce n'est que moi ! » Que... qui ? Ah, Laoise. Bordel, fallait pas me sauter dessus comme ça, sans crier garde. Pendant un instant je crus à une tentative de viol. Mais puisque ça n'était qu'elle, et que je connaissais ses penchants désormais... je me dis qu'au fond je ne risquais pas grand chose. Impossible bien sur de deviner sur le coup que ça n'était qu'elle. Voilà pourquoi j'entrepris de me débattre, ne comprenant pas d'où venait ce soudain poids sur tout l'arrière de mon corps, avant de réaliser qu'il n'y avait pas de quoi s’affoler. « Ça te dirait d'être mes jambes pour hm... quelques heures ? Je suis fatiguée. C'est fatiguant de dormir, en fin de compte. Je peux être tes yeux, si tu veux, histoire de garder une certaine équitabilité. Je crois que ce mot existe pas, il doit y en avoir un mieux pour dire ça mais je m'en fous. On fait le tour du lac ? Oui, on fait le tour du lac. Allez, avance. » Oula. Alors oui, elle venait effectivement d'inventer un mot. Ensuite j'étais bien entendu disposé à la porter si elle était fatiguée comme elle le prétendait. Mais bon, là elle me donnait un ordre si je ne m'abuse. Je m'étais toujours juré d'envoyer balader la première nana qui oserait me parler sur ce ton, mais là il s'agissait de Laoise tout de même. Donc techniquement je ne pouvais pas l'envoyer chier à nouveau, sous peine de m'en vouloir immédiatement l'instant d'après. Je me relevai donc, la demoiselle désormais sur mon dos, sans dire un mot. Comment en placer une, de toute manière ? Elle parlait, elle parlait, elle parlait... et je l'écoutais. Voilà. « Ah, au fait, si tu sors dimanche, je te suis juste pour te botter le cul. Pourquoi t'avances pas plus vite ? T'es fatigué, toi aussi ? Tu veux un bonbon ? Je dois en avoir un, quelque part dans une poche. Attends. » Un bonbon... quelle idée. Oh et puis après tout, pourquoi pas. « T'aimes les bonbons au citron, j'espère. Bien sûr que t'aimes ça. Tiens. » Heureusement que j'aimais ça, hein. Et heureusement que je n'y étais pas allergique non plus. « Oh, attends, tu veux peut-être que je te l'ouvre. » Bah heu... ouais quoi. C'est que sur le moment, j'étais un peu dans l'incapacité de déballer quelque bonbon qu'il soit. Elle l'ouvrit donc, et me le fourra dans la bouche. « Tu me diras s'il est toujours bon, je ne sais pas depuis combien de temps il est dans ma poche. » Ah super. Je venais peut-être de gober une saloperie vieille de plusieurs mois, voir plusieurs années, et ça ne l'affolait pas plus que ça. Bon, ce bonbon avait bon goût au final. Non, nous dirons plutôt qu'il était... digeste. Oui, voilà. « J'hésite entre la baffe et le coup de pied aux fesses, j'avoue. J'te dois une baffe de toute façon donc si je suis de bonne humeur, tu n'auras qu'une baffe. Mais bon, si tu te fais dégager, je serais sûrement dans une sale humeur donc je te botterais bien les fesses comme il faut. Autrement dit, tu as obligation de rester. Voilà. » Devais-je en conclure qu'en cas de départ, elle serait chagrinée ? En tout cas elle semblait plus que jamais vouloir que je sois sauvé, et ça me faisait grandement plaisir. Attendez, c'était un miracle ? Est-ce que... non ! pas possible ! Elle venait de se taire, vraiment ? Mais genre, réellement ? Wow, et bien j'allais saisir cette occasion pour l'ouvrir à mon tour, hein, et profiter surtout du fait qu'hissée un peu plus haut, elle n'aurait d'autre choix que de m'écouter. De toute manière si elle venait à m'interrompre, je la lâchais et la faisais tomber en arrière. Ouais ouais, j'en étais capable. « Merci pour le bonbon, il est mangeable. Et merci pour ton soutien également. » J'appréciais, beaucoup même. Je ne la savais pas si concernée, surtout qu'elle était tranquille, vu que les demi-finales lui avaient d'ors et déjà ouvert leurs portes. En revanche pour moi, rien n'était gagné. J'avais envie d'y croire, mais rien n'était certain à l'heure actuelle. Tout se jouerait probablement au dernier moment. « Ralala, dire que tu m'as fait tout ce cirque sur les cookies que tu ne devais impérativement pas manger dans le cellier, l'autre jour. T'as pas pris un gramme, je suis formel. T'es aussi légère qu'une feuille. » Je pouvais limite la porter sur un doigt. Bon, on allait peut-être pas tomber dans l’exagération, mais j'avais l'impression de porter une fillette. « Je me réjouis du fait que les demi-finales te soient acquises. C'est amplement mérité. » Elle faisait partie des candidats les plus appréciés du nid, et c'était une chose qu'il m'était aisé de comprendre. Comparez-nous. Elle ne s'était jamais montrée exécrable, n'avait jamais manqué de respect à personne ici. Non, Laoise n'avait aucunement écorché son image. Du moins à mon sens. Quant à moi, et bien, je pense que la place qui était la mienne aujourd'hui était quelque légitime, au final.

L'expression "ça fait du bien quand ça s'arrête" venait de prendre tout son sens ce matin. Je ne savais pas Laoise si pipelette, non vraiment elle venait de me faire un speech de fou durant lequel il avait été question de bonbon au citron, de baffe, de coup de pied aux fesses et, bien sur, de mon éventuel départ dimanche. De toute évidence elle ne voulait pas que je sorte, et quelque part son soutien me faisait plaisir. J'avais au moins quelqu'un derrière moi dans ce nid, quelqu'un qui me soutiendrait probablement jusqu'à l'instant fatidique dimanche prochain, à savoir l'annonce des résultats. Une annonce que je redoutais quelque peu, je devais bien l'avouer. Parallèlement à ça je ne pouvais que reprocher à Laoise le fait de m'avoir bassiné avec ses soit disant deux kilos de pris l'autre jour. Foutaises ! Si elle avait pris deux kilos, alors elle les avait planqués car je n'en voyais pas la couleur. « Menteur. Ça se voit que tu n'as pas vu mes nombreuses visites de la semaine au cellier. » Vraiment ? Elle avait genre passé la semaine le nez dans les boites de gâteaux et les paquets de bonbons ? Mais comment cela pouvait-il être possible ? Toute femme normalement constituée aurait réellement pris du ventre, des cuisses et des fesses. Mais celle que je portais actuellement était légère comme une plume. Je pouvais pas faire la comparaison avec sa silhouette de début d'aventure, mais il était certain à mes yeux que Laoise n'avait pas grossi comme elle le prétendait pourtant. « Alors tu dois avoir un très bon métabolisme... » Oui, je ne voyais que ça. La plupart des mannequins - pour celles qui ne s'affamaient pas - étaient elles aussi dotées d'un excellent métabolisme. Elles pouvaient s'empiffrer encore et encore, commettre écart sur écart sans jamais prendre un gramme. Oui mesdames, c'était injuste. Et probablement que certaines d'entre vous devaient détester Laoise à l'heure actuelle car visiblement, elle ne faisait vraiment rien pour garder cette ligne splendide, bien au contraire. Suite à ça je crus bon de la féliciter pour la place en demi-finales qu'elle avait remportée dimanche dernier - une place tout à fait méritée, selon moi, et qui lui revenait de droit. « Je n'ai pas envie de partir d'ici ou que le jeu se termine. » En effet, cette aventure toucherait bientôt à sa fin et nous ne pouvions rien entreprendre pour remédier à ça. Toutes les bonnes choses ont une fin que l'on dit. Mais j'étais même pas sur que cette aventure ait été une bonne chose pour moi. Au fond ma vie serait un enfer à ma sortie d'ici. Mais vu sous cet angle, c'est clair que ça ne me donnait vraiment pas envie de quitter ce château. « Je n'ai pas envie d'affronter mes proches, ma famille... mes parents. » Elle faisait assurément référence à son secret. Rah, c'était désolant de voir une jeune femme pleine de vie comme elle s'en faire pour l'avis qu'auraient ses proches à sa sortie. Mince, n'était-elle pas libre de mener sa vie comme elle l'entendait sans avoir besoin de rendre de comptes à quiconque ? Ma parole à côté je me sentais libre comme l'air, et pourtant j'avais encore et toujours mon père sur le dos. Enfin, plus pour très longtemps néanmoins... « Je n'ai pas envie d'être confronté aux remarques, aux reproches mais surtout au regard de mon père. », lui avouais-je, en prenant quelque peu exemple sur elle et sur ses confessions. « Je n'ai pas envie de retourner à ma vie d'avant. » La vie en communauté allait me manquer au final, c'était une certitude. Et je voulais changer du tout au tout, changer mes habitudes, changer mes fréquentations. Bref. Beaucoup de choses seraient à revoir prochainement. « On se reverra à l'extérieur, hein ? On va pas juste repartir à nos vies sans plus jamais se parler, n'est-ce pas ? » Je restai un instant silencieux. Voyez-vous, si j'acceptais de la revoir, c'est qu'au fond je garderais un lien avec cette aventure. Or j'avais clairement affirmé ne plus vouloir m'y trouver confronté une fois celle-ci terminée. Allez savoir pourquoi, je pense surtout que je redoutais de me coltiner une certaine étiquette qui serait susceptible de me coller à la peau longtemps, très longtemps. Malgré tout, Laoise comme d'autres laisseraient inévitablement place à un vide si je décidais de faire ma vie de mon côté. « Il y a tout de même certaines personnes ici que j'aimerais revoir. Tu en fais partie. » Elle pourrait même faire un petit séjour chez moi, en Angleterre, afin de pallier à ma solitude. Déjà que je supportais de moins en moins mon célibat... Si je pouvais éviter de retourner au stade "sans amis, sans attaches", ce serait pas mal tout de même.

Ce que je ressentais sur l'instant face à la fin imminente de cette aventure était assez paradoxal : d'un côté je ne souhaitais pas retourner à ma vie d'avant et être à nouveau confronté à mon père, tout simplement parce que je savais pertinemment que ce dernier me ferait définitivement passer l'envie de me foutre de sa gueule et de le ridiculiser à la télévision en me coupant les vivres... mais il y avait cet environnement qui ne m'était pas familier et auquel je ne m'habituerais sans doute jamais. L'enfermement, le présence continue de gens autour de moi, la pression engendrée par le jeu, les caméras... Laoise en revanche semblait vouloir que cela ne prenne jamais fin. « Je propose qu'on boycotte la fin du jeu, qu'on garde tout le monde en otage dans ce château et qu'on ne retrouve jamais la vie normale. Ça te dit ? » Je saisissais la blague, mais je ne pouvais m'empêcher de la prendre au sérieux. J'affichai un moue boudeuse, qu'il lui était incapable de voir bien sur. Si j'avais envie de garder tout le monde ici, près de moi ? Heuu. « Non, enfin je sais pas. L'enfermement commence à être pesant malgré tout. Et puis, y'en a certains ici que je peux juste plus voir en peinture. Un mois de plus avec eux et je deviendrais soit cinglé, soit violent. » Hum, pas besoin de citer de noms je présume, ces personnes-là se reconnaitraient. Et croyez-bien qu'elles n'étaient pas toutes sorties, oh non. Malheureusement même. Mais si il y avait bien quelqu'un ici qui ne m’insupportais pas, c'était Laoise. D'ailleurs, j'avais bien envie de la revoir dehors. « Je me sentirais presque privilégiée. » Et bien elle l'était, du moins en quelque sorte. Elle était en tout cas l'une des rares personnes que j'appréciais et à qui j'avais l'impression de pouvoir faire confiance. Une espèce en voie de disparition dans ce nid, pour sur. « C'est dingue de voir combien sortir d'ici peut être effrayant. Pourtant, c'est juste notre vie, ce n'est pas l'inconnu, c'est des gens qu'on connait, qu'on apprécie, ou non pour certains hein, c'est juste notre vie, notre appart', notre quotidien et pourtant, ça fait peur. » Sortir d'ici ne m'effrayait pas moi, malgré le fait que j'allais être confronté très prochainement à l'inconnu. Ma vie allait radicalement changer, sans que je puisse l'éviter d'ailleurs. Mais je pouvais comprendre que tout cela la rende si anxieuse. Au fond on avait perdu nos repères, on allait devoir retrouver nos petites habitudes, tout ça. Se réintégrer ne serait pas facile. « En fait, je crois que ce qu'il fait le plus peur, c'est de savoir que la vie a avancé sans nous. C'est vrai, ça fait plus de deux mois qu'on est là et on n'a aucune idée de comment ça se passe à l'extérieur. » Oui, on avait souvent tendance à l'oublier, mais la terre ne s'était pas arrêtée de tourner pendant que nous faisions notre aventure ici. La vie avait suivi son cours à l'extérieur, sans nous. Mais nous ne tarderions de toute façon pas à être à nouveau plongée dans celle-ci. « J'avoue. J'suis peut-être papa à l'heure actuelle. » lâchais-je subitement. Des fois que ma vie de débauche d'avant l'émission n'ait porté à conséquences en mon absence... « Je déconne. » Enfin, espérons que ça ne soit pas réellement le cas. Je serais pas dans la merde sinon. D'ailleurs rien que de penser à l'éventualité d'avoir un gosse, j'avais envie de gerber. Non mais sérieusement, vous me voyez, moi, dans le rôle d'un père ? Surtout que le mien ne m'avait pas franchement donné le bon exemple. Si je pouvais éviter de reproduire les mêmes erreurs que lui, je n'hésiterais pas une seconde. « Enfin bref. » Je sais pas si elle pensait que son récit était barbant, en tout ce n'était pas du tout le cas. Au contraire, je trouvais qu'elle s'exprimait de façon très censée, et que tout ce qu'elle disait allait véritablement se vérifier à notre sortie d'ici. L'eau avait coulé sous les ponts depuis notre entrée dans ce jeu, fallait l'accepter. Je profitai alors de l'occasion pour la questionner un peu sur son aventure, et sur les liens qu'elle avait tissés au cours de celle-ci. « Dis-moi, mis à part le fait que je sois incontestablement la personne la plus formidable qu'il t'ait été donné de connaitre ici... » En toute modestie, bien sur. Ça va, je la charriais. « ... quelle a été ta plus belle rencontre dans l'aventure ? » J'avais comme une petite idée concernant sa réponse, mais je lui accordais le bénéfice du doute. En tout cas au vu des derniers potins qui m'étaient parvenus jusqu'aux oreilles, j'avais comme qui dirait d'ors et déjà un nom à l'esprit.

Non non, je ne comptais pas participer à la prise d'otage que prévoyait d'orchestrer Laoise, tout simplement parce que certaines personnes ici m'étaient juste insupportables à la vue. Désolé, mais quelques têtes ne me revenaient pas, même après dix semaines. Je me passais bien de donner des noms, mais en y réfléchissant un peu on pouvait d'emblée de deviner de qui il était question. « Oh oui, c'est vrai, j'avais oublié, tu n'es pas la personne la plus amicale de ce château. » Comment l'oublier franchement, tandis que tout le monde le savait, probablement même les moines tibétains. Je n'étais pas venu ici pour me faire des amis, je supportais difficilement la sympathie des autres. Donc non, techniquement je n'étais pas le plus amical en ces lieux. Nous ignorions tout de ce que serait notre vie et à quoi ressemblerait notre quotidien en sortant d'ici. En notre absence, beaucoup de choses auraient pu changer. Il nous faudrait ainsi prendre en compte le fait que le temps ne s'était pas arrêté, que la vie avait suivi son cours, que personne ne nous avait attendu pour vivre. Allez savoir, j'étais peut-être papa depuis le temps. Beh, ça n'était pas impossible. Sur le coup j'avais sorti ça pour déconner, mais tout de même... c'était tellement vraisemblable au vu de la vie que j'avais menée avant mon entrée dans ce château. Laoise, en revanche, avait déjà plus de mal à y croire. Cette idée la fit d'ailleurs rire. « Toi, papa... » Alors quoi, c'était difficilement croyable ? Ah, encore une qui ne me voyait certainement pas une seule seconde dans ce rôle. « Tu as déjà vu un bébé de près, au moins ? » En gros Laoise me prenait pour un mec n'y connaissant rien du tout aux gosses. Et vous savez quoi, bah c'est exactement ce que j'étais au fond. Et puis ne prévoyant pas d'avoir des enfants dans un futur proche, ça ne risquait pas de s'arranger. « Ouais, mon frère. J'en ai pas le souvenir, bien sur, mais on a vécu durant plusieurs mois cote à cote jusqu'à ce qu'il... clamse. » Dans le ventre de mutti, hein, pour ceux qui n'auraient pas suivi. Et j'en parlais toujours avec une aisance incroyable. Non non, ça n'était aucunement un sujet tabou comme je l'avais déjà signifié à Finnick il y a peu. La partie connue de mon secret n'était aucunement quelque chose que je trimballais avec honte. La seconde partie, c'était déjà autre chose. Bref. Ma réflexion était peut-être légèrement de mauvais goût, par contre... Mouais, sans doute. « Sinon les bébés, c'est vraiment pas mon truc. Et j'ai pas de gosses dans mon entourage, donc bon. » Ouais, à mes yeux les bébés ça puait, ça gueulait pour un rien - bref, y'avait rien de plus emmerdant. Parallèlement à ça, et puisqu'elle me semblait bien nostalgique face au fait que cette aventure prendrait bientôt fin, j'avais cherché à savoir quels seraient celles et ceux qui lui manqueraient le plus à l'issue de tout ça. Mis à part moi, puisqu'il était évident que je lui manquerais atrocement le temps que je me décide à revenir la voir en Irlande. « Je ne peux pas en choisir seulement une. Il y a beaucoup de gens que je suis bien contente d'avoir rencontré. À vrai dire, je suis heureuse d'avoir pu rencontrer des personnes qui n'ont pas forcément tellement de points communs avec moi et qui ont vécu des choses que je n'oserais même pas imaginer. Ça ouvre l'esprit, les horizons et ça fait grandir. Bien sûr, je suis encore plus contente d'avoir rencontré Malo, par exemple ou Nora, Sami, Keelan, Tweedy et Anabel, bien sûr, parce qu'ils sont vraiment des personnes que j'apprécie et qui comptent vraiment pour moi. Ils sont tous de belles rencontres. » J’acquiesçais ses propos d'un signe de la tête. Y'avait pas à dire, elle était carrément plus sociable que moi. Tandis que j'admettais difficilement m'être attaché à certains ici, Laoise évoquait tous les liens qu'elle avait tissés sans retenue aucune. Toutes ces personnes allaient probablement beaucoup lui manquer - on m'explique ce qu'elle trouvait au flingueur, ou ?... Okay okay. « Tu me dis si je deviens lourde hein. Que ça soit du côté de ton dos qui fatigue ou de mes bavardages qui sont chiants. » Elle n'était ni lourde, ni barbante. Si ça avait été le cas, je le lui aurais signifié de toute manière, car je disais toujours les choses simplement et sans passer par quatre chemins. « Non, ça va. Si tu es bien, je suis bien. Si tu passes un bon moment, alors j'en passe un également. » Vous voyez, j'étais pas bien compliqué comme type au fond. Si elle se sentait bien, je me sentais bien, si elle avait envie d'aller aux toilettes, je... non, peut-être pas quand même.

Il semblait évident que je ne connaitrais pas les "joies" de la paternité dans un futur proche. Déjà parce que j'aspirais clairement à mieux, ensuite parce que les gosses et moi, on était pas très potes. L'occasion pour Laoise de me demander si j'avais déjà vu un bébé en chair et en os, au moins une fois dans ma vie. Là, je fis référence à mon jumeau décédé durant la grossesse. Je regrettai presque aussitôt d'avoir parlé de ça, car bientôt je sentis Laoise comme concernée, limite touchée. « Je suis désolée pour ton frère. » Elle était bien la première - en général les gens s'en foutaient assez et ne voyaient que moi, comme fils unique - et selon moi elle n'avait pas à être désolée. Cet évènement n'avait en aucun cas marqué ma vie, puisque je n'avais aujourd'hui aucun souvenir de ce frère mort prématurément. Donc non, elle n'avait pas à être désolée. Personne n'avait à l'être. Ça n'était la faute de personne, et je n'étais pas venu ici pour faire pleurer dans les chaumières. « Faut pas l'être, je t'assure. » rétorquais-je, comme pour la rassurer et lui faire comprendre que ça allait, que je le vivais bien, qu'il ne fallait pas s'en faire. Vous savez, je n'étais pas du genre à regretter quelqu'un que je n'avais jamais connu. De toute façon j'estimais que cette histoire appartenait au passé. J'ignorais si j'aurais une nouvelle fois droit à son soutien quand la seconde partie de mon secret serait révélée. Suite à ça, nous avions évoqués les liens forgés par Laoise au sein du château, tout au long de l'aventure. Elle semblait proche de pas mal de monde ici, bien que ça ne m'étonna pas franchement, et beaucoup de personnes allaient vraisemblablement lui manquer - moi le premier, sans nul doute. Est-ce qu'elle était lourde et barbante ? Non, loin de là. Est-ce que je souhaitais qu'elle descende ? Pas forcément, c'était à elle de voir ensuite ce qu'elle préférait faire. Dans tous les cas et quelque soit sa décision, j'étais disposé à m'adapter. « Je crois que je vais essayer d'utiliser à nouveau mes jambes quand même. » Bon. Pendant un moment je crus qu'elle n'était pas bien là-haut, mais au final je décrétais qu'elle voulait juste ne pas profiter de la situation plus longtemps. Cette Laosie, toujours là pour se soucier du bien-être des autres... Y'en avait pas deux comme elle dans ce nid. « Allez, je suis prête, tu peux me lâcher. » Heu, la lâcher était un bien grand mot, non ? Car si réellement je décidais de la lâcher, sa chute serait probablement spectaculaire. En revanche, je voulais bien l'aider à descendre afin qu'il n'y ait aucune casse. Eh, il n'était pas question d'abîmer Laoise tout de même. « Je sais que c'est très tentant de me retenir prisonnière sur ton dos mais c'est un cadeau empoisonné, parce que ce soir, quand tu iras te coucher, tu vas remarquer une désagréable sensation dans le bas de ton dos et là, tu n'auras plus qu'à me crier dessus. Alors, oui, je sais, c'est dur de me laisser partir, tu as sûrement l'impression de m'abandonner mais je t'assure que ce n'est pas le cas. On peut dépasser tout ça, Andreas. Toi et moi. Ensemble. Mais il faut que tu me lâches, maintenant. Je crois en toi, tu peux le faire ! » Hm, c'est vrai que vu sous cet angle, je l'aurais plutôt mauvaise ce soir si, en regagnant mon lit, j'étais pris de soudains maux de dos ou si demain, au réveil, des courbatures se faisaient ressentir. Bon après, peut-être en faisait-elle un peu trop m'enfin, venant de Laoise je n'étais pas réellement surpris. Elle aimait bien faire dans l'exagération - c'était un point que nous avions en commun elle et moi. « Ouais t'as raison, vaut mieux pas prendre de risque. Allez oust ! » Sur ces mots, je me cambrai en avant afin de la laisser descendre, genre en mode "saute-mouton". Bien, maintenant qu'elle était descendue - entière et vivante, il était important de le préciser -, je pouvais profiter à nouveau de ma totale mobilité. « Ah ! Tout de suite je me sens mieux. Forcément, puisque l'obèse que tu es m'a fait le plaisir de me soulager de son poids. » Allo, ceci était de l'humour. Jamais au grand jamais je ne me serais permis d'insinuer une telle chose si ça n'avait pas été un mensonge. Franchement, de vous à moi, Laoise était l'une des plus grandes, mais surtout des plus fines de ce nid. Donc bon, dans le genre obèse, on avait quand même vu pire. Espérons tout de même qu'elle saisisse la taquinerie et qu'elle ne le prenne pas mal. Oh non, après que je me sois tué à lui répéter qu'elle n'avait pas pris un gramme, il était juste impossible qu'elle puisse me croire sur l'instant. Et au pire, je venais de la lui offrir sur un plateau d'argent, son motif pour me donner une bonne gifle.