Je n’avais jamais caché à personne que j’avais une immense passion pour la musique. Pourtant, je ne l’avais pas non plus crié sur tous les toits, je n’aimais pas qu’on m’observe lorsque je jouais ou même lorsque je chantais. Au contraire, j’étais étonnamment pudique lorsqu’on me parlait de musique parce que je ne voulais pas qu’on me casse sur ce domaine, c’était une passion qui occupait une partie de ma vie et qui me permettait de m’échapper de ma vie de merde lorsque les choses tournaient mal. Si on m’enlevait ça je n’étais plus rien, je n’avais plus rien pour me remettre d’aplomb. Aujourd’hui après un début de journée parfaitement entamée je me retrouvais d’humeur à broyer du noir, pour contrer cela je m’étais donc décidé à aller faire un tour dans la salle de musique. Par chance il n’y avait personne, j’entrais un CD que j’avais apporté dans ma valise avec des versions instrumentales de chansons que j’avais du mal à cerner simplement accompagnées d’un instrument. La première était une chanson de Pink, Sober. La musique démarrait et je commençais à chanter, à l’aise puisque personne n’allait m’entendre. « I don't wanna be the girl who laughs the loudest Or the girl who never wants to be alone I don't wanna be that call at four o'clock in the morning 'Cause I'm the only one you know in the world that won't be home. »

Je n'avais rien d'un mélomane, rien non plus d'un adepte de musique. Pour tout dire à part connaitre par cœur et sur le bout des doigts les chansons de Michael Jackson, la musique et moi ça faisait deux. Et pourtant, je ne rechignais jamais à faire un tour du côté de la salle à musique, un endroit calme et franchement sympa où je me sentais bien. Alors oui bien sur j'y venais plus par spectateur que pour me donner en spectacle, mais il fallait savoir aussi que je ne savais jouer d'aucun instrument -je n'avais jamais chercher à apprendre non plus- quand à ma voix elle n'était bonne qu'à massacrer des chansons. Ce soir je décidai une fois de plus de me rendre à la salle de musique. A peine arrivé devant la porte, je pus déjà entendre quelqu'un chanter. La chanson, comme ça à l'écoute, on aurait dit du Pink mais je ne me serais pas avancé, n'y connaissant pas grand chose à toutes ses musiques de jeunes. « I don't wanna be the girl who laughs the loudest Or the girl who never wants to be alone I don't wanna be that call at four o'clock in the morning 'Cause I'm the only one you know in the world that won't be home. » Mmm étrange, cette voix m'était quelque peu familière. Je passai alors ma tête par la porte, et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que celle-ci appartenait en fait à Baptiste. Il m'avait caché qu'il avait une voix pareille, le petit cachotier. Je pris alors appui contre le bord de la porte, observant celui-ci chanter. J'accrochais grave, et pourtant dieu sait que ce n'était pas mon style de musique. Je n'avais même pas vu que non loin de moi était posée un flûte. Une flûte qui se trouvait un peu trop sur le rebord du tabouret à côté de moi, et à laquelle je ne fis pas attention lorsque je voulus m'assoir sur celui-ci. Résultat, la flûte tomba par terre et fit un bruit d'enfer. Bien conscient d'avoir attiré l'attention de mon Baptistou, je ramassai l'objet du délit, tout penaud. « Oups. Désolé. Mais continues, continues ! Fais pas attention à moi je vais partir, c'est mieux je crois. » Je m'étais montré tout à fait maladroit, et avait gâché au passage sa chanson. On ne pouvait faire plus ridicule ce soir. Le mieux était encore que je me barre, que je laisse chanter en paix et que j'aille jouer les cons ailleurs...

Je n’avais jusqu’à maintenant jamais pensé que le chant pouvait être une carrière envisageable pour moi, pourtant depuis que j’étais arrivé dans cette aventure j’avais en quelque sorte pris confiance en moi sur ce côté. Envisager une reconversion dans le domaine artistique n’était pas une mauvaise idée, j’avais déjà écrit quelques textes et puisque ma voix semblait être audible pourquoi pas ? Je me concentrais déjà sur cette aventure et à la suite j’y penserais sérieusement. En attendant je profitais de la richesse de cette salle de musique pour pousser la chansonnette, cette chanson de Pink je l’appréciais particulièrement, c’était totalement dans mon registre bien que ce dernier soit carrément élastique. J’écoutais de tout mise à part la musique classique bien sûr, du coup j’avais tendance à chanter n’importe quelle chanson du moment qu’elle m’inspirait, bon, vous dire que je n’avais pas une préférence pour les chansons dans le répertoire d’Alicia Keys et ce genre d’artistes serait vous mentir. Je poussais donc les notes de Pink en prenant la liberté de m’approprier la chanson et donc d’ajouter ma touche à cette chanson déjà parfaite. Pourtant, en pleine chanson j’entendais un bruit sourd crée par une flûte qui était tombée d’un tabouret sur lequel s’était appuyé… Rubinou, je souriais un peu gêné parce que je n’avais pas du tout l’habitude de chanter devant des gens, enfaite mise à part Zhara et Lukas jamais je n’avais fait une telle démonstration de mes « talents » « Oups. Désolé. Mais continues, continues ! Fais pas attention à moi je vais partir, c'est mieux je crois. » Je lui souriais saisissant la télécommande de la chaine hifi pour mettre pause. « C’est pas grave et puis… Si tu veux tu peux rester Rubinou. »

Il y a parfois des situations embarrassantes qui vous donnent juste envie de vous enfouir profondément dans le sol, pour ne plus être vu. Des situations où vous agissez de manière ridicule, et où vous vous trouvez plus gêné que jamais. C'était mon cas, ce soir, dans la salle de musique. J'avais voulu me faire discret, pouvoir ainsi profiter de la chanson de Baptiste, mais comme d'habitude il fallait que je me fasse remarquer. Cela se produisait toujours sans que je le veuille, sans que je cherche à attirer l'attention sur moi. A ce moment précis j'aurais aimé espionner Baptiste sans que celui-ci ne me voit, mais il a fallu que je fasse tomber à terre cette satanée flûte. Je n'avais pas l'air malin après ça. J'eus envie de partir, de laisser Baptiste car j'en avais bien assez fait comme ça. « C’est pas grave et puis… Si tu veux tu peux rester Rubinou. » Mon Baptistou, toujours aussi gentil, toujours aussi mignon. Il éteignit la musique grâce à la télécommande dont il venait de se saisir. Voilà, à cause de moi il se voyait interrompu. Super. « C'est vrai, t'es sur ? Je voudrais pas être de trop. Tu as peut-être envie de pousser la chansonnette de plus belle, et je ne serais que gênant... » Je ne voulais pas déranger une deuxième fois dans un si court laps de temps. Baptiste était bien tranquille avant que je ne vienne le faire chier. Okay je ne l'avais pas voulu, mais les faits étaient là. « Ou alors... on se fait un duo. » Oui, c'était bien moi qui venait de dire ça, moi le type n'y connaissant rien en musique, incapable de chanter juste même sous la douche. Un duo avec Baptiste serait marrant selon moi, on se rendrait tout de suite compte que l'un sait chanter, tandis que l'autre non. Mais peut-être aurais-je mieux fait de le laisser après ma première remarque. C'était tout moi, ça, il fallait toujours que j'en remette une couche. Un éternel insatisfait, je vous dit.

Chanter en aillant l’impression d’être jugé n’était pas quelque chose de très agréable pour moi et c’est bien pour ça que j’évitais totalement de me produire devant les autres, même s’ils ne pensaient pas forcément à analyser chacune de mes notes il en ressortait toujours un jugement bien qu’il ne soit pas toujours intentionnel, oui parce qu’il suffisait d’apprécier ou non une chanson pour y apporter un jugement à mes yeux. Bref, chanter était donc toujours quelque chose que j’avais pratiqué en solitaire, ou alors avec quelqu’un qui m’accompagnait justement au chant ou au moins à l’aide d’un instrument du musique, la preuve, Zhara et Lukas avaient tous les deux fait quelque chose avec moi et c’était pour ça que je m’étais laissé aller avec eux. Aujourd’hui Ruben était là et le fait qu’il soit gêné me faisait sourire, pourtant, en ce début de soirée j’étais prêt à accepter qu’on me regarde, je connaissais Ruben et il ne porterait surement pas de jugement sur moi. « C'est vrai, t'es sur ? Je voudrais pas être de trop. Tu as peut-être envie de pousser la chansonnette de plus belle, et je ne serais que gênant... » Le fait qu’il soit si impliqué dans l’objectif de me mettre dans de bonnes conditions me touchait, pourtant si je lui avais demandé de rester ce n’était pas pour être gentil, j’en avais envie. « Ou alors... on se fait un duo. » Il parvient à me faire sourire sans aucunes difficultés, je lui laisse une place contre le piano et commence déjà à réfléchir au titre qu’on va interpréter –ou massacrer– « Un duo avec toi ? Ce serait un honneur… Tu as une idée de titre ? »

Plus con que moi tu meurs. Proposer de faire un duo avec Baptiste, mais je me croyais où au juste ? Où est-ce que j'avais pu m'imaginer avoir un semblant de voix, même ? Quand je chantais, c'était limite si tout le monde ne se barrait pas en courrant tant ma façon de chanter était une torture pour les oreilles. Tout ce que j'allais réussir à faire, si Baptiste venait à accepter que l'on se fasse un duo tous les deux, c'était que je massacre tout bonnement une très belle chanson. J'aurais mieux fait de fermer ma gueule, autrement dit. Celui-ci ne tarda pas à me faire à côté du piano. Et merde. La musique et moi ça faisait deux, et de nous savoir tous deux dans cette salle pour chanter me foutait une pression monstre. « Un duo avec toi ? Ce serait un honneur… Tu as une idée de titre ? » Ruben, votre mission si vous l'acceptez, trouver en l'espace de dix secondes une chanson à interpréter avec Baptiste. A part Michael, je connaissais aucun artiste ou presque, vous savez. Alors bon, au risque de passer pour un has-been complet, je proposai finalement une chanson qui me tenait très à coeur. « Hum... "Will you be there", peut-être ? Tu te sens de l'interprèter cette chanson ? » Je pensais qu'il était inutile de préciser que c'était un titre de notre regretté MJ, car celle-ci était tout de même très célèbre. Avec une telle chanson, ce que je redoutais le plus, c'était assurément les aigus. Mais qu'importe, j'aimais cette chanson car elle était porteuse d'un message. De plus, c'était une très belle chanson, vous ne trouvez pas ? Je n'étais pas sur qu'elle puisse convenir à mon Baptistou, mais au moins j'avais tenté le coup.

SON AU PIANO.
VERSION ORIGINALE.

Ce n’est pas parce que j’avais quelques qualités vocales que je n’appréciais pas non plus de chanter en toute amitié même si les notes étaient fausses, je n’étais pas juge et je n’avais aucun mérite musicalement parlant qui me permettrait de me mettre sur un quelconque pied d’estale. Bref, je lui proposais avec le sourire aux lèvres de nous trouver une chanson qu’on pourrait essayer de ne pas trop mettre en pièces dans les minutes à venir, je n’avais pas à attendre bien longtemps avant qu’il ne se décide à me donner un titre. Bien sûr, avec la différence d’âge j’espérais qu’il ne me sortirait pas quelque chose de trop ancien pour que je sois dans l’incapacité de connaitre cette chanson et, pire dans l’incapacité de la reproduire au piano. Sur ce point mon oreille musicale me permettait de faire des merveilles en un peu plus d’une heure malgré quelques imperfections hélas imprévisibles. « Hum... "Will you be there", peut-être ? Tu te sens de l'interprèter cette chanson ? » Je souris parce que cette chanson de Michael Jackson alias le roi de la pop m’a marqué lorsque j’étais plus jeune. A l’époque ou sauvez Willy était encore à la mode, cette chanson était dans la bande originale et c’est durant ce film que je l’avais entendue la première fois. Par chance j’avais déjà essayé de l’adapter au piano un jour durant lequel je chassais l’ennui, je m’en souvenais suffisamment pour nous accompagner. Sans plus attendre je venais m’asseoir au piano débutant l’air de la chanson. « J’ai bien envie de l’interpréter avec toi. » J’attends juste qu’il débute avec les paroles parce que je ne les ai pas en tête.

C'était à se demander dans quelle galère je m'étais encore fourré... Après avoir pathétiquement avoué mes sentiments à Moore, après m'être reçu une tasse de café brûlante sur la tronche par Jackson, bref après moult humiliations au sein du nid cette semaine, je croyais bien avoir touché le fond cette fois. Qui aurait pu croire que c'était moi, un mec grognon prenant peu d'initiatives dans la vie de tous les jours, qui avait proposé à Baptiste de faire un duo ? Et pourtant, c'était bel et bien une idée qui était tout droit sortie de mon crâne de piaf. Je ne pouvais plus reculer maintenant, et puis chanter avec Baptiste me faisait tout de même bien plaisir bien que je redoutais d'être tout à fait mauvais lorsque mon tour viendrait de chanter. Manque de bol pour moi, je devais chanter le premier. Bah oui, c'était logique quand on y pense, puisque la chanson c'était moi qui l'avait proposée. Baptiste prit alors place au piano, tandis que je restais accoudé sur celui-ci. Le trac monstrueux que je me trainais, à ce moment précis. Une horreur. Je crus même que j'allais partir en courant tant je redoutais la réaction de Baptiste lorsqu'il serait amené à m'entendre chanter... « J’ai bien envie de l’interpréter avec toi. » C'est parti, la machine était lancée. La mélodie de Will you be there ne tarda pas à se faire entendre dans la salle, jouée par les petites mains de fée de mon Baptistou. Aie Aie Aie... Attention, Ruben n'allait pas tarder à ouvrir la bouche pour commencer à chanter. Enfin, "chanter" était ici un bien grand mot. Massacrer une chanson était déjà un peu mieux. Je devais y aller, je devais faire part de mes talents de chanteur à Baptiste. D'un voix grave et plutôt fausse, je commençai la chanson de Michael. « Hold me, like the river Jordan, and I will then say to thee, you are my friend. Carry me, like you are my brother, love me like a mother, will you be there ? Ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh. Weary, tell me will you hold me, when wrong will you scold me, when lost will you find me ? But they told me, a man should be faithful, and walk when not able, and fight till the end but I'm only human. Ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh ouh ouh ouh, ouh. »