Il était tard, peut-être vingt trois heures trente, voire même minuit. Et si Faust était du genre à aimer sortir, ça n'était pas franchement mon domaine. Il faut dire que j'avais toujours eu l'habitude de me lever aux aurores, et de ce fait, je ne profitais que très rarement de la nuit. Pourtant, ces temps ci, tout était différent. Oui, je ne faisais plus le même métier, je travaillais même beaucoup moins et gagnait plus. Peut-être était-ce ça, réellement profiter de la vie. Seulement, je prenais tout de même soin de m'occuper de ma famille, et ce malgré mes nombreux voyages. Il fallait aussi que je pense à moi, oui, il était temps que je m'accorde un peu réconfort après ces dix dernières années de travail acharné. Parce que je n'avais jamais arrêté, pas même une seule seconde, alors forcément, c'était plutôt agréable de se dire que je pouvais me reposer au soleil sans craindre quoi que ce soit. Pourtant, malgré mon apparence, je restais clairement un garçon actif. Oui, j'avais besoin de faire évoluer les choses, de ne pas faire de surplace. C'était pour cette raison que je gardais un peu d'argent pour financer les études de mes soeurs. Oui, je m'étais dit qu'au moins, elles auraient la chance d'avoir ce que je n'avais pas pu m'offrir. Alors certes, être un mannequin n'était pas une des activités les plus intéressantes à mes yeux, mais du moment que ça pouvait nettement aider mes factures, je n'allais clairement pas cracher dessus. D'autant plus que j'avais encore mon boulot de barman, là bas, en Irlande. Nous venions de terminer notre repas, dans un des petits restaurants du coin. C'était fou à quel point il pouvait faire chaud, d'ailleurs je ne portais qu'un débardeur, tandis que nous regagnions l'ile que Faust devait garder. Cela faisait quelques semaines que nous avions pris l'habitude de se voir, et je devais bien avouer que tout s'était fait plutôt naturellement. On ne s'était jamais dit que l'on était ensemble, oui, peut-être que le terme était trop effrayant, ou peut-être qu'il ne nous convenait pas. La vérité, c'est que je n'étais moi même pas bien habitué à fréquenter qui que ce soit, du moins, de manière stable. Je n'avais pas envie de lui promettre quoi que ce soit, alors c'était peut-être mieux ainsi. Peut-être ne devais-je rien dire, ou du moins, pas trop tôt, pas trop vite. Mains dans les poches, je contournais le beau brun lorsque nous arrivions dans le salon, une question me tracassant depuis maintenant quelques jours. Il allait probablement mal le prendre, oh oui. Mais il fallait bien aborder le sujet un jour ou l'autre, et vu que nous n'en avions pas reparlé depuis la dernière fois que nous avions mis les pieds dans le nid... « Tu t'es décidé de c'que tu voulais faire pour prendre ta vie en mains ? » mon ton se voulait légèrement trop sec, mais lorsque l'on me connaissait, on pouvait deviner qu'il n'y avait pas vraiment d'animosité dans ces paroles. C'était juste ma façon d'être. « Enfin, je n'sais pas... T'as de l'argent, assez pour monter n'importe quel projet, alors t'attends quoi ? Personne ne voudrait de quelqu'un qui ne fout rien de ses journées. » oh, c'était peut-être la parole de trop, et je regrettais presque instantanément de l'avoir prononcé. Merde.

Depuis Fake Lover, tout avait changé sans réellement changer. Tu avais toujours le même boulot, les mêmes amis, les mêmes sorties, et pourtant tu avais donné des interviews, tu avais accepté de poser une fois pour un photographe, et tu avais même pris l'avion pour la première fois de ta vie. En clair, ton quotidien était légèrement chamboulé, mais pas assez pour que tu ne reconnaisses plus ta vie d'avant. La seule grande différence, c'était l'omniprésence d'Archie ces dernières semaines. Tu ne t'en plaignais pas, loin de là, ça te plaisait même plutôt bien, à vrai dire. De plus, tu t'étais bien vite fait à l'idée que tu ne pouvais rien attendre de sa part. Alors tu te contentais d'en profiter, au jour le jour, comme tu avais toujours eu l'habitude de faire. Pas de question, pas de souci. Comme toujours, tu te contentais de ce que tu avais, et tu ne cherchais pas à avoir plus. Pourquoi chercher à avoir plus lorsque tu savais que c'était impossible, hm ? Qu'importe, vraiment. Ce soir là, vous étiez en train de rentrer sur l'île après une petite soirée sympa dans un restaurant, rien que tous les deux. Une fois dans la villa, tu t'apprêtes à aller te changer pour pouvoir te coucher, mais Archie en décide autrement. « Tu t'es décidé de c'que tu voulais faire pour prendre ta vie en mains ? Enfin, je n'sais pas... T'as de l'argent, assez pour monter n'importe quel projet, alors t'attends quoi ? Personne ne voudrait de quelqu'un qui ne fout rien de ses journées. » C'est comme une gifle. Violente, la gifle. Sa dernière phrase en particulier. Tu te fiches pas mal de toutes les critiques, d'habitude, et tu le montres bien, mais là, c'est différent. Ça te vexe. Et ça peut se lire dans ton regard bleuté. Ou bien même dans l'expression de ton visage, ou encore ta manière de rester silencieux pendant un certain temps. Tu sais bien que tu n'as pas mal entendu, et qu'il a réellement prononcé ces mots. Peut-être que si une autre personne venait à te dire ça, tu n'y porterais aucune importance. Mais là, c'était Archie. Et toi, ça te fait mal. « Qu'est-ce que ça peut te faire ? » tu lances sèchement, sur la défensive. Tu n'es pas du genre à t'énerver vite, Faust, loin de là. En fait, tu ne t'énerves que très rarement, préférant tout prendre à la rigolade. Mais là, ça ne passe pas. Là, tu ne peux pas faire comme si tu n'en avais rien à faire. Parce qu'il venait clairement de te blesser, avec ces quelques mots. Tes sourcils sont froncés, et tu n'es vraiment plus d'humeur à sourire. Non, plus du tout. Pour qui se prenait-il ?

Mes mots avaient été cru, certainement trop, et de toute évidence, le jeune homme n'avait pas réellement apprécié. Cela dit, il avait bien mieux réagit que je ne l'aurais fait à sa place, puisque j'étais plutôt du genre à grogner pour un rien, tandis qu'il s'avait parfaitement se maitriser. La patience n'avait jamais été mon fort, oh ça non. Qu'est ce que ça pouvait bien me faire ? Nous vivions pratiquement ensemble depuis maintenant quelques mois, et si nous n'avions pas encore clarifié les choses entre nous, il était évident que nous ne pouvions pas passer à côté de ce détail. Alors certes, peut-être avais-je l'habitude de contrôler la vie de tout le monde, puisque c'était ce que je faisais avec mes frères et soeurs, étant le seul à être majeur, et mes parents ne pouvant de toute évidence plus s'occuper de nous. J'avais l'habitude de tout penser pour tout le monde, oui, ainsi que d'avoir de nombreuses responsabilités, alors forcément, lorsque je voyais Faust qui ne prenait pas réellement sa vie en main, se contentant de vivre avec des affaires qui n'étaient pas les siennes, je devais bien avouer que cela m'agaçait quelque peu. J'avais l'impression de faire autant du surplace que le garçon. Et moi, j'avais besoin qu'elle avance, ma vie. Je ne pouvais pas me permettre de me reposer sur mes deux oreilles comme il le faisait. « T'es con ou quoi ? » que je lâche en croisant mes bras contre ma poitrine. Le message était plutôt clair non ? « Faust, on est ensemble. » et c'était bien la première fois qu'une parole de ce genre était prononcée. La première fois que l'un d'entre nous le disait haut et fort. « J'tiens à toi, ok ? Mais j'ai besoin d'être avec quelqu'un qui a un minimum d'ambition. » quelqu'un qui serait capable de faire des projets, qui serait capable d'avancer de lui même. « Et quand t'auras quarante balais et que tu réaliseras que t'as rien fait de ta vie, crois moi, ça n'est pas à moi que t'en voudras... » et clairement, moi je m'en voudrais de l'avoir laissé comme tel.

Il était évident que ce qu'il venait de te dire ne t'avait pas plu, pas plu du tout, même, à vrai dire. Tu n'étais pourtant pas quelqu'un qui se vexait vite, Faust, loin de là. Tu préférais tout prendre au second degré, tu ne voyais franchement pas l'intérêt de s'énerver, ou de prendre les choses mal. Mais là, c'était le cas. Tu avais l'impression de faire face à ta mère, avec sa manière de parler de ton avenir, de vouloir tout prendre en main. Pourtant, tu ne lui avais rien demandé. Rien du tout. Alors, pourquoi ? Pourquoi faisait-il ça ? Son seul but était-il simplement de te blesser ? Parce que si c'était le cas, il venait de réussir, et avec brio. Archie était une des seules personnes sur cette terre ayant réussi à te coller une gifle de la sorte, et tu ressentais ça sûrement parce que tu t'étais beaucoup trop attaché à lui. Tu t'attachais toujours beaucoup trop vite aux gens, comme d'habitude, et ça finissait toujours mal. Tu entrevoyais déjà comment cette discussion allait finir : vous alliez vous énerver l'un contre l'autre, Archie irait faire ses bagages pour rentrer en Irlande, et vous ne vous reverrez plus jamais. « T'es con ou quoi ? » Ça devait être sûrement ça, oui. Tu étais con. Tout le monde te prenait pour un con. Mais ce qui te déçoit le plus, c'est que lui aussi le pense. Et puis, ça doit bien se voir sur ta face, que tu es mécontent. Mécontent de tout ça, de ce qu'il te dit là. « Faust, on est ensemble. »  Là, tu dois vraiment avoir l'air d'un con. Il n'y avait qu'à voir ton sourire d'idiot qui se dessine sur ton visage dès qu'il prononce ces paroles. Vous êtes ensemble. Mais presque aussitôt, tu arrêtes de sourire. Pas parce que tu n'étais pas content, non, seulement parce que tu voulais qu'Archie te prenne au sérieux. Oui, il venait tout de même de te dire quelque chose de drôlement vexant, quelques minutes plus tôt, et ce n'était pas comme ça qu'il pourrait te faire oublier. Même s'il fallait avouer que pour le coup, tu étais prêt à oublier, vu ce qu'il venait de dire, hm. En fait tu ne t'attendais vraiment pas à ça. Pas de sa part à lui. Tu t'imaginais plus Archie se servir de toi pour avoir libre accès au soleil, à la plage, et ton corps - et autant dire que tu ne t'en étais pas plains jusque là. Mais peut-être que tu t'étais trompé. Peut-être qu'il ne se servait pas de toi, finalement. « J'tiens à toi, ok ? Mais j'ai besoin d'être avec quelqu'un qui a un minimum d'ambition. Et quand t'auras quarante balais et que tu réaliseras que t'as rien fait de ta vie, crois moi, ça n'est pas à moi que t'en voudras... » Tu essaies de garder ton sérieux du mieux que tu peux, dans le but de ne pas sourire parce qu'il venait de dire au début. Il tenait à toi. C'était tout ce que tu avais retenu, toi, l'idiot. «De une, je n'ai pas besoin d'une deuxième maman, mets-toi bien ça dans la tête Archie.» Une maman était déjà assez relou comme ça, hm. «De deux, tu n'as pas le droit de me traiter comme ça, et d'insinuer que je suis une merde. » Non, clairement, dire que tu allais finir seul et que personne ne voudrait de toi n'était pas la chose la plus agréable à entendre. «De trois, j'avais déjà décidé de quitter mon boulot ainsi qu'Hawaï avant que tu ne fasses ta petite intervention "sauver Willy". » Quoi, tes références étaient pourries, hm ? «J'ai besoin de partir d'ici pour résoudre mes problèmes avec les vêtements. » tu dis très sérieusement, même si ça paraissait ridicule. En soi, c'était vraiment ridicule. Mais tu avais un réel problème, tu lui en avais parlé. Bien sûr ces derniers temps tu faisais des efforts, il n'y avait qu'à voir maintenant, tu avais un tshirt et un bermuda, mais ça restait difficile, t'avais constamment l'impression de suffoquer. Tu ne pouvais pas vivre de cette manière. «Et puis j'ouvrirai quelque chose avec mes économies. » Tu voulais travailler avec les enfants, c'était ce qui te rendait complètement gaga, toi. Il avait bien pu le voir lorsque tu avais accueilli le bébé d'une amie ici, hm. «Et de quatre, tu n'as pas intérêt d'aller voir ailleurs. » ta voix se veut menaçante, mais tu n'es pas crédible, tu le sais bien.