Raphaël entendait des voix. Non vraiment, il en entendait. Et cela ne faisait assurément que confirmer que tout ne tournait pas très rond chez lui. Jeanne D'arc était de retour, semble-t-il. Parce qu'alors qu'il se baladait un peu n'importe où, trainant son pauvre corps fatigué et son esprit malade au grès de ses envies, voilà qu'il entendit son nom. Quelqu'un venait de l'appeler. Oui, mais qui ? Et où ça ? Parce qu'il avait beau jeter des coups d’œils discrets autour de lui, il ne parvenait pas à distinguer qui que ce soit. Ainsi donc, c'était inquiétant. Il en vint alors logiquement à penser qu'il se faisait juste des idées et que son imagination lui jouait simplement de bien vilains tours. Oui, ce devait être ça. Alors il tâcha de reprendre le court de sa vie et ignora ce qu'il avait cru entendre. Mais là, sans tarder, cela se reproduisit. Il rentendit son nom. Oui, on l'appela une seconde fois. Et pour le coup, on le nomma plus fort, de manière plus audible. Aucun doute n'était plus possible : quelqu'un venait de crier son nom. Mais là encore, personne à l'horizon. Et honnêtement, tout cela commençait à doucement l'inquiéter. Parce qu'il craignait d'être simplement bon à enfermer, pour entendre des voix deux fois de suite, sans raison apparente. Que se passait-il alors, dans son pauvre esprit ? Etait-il donc fou au point d'en imaginer qu'on criait son prénom ? Peut être, hm. Mais tandis qu'il continuait de lancer quelques regards autour de lui, probablement dans l'espoir de démasquer un petit plaisantin, histoire de se rassurer au sujet de son statut mental, voilà qu'une voix plus précise encore s'adressa à lui. En dessous ? Mais, en dessous de quoi ? Le suisse ne comprit pas. Puis il aperçut un genre de gros tuyau, qui menait probablement jusqu'aux souterrains. Et là, tout s'éclaira dans son esprit. Non, il n'était pas fou. Non, il n'entendait pas la moindre voix. Quelqu'un s'amusait simplement à entrer en contact avec lui à travers le présent tuyau. Comme quoi, c'était tout bête. Et à en juger par la voix féminine qu'il venait d'entendre, il s'agissait d'Ismay. Il tâcha alors d'approcher son visage du tuyau, tentant d'apercevoir sa camarade. Il ne manqua pas de sourire lorsque ce fut le cas. Honnêtement, il trouvait ça étrange, très particulier. Mais ça allait probablement l'occuper pendant quelques minutes, et lui éviter de tourner en rond tout seul. Et puis, il fallait bien reconnaitre que ce genre de conversations étaient tout à fait originales, hm. Sa camarade lui demanda alors de lui donner quelque chose à manger, à travers le tuyau. Hm, elle en était sûre ? Non parce qu'il n'était pas tellement disposé à ... Ah non, elle se rétracta. Changeant d'avis, elle disait préférer mourir de faim qu'empoisonnée. Effectivement, il valait mieux ne pas courir le moindre risque. « De toute manière, je ne suis pas tellement entouré d'éléments comestibles » articula-t-il alors, avant de regarder autour de lui. A vue d’œil - et vu qu'il était encore et toujours du genre paumé - il reconnaissait l'une des vielles maisons laissées à l'abandon. Donc à part de la poussière, hein ... « Et bien, oui, je ... je faisais quelque chose de tout à fait passionnant. » Oh oui, au moins. Et là, suspense ... « Rien du tout. » Ah bah oui, forcément. Et ça ne changeait pas de d'habitude, hein. Navrant. « Et toi, que fais-tu là dessous ? Tu ... tu t'es perdue, Ismay ? Tu veux que j'aille chercher Otello ? » Pourquoi lui ? Et bien, parce qu'il était son partenaire, non ? Et puis, il semblait débrouillard. Bien plus que Raphaël qui, assurément, se perdrait lui même en essayant de retrouver la trace de la jeune femme. Au final, c'est son corps à lui qu'on retrouverait d'ici quelques mois.

Qu'est-ce qu'Ismay pouvait bien faire là dessous ? Vraiment, Raphaël se le demandait. Parce qu'il avait évidemment pu se rendre compte que des souterrains se cachaient sous les différents lieux du village - souterrains qu'il avait lui même eu l'occasion de visiter, hum hum - mais il ne s'était pas le moins du monde attendu à ce que sa camarade s'adresse à lui de par un large tuyau, à travers lequel il parvenait à peine à discerner son visage. Il faut dire qu'il faisait plutôt sombre là dessous, apparemment. Remarquez, là où il se trouvait, ça n'était pas vraiment mieux. Que faisait-il ici ? Rien du tout. Non vraiment, il ne faisait rien. A part peut être penser, rêver et envisager certaines choses. Mais ça n'était vraiment que de futiles choses à ses yeux, rien qui mérite d'être mentionné. Surtout que bon, Ismay devait quand même un peu s'en foutre, hein. Tout le monde était bien mignon à le questionner sur ce qu'il faisait, sur ce qu'il aimait, mais bon, il gardait toujours en tête que ça n'était qu'histoire de parler, et que quelque soit la réponse qu'il saurait fournir, elle n'intéresserait pas des masses celui ou celle qui la lui avait demandé. Donc sa réponse était probablement parfaite, et puisqu'Ismay n'enchérit pas, il n'eut même pas à trouver autre chose. Par contre, il se questionnait désormais réellement sur la présence de la jeune femme au sein de ces souterrains. S'était-elle perdue ? Il osait l'imaginer. Après tout, elle avait commencé par vouloir attirer son attention, puis lui avait demandé de lui fournir de quoi se nourrir, avant de se rétracter. Qui sait, peut être la jeune femme se trouvait-elle perdue au milieu des souterrains depuis un bon moment maintenant. Et vous pensez bien qu'il aurait adoré descendre pour l'aider, mais ça n'était pas tellement possible. Disons que son sens de l'orientation laissait clairement à désirer, et que la seule et unique fois qu'il s'était trouvé dans ces souterrains, il n'avait pas tellement eu la tête à mémoriser les lieux. Du coup, s'il descendait et qu'il essayait de la retrouver, il aurait vite fait de se perdre aussi. Pire, elle parviendrait probablement à remonter avant lui, et il finirait dans un coin, pourri jusqu'à la moelle, ayant connu une fin plus triste et solitaire encore qu'il l'avait toujours imaginé. Par contre, peut être que le partenaire d'Ismay saurait l'aider. Oui, peut être Otello parviendrait-il à lui venir en aide. Sauf que non, elle sembla s'y opposer. Elle disait donc pouvoir survivre sans Otello. Mieux encore, elle affirmait que son partenaire était nul en orientation. Hm, d'accord. Si elle le disait, il voulait bien la croire, hein. Du coup, il n'osa rien ajouter. Pas d'Otello, donc. Il tâcherait de s'en rappeler, au cas où la situation venait à se répéter. Sait-on jamais, hm. Sa camarade lui fit alors savoir ce qu'elle faisait avant de se retrouver ici. Et là, un sourire maladroitement amusé trouva le chemin des lèvres de Raphaël. Pas la référence à De Gaulle - il avait dévoré ses Mémoires de Guerre, oui, sérieusement - mais bien celle à la mouche. Une mouche, bon sang. Il ne pouvait s'empêcher d'y penser maintenant. Malin, hm. « De Gaulle ... une mouche ... oui, je comprends. » Pas du tout, en fait, mais bon. Il avait un peu de mal à faire un parallèle censé entre le Général et l'insecte volant. Mais soit, il y réfléchirait. Il comptait même y méditer. Là encore, tout à fait sérieusement. Il n'avait pas grand chose d'autre à faire de ses journées, à part lire le bouquin conseillé par Otello, justement. Oula, tout se mélangeait dans son esprit. Maintenant, Otello était une mouche en uniforme militaire. Mais bien sûr, hm. Allez, autant répondre à la question d'Ismay. Où se trouvait-il, donc ? Difficile à dire. « Un peu nul part, j'ai l'impression » pensa-t-il à voix haute, avant de soupirer. Ouais non, mauvaise réponse, puisqu'il se trouvait bien quelque part, là. Donc il réobserva les lieux, et là, il parvint à fournir une réponse un tant soit peu véridique. « Je crois me trouver au sein d'une vieille habitation. C'est sombre, poussiéreux ... Je ne sais pas du tout ce que je fais là, honnêtement. » Ah non vraiment, il l'ignorait. Mais il supposait que, comme d'habitude, il n'avait pas regardé où il était entré. « Hm, une araignée grosse comme un timbre vient de pénétrer dans le tuyau. » Musique inquiétante, s'il vous plait. Oui, il avait eu besoin de le dire. Ne serait-ce que pour se préparer à un possible cri. A moins, bien sûr, qu'Ismay soit aussi disposée que lui à supporter la compagnie de ces petites bêtes.

Quel rapport pouvait-il bien y avoir entre le Général De Gaulle et une mouche ? Raphaël n'était pas certain de le savoir. Après tout, lorsqu'il pensait à ce célèbre Charles De Gaulle, il ne pensait généralement pas à un insecte volant. Disons que ça ne créait pas ce genre d'associations surprenantes, ce genre de parallèles douteux, dans son esprit. Pourtant, il ne trouva rien de mieux à dire, rien de mieux à prétendre, que le fait qu'il comprenait. Oui, Raphaël prétendit comprendre le lien qui pouvait être fait entre De Gaulle et la fameuse mouche. Alors qu'en réalité, c'était quelque chose qui lui échappait complètement. Comprenez bien qu'à cause d'Ismay et de cette histoire douteuse, il serait amené à philosopher très sérieusement sur le sujet. De Gaulle et la mouche s’immisceraient au sein de ses pensées nocturnes et assurément des plus profondes, pour le faire réfléchir à ce propos. Nul doute que tout lui apparaitrait beaucoup plus clairement quand il aurait passé de longues nuits à penser à tout cela. Et là, il pourrait véritablement dire à Ismay qu'il avait compris. En attendant, ça n'était pas trop ça disons. Mais peu importe, parce qu'au final, il n'était pas non plus prévu qu'ils en discutent pendant une éternité. Finalement, Raphaël en vint à faire savoir à sa camarade qu'il croyait se trouver au beau milieu d'une vieille habitation, tout en ne sachant pas le moins du monde ce qu'il pouvait bien y faire. La vérité, c'est qu'il avait du entrer là par hasard, sans même y faire attention, complètement happé par ses pensées. C'était une chose qui lui arrivait hélas bien trop souvent. Effectivement, il était distrait. Et au rire de sa camarade, il en laissa échapper un également. Curieux, hm. Mais voilà que subitement, Raphaël détecta une présence imprévue dans le tuyau. Il se trouve qu'une araignée de taille moyenne venait d'y pénétrer. Il avait alors cru bon de prévenir Ismay, au cas où la bête surgirait devant elle, et lui fasse peur. Mais à en entendre la jeune femme, ce genre de petites bêtes n'étaient pas du genre à l'effrayer. « Non, je ... je n'ai rien contre les araignées » avoua-t-il alors. Il en connaissait beaucoup. Pas personnellement et pas au point de les inviter à diner tous les samedis soirs, mais il avait souvent eu à faire à ces bestioles. Chez lui, c'était un nid à araignées, justement. Et il vivait assez bien en leur compagnie. Il entendit alors subitement sa camarade s'adresser à l'araignée, qu'elle surnomma Gipsy. Un sourire amusé gagna les lèvres du brun. Pourquoi un tel nom ? Oh, il ne voulait pas nécessairement savoir, en fait. Tant qu'elle ne lui faisait pas de mal, elle pouvait bien l'appeler comme elle le désirait. Ismay disparut alors de son champs de vision relativement réduit. Bon, elle avait du partir promener la bestiole. Ou l'abandonner quelque part. L'un ou l'autre. C'est alors quelques instants plus tard qu'elle revint, sans l'araignée ce coup-ci. Il pria alors pour qu'elle ne l'ait pas vulgairement écrasé dans un coin. Mais à l'entendre, l'araignée devait être toujours en vie. « Je ne suis pas certain que Candace apprécierait autant que moi la compagnie de ... Gipsy. » Connaissant son caractère assez trempé, elle aurait probablement vite fait de la massacrer. Mais bon, il pouvait la comprendre. Parait-il que la peur des araignées était l'une des phobies les plus répandues dans le monde. Ismay et Raphaël ne devaient pas être bien normaux, en fait. « Hm, l'araignée est assez présente dans Madame Bovary. On compare l'ennui à cet animal, et c'est un parallèle qui m'a toujours intrigué. Le ... le trouble mental du personnage semble aussi se rapporter à l'araignée. » En soit, il avait de quoi être lui même associé à une araignée. Il s'ennuyait perpétuellement et était quelques peu dérangé. Peut être cela jouait-il depuis toujours dans son aisance à fréquenter ces bestioles. Ah et sinon, lui aussi il se demandait pourquoi il venait de sortir ça, hein.