Ennui : Mot en cinq lettres, sentiment de démotivation et de désintéressement pour un événement, un lieu, une personne, une conversation...

C'est le mot parfait pour désigner l'état dans lequel j'étais à ce moment-là. J'étais présent, dans ces couloirs depuis le début de la matinée, hors coup dur du destin, une hôtesse d'accueil venait de m'annoncer que mon casting n'aurait lieu qu'en fin d'après-midi Ne connaissant pas Dublin et ayant surtout trop peur de me perdre, je décidais de rester sur place quitte à me faire royalement chier. C'est ce qui arriva... La première heure, je visitais les lieux, puis regardais les candidats tentant de voir ce qui pouvait se cacher derrière ces visages, souvent trop parfaits pour être réels. Enfin, gagner par la fatigue et la lassitude, je m'installais dans un coin, un magasine sportif pris au hasard sur une pile dans les mains, dans un coin de ce que la prod appelait le coin détente. Ne sachant pas quoi faire, je tentais vainement de m'intéresser aux différentes catégories de motos, mais sincèrement je n'y arrivais pas des masses...

Dépité, je jetais de nouveaux regards autour de moi, remarquant une brune installée pas très loin, à peine deux fauteuils nous séparaient... Pensant, que parler avec quelqu'un ne serait pas trop mal pour passer le temps, je décidais de l'aborder...

Vous aussi vous êtes coincée ici ?

Oui, théoriquement je pouvais bouger à ma guise, mais d'une manière ou d'une autre je me devais de revenir ici pour passer cet entretient... Cela faisait maintenant quelques jours que j'attendais cela, depuis l'instant où le téléphone avait sonné pour m'annoncer ma qualification pour la dernière phase des sélections avant l'émission. Je n'étais pas plus surpris que cela... Dieu m'avait toujours aiguillé sur la bonne voie... Cette présélection n'était donc qu'un événement logique succédant aux autres grandes phases de mon existence et précédant celle encore plus importante de ce casting et de l'émission à venir.

Je m'attendais à beaucoup de choses, avait prévu pas mal de réactions possibles et ne fut donc pas surpris de la réaction de la jeune femme. Une petite bourgeoise bêcheuse, froide et méprisante enfin de prime abord. Sa remarque agit comme un électrochoc, elle veut jouer, on va jouer, même si sur le fond je n'aimais pas trop cela. J'avais appris à dompter mon impulsivité, ce n'était donc pas pour la voir ressortir à la moindre provocation, mais là... Ainsi, d'une voix tout aussi froide et détachée qu'elle je rétorquais :

Techniquement certes, mais je n'ai pas payé un billet d'avion et une chambre d'hôtel pour venir ici dans une ville que je ne connais pas pour rien... Vu qu'à part cette salle je n'ai nulle part où aller avant de passer ce casting, on peut dire que je suis coincé ici...

Petit pause, histoire de laisser planer un léger silence et je finissais :

... En charmante compagnie. Enfin, ça c'est ce que j'espérais avant que vous n'ouvriez la bouche.

Je n'avais pas pour habitude d'être aussi méchant. Je ne voulais juste pas me laisser faire. Cette jeune femme aussi sympathique soit-elle dans la vie de tout les jours, m'avait interpellé, je ne faisais que lui répondre. La suite de ces propos fut tout autant médisant, ses réflexions sur mes tatouages me faisait sourire jaune. Elle se croyait drôle la petite demoiselle, heureusement au vu du petit portrait qui illustrait la page du journal qu'elle tenait dans ses mains, j'avais de quoi répliquer.

Rien de tout cela je vous rassure. Et vous,que vous est-il arrivée pour que vous tombiez si bas ? Être gratte-papier dans une de ces usines qu'on appelle magasine de mode, cela doit-être tout sauf réjouissant. Qui sait ? Si vous continuez à prodiguer vos affreux conseil pour devenir des barbies stéréotypées à des pauvres gamines qui pensent que vous les rendrez enfin belles et intéressantes, vous aurez peut-être une promotion voir même quelques instants sous les projecteurs ?

Je me surprenais moi-même, je n'avais pas l'habitude d'être comme ça. Mais cette... cette... princesse casse-pied avait réussi l'exploit de me faire sortir de mes gonds. Cela faisait bien longtemps que ce n'était pas arrivé et vu mes propos, j'étais persuadé que cela se reproduirait très vite.

Les personnes avec du caractère, habituellement j'aimais beaucoup cela, mais là, je ne savais pas pourquoi. J'avais, concernant cette fille, comme une drôle d'impression, un léger malaise. Elle semblait si sûr d'elle, si forte t fragile à la fois, elle réussit même à faire sourire avec sa remarque sur sa compagnie. Cela juste avant de critiquer mon avis quelque peu trancher sur elle et son magasine, nouveau sourire, je rétorquais :

Si vous ne vous étiez pas permis de juger mes tatouages, je ne me serais pas permis de juger votre métier ou votre article...

Je reprenais mon souffle avant de continuer :

Qui je suis sûr son très bien tout les deux... Même si ce n'est pas mon style de littérature...

Une envie d'enterrer la hache de guerre ? Peut-être. Cette femme semblait vraiment intéressante, une concurrente de taille pour l'accès au jeu. Tout bien réfléchit, elle ressemblait même sur certain point à mon modèle de femme idéale que l'on, il me semble, nous demandait pour terminer notre entretient... Après, cela n'était que des rumeurs... J'en avais aucune certitude, mais ce qui est sûr c'est que cette brune ne me laissait pas de marbre et ça, cela faisait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé.

Elle était chiante à avoir réponse à tout et même quand j'essayais de paraître agréable, je me prenais des réponses froides, cinglantes dans la figure... Comme quoi, des fois les apparences était loin d'être trompeuses... La jeune femme en face de moi était bien la britannique coincée, pédante que j'imaginais. Au fond, comme disait le proverbe trop bon, trop con... Cela m'apprendrait d'essayer de toujours voir le bon côté des gens, de tenter de les comprendre, de les imaginer autrement que de la manière dont il se présente de prime abord. À ces nombreuses piques, je préférai donc acquiescer avant de renvoyer la balle :

Je confirme, notre sens de l'humour diffère. Le votre étant plus que douteux... Pour ce qui est de votre magasine, je ne sais peut-être pas de quoi celui-ci précisément retourne, mais bon... J'en ai lu plus d'un dans ma vie et à la fin cela revient toujours à la même chose donc... C'est tout comme...

Je n'avais plus grand chose à lui dire, mais bon... Puisque personne ne daignait nous interrompre, maso comme j'étais, je me lançais dans une dernière tentative désespéré de rapprochement :

À part ça vous vous appelez comment ? Et surtout vous venez d'où ?

Si elle ne me répondait pas, c'est qu'elle était vraiment une tête mule et qu'ainsi elle n'avait pas que l'air... Après, en réfléchissant bien je comprenais sa présence ici. Un caractère comme ça, ça faisait de l'audimat, c'était une valeur sûr pour l'émission. Même si pour cela encore fallait-il que son jardin secret vaille le coup...