Vingt-quatre heures après son arrivée au sein du nid, il était peut être temps pour Mado de partir à la recherche d'un lieu qui, elle n'en doutait pas, lui serait d'une claire utilité à plus d'une reprise, mais qu'elle n'avait pas ressenti le besoin de chercher la veille au soir, pour la simple et bonne raison qu'elle n'était pas de ces personnes qui avaient le besoin perpétuel de s'y rendre. Ce qu'elle cherchait, c'était tout naturellement les toilettes. Car même si Mado n'en ferait pas un usage très régulier, il est vrai qu'il était tout de même préférable de se familier avec le plus de lieux possibles, celui-ci pouvant tout de même lui servir à certaines occasions. La jeune femme partit donc à la recherche dudit lieu, calant ses pas à la musique que diffusait son casque audio, relié à un ipod bourré de titres probablement démodés pour beaucoup mais qui constituaient globalement sa culture musicale. Les groupes et artistes à la mode, clairement, ça n'était pas son truc. Elle était plus Dido que Selena Gomez et plus Queen que One Direction. Et bizarrement, elle assumait. Sans doute parce qu'elle estimait que ses goûts étaient en soi les meilleurs. Oui, probablement. Quoi qu'il en soit, c'est assez distraite qu'elle passa devant la porte des toilettes sans s'arrêter. Ce n'est qu'une fois arrivée au bout du couloir qu'elle estima anormal de ne pas être tombée dessus. Alors elle fit demi-tour, et bien vite, elle pénétra dans la salle qu'elle cherchait depuis déjà quelques minutes. C'était donc ici. Bien, elle le saurait pour la prochaine fois. Parce que pour le coup, elle ne ressentait même pas le besoin de s'enfermer dans une cabine. Non, elle avait juste repéré l'emplacement des toilettes et c'était bien suffisant. Mais tandis qu'elle s'apprêta déjà à quitter les lieux, voilà qu'elle y fut rejointe par une jeune femme qui ne lui était ni familière, ni franchement intéressante. Mais bizarrement, elle tombait bien. « T'es mignonne, toi » lui adressa-t-elle alors, en un sourire narquois, retirant son casque et la dévisageant avec plus d'intérêt qu'elle ne l'aurait cru. « Et probablement gentille comme tout. Tellement gentille que tu dois pouvoir me prêter ton rouge à lèvre, non ? » Clairement, si elle lui disait qu'elle n'en avait pas sur elle, ou pire, qu'elle ne portait que du gloss, ça n'allait pas franchement pas pouvoir le faire. Mado avait une idée en tête, évidemment. Et si ses plans venaient à changer, il n'était pas certain que ce soit une bonne chose pour, et bien, la fille dont elle ignorait encore le nom, hm.

La nature était parfois cruelle, il suffisait que Neila songe au fait qu’elle devrait peut être se souvenir d’où étaient les toilettes pour que sa vessie se rappelle à elle. Connasse ! Elle se elva alors précipitamment du divan, dévisagée par quelques candidats auxquels elle avait bien envie de brandir le majeur – mais n’en fit rien – et sortit en trombe du salon. Elle se souvenait d’avoir vu la porte au premier étage et monta donc les escaliers. Etrangement, l’envie était un peu passée si bien qu’elle n’avait pas l’air d’une handicapée en posant le pied sur la dernière marche des escaliers. Elle se rendit moins précipitamment dans la pièce et y vit une des rares candidates aussi grande qu’elle. Waouw, ça faisait bizarre. « T'es mignonne, toi » fit-elle. Neila lui adressa un petit sourire hypocrite, elle voulait passer merde ! « Et probablement gentille comme tout. Tellement gentille que tu dois pouvoir me prêter ton rouge à lèvre, non ? » Genre, Neila se promenait avec son rouge à lèvres sur elle. Ah bah oui, c’était totalement logique, tout le monde avait un rouge à lèvre dans la poche de son jeans. « Non. » fit-elle en se faufilant entre la candidate et les lavabos. « Tu m’excuses mais la nature m’appelle et… Je ne peux rien faire contre ça ! » Et sur ce elle s’enferma dans une cabine et fit ce qu’elle avait à faire en quelques secondes. On l’avait toujours dite rapide pour ça, mais c’était parce qu’elle n’était pas du genre à lire un magazine aux toilettes, hein. En sortant elle se rendit compte que la brune était toujours là. « Je me trimballe pas avec mon rouge à lèvre, ma belle. » Expliqua-t-elle. « Et puis ça ne t’irait même pas, on a pas le même teint ! » Au cas ou tu n’avais pas remarqué, ma cocotte.

Mado ne jurait que par les rouges à lèvres. A ses yeux, une vraie femme ne saurait porter quoi que ce soit d'autre. Du gloss ? Non, elle détestait ça. Et elle estimait qu'à bientôt la trentaine - bon, disons dans quelques années - elle ne saurait étaler sur ses lèvres quelque chose qui pourrait laisser penser qu'elle se trouve en pleine crise d'adolescence. Le rouge à lèvres, elle trouvait ça glamour, classe et féminin. Tout simplement. Pour autant, ça n'était absolument pas dans le but de procéder à une petite retouche maquillage que la grande brune avait demandé à la jeune femme qui venait d'entrer de lui prêter son rouge à lèvres. Non, elle n'était absolument pas de celles qui profitaient de chaque miroir qui se trouvait sur leur chemin pour s'en remettre une couche. Son idée était alors toute autre, mais pas sûr que la "black" ait l'occasion d'être briefée, étant donnée qu'elle se montra bien moins disposée à coopérer qu'elle l'aurait pensé. En fait, Mado en était presque déçue. Parce que voilà que sa camarade s'enferma précipitamment dans une cabine de toilettes. En soi, qu'elle ait besoin de s'y rendre, ça pouvait se comprendre, mais qu'elle n'ait même pas pris deux minutes pour lui filer ce qu'elle lui avait demandé, quand même, c'était vilain. A moins que ... oui, une fois sortie, la jeune femme lui confia n'avoir tout simplement pas son rouge à lèvres sur elle. Ah merde, ça c'était ballot. Parce que Mado en avait véritablement besoin. Encore une fois, pas pour se remaquiller, mais pour s'amuser un tantinet. « Pour le coup, on est deux. » Car logiquement, si Mado réclamait le rouge à lèvres d'une gonzesse, c'était bien parce qu'elle même n'avait pas le sien à disposition. « Mais je n'avais pas l'intention de m'en étaler sur les lèvres. Je voulais simplement marquer mon territoire, notre territoire. » Même si, pour le coup, elle n'avait peut être pas choisi le lieu le plus glamour du nid. Mais soit, ce détail importait bien peu. « Voyons si tu peux quand même m'être d'une certaine utilité ... Sais-tu où l'on peut se munir d'un feutre ? » Et là, si mademoiselle lui répondait que non, qu'elle n'en avait pas la moindre idée, Mado finirait par abandonner. Ah non, c'est vrai, elle n'abandonnait jamais.

Mado était déçue. Oui, déçue que sa camarade n'ait pas de rouge à lèvre en sa possession. Après tout, parait-il que beaucoup de femmes avaient perpétuellement le nécessaire pour se remaquiller sur elles. Alors elle avait légitimement supposé que la jolie métisse était de ces femmes, justement. Mais non, apparemment pas. En soi, ça n'avait rien de dramatique, mais puisqu'elle n'avait absolument pas prévu de se remaquiller avec et que ses plans avaient en fait été tout autres, disons que ça la contrariait un petit peu quand même, hm. Voilà en tout cas que sa camarade sembla intriguer par ses précédents propos. Pourtant, elle n'avait pas prévu le coup du siècle, mais il est vrai qu'elle aurait aimé s'amuser un peu, histoire de relâcher la pression de la veille. « Toi, comment marquerais-tu ton territoire si on te donnait un tube de rouge à lèvres et que tu trouvais dans des toilettes ? » Aurait-elle la même idée qu'elle ? Mado laissa son regard balayer la salle, insistant sur les cabines, le sol, les miroirs ... Est-ce qu'elle voyait, maintenant ? Parce que Mado avait envie de redevenir une enfant terrible, l'espace d'un court instant, elle qui s'était interdit bien trop de choses ces dernières années. C'était aussi pour cela qu'elle était ici, même si elle s'en cachait plutôt bien : pour décompresser et se laisser une chance de réapprendre à s'amuser. Sa camarade disait alors qu'elles pourraient trouver des feutres dans le salon, ce qui serait pas mal aussi. Mais le mieux, c'est que la jeune femme eut la logique de laisser entendre qu'étant près d'une salle de bain, niveau rouges à lèvres, elles devraient pouvoir trouver leur bonheur. Et c'était vrai, et bien pensé. Ainsi donc, un sourire satisfait gagna les lèvres de la française lorsque sa camarade partit dans l'autre pièce. Lorsqu'elle revint, elle fut même accueillie en héroïne, ayant droit à un grand sourire, pour une fois tout à fait sincère. Cette fille était probablement plus cool qu'elle avait pu le penser lorsqu'elle s'était précipitée aux toilettes, en la snobant presque. Beau rattrapage, il est vrai. « Tu es un amour. Appelle-moi Mado, parce que c'est comme ça que je m'appelle, en fait. » Ce qui, en soi, n'était pas tout à fait exact. Mais depuis quelques années, elle avait décidé de changer d’appellation, alors c'était effectivement le nom par lequel elle répondait. « Et toi, ma belle ? Comment dois-je nommer ma future comparse de crime ? » Elle exagérait, évidemment. Il n'était ici question que de dégradation de matériel. Rien de bien dramatique, en somme.

« Toi, comment marquerais-tu ton territoire si on te donnait un tube de rouge à lèvres et que tu trouvais dans des toilettes ? » Question futile car le regard de la métisse se posa instinctivement sur le miroir qui se trouvait au dessus des lavabos, elle tourna ensuite la tête vers Mado alors qu’un sourire mutin prit place sur les lèvres de la danseuse. « Oh, je ne sais pas, peut être qu’on pourrait considéré que le miroir est une toile et que le tube est un pinceau. » Mais oui, parfaitement, quelle jolie métaphore n’est-ce pas ? Soit. Après quoi la candidate eut l’idée d’aller chercher un tube de rouge à lèvre dans la salle de bain, peut importe à qui il appartenait, si sa propriétaire petait un plomb elle pouvait toujours lui prêter le sien, ce n’était pas dramatique. Quand elle revint dans les toilettes elle fut accueillie par un immense sourire de la part de la brune. « Tu es un amour. Appelle-moi Mado, parce que c'est comme ça que je m'appelle, en fait. » Neila lâcha un rire en hochant la tête, ok dans ce cas elle allait tenter de mémoriser ce prénom et de ne plus jamais l’oublier ou du moins… Pas tant qu’elles étaient toutes deux en jeu. « Et toi, ma belle ? Comment dois-je nommer ma future comparse de crime ? » Comparse de crime ? Devait-elle prendre le risque de révéler sa véritable identité ou devait-elle inventer un faux nom ? A vaincre sans périls, on triomphe sans gloire ! « Neila, appelle moi Neila. » Parce que de toute manière, c’était son prénom alors autant l’utiliser, non ?

Un tube de rouge à lèvres ... Des miroirs ... Il était plutôt facile de deviner à quoi pensait présentement Mado. La question était alors de savoir si sa camarade ici présente voyait où elle voulait en venir. Mais visiblement, c'était le cas. En effet, la jolie métisse sembla immédiatement partager l'idée de la brune, qui ne put alors qu'en être satisfaite. Elle ne voyait pas ce genre de plans comme quelque chose puéril, mais comme l'expression du désir de se libérer, de se révolter même. Depuis qu'elle avait eu un fils, Mado avait mis une grande partie de sa vie entre parenthèses. Elle ne sortait que pour se rendre à la piscine - son lieu de travail, pas de loisir - ou pour honorer certaines autres activités qu'elle pratiquait. Mais c'est tout. Et généralement, elle filait droit. La cigarette devait être sa plus grande dépendance, et elle n'avait plus connu d'hommes depuis bien longtemps. Alors c'était décidé, cette aventure lui permettrait de s'amuser, elle qui n'avait tout bonnement pas le temps de le faire à l'extérieur du jeu. Et ici, il était donc question de marquer son territoire. Et vu que sa camarade était visiblement sur la même longueur d'ondes qu'elle, ce qui se profilait lui plaisait déjà. « Quant à nous, nous serons les artistes. » Indéniablement. Et justement, la métisse ne tarda pas à revenir avec le nécessaire pour laisser s'exprimer tout leur talent. Autant dire que cette contribution fut fort bien accueillie par la française. Au moins quelqu'un qui était disposée à la suivre dans l'un de ses rares délires. Parce que oui, mine de rien, et n'en déplaise à un certain Bob, Mado n'était pas toujours aussi frigide qu'elle semblait l'être. La preuve ici. Mais comment pouvait bien se nommer cette charmante jeune femme ? Autant être fixée là dessus dès maintenant, ce serait quand même plus pratique pour la suite. C'était donc Neila. D'accord. C'était relativement facile à retenir, et joli avec ça. « Très bien. » Présentations maintenant faites, il était temps de passer aux choses sérieuses. La jeune femme ne tarda alors pas à prendre sa complice par la main, l'attirant simplement face à l'un des miroirs de la salle. « Neila, de ta plus belle écriture, tu vas écrire sur ce miroir la chose la plus folle qui te passe présentement par la tête. Ne réfléchis pas, c'est mieux si c'est spontané. » Se décalant, elle la laissait donc commencer. Mado ne voulait évidemment pas lui attirer d'ennuis, simplement partager quelques chose avec elle. « Tu peux naturellement signer ton travail. Il me semble que nous pourrons nous en tirer sans nous faire choper. » A moins que la Production ait vraiment des yeux partout. Mais pas ici, quand même.