Akela & Danaé
Mai 2014

Hors de question que je laisse mon petit bout de chou tout seul pendant plusieurs jours d’affilés depuis que j’ai participé à cette émission de télé-réalité l’hiver dernier. Erick me suit partout à présent. La semaine dernière à Cannes pour le festival et aujourd’hui à Hawaii pour un shooting photo. Il m’a tellement manqué pendant près de trois mois que je ne peux plus me résigner à le laisser à qui que ce soit, même pour des raisons professionnelles. En plus c’est un véritable petit ange qui ne râle jamais et qui passe son temps à faire des sourires à tout le monde. Mes collègues de travail sont adorables avec lui. C’est la nouvelle star de tous les endroits où il passe. Tout le monde est raide dingue de lui. J’ai même réussi à rendre gaga certaines personnes qui ne l’ont jamais vu rien qu’en parlant de lui et en montrant quelques photos. Comme Akela par exemple. Bon sang ce que j’ai dû le gonfler à lui parler tous les jours de mon bébé pendant l’aventure Fake Lover. Je passais mon temps à l’inonder de photos de ma tête blonde et à lui raconter ses exploits, même les plus banals. Justement, qui dit Hawaii dit Akela, dernière saison de Fake Lover aussi, mais surtout Akela. C’est l’occasion idéale pour revoir mon camarade et pour enfin lui présenter Erick. Je me renseigne comme je peux pour savoir où le trouver en cette magnifique après-midi du mois de mai. Je contacte même son époux en toute discrétion. Le but est de lui faire une surprise. En espérant que cela lui fasse plaisir bien entendu. La plage. D’après tout le monde c’est à la plage que je vais le trouver. Alors dès que j’ai terminé ma journée de travail, en milieu d’après-midi, j’enfile un bikini, prépare Erick en circonstance et attrape mon sac de plage pour me rendre sur le lieu du rendez-vous. Lunette de soleil sur le nez, sac sur l’épaule et bébé dans les bras me voilà sur la fameuse plage de sable blanc que Benjamin, l’époux d’Akela m’a indiqué. Il y a pas mal de monde en train de prendre le soleil, mais je ne tarde pas à repérer ma proie. Un large sourire s’empare de mes lèvres. Ce que je suis contente de le revoir depuis tout ce temps. Mes pas sont rapides. On dirait que j’ai hâte de rejoindre mon ami. J’essaye de faire le moins de bruit possible pour ne pas gâcher la surprise. Une fois à sa hauteur, ma main libre vient se poser sur son épaule. « Excusez-moi ? » Il ne tarde pas à se retourner pour voir qui s’adresse à lui et le sourire présent sur mes lèvres ne fait que s’intensifier. « Je crois qu’on s’connait non ? » Bien évidemment qu’on se connait, mais c’est histoire de faire une petite entrée en matière rigolote et sympathique. Mes pupilles se balancent rapidement entre Akela et Erick. Le petit bout est en train d’observer l’homme qui se dresse devant lui. « Chéri, dis bonjour à Akela. » Chose qu’il ne tarde pas à faire puisqu’il fait un grand sourire avant de faire un petit coucou maladroit de l’une de ses mains d’enfant. C’est tout juste s’il ne lui tend pas les bras pour aller avec lui. Décidément Akela semble même charmer les enfants et Erick n’est absolument pas sauvage.

Y'en a qui se plaignent et à qui ça ne convient pas, de pouvoir dire de sa vie que tous les jours se suivent et se ressemblent, plus ou moins. Mais ça n'était pas vraiment mon cas, à tort ou à raison j'étais relativement attaché à ma petite vie et je ne l'aurais échangée pour rien au monde ; Ce n'était pas le cas avant ma participation à Fake Lover, et ça n'avait pas changé ensuite. Oh ça ne voulait pas dire qu'absolument rien n'avait changé dans ma vie depuis que j'avais remporté l'émission, j'avais reçu une certaine attention médiatique, quelques opportunités dont certaines que j'avais décidé de saisir, et surtout j'avais définitivement fait la paix avec mon passé concernant la révélation de mon secret. Qui n'en était plus un depuis longtemps ici ceci dit, je vivais avec un homme depuis des années et je n'avais pas attendu Fake Lover pour me prendre des réflexions dans la gueule de la part de certains ultras du circuit, ou d'anciens adversaires ... C'était un peu triste mais c'était comme ça. Non le souci c'était surtout que j'avais foutu un coup de pied dans la fourmilière, en prenant le parti de révéler l'impossibilité de s'assumer complètement dans un milieu comme le surf, pourtant supposé plus ouvert et plus cool. On m'avait accusé d'hypocrisie bien sûr, et mon ex-entraîneur ne s'était pas gêné pour me voler dans les plumes après le portrait peu flatteur que j'avais dressé de lui, deux choses ô combien ironiques quand on savait qu'ils avaient tous vite fait de m'oublier quand j'avais eu mon accident et que le médecin avait mis des mois avant de se prononcer sur la possibilité que je marche à nouveau normalement un jour. C'était eux, les hypocrites, et si je n'avais que peu d'espoir que mon intervention fasse vraiment changer les mentalités, elle m'avait au moins permis de faire la paix avec tout ça, et de me débarrasser de mon amertume. J'avais bien assez à faire dans ma vie sans avoir besoin de traîner éternellement cela comme un boulet derrière moi.

Alors on pouvait dire que ouais, ce que Fake Lover avait changé surtout dans ma vie c'était que j'étais plus serein maintenant, j'étais débarrassé d'un poids que je n'avais même pas conscience d'avoir gardé sur les épaules ces dernières années. Ça avait temporairement changé mon compte en banque également bien sûr, mais puisque le chèque de ma victoire avait eu un but dès le moment où il avait été en ma possession autant vous dire que depuis ce soir de décembre où je l'avais gagné, j'avais eu le temps de le dépenser. Le local qui abriterait notre école de surf était acheté, bien qu'encore vide et en chantier, mais Leilani aurait normalement son diplôme le mois prochain et après cela nous pourrions nous lancer, remettre tout cela à neuf, faire les choses bien ... Nous avions hâte, de travailler ensemble et de le faire en exerçant notre passion pour le surf. Ce sport faisait toujours partie de ma vie malgré tout, j'avais ça dans le sang. Pour l'heure je me concentrais encore uniquement sur mon "vrai" boulot, et justement j'étais en train de débarrasser le pont de l'Aigle de mer du matériel de plongée qui s'y entassait quand mon téléphone portable avait sonné. Benjamin, qui voulait savoir ce que je faisais cet après-midi, comme ça "pour savoir" ... Bon, ce n'était pas un secret de toute façon j'avais prévu d'aller voir John John Florence s'entraîner sur Sunset Beach, son paternel faisait un peu la gueule parce qu'il avait dégagé son précédent entraineur il y a trois semaines et je savais bien que le fils attendait le bon moment pour me demander de le remplacer. Mais je n'avais pas envie de le brusquer, alors en attendant je me contentais d'aller le voir surfer quand je pouvais, par curiosité.

Y'avait du monde sur Sunset Beach cet après-midi, il était loin le temps où le North Shore était relativement épargné par les touristes, mais dans l'eau en revanche on ne croisait que des surfeurs ; Trop de vagues, trop de courant, il était dangereux de se baigner ici si l'on n'était pas un bon nageur. Pour ma part j'avais assez barboté ce matin quand je bossais, pêche infructueuse en plus de ça, on ne pouvait pas avoir de chance tous les jours ... Je restais donc sur la terre ferme, les pieds dans le sable. « Excusez-moi ? » J'avais sursauté légèrement, j'étais tellement occupé à observer les surfeurs domptant les vagues que je n'avais pas remarqué que quelqu'un s'était approché de moi. Mais cette voix ... Je connaissais cette voix. Fronçant les sourcils je m'étais tourné vers mon interlocutrice au moment où elle ajoutait « Je crois qu’on s’connait non ? » Un sourire immense s'était étiré sur mon visage parce que non, je n'avais pas rêvé, c'était bien Danaé que j'avais devant moi. J'étais bouche bée, et je pense que si elle n'avait pas eu son bout de chou dans les bras je me serais jeté à son cou pour la prendre dans mes bras. « Et comment qu'on se connait, viens-là ! » J'avais passé un instant mon bras autour de ses épaules pour déposer un baiser sur sa joue. J'avais des milliers de questions à lui poser mais à cet instant j'avais l'esprit accaparé non seulement par la présence inattendue de la jeune femme mais également par celle de son bambin, gazouillant joyeusement dans ses bras en regardant dans ma direction « Chéri, dis bonjour à Akela. » Je vous avait déjà dit que j'étais incapable de résister à la bouille trop mignonne de la plupart des enfants ? Parce que c'était le cas, et cela ne datait pas d'hier, il fallait me voir quand j'étais avec mes neveux et nièces ... Ça faisait beaucoup rire ma mère et mes sœurs, d'ailleurs. « Il est trooop mignon, on dirait sa maman. C'est fou ce que ça grandi vite à cet âge-là ! » Je n'avais vu Erick qu'en photo jusqu'à présent, et effectivement il avait grandi depuis, c'était toujours un bébé bien sûr, mais plus autant que sur les photos. Il tendait ses mains vers moi, et d'un air amusé je lui avais tendu un de mes doigts pour qu'il l'attrape. Voilà, je fondais, c'était définitif. Mais j'avais toujours cinquante mille questions, et sans réussir à me retenir voilà que j'avais demandé « Qu'est-ce que tu fais à Hawaii ? Tu m'avais pas dit que tu venais ! T'es là depuis longtemps ? Tu restes jusqu'à quand ? Comment t'as su que j'étais là ... ? » Ouais non, fallait que je me calme, je sais, mais ça me faisait juste tellement plaisir de la revoir. En dehors de Betty je n'avais revu personne parmi mes anciens camarades de Fake Lover, pas même Camille. Ce n'était pas l'envie qui m'en manquait pourtant, mais j'avais bien conscience de vivre au milieu de nul part et cela rendait tout vraiment compliqué ... C'était le prix à payer pour vivre au Paradis j'imagine. « Désolé je t’assomme de questions ... Mais je suis juste tellement content de te voir ! » Ça je pense qu'on avait compris. En même temps j'étais quelque de démonstratif, ce n'était pas nouveau ça non plus.