Cela n'avait rien d'un dur dilemme. Non vraiment, ça ne devait assurément pas constituer un choix trop difficile à faire. Pourtant, à cet instant précis, Raphaël semblait sur le point d'acheter un appartement, tant il semblait hésiter entre une boite de gâteaux et ... une autre boite de gâteaux. Le goût était peut être différent, mais la marque était bien la mienne. Au fond, ça ne changerait pas grand chose à sa vie qu'il se décide pour les gâteaux au beurre ou bien pour ceux au cacao. L'on pouvait même naïvement dire qu'il survivrait à ce choix si cornélien. Mais dans l'immédiat, il ne semblait pas tellement capable de prendre la moindre décision. Alors il restait là, debout comme un idiot devant cette étagère, à se demander s'il ne ferait finalement pas mieux de déserter les lieux, avant d'y passer la nuit. D'autant plus qu'il était presque sûr d'avoir aperçu sa partenaire tout près d'ici. Et c'est justement quand il se mit à penser à elle que Candace survint dans son champs de vision. Elle approchait, tandis que lui peinait toujours à savoir ce qui lui faisait plus envie entre ces deux boîtes de gâteaux. Oh bon sang, si le ridicule tuait, il serait mort depuis longtemps. « Je crois que je suis ici depuis plus d'une demie-heure » avoua-t-il alors, dans un sourire un peu gêné. « Je crains tellement de faire des erreurs que même choisir quoi manger peut devenir une affaire de la plus haute importance ... » Effectivement, il avait sans cesse la crainte de merder, de n'importe quelle manière. Et il savait qu'en cas d'erreur, quelle qu'elle soit, on risquait de la lui faire payer. « Le pire, c'est que l'attente m'a coupé l'appétit. » D'où l'utilité in-cro-ya-ble de tout ce bordel, hm.

Je me suis habitué à mes petites emplettes du soir, je fume tellement que je dois venir chercher des cigarettes chaque jours. Je fume définitivement trop. Enfin ça c'est ce que je suis censé dire si j'en avais visiblement quelque chose à faire. A l'intérieur je ne tarde pas à remarquer la présence de mon partenaire. Et j'ai l'impression que l'on ne s'est pas retrouvé tous les deux seuls dans la même pièce depuis une éternité. J'attrape un panier, laisse tomber plusieurs paquets de marlboro à l'intérieur et me dirige vers Raphaël. « Tu devrais commencer à agir et à moins te pourrir la vie avec toutes ces questions. » Je lance tout à coup. Je crois que je suis légèrement froide tandis que j'observe l'étagère devant laquelle il se trouve. Je pivote légèrement vers lui, un sourire fend mon visage en deux. « Surtout lorsqu'il est question de nourriture. » Je finis par rire. Non je ne me moque pas du tout au contraire. C'est un conseil comme un autre. Je finis par bouger et je me dirige vers l'étagère pleine d'alcool. Le choix est vite fait. J'attrape la première bouteille qui me tombe sous la main. Du whiskey irlandais, ce sera très bien. Je me demande l'espace d'une seconde s'il s'est déjà laissé aller aux effets salvateurs et euphorisant de l'alcool. Mon regard glisse sur lui. Non, jamais. Je souris, avant de me poster aux côtés de mon partenaire. J'attrape un paquet de biscuit, ceux au cacao et le lui tends. « L'appétit vient en mangeant il parait. » Il doit bien avoir encore fin je présume. Moi j'ai soif en tout cas. « Est-ce je te fais peur Raphaël ? » Ma question sort de nulle part, ou presque. Néanmoins, la réponse m'intéresse et je ne la pose pas sans raisons. Il le sait.

Raphaël ne s'attendait évidemment pas à tomber sur sa partenaire en un tel lieu. Tout simplement parce qu'il ne pensait pas tomber sur qui que ce soit, en réalité. Il était resté suffisamment de temps bloqué devant cet étagère, à s'imaginer seul au monde face à ce choix cornélien, qu'il en avait bêtement oublié que n'importe qui pouvait surgir et ainsi se rendre compte qu'il était absolument ridicule d'hésiter de la sorte entre deux paquets de gâteaux assurément semblables. Sur un ton un peu froid, Candace lui fit alors savoir qu'il ferait mieux d'agir pour de vrai au lieu de se questionner en permanence. Naturellement, Raphaël se sentit gêné, et encore plus ridicule que précédemment. Mais il ne prenait pas mal le fait que sa camarade lui ait dit ces choses. Il savait que c'était un conseil, que c'était censé l'aider à ne plus perdre autant de temps pour des sottises. Oui, mine de rien, il avait tout de même conscience de se gâcher la vie avec des choses absolument sordides, comme à cet instant précis. « Je sais. Et c'est l'une des nombreuses choses que j'essaie de changer chez moi » articula-t-il alors, dans une moue assez peinée. Nombreuses étaient effectivement les choses qu'il lui faudrait modifier chez lui afin d'aller mieux. Que ce soit durant le temps que durerait son aventure, ou à l'extérieur, sur du long terme. Il en était capable, après tout. Il ne le pensait pas toujours, mais c'était pourtant le cas. Il manquait peut être de volonté, de force mentale, mais n'importe qui devait être capable de changer, à condition de le vouloir. Et Dieu sait que Raphaël le voulait. Il suivit ensuite du regard sa camarade, qui s'intéressa aux alcools, non loin de là. De son coté, Raphaël ne buvait pas, mais il pariait secrètement sur le fait qu'elle en avait une petite idée. Elle se saisit alors d'une bouteille puis revint près de lui. Là, elle lui tendit le paquet de biscuits aux cacao, prétextant que l'appétit venait en mangeant. Il se surprit à sourire, attrapant le paquet en la remerciant d'un poli signe de tête, mais hésitant toutefois à l'ouvrir. Il n'avait plus faim, mais surtout, il n'osait pas tellement manger devant elle. Mais de toute façon, il n'en eut pas tellement le temps, puisqu'elle lui posa une question assez surprenante. Il la fixa intensément, avant de détourner légèrement le regard. « Non, je ... ce n'est pas de la peur que je ressens en ta compagnie, c'est simplement un brin d’intimidation ... Je crois que le fait que nous soyons clairement différents m'embarrasse, alors que je sais pertinemment que c'est une bonne chose, au fond. » Il la regard de nouveau, en souriant légèrement. « Je me doute qu'il t'arrive de penser que je suis une plaie » soupira-t-il finalement. Parce qu'il en était une, c'est certain. Et qui mieux que sa partenaire avait pu s'en rendre compte, hm ? « Tu veux que j'essaye de te trouver un verre ? » reprit-il, essayant d'être serviable. On ne pourrait pas le lui enlever, au moins.

Je crois que je devrais songer à être moins froide avec Raphaël. Je ne fais pas exprès qu'on se le dise, je suis ainsi, c'est tout. Je ne me rends pas compte de ce que mon ton peut causer. Je ne me rends compte des choses lorsqu'il est déjà trop tard. Et la gêne apparente du candidat me démontre que j'y suis allé un peu fort. Je ne culpabilise pas, parce que de toute façon c'est trop tard. Je ne souhaite pas être mauvaise avec Raphaël, il est suffisamment cruel avec lui sans que je ne rajouter quoi que ce soit. Il est cruel de s'imposer autant de torture morale, même s'il ne le fait sûrement pas volontaire, il se pourri la vie pour rien. Enfin à mon sens du moins. « Ca va venir, laisse toi du temps... » Je suis incroyablement douce, si bien que ça tranche totalement avec ma réponse précédente. Je ne suis pas lunatique, je m'adapte à mon partenaire. Enfin pas trop de temps. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit tout ça. Parce que finalement je ne veux pas qu'il se repose sur tout ça, il faut qu'il se bouge, vite et bien. Qu'il reprenne confiance. C'est important d'avoir confiance en soit. Je n'en manque pas moi. Je détourne mon regard de lui, je me diriger vers le rayon alcool juste derrière. Ma bouteille en main je choisis pour lui. Un paquet de biscuit pour lui. Il m'a dit qu'il n'avait plus faim mais c'est plutôt symbolique. Et puis finalement je lui pose la question qui me brûle les lèvres depuis plusieurs jours. Est-ce que je l'effraie ? Il me soutient mon regard plus longuement que d'habitude. Je ne quitte pas son regard lorsqu'il détourne le sien du mien. J'écoute sa réponse. Je l'intimide. D'accord. P« Tu te trompes, tu n'es pas une plaie. » Sa compagnie ne m'est pas désagréable. De toute façon je n'ai plus aucun secret pour lui, donc je pense que je le lui aurais dit si c'était une plaie. « Je ne perdrais pas mon temps avec toi si tu en étais une. Tu as énormément de potentiel Raphaël, mais tu n'en as pas encore conscience. » Et finalement, comme si ça sortait de nulle part, il me demande si je veux un verre. Je souri sincèrement. « Si tu en veux, oui ce sera mieux que de commencer directement au goulot. Tu devrais essayer, rien qu'un peu. Les choses t'apparaîtront beaucoup plus claires après ça. » Je ne suis pas entrain de lui dire qu'il doit se bourrer la tête, juste qu'il devrait se laisser un peu aller, en commençant par goûter à cette excellente bouteille.

Se laisser du temps. Effectivement, il lui fallait se laisser du temps. C'était nécessaire pour avancer, pour évoluer, pour guérir. Il savait qu'il lui fallait faire beaucoup d'efforts, mais également faire preuve d'un peu de patience. Tout ne s'arrangerait pas brutalement, et il le savait. Il ne parviendrait assurément pas à changer du tout au tout en un rien de temps, ça n'était tout simplement pas possible. Alors oui, évidemment, il comptait se laisser du temps. Parce qu'il ne se ferait que plus de mal en espérant que tous ses problèmes parviendraient à trouver une solution miracle en moins de temps qu'il en faut pour y penser. Il était peut être abominablement crédule par moments, il n'en était pas moins lucide de temps à autres. Il adressa alors un fin sourire à sa camarade, dont le ton venait d'ailleurs de changer. Elle qui avait lâché une remarque assez froide précédemment faisait ici preuve d'un peu plus de délicatesse. Honnêtement, aux yeux de Raphaël, ce changement était particulièrement appréciable. D'où son sourire. Il ne se risqua pas à répondre, pensant qu'il était suffisamment clair qu'il comptait se laisser le temps d'aller mieux, de changer. Il vit alors sa camarade s'orienter vers les bouteilles d'alcool et s'en saisir d'une, avant de revenir vers lui pour lui donner en mains un paquet de gâteaux parmi les deux entre lesquels il avait longuement - c'est bien le cas de le dire - hésité. Et puis il y eut cette question un peu embarrassante, lorsque sa partenaire chercha à savoir si elle lui faisait peur. La réponse de Raphaël ne tarda alors pas à se faire entendre. Il n'était pas question de peur - comme cela pouvait être le cas avec d'autres personnes, disons - mais d'embarras. Le fait d'être globalement différent de la jeune femme le mettait bien souvent mal à l'aise, et ce, malgré le fait qu'elle lui apparaisse paradoxalement comme quelqu'un d'assez sécurisant. Raphaël en vint alors à insinuer que Candace devait le considérer comme une plaie, ce qu'elle nia assez vite. Elle disait carrément qu'il avait du potentiel. Raphaël se sentit émotionné par cette confession. Il en eut presque les larmes aux yeux, tant on avait passé du temps à lui répéter qu'il ne valait rien, qu'il n'était bon qu'à s'occuper des morts et qu'il ne pouvait rien attendre du monde et des vivants. « Merci. Ce que tu me dis là me fait extrêmement plaisir. Vraiment, ça me touche. » Disons que ça changeait radicalement de ce qu'il avait l'habitude d'entendre de la bouche de ses semblables. Le suisse proposa ensuite à sa partenaire d'aller lui chercher un verre, ce qu'elle sembla accepter. Elle sembla également l'inciter à boire. A cela, il ne répondit pas immédiatement, s'apprêtant dans un premier temps à lui dénicher un verre. Heureusement, après quelques coups d’œil, il en trouva une pile. Il en ramena alors un à sa camarade, dans un fin sourire. « Non, je ... je me suis promis de ne jamais boire. Je suis certain que ça ne me réussirait pas. J'ai vu ... j'ai vu des gens auxquels je tenais noyer leur peine dans l'alcool, et ça a fait plus de dégâts qu'autre chose, alors ... » Sa mère durant sa dépression, sa sœur après la mort de son fils et la tromperie de son mari ... Non, définitivement, l'alcool n'était pas un ami de la famille.