ft. lou

Le menton légèrement levé, je ne peux décrocher le regard de cette barre suspendu au plafond… En fait, tous les articles, machines… choses dans cet endroit sont particulièrement étrange à mes yeux. On appel cela un gymnase… Sauf que j’ai aucune idée de ce que cela veut dire. L’ignorance est quelque chose qui fait partie de mon quotidien depuis toujours, mais je n’en ai conscience que depuis quelques mois. J’essaie de ne pas m’en faire avec ce… problème… sauf que malgré tout, je reste curieuse face à tout ce qui m’entoure et qui s’annonce nouveau pour moi. Comme cette barre. J’ai envie de m’y accrocher. Et mon instinct me dit que ce doit être la chose à faire aussi. Je tends donc un bras, puis un autre, m’accrochant à la barre non sans difficulté… durant quatre secondes et demie. Avant de m’écraser contre le sol. Bon. Je crois que je n’ai pas la force pour faire ça… Pourtant, j’avais envie de m’y accrocher encore, plus longtemps. Peut-être même que je pourrais grimper dessus et me balancer. Comme sur la balançoire du voisin, chez Richard. J’avais rarement la permission d’y aller, mais j’adorais le faire, lorsque j’étais plus jeune. J’avais perdu de l’intérêt en vieillissant, mais parfait, j’y retournais, en cachette, pour fumer une cigarette. C’était une bonne cachette, et je savais que le voisin ne dirait rien, puisqu’il avait peur de moi. À nouveau debout sur mes pieds, je fais une deuxième tentative, sans grande réussite, alors que mes yeux se posent sur un homme qui vient de faire son entrée. Est-ce que je dois le saluer ? Lui tendre la main ? Je me contente d’abord de le fixer, puis je me sens idiote de ne rien dire, ayant toujours l’impression que de ne pas parler n’est pas quelque chose d’acceptable socialement. « Salut… » C’est donc déjà un bon début. « Tu sais à quoi ça sert… tout ça ? » Probablement. « Tu crois que je pourrais me balancer la dessus ? C’est fait pour ça ? » J’ai parfois le sentiment de ne communiquer que par questions. Je lui indique le trapèze du bout du doigt alors que mon regard bleuté ne décroche pas du sien. Peut-être qu’il ne voudra pas m’expliquer non plus. Ça arrive souvent.

Ces muscles n’étaient pas là parce que je passais ma journée sur un canapé à me goinfrer de chips. Non, au contraire, j’avais travaillé dur. Et il fallait que j’entretienne tout ça, ça paraissait évident. Je ne voulais pas qu’un gros bidon apparaisse pendant cette aventure, c’était hors de question. De toute manière, je n’étais franchement pas du genre à me laisser aller. Lorsque je travaillais dur pour quelque chose, je n’abandonnais pas pour tout gâcher. Ça n’avait aucun sens, de toute manière. Les efforts avaient payé, et il fallait que je continue si je voulais garder tout ça. Alors après le déjeuner, j’avais enfilé un jogging et un t-shirt pour filer au gymnase. Il fallait que je fasse un peu de musculation. Ou même beaucoup, à voir. Mais lorsque j’entre dans la salle, il y'a déjà une jeune fille qui fixe bizarrement le matériel de cirque. Hm, d’accord, pourquoi pas. Peut-être qu’elle ne voulait pas être dérangé. Je commence alors à arranger le matériel pour bosser, mais la candidate m’adresse la parole et je tourne alors la tête vers elle. Apparemment, c’était bien la première fois de sa vie qu’elle voyait du matériel de sport. De quel monde venait-elle ? « Hm, eh bien, il y a une partie pour la musculation. » Je lui indique d’un vague mouvement de bras le matériel. « Et ça, c’est plus tout ce qui est cirque, gymnastique… » Des trucs qui nécessitaient de la souplesse, quoi. Ce que je n’avais pas vraiment, et que je préférais donc éviter. Et puis, elle me parle précisément du trapèze qu’elle montre du doigt, et je lève les yeux vers l’engin un court instant, avant de reposer mon regard sur la jeune fille qui paraissait presque trop naïve pour son propre bien. « C’est un trapèze.. Je pense pas que ce soit fait pour être utiliser comme une balançoire, mais tu peux toujours essayer. » J’attrape la barre des deux mains pour tester. Je tire sur mes bras sans grande difficulté et je me retrouve assez rapidement assis sur la barre. C’était franchement pas confortable pour le derrière, hm. Je baisse la tête vers la candidate. « Normalement, les professionnels font des sortes de figures là dessus, ils s’accrochent avec une seule jambe à la barre et se balancent dans le vide, des trucs comme ça. » Je commente. C’est bien ce qu’il me semble, mais je ne pourrais pas lui confirmer.

Cet homme est imposant. Si imposant. Pourtant, je ne me sens pas particulièrement intimidé. Pas que je sois à l’aise non plus. C’est souvent comme ça, j’ai le sentiment de graviter entre les deux, sans jamais savoir précisément ce qui se passe en moi. Ça m’arrivait avant. Mais moins fréquemment. La musculation. Lui, il est très musclé. Il doit le savoir et c’est pourquoi je me pince les lèvres pour ne pas faire le commentaire comme j’aurais l’habitude de le faire. « Cirque… Gymnastique… » je répète ces deux mots, alors qu’au fond, ils n’ont pas de sens profond pour moi. Je les ai déjà entendu. Richard disait souvent que le village de Greenville pouvait ressembler à un cirque. Mais je ne lui ai jamais demandé ce qu’il voulait dire par là. « Pourtant, ça a tout de même la forme d’une balançoire… » Ça me semble évident. Dans un mouvement de recule, je regarde l’homme s’approprié le trapèze, le regard admiratif devant tant d’aise. Il est doué. Il est surtout très fort. Puisque je repense aussitôt à mon échec d’il y a quelques minutes et jamais je ne serais capable d’une telle prouesse. « Wow… T’as déjà fait ça ? T’es un cirque ? » j’ajoute en reprenant ce mot qui m’amuse, après tout. À le regarder aller, il ne doit pas en être à sa première tentative lui. Je garde la tête levée en sa direction, osant enfin un premier sourire. Je trouve ça beau de le voir comme ça, là-haut. « Une jambe… Ça ne doit pas être évident. » je continue dans mes réflexion, toujours aussi pensive. Toujours aussi admiratrice de la moindre chose qui se produit sous mes yeux. « Tu crois… » Ah non. J’étais pour lui demander quelque chose, mais je ne suis pas certaine que se soit une bonne idée. Surtout, j’imagine qu’il n’acceptera pas. Mais dans un sens, si je ne le lui demande pas, je ne pourrai jamais le savoir. « Tu crois que tu pourrais m’aider à grimper ? Comme toi ? » j’ose finalement, baissant le regard.