Anglais de son état, il n'était pas surprenant de le voir rôder autour des sachets de thé, alignés par parfum et disposés horizontalement dans la boîte prévue à cet effet. Il hésitait quant à l'infusion qu'il voulait. Il examina de plus près chaque paquet. Un par un. Aucun ne lui faisait réellement envie. Agrumes, fruits rouges, menthe. Du déjà vu. Loin d'être du thé d'excellente qualité. Il ne fallait pas trop en demander non plus. Son regard sombre s'attarda sur une infusion à la camomille. Pourquoi pas. Il s'en saisit et l'ouvrit qu'il déposa au fond de son gobelet hermétique. Une jeune femme vint se servir au buffet. Il trempa le sachet dans l'eau chaude et le laissa infuser. Il ouvrit la bouche et dit d'un ton morne : « Si j'étais vous, je ne prendrai pas ce jus d'orange. Il fixait la cafetière en face de lui, feignant de l'ignorer tandis qu'il attrapa une touillette non loin d'une pile de serviettes. Pourquoi ? Elle n'allait pas tarder à le savoir. - Voyez-vous l'homme derrière moi ?, qu'il lui glissa discrètement à l'oreille. L'individu qu'il pointait discutait joyeusement avec une blonde plantureuse. Il priait en son for intérieur qu'elle s’exécuterait en toute discrétion, de peur que le Monsieur en question ne les remarquât en train de l'épier. Il poursuit alors son explication en touillant son thé, stoïque : - Tout à l'heure, il a délibérément glissé des laxatifs dans certains de ces gobelets. Et ce, de façon aléatoire. Dans le but d'éliminer ces concurrents, bien sûre. Stupide, mais malin. Ne serait-ce pas de la concurrence déloyale ? On dirait bien. Les gens étaient sérieusement prêts à tout (et à n'importe quoi) pour évincer les autres. Certes c'était un acte pitoyable (ou désespéré, c'est selon) et éminemment lâche de sa part, mais il reconnaissait que ça ne manquait pas d'audace. Et visiblement, ç'avait tapé dans l’œil de l'anglais qui éprouverait presque une certaine admiration pour le gringalet. Un acte qu'il ne pouvait cautionner, malgré tout. - Donc, à vos risques et périls. », souffla-t-il d'un ton quasi impérieux. Cela dit, elle n'était pas obligée de la croire. Après tout, il n'était qu'un sinistre inconnu. Elle aurait eu raison de se méfier d'un type comme Orson dans d'autres circonstances. Mais là, ce n'était pas le cas.

C'est d'un pas dynamique, témoignant sans mal de la détermination dont elle faisait preuve depuis qu'elle était arrivée ici pour défier sa personne à travers cette ultime étape des castings, que Freddie avait quitté la chaise qu'elle occupait pour s'approcher du riche buffet qui lui faisait pour ainsi dire de l’œil depuis un petit moment déjà. Elle était pour le moins gourmande de nature, pour autant ici c'est davantage sa soif qui avait parlé et l'avait sommé de se servir quelque chose. Et bien qu'elle ait déjà pu constater que les circonstances étaient propices à des rencontres, elle ne s'attendit pas nécessairement à ce qu'un jeune homme l'accoste et lui conseille de ne pas boire de jus d'orange. A vrai dire, elle avait justement été tentée d'en saisir un gobelet, alors disons que bien que cette entrée en matière la rende sceptique, elle allait tâcher de savoir où il voulait en venir, juste parce que la vie lui avait appris à la jouer prudente. Elle haussa alors un sourcil et attendit qu'il poursuivre, l'y encourageant silencieusement. Il lui parla d'un homme, et c'est tout à fait discrètement qu'elle posa ses yeux sur celui-ci, s'interrogeant de plus en plus sur ce que son interlocuteur pouvait bien avoir à lui dire, surtout si cela impliquait un homme qu'elle ne connaissait pas davantage qu'elle ne le connaissait lui. « Pataud, exalté, impudent. Je ne risque pas de le rater. » Disons que d'ici elle devinait sans mal qu'ils avaient à faire à un balourd somme toute un peu trop émoustillé par la créature qu'il avait face à lui. Les questions qu'elles se posaient n'en trouvaient cela dit toujours pas de réponse, et c'est alors qu'elle s'apprêta à l'interroger directement que la nouvelle tomba. Ainsi donc, il était question d'un empoisonnement aux laxatifs. « Une désolante manifestation du peu de confiance qu'il doit avoir en sa personne » qu'elle lâcha dans un premier temps, après une courte réflexion et à travers un soupire équivoque. Si cet individu croyait en ses chances, il n'aurait certainement pas entrepris d'évincer des concurrents d'une si grossière manière. En tous les cas, il est certain qu'elle ne prendrait pas le risque de goûter l'un de ces gobelets. « Pouvez-vous maintenant me certifier que le thé, lui, est vierge de tout ajout de produits purgatifs ? » qu'elle demanda alors, voyant toutefois bien vite qu'il s'en était lui-même servi. « Quoi que si ça n'était pas le cas et que vous en saviez quelque chose, j'ose supposer que vous ne projetteriez pas d'en boire. A moins d'avoir le goût du risque. » Ce qui, pour le coup, serait plus qu'inconscient.