Je vais jamais dans la salle informatique, c'est sans doute un tort de ma part, je sais pas, j'imagine que s'ils l'ont mise là c'est qu'elle a un but, un intérêt, et qu'on devrait tous aller y traîner de temps à autres, non ? En fait, je me rends compte que j'y suis allée juste une fois, pour poster une photo sur mon compte twitter, vers le début de l'émission, quand j'avais un minimum de bonne volonté et que j'étais encore une candidate zélée et tout le toutim. Faudrait que je m'y remette. Stratégiquement, ça ne peut être qu'un bon choix, non ? Et je ne pense pas assez stratégie à mon goût. Une tasse de thé à la main, j'entre donc finalement dans la salle informatique, pour y découvrir la jolie Donia, qui est déjà présente sur les lieux et occupe un des douze ordinaires. « Salut ! je lance avec entrain, avant de refermer la porte derrière moi. Tu fais quoi ? » Bon je me doute bien qu'il y a pas trente-six réponses possibles à cette question, mais j'ai envie de lancer la conversation et faut bien commencer par quelque chose. Je vais poser mon appareil photo et mon ipad à côté d'un ordinateur que j'allume alors, avant de porter ma tasse à mes lèvres. L'informatique et, plus globalement, les nouvelles technologies, ça n'a jamais été trop trop mon truc. Je me renseigne sur ce que j'ai besoin de savoir, par rapport à ma page YouTube, au montage des vidéos etc. mais j'ai constamment besoin qu'on m'aiguille, qu'on m'aide, et j'ai horreur de ça d'ailleurs, de me sentir comme une assistée, mais bon, que voulez-vous que j'y fasse, on a tous nos talents personnels, nos dons qui nous sont propres, et l'informatique ne fait pas partie des miens. D'ailleurs, je fronce déjà les sourcils face à mon écran ; ça commence mal, j'ai l'impression que le truc démarre pas correctement. Je sens que je vais avoir du mal à rester zen, ces appareils ont tendance à me porter sur les nerfs quand ils s'y mettent.

Avec une journée pareille à celle que nous venons de passer, il n’est pas étonnant que je n’aie qu’une envie, et que ce soit celle de rester à l’intérieur le plus longtemps possible. Dehors, le vent s’est levé, et j’ai bien l’intention de retarder mon heure de coucher le plus longuement possible, pour ainsi m’épargner la froideur de cette fin d’octobre. Dire que la semaine avait si bien commencé, maintenant, je suis presque obligée de dormir coller tout contre Eibhlìn pour me garder au chaud, de quoi la faire jubiler. Ceci dit, ce n’est pas SI désagréable, mais je n’ai jamais aimé dépendre de quelqu’un, ne serait-ce que pour une simple petite chose comme celle-là. Armée d’un café brulant, j’ai décidé d’investir la salle informatique. J’ai quelques photos que j’aimerais bien remiser dans mes dossiers, elles sont depuis trop longtemps entreposées dans mon iPad que je traîne ici et là, avec moi. Je branche l’appareil sur l’ordinateur, et attendant que le transfert s’opère, je prends de petites gorgées de mon breuvage bourré de caféine. C’est à ce moment que pénètre dans la pièce Aliénor, qui me salue énergiquement. Je lui réponds d’un simple signe de la tête. Elle me demande ce que je fais. « Rien de très intéressant. Un peu de ménage dans mes photos. » J’attends toujours un petit moment avant d’afficher les clichés que j’ai pu prendre, le temps de laisser reposer la poussière. Je peux ensuite juger de la qualité de ceux-ci, à tête reposée, et non pas me précipiter. Certes, l’instantané à son charme – Instragram en est la preuve vivante – mais ce serait stupide de publier une image qui ne me satisfait pas, rien que pour la retirer quelques instants plus tard. J’ai trop en importance la qualité de mon image pour négliger ce genre de détail. Buvant à nouveau dans ma tasse bien chaude, je jette un coup d’œil du côté de la nouvelle arrivante. Le bruit – peu reluisant – que pousse son ordinateur est loin d’être rassurant. À voir sa tête, je crois comprendre qu’elle est du même avis. « Tu devrais peut-être essayer un autre poste, il est assez capricieux, celui-là. » Je parle en connaissance de cause, pour l’avoir expérimenté, quelques jours plus tôt. « Celui-ci fonctionne plutôt bien. » fis-je en lui indiquant, d’un signe de la tête, le poste à mes côtés.

Mon thé à la main, je hoche doucement la tête en guise de réponse, même s'il s'agit plutôt d'une sorte d'accusé de réception conversationnel, une façon de dire "d'accord, je vois" sans avoir à prononcer un seul mot, une astuce de fainéant, en somme - je n'étais pourtant pas habituée à recourir à de tels procédés, étant plutôt du genre excessivement zélée d'ordinaire. « J'ai l'impression de ne jamais avoir pris autant de photos que depuis que je suis ici. Je ne sais pas si c'est lié à l'ennui, ou une sorte de volonté de bien respecter les consignes de la direction, mais le fait est là. » je souligne, distraitement, en regardant du coin de l'oeil l'écran de la jeune femme. Hors du nid, je prenais rarement la peine d'immortaliser les évènements plus ou moins importants de ma vie, mais depuis que j'étais ici, je prenais en photos tous mes moindres repas. Est-ce que je suis devenue, genre, une hipster ? J'essaye par la suite d'allumer un ordinateur et "essayer" est définitivement le terme adéquat puisque je me vois essuyer un échec cuisant. Epic fail. Je mentirais si je prétendais que je ne m'y attendais pas... J'avais la poisse avec ces trucs là. Poussant un soupir exaspéré, je tourne ensuite la tête vers Donia à l'entente de sa suggestion. Une nouvelle fois, j'acquiesce du chef et, reprenant la tasse que je venais de poser, je me dirige vers le poste situé à côté du sien. « Ça me rassure un peu de savoir qu'il y a un précédent, les ordinateurs me détestent assez souvent et ça devient vexant. » je commente en poussant un nouveau petit soupir. Ah, miracle, cet ordinateur-ci accepte de s'allumer. J'ouvre ma session et branche mon appareil photo au port USB de l'unité centrale. « Alors, dis-moi, comment ça se passe le camping ? » j'ajoute ensuite en tournant la tête vers Donia, un petit sourire aux lèvres. Non mais on peut continuer à parler informatique si elle veut, mais je serais pas contre un sujet de conversation un peu moins chiantissime.