Moi et Malik… enfin Malik et moi, étions beaucoup trop différents pour que notre relation se contente de la simplicité. Cette situation était pour moi toute nouvelle, dans la vie de tous les jours jamais je ne me serais sentie autant attachée à quelqu’un, dans le sens où je suis obligée de rester en rapport avec elle. Si nous retirions le contexte du jeu alors j’aurais pris mes valises Louis Vuitton il y a bien longtemps pour partir loin de cet homme prise de tête et déprimant. Or Fake Lover me manipulait. J’avais l’impression de tanguer, un coup je m’intéressais à lui et le considérait tandis qu’il m’arrivait aussi bien de le trouver chiant et coincé à mourir. « Je ne t'ai jamais demandé de jouer la psy. Tu peux ne plus te préoccuper de moi, c'est bon, 'toute façon je suis irrécupérable. » Depuis quand j’attends qu’on me donne des ordres pour m’exécuter ? Depuis un moment, je l’avoue, mais pas lorsqu’il s’agit de Kilam. Non, non, lui il n’a aucun pouvoir sur ma personne, je joue la psy où je veux, quand je veux et avec qui je veux. Je m’étais attribuée cette mission, « faire retrouver le goût des plaisirs charnels à mon partenaire » aurait très bien pu être mon secret en fait. Bien qu’il aurait pu aussi s’agir du fait de lui faire retrouver toute confiance en lui. Sa façon de se rabaisser était tout aussi désespérante que son abstinence. Je lâchais un petit soupire, roulant mes yeux. « J’aurais pas mieux dit. » Il était totalement irrécupérable, comme il le précisait si bien. « Ne te sens même pas obligée de rester d'ailleurs, tu peux vaquer à tes occupations. » Je me dois de répéter que je fais ce que je veux et où je veux ou bien ce n’est pas nécessaire ? A vrai dire je préférais papoter avec lui plutôt que d’aller m’aventurer au milieu des poules, si je pouvais faire en sorte qu’il y aille à ma place ce serait d’ailleurs parfait bien que la conversation ne soit pas vraiment favorable à ce genre de demande. « Merci pour l’autorisation, je l’attendais. Le problème c’est que les poules sont jalouses de moi du coup elles ne veulent pas me laisser prendre leurs œufs tranquillement. » J’agissais comme si rien ne s’était passé. Ignorer, ce que je maitrisais sans doute le mieux. Je pouvais ne jamais m’arrêter, j’étais devenue une réelle professionnelle en ce qui concernait l’abstraction de points importants et si on ne me mettait pas la vérité en face des yeux je pouvais m’exercer longtemps… voir éternellement. Il n’était même pas dit que même lorsqu’on me planterait le problème devant moi je réagirais. C’est moche. Je sais. Un peu comme Kim Kardashian. J'observais Malik, mon fake lover boy, puis finalement je me résignais. Je n'avais même plus envie de rester dans cette sale ferme.« Non t’as raison, je laisse tomber! Je mangerais des carottes. » Frappant le vent avec un coup de main, je lui adressais un sourire comme s'il m'avait convaincue que les poules étaient trop agressives pour que je m'aventure dans leur enclos. Quand je vous dis que je suis une pro. A peine avais-je tourné les talons que mon sourire superficiel s'effaça, laissant place à un visage plus fermé. « A ce soir. » Ma voix s'était faite moins enjouée que précédemment, plus représentative de mon état d'esprit actuel. Bien que je venais de sous-entendre le contraire, ce soir je préférais dormir seule. M'infliger un sommeil auprès d'une personne avec qui je venais d'avoir des différents n'était pas dans mes volontés. A la place j'irais dormir là où Teresa sommeillait quelques semaines plus tôt; c'est une façon comme une autre de se sentir moins seule.

Il fallait se rendre à l'évidence, Nicole en avait ras-les-extensions de moi. Même, elle disait se lasser de jouer les psy, ce que je ne lui avais jamais demandé de faire par ailleurs. Tout naturellement donc, je lui signifiai qu'il n'avait jamais été question de cela, et qu'elle pouvait sans soucis cesser de se préoccuper du type irrécupérable que j'étais. « J’aurais pas mieux dit. » Et dire que j'avais osé espérer qu'elle me contredirait, me rassurerait en me disant que non, il y avait encore quelque chose à faire de moi, que tout n'était pas perdu. Mais au final elle pensait comme moi, que j'étais fichu. Elle pouvait désormais vaquer à ses occupations et ne pas perdre d'avantage de son temps à tenter de m'initier à je ne sais trop quoi. Je pense qu'elle en avait d'ailleurs déjà beaucoup trop perdu depuis le début de l'aventure, alors rien ne l'obligeait à demeurer à mes côtés, vraiment, je pouvais très bien rester en compagnie de cette sournoise chèvre, qui elle au moins aurait la décence de ne rien ajouter. « Merci pour l’autorisation, je l’attendais. Le problème c’est que les poules sont jalouses de moi du coup elles ne veulent pas me laisser prendre leurs œufs tranquillement. » Je ne savais même pas quoi lui répondre - étais-je seulement censé lui répondre en fait ?... Cette situation était désolante, lassante, fatiguante, décourageante. La liste était longue. Par contre, difficile de mettre un mot sur mon ressenti présentement. Je savais qu'elle se fichait bien de moi, de savoir comment je pouvais prendre ses paroles, ses gestes. Je ne représentais définitivement rien à ses yeux, tandis que me concernant, c'était tout le contraire. Le message était passé. « Non t’as raison, je laisse tomber! Je mangerais des carottes. » Je crois que je pouvais faire une croix sur beaucoup de choses maintenant. Nicole ne m'adresserait peut-être même plus la parole à l'avenir, et je restais convaincu du fait que je serais amené à dormir seul les nuits prochaines. Pourtant sa présence dans le lit à mes côtés était rassurante. Je dormais déjà très mal, alors si en plus je devais dormir seul... « A ce soir. » Je restais planté là, comme un abruti, la regardant s'éloigner et me maudissant d'avoir tout gâché. Encore. C'était la fois de trop je crois, à présent je pouvais considérer que tout ce qui nous unissait, Nicole et moi, n'était plus qu'un statut de couple attribué par la production au début du jeu, et rien d'autre. Je soupirai longuement, puis reportai le regard sur Blanquette de veau qui semblait me faire les yeux doux. Je fronçai les sourcils. Ça ne m'était pas arrivé depuis belle lurette, mais j'étais en colère. Contre moi-même, bien sûr. Je ne pouvais pas en vouloir à Nicole, au contraire j'étais admiratif : comment avait-elle pu me supporter tant de semaines, et ne jeter l'éponge que maintenant ? Elle avait déjà été bien trop patiente, et il était normal à mes yeux que désormais elle décide de ne plus faire le moindre effort. Mais je n'étais pas disposé à accepter que cela se termine de cette façon. J'étais fautif, alors c'était logiquement à moi d'arranger les choses. Mais était-ce seulement possible ? Et bien, qui ne tente rien n'a rien comme on dit. Alors oui, je prévoyais déjà de "reconquérir" ma partenaire. Et cette fois-ci je ne lésinerais pas sur les efforts. À un moment, il faut savoir dépasser ses limites. Ce moment était arrivé.