Je suis prêt pour ma leçon de culture du cinéma. Fin prêt. J'attrape un paquet de chips à l'épicerie, un pack de bière (parce que ce n'est pas négligeable) et je me dirige vers le cinéma à pas de loups. Passer un petit moment en la compagnie de Lulu est agréable et je ne le manquerais pour rien au monde. Ce mec est mystérieux, certes. Il est un peu bizarre, certes. Mais il est adorable. Et super drôle lorsqu'il est bourré alors, on ne pouvait que s'entendre. J'avais dans l'optique de lui toucher deux mots sur Raphaël. Parce qu'il est la personne dont je suis le plus proche actuellement et le voir souffrir me faire mal. Mais je n'oserai pas, c'est certain. D'une, parce que ça me gêne un peu de parler de leur relation. Et de deux, parce que je n'ai rien à voir là dedans, ce sont leurs affaires, après tout. Et j'ai peur de casser quelque chose en m’immisçant dans leur.. couple ? Histoire, disons. J'entre dans le cinéma, je suis seul. Nous avons fait la demande pour Star Wars il y a quelques jours quand quelques quand nous étions encore un peu - beaucoup - pleins. J'espère que le mec de la production à qui nous l'avons demandé nous à bien compris. Je m'installe confortablement. J'ouvre une bière et le paquet de chips. S'il ne se dépêche pas, il va me retrouver en mode grosse loque, le ventre arrondis comme une femme enceinte. Parce que le mélange chips et bière ne fait rien de bon sur mon organisme. Comme un mélange qui ne me va pas. Comme si je buvais du coca avec un mentos. C'est à peu près ça. Lulu fait son entrée et j'ai envie de gueuler Alléluia, parce qu'il n'est absolument pas en retard - juste une petite demie heure, quoi. « J'espère que t'as une bonne excuse de m'avoir fait poireauté comme ça. » je lâche en m'efforçant de paraître tout à fait sérieux. Mais je comprends presque maintenant l'état d'esprit des gonzesses que j'ai pu faire attendre au restaurant. C'est super frustrant de se sentir seul, comme ça.

Oui bon, je vous l'accorde, être en retard n'était clairement pas dans mes habitudes. Ouais, bien que je n'en avais strictement rien à foutre de tout la plupart du temps, j'étais toujours d'une ponctualité presque admirable. Ouais sauf que vous savez, les petites choses de la vie font que bah, parfois, ça ne va plus. Et lorsque l'on se retrouve BLOQUÉ DANS LES CHIOTTES bah... Non mais sérieusement, portes en carton. J'ai cru que j'allais finir par fondre en larme, à taper comme un imbécile sur cette foutue porte, essayant même de la secouer, comme pour lui dire de se réveiller et de me LAISSER SORTIR. Ouais mais non. C'était une conasse, tout simplement. Il faut dire que j'étais bien trop parfait pour qu'elle ne me laisse filer de la sorte, haha. Plus sérieusement, j'avais fait poireauté Arès au moins une bonne demi heure. Bon, y'avait bien, j'aurais très bien pu tomber dans un coma éthylique -comme si c'était fréquent chez moi, allez savoir- et ne plus jamais me réveiller. Pour sûr qu'il m'aurait attendu toute sa vie le pauvre. J'étais un peu son maitre Yoda personnel, son Jésus, son Moise, ouvrant les eaux pour qu'il se fraye un chemin à travers ma vie, histoire d'y gratter une petite place. Je sais, la poésie, c'est tout un art. Enfin bref, j'arrive les mains dans les poches, ne me sentant absolument pas coupable, non, mais il n'y a pas de raison n'est ce pas ? « J'espère que t'as une bonne excuse de m'avoir fait poireauté comme ça. » je me pose à ses côtés et lache un soupir « Y'a la cuvette qui a essayé de cambrioler ma poche ventrale, mais ça va, j'ai rien. » oui, c'était évident. « Et puis, quand on aime, on ne compte pas ! » ouais, il aurait très bien pu m'attendre toute la nuit, juste pour me voir ne serait-ce qu'une minute, haha. Ouais. « C'est bon vous pouvez lancer ! » je fais un signe de main, attends quelques instants. Blanc. Mon sourcil droit s'arque. Blanc. Je pique la bierre du jeune homme, la porte à mes lèvres, comme pour patienter, puis la replace dans ses mains comme si de rien n'était. Blanc. Hum... « J'ai donc dit... VOUS POUVEZ LANCER. » et là ça se lance, bah putain, je suis intimidant quand je m'y mets. Ouais. « File tes chips, t'es assez gras comme ça. » bah quoi ? Entre potes, faut s'entre aider non ?

Il s'excuse, me parle de chiottes dans lesquels il serait resté coincé. J'arque un sourcil. J'imite à la perfection l'air septique, mais vraiment. La cuvette aurait donc tenter de kidnapper sa flûte. Comme un mort aurait essayer de me violer. J'essaie de toutes mes forces de rester sérieux mais au final, je n'ai d'autre choix que de me foutre de sa gueule parce qu'en plus, il a l'air de croire à ce qu'il dit. « Ah ouais, dur.. » je minaude tout de même entre deux éclats de rire. Enfin, je ris jaune. Parce que tout de même, il est en retard et je déteste attendre. Comme si j'étais dépendant de quelqu'un. Je pose des lapins, pas l'inverse. Donc, ça me vexe. Même si j'essaie de passer rapidement à autre chose parce qu'au final il ne s'agit que de Lulu. Lulu. Le tatoué mystérieux et barge. Complètement cinglé quand il est bourré. Voilà, Lulu, quoi. « Une minute de plus et je restais inculte de Star Wars pour la vie. » sous-entendu, si tu n'étais pas arrivé je me serais barré - avec mes chips et mes bières - et on ne se serait plus revu. Je l'ai mauvaise, hein. Non, en réalité, j'aurais attendu encore un peu. Je suis au chaud, j'ai des chips, un pack de bière,le paradis, quoi. Tiens d'ailleurs, ma bière n'est plus dans mes mains. Je fronce les sourcils. Le film ne daigne pas se lancer. Long moment de solitude que je ponctue d'un sourire mutin. Je me moque de lui, oui. Parce que la scène est épique, digne des plus grandes comédies. Il s'énerve, il hurle et le film se lance. Bien joué. « N'en mange pas trop ça va déformer tes tatouages. » je réplique comme je peux, d'abord. Le film se lance. La musique me perce les tympans. Qu'on m'explique pourquoi le sons est toujours aussi fort dans les cinémas, s'il vous plaît. Je récupère mon paquet des mains du tatoués. Je le regarde en coin en fronçant les sourcils. « J'aime pas aller au cinéma. La dernière fois que j'y suis allé, je me suis endormis. Tu me réveilles à la fin ? »

Il explose dans un premier temps de rire. Non mais sérieusement, les chiottes de cette baraque sont vraiment dangereuses, y rester trop longtemps et vous risquez d'en perdre la vie, j'déconne pas. Enfin, peut-être que si. Mais juste un peu, un tout petit peu. « Ah ouais, dur.. » continua-t-il entre deux rires. Tss. Je suis un incompris de toute façon; j'ai l'habitude. « Une minute de plus et je restais inculte de Star Wars pour la vie. » ouais mais non, ça ce n'était pas possible. Et puis comme j'avais pu le dire, il m'aurait de toute façon attendu toute la nuit si il le fallait. Ou presque. Non, mais ouais, il m'aimait trop, tout le monde le savait. Je le savais. Et puis je le voyais honnêtement mal quitter son siège pour se lancer dans le froid, dans une aventure où il risquerait de perdre au moins une ou deux vies. On le retrouverait congelé sous un banc, en mode sans abris, barbe de glace, haha. Ouais. Je saisis donc son paquet de chips, enfin non, MON paquet de chips, parce que j'ai décidé qu'à partir de cette heure ci, il serait mien, et en vient à en glisser quelques unes entre mes lèvres lorsqu'il reprend enfin la parole. « N'en mange pas trop ça va déformer tes tatouages. » j'arque un sourcil, déposant une nouvelle fois mon regard sur le jeune homme. La lumière s'est éteinte, je ne peux donc qu'apercevoir sa silhouette découpée dans les rayons que l'écran rejette. « J'ai qu'la peau sur les os, ça risque pas. Mais c'est sympa de t'inquiéter pour mon corps de Dieu, haha. » aucun commentaire, je ne vous le permet pas. « J'aime pas aller au cinéma. La dernière fois que j'y suis allé, je me suis endormis. Tu me réveilles à la fin ? » je lâche un soupir. Le générique vient de se lancer. Star Wars 1. Ça doit faire une éternité que je n'ai pas vu se film. A vrai dire, j'étais encore un gosse là dernière fois. Jar Jar Binks m'avait bien manqué, tiens. « Si on frappe un candidat, c'est une nomin' d'office, c'est ça ? » lâchais-je en fixant l'écran, comme si de rien n'était. Ouais, innocemment.

Au fond, la perspective que cette soirée tombe à l'eau à cause de la ponctualité très pointilleuse de Lulu, me faisait bien chier. Je suis donc heureux qu'il soit envie (et que son membre le soit aussi) et qu'il soit là, assit près de moi à ressasser ses conneries qui me font hurler de rire. Même sobre, il reste complètement péter et je suis limite fier de le compter parmi mes amis, même si je ne l'avouerai jamais. Trop de fierté. J'essaie tant bien que mal de répondre à ses agressions, en vains. J'ai besoin d'être bourré pour savoir répondre à ce genre de choses dignes des gamins de primaires. J'ai mûris, moi. Enfin, quand on voit qu'il se dessine toutes sortes de choses sur la peau, c'est difficile d'imaginer qu'il à la vingtaine. Mais ça, c'est une autre histoire. La peau sur les os, hein ? Je fronce les sourcils et finalement, tout mon visage se fronce en une grimace de désapprobation. « Lulu, c'est pas un prénom de dieu, c'est un prénom de chien. » c'est ce à quoi j'ai pensé la première fois où j'ai entendu son prénom. Mais je mui bien gardé de le lui dire. Moi en revanche, j'ai le corps et le prénom qui s'y réfère.. Et je me la pète. Sans gêne, je chope son pull que je soulève et j'attrape - non sans difficulté - les quelques bouts de peau qui ressorte - parce qu'il est assit et que quand on est assit, on a forcément la peau qui plisse, bref. « Et j'opte pour un sharpei. Tu sais, les chiens moches tous plissés, là. » j'argumente tout en enfouissant ma main dans le paquet de chips et me goinfrer comme un gros. Le film commence et par pur réflexe, je me tais. Quelques secondes seulement. Afin de lui faire part de mes nombreuses expériences cinématographiques. Je n'aime pas être enfermé dans une salle, un énorme écran devant les yeux, le son à fond dans les oreilles. Je préfère de loin la compagnie du silence, les randonnées dans des pays inconnus, enfin bref, la liberté, quoi. « Si on frappe un candidat, c'est une nomin' d'office, c'est ça ? » j'hausse les épaules, un sourire mutin aux lèvres. « Tu fais pas le poids, n'y pense même pas. » je lâche, tout aussi innocemment. En fait, j'en sais strictement rien. Je me défends juste comme je peux.