Ce soir le salon est vide, les gens sont tous dehors pour profiter de la chaleur quasi-estivale du début de soirée. Ghika s'apprête à rejoindre le groupe, parce qu'il n'a pas envie de passer sa soirée enfermé dans sa chambre à compter les fringues qui sont par terre ou à s'enfermer dans la bibliothèque pour lire un bon bouquin. Il est de plutôt bonne humeur et ne voit pas l'intérêt de rester seul, pas qu'il y voit très souvent un intérêt pour ce que ça vaut. C'est après s'être fait un smoothie -pastèque, orange, framboise, sorbet pêche pour ceux que ça intéresse- qu'il sort de la cuisine direction la piscine où trois ou quatre personnes sont en train de s'arroser. Il passe dans le salon sans immédiatement remarquer Alistair, assis sur un canapé, seul, comme d'habitude. C'est au moment où il passe derrière le canapé qu'occupe le garçon le plus taciturne du nid qu'il note sa présence. Et Ghika, bon prince, ne peut s'empêcher de lui tenir compagnie. C'est une bonne action, probablement pas nécessaire pour Alistair cependant. Alors il pose ses fesses dans un canapé proche de celui que monopolise le derrière de l'autre type. « Comment tu fais ? » demande Ghika avec une clarté toute particulière. « Pour rester aussi silencieux. » ajoute-t-il afin d'éclairer son interlocuteur quant à l'objet de sa question. C'est qu'il est curieux Ghika, mais surtout qu'il ne comprend pas du tout comment on peut avoir envie de ne parler à personne, comment on peut préférer rester seul dans le salon alors que le reste du nid est en train de passer un bon moment. Il ne remarque même pas que si tel est le cas, si Alistair veut être seul, il trouble sa tranquillité en lui tenant compagnie. Ou plutôt si, il le remarque, mais il n'en tient pas compte.

Assis sur l’un des canapés, il se contente de regarder les gens passer devant lui, immobile. Une personne, puis, deux, puis trois, et ainsi de suite. Il n’est pas curieux, il ne se demande pas où ils vont. Il a un début d’idée cependant, il a déjà surpris des groupes de candidats se prévoir des activités de groupe. Bien évidemment, il n’est jamais invité, grande surprise. Pas que ça le dérange cependant, ce n’est pas son genre d’imposer sa présence qui n’est pas toujours vue d’un très bon œil. Lui se contente très bien du salon, qu’il a pour lui tout seul. C’est un peu sa pièce préférée, puisqu’il a passé ses rares nuits de sommeil ici, du moins avant qu’il remporte un accès à la loveroom et qu’il profite de celle-ci quand elle est déserte – et que les draps sont changés. Pourtant, aujourd’hui, il n’occupe pas celle-ci avec un bouquin, une guitare ou une balle à envoyer dans le mur. Non, il se contente de ses yeux, d’observer. On ne lui prête pas attention, ce qui l’arrange. Il essaie de se remémorer les prénoms – il a encore de la peine – de deviner quels sont les candidats vers lesquels il essaiera d’aller, ceux qu’il, au contraire, évitera. C’est tout un travail. Et puis personne ne passe, il ne change pas de pièce pour autant, s’installant un peu plus confortablement sur le canapé. Son répit est de courte durée puisque Ghika ne tarde pas à le rejoindre. Et la question qu’il s’empresse de lui poser le laisse pour le moins perplexe, avant qu’il daigne lui offrir plus de précisions. Originale, la question. « Comment tu fais pour être aussi bavard ? » Il rétorque. Il lui semble qu’il l’est, même s’il ne le connait pas très bien voire pas du tout. Par la même occasion, il contre l’argument selon lequel il est silencieux, ce n’est pas souvent qu’il fait des phrases aussi longues. Sa réflexion n’a pas pour objectif d’être méchante ou froide, simplement la question le laisse perplexe alors autant confronter son camarade a la même. « L’habitude. » Il répond tout de même après un léger silence. C’est une question d’habitude, à force de rester dans un silence quasi-total depuis plusieurs années. Pourtant, gamin, c’était un vrai moulin à paroles. « Et l’envie. » Il termine. Parce que cette habitude n’est pas née par hasard, ce besoin de rester silencieux provient en premier lieu d’une envie et non pas d’une punition qu’il se serait ou qu’on lui aurait infligée.

Ghika s'attendait à ce qu'Alistair lui retourne sa question, c'est la base de la psychologie. La différence dans ce cas précis, est que, si Ghika n'a aucun mal à savoir pourquoi il parle, pourquoi il éprouve le besoin et l'envie d'être toujours accompagné, il ne voit pas comment on peut apprécier d'être reclus dans le silence. Le langage est la première caractéristique séparant l'homme de l'animal et le fondement même de la société. Négliger la communication avec les autres c'est se mettre en retrait du groupe, du monde. Et ça c'est quelque chose que Ghika ne peut pas envisager de faire, il lui est impossible de ne pas s'imaginer comme une composante dépendante du reste du monde. « C'est pas très compliqué d'être bavard, j'ai qu'à dire ce qui me passe par la tête et ce que j'ai envie de partager, ou tout simplement quand j'ai envie de rire... et puis parler ça me rend heureux. » il lui passe les détails plus ou moins sociologiques de l'acte de paroles. Ce n'est pas ce qui va intéresser Alistair, ce n'est pas la meilleure réponse à la question et puis c'est probablement chiant à écouter. Quand son interlocuteur répond finalement à sa question, Ghika est un peu désarmé. L'habitude, il comprend, mais l'envie. Se murer volontairement dans le silence est un acte sacrément fort et plutôt rare. En dehors de quelques couvents et abbayes dont les membres font vœu de silence Ghika n'a jamais croisé personne qui se taise par envie. Par honte, par timidité ou par ignorance, oui mais par envie... c'est une première. Une première qui a des implications assez fortes, surtout dans une aventure comme Fake Lover dans laquelle les candidats sont enfermés et vivent en micro-société, en vase clos. Un milieu dans lequel le contact humain est obligatoire. « Et du coup t'as pas envie d'apprendre à nous connaître ? On va peut-être vivre trois mois tous ensemble après tout... ça doit pas être toujours facile d'être entouré de bruit et de ne pas en faire partie. » Entre la curiosité, l'intérêt presque scientifique que représenterait un homme tel qu'Alistair et la compassion qu'il éprouve à son égard, Ghika est un peu trop enthousiaste à l'idée de passer un moment avec quelqu'un qui visiblement n'a pas très envie qu'il s'éternise. Et puis il se rappelle qu'Alistair est le nouveau partenaire de Clémentine... ils ont déjà un point commun dans cette aventure. Voilà une bonne base pour une « conversation » si tenté que l'on puisse parler de conversation quand un des deux partis n'est pas très réceptif à l'idée de communiquer. « Ça se passe bien la vie de couple avec Clémentine ? » demande-t-il tout sourire. Parce que ça c'est un point de divergence entre eux, Alistair a l'air taciturne et lui il est pétillant de joie de vivre.

La question de son camarade le laisse sceptique. S’il s’attendait à ça… Et donc, en toute logique, il se contente de lui retourner la question en évoquant son côté bavard, avant de lui répondre. Il ne connait pas beaucoup Ghika, la seule fois où ils se sont réellement côtoyés, c’était lors du Paintball où leur équipe a remporté la mise. Mais pour ce qu’il a pu en voir, et également lors des primes, Ghika n’est pas du genre renfermé et peu bavard, c’est le moins que l’on puisse dire. Si pour lui ça lui semble particulier ce silence constant ou presque de la part d’Alistair, pour ce dernier c’est la facilité à parler de tout est de rien qui lui semble particulière. Il lui donne un début de réponse, qui ne manque pas de faire tiquer Alistair. « Je devrais essayer. » Il répond, avec une certaine ironie. Pas sûr que les gens souhaitent réellement qu’il leur expose ce qui lui passe par la tête, car ce n’est pas des choses futiles et sans importance, plutôt des pensées peu encourageantes et déprimantes. Et puis, il n’est pas certain que le fait de parler puisse le rendre heureux, contrairement à Ghika. Mais il prend note. Quand il se décide enfin à donner réponse à son camarade sur son silence, il voit bien que ça ne le laisse pas indifférent, à en croire la remarque qu’il lui adresse. « Si, j’ai envie. » Même s’il n’en donne pas l’impression, il en a conscience. « Je ne sais juste pas comment m’y prendre. » Peter lui a bien conseillé de poser des questions, mais ça lui sort souvent de l’esprit puisqu’il n’a pas pour habitude de s’intéresser aux autres. Et même quand il fait des efforts, il ne sait simplement pas comment faire tenir une conversation. Mais il progresse, jour après jour, peut-être que d’ici quelques semaines il sera capable de faire des réponses de plus de dix mots. Son camarade change ensuite de sujet en évoquant son partenariat avec Clémentine. « Oui. » Il répond simplement, parce qu’il ne voit pas l’utilité de s’épancher plus longtemps sur la question. Il n’a pas grand-chose à raconter de ce partenariat, puisqu’ils ne sont pas collés ensemble et qu’ils n’ont pas tissé des liens incroyablement forts en seulement quelques jours. Mais, globalement, ça se passe bien, il aurait pu tomber sur largement pire comme partenaire. « Et toi, avec… Auguste ? » Il est hésitant sur le prénom de ce dernier puisqu’il ne le connait pas personnellement, mais il lui semble qu’il a vu juste. Il se contente de retourner la question, mais dans un sens, c’est déjà faire la conversation, non ?

Forcer les gens à parler, leur tirer les vers du nez, c'est bien plus facile à dire qu'à faire, remarquez l'ironie de la situation faire parler les gens est plus facile à dire qu'à faire... Nevermind. Ghika sent qu'Alistair va lui donner du fil à retordre, le mec est clairement réfractaire à son approche, il a l'air de l'être à toutes les approches pour ce que ça vaut. Ce qui devrait frustrer Ghika et lui donner envie de lâcher prise, ne fait, en fin de compte, que piquer sa curiosité d'autant plus. Si Alistair est si secret, il doit y avoir une raison, une raison secrète... peut-être qu'il est temps qu'il se penche sur le cas de ce jeune homme dont le secret pourrait bien sommeiller dans la raison de son silence. Mais pour l'instant, il préfère entretenir le peu de conversation qu'ils ont en cours. « Suffit de commencer avec des questions basiques, puis tu vois si les gens ont la même approche des choses que toi. Si c'est pas le cas tu peux toujours essayer de leur faire expliquer leur vision du monde. Ça prend des années de pratique avant d'être bon. » explique un Ghika devenu maître en la matière. Docteur ès Bavardages, voilà un titre qui lui irait vachement bien ! Aider quelqu'un à sortir de sa coquille, c'est comme aider une femme à accoucher. Il faut pousser, souffrir et ne pas être pressé. Tout ce que Ghika aime en fait. Quand Alistair lui retourne sa question après avoir répondu un monosyllabique « oui », l'américain se retrouve un peu décontenancé. Apparemment il n'est pas décidé à faire des efforts d'élucubrations... tant pis. Ce pendant il lui a demandé comment se passait l'aventure avec Auguste, il se souvient du prénom c'est déjà un bon départ, et Ghika ne saurait laisser une question sans réponse, ce serait aller contre sa nature. « Je crois que ça se passe bien, on savoure notre dixième jour de concubinage. On verra le temps que ça dure ! » répond-il le sourire aux lèvres, tentant tant bien que mal de détendre un peu l'ambiance. Son aventure jusque là a été plutôt tranquille et il est assez content de son partenariat avec Auguste, malgré les débuts un peu plus rock'n'roll, ils ont trouvé un équilibre. Toujours désespéré de tirer une phrase conséquente de la bouche d'Alistair -ça en deviendrait presque un jeu- Ghika continue à lui poser des questions. « Alors, après deux semaines et demi tu dirais que tu es le plus proche de qui dans le nid ? » c'est une question qui appelle à un minimum de dialogue... mais Ghika n'a aucun doute qu'avec un peu de bonne volonté Alistair réussira à lui couper l'herbe sous le pied et à ne lui balancer qu'un prénom ou deux...

Même si son comportement laisse penser le contraire, il n’est pas contre le fait d’en apprendre plus sur les autres, c’est juste qu’il n’a pas l’habitude de communiquer avec eux et qu’il est un peu maladroit. Il se montre parfois cassant quand ce n’est pas son intention ou désintéressé quand il ne devrait pas, mais ce n’est pas toujours volontaire. C’est bien pour cette raison qu’il est ici, apprendre à changer sa façon de se comporter en société, apprendre à tisser des liens. Pour l’instant, ce n’est pas franchement une réussite, certes. Et Ghika semble s’en rendre compte, il lui donne même quelques conseils pour s’ouvrir plus facilement aux autres et tenir des conversations un peu plus développée que celle qu’il tient actuellement. « Des années. » Il répète, comme s’il venait d’apprendre une nouvelle affreusement dramatique. « Et c’est censé m’encourager ? » Il déclare, avec une légère pointe d’ironie qui n’est pas habituel chez lui. Autant dire que Ghika peut tirer un trait sur la possibilité de convertir Alistair a un bavardage similaire au sien. Il l’a dit lui-même, ils risquent de se côtoyer trois mois – grand maximum, ça peut être beaucoup moins – alors pourquoi lui parler d’une technique qui demande des années de pratique ? Quand il lui pose la question de savoir si son partenariat avec Clémentine se passe bien ou non, il se contente d’une réponse concise, avant de retourner la question à son petit camarade. En fait, il s’en fiche un peu de son partenariat avec Auguste, ce n’est pas la chose la plus susceptible de l’intéresser chez Ghika, mais il ne veut pas paraître froid et peu enclin à discuter, même si c’est exactement ce qu’il est. À priori, ça se passe bien pour eux, tant mieux. Il ne sait pas comment rebondir sur cette information. Il pourrait user d’un sourire comme son camarade, mais les sourires et lui ne sont pas spécialement potes, autant s’en passer. C’est finalement Ghika qui reprend la parole. Avec une question qui le surprend un peu. Beaucoup, en fait. « Je ne pense pas être proche de qui que ce soit. » Ce n’est pas qu’il ne veut pas répondre à la question de Ghika, c’est simplement que le terme ‘’proche’’ lui semble exagéré après seulement deux semaines d’aventure. Il n’est pas du genre à baisser sa garde et à se lier rapidement, deux semaines c’est donc beaucoup trop précipité pour lui. Il a bien vu, autour de lui, que certains semblent être copains comme cochons, mais lui n’arrive pas à accorder sa confiance aussi facilement. « J’apprécie Paloma. » Il finit par concéder. Il ne se sent pas proche d’elle pour autant, mais c’est avec elle qu’il pense pouvoir le devenir. Non pas qu’il élimine les autres d’office, simplement la présence de la jeune femme ne le dérange pas et elle a saisi que le silence est encore bien trop précieux à ses yeux pour qu’on le barbe de commentaires inutiles en tout genre. Un léger silence s’installe, silence qu’Alistair se décide cette fois-ci a brisé. « Il vient d’où, ton prénom ? » C’est bien lui qui a parlé de question basique, non ? Alors, certes, celle-ci sort légèrement du schéma classique âge, métier, origine, mais son camarade n’en sera que plus satisfait qu’il s’essaie à l’interrogation, non ?

Il semble un peu désespéré par la durée de l'apprentissage, c'est qu'on ne devient pas un prodige des relations humaines en quelques jours, il faut du temps et de la patience. Mais Ghika a le plan parfait, aucune faille, tout un emploi du temps en tête. « Si tu t'y mets sérieusement et que je suis ton personal trainer... je pense qu'on peut te rendre socialement compatible avec la vie en communauté close assez rapidement. Bien sûr tu ne seras pas tout à fait à l'aise au début, mais bon, ça viendra avec la pratique. » lui assure-t-il, très confiant dans ses chances de réussites quand il s'agit de faire d'Alistair quelqu'un de communicatif. Il ne pense pas transformer le crapaud en prince charmant des relations humaines, mais au moins en faire un animal social admissible dans un groupe comme celui du nid. « Paloma est géniale, tu as de bons goûts c'est déjà ça ! On a une bonne base ! » commente-t-il en réaction à l'aveu d'Alistair quant à l'une des personnes qu'il apprécie. Qu'il aime bien une personne que Ghika trouve les plus intéressantes du nid d'amour, c'est vraiment encourageant. S'il avait dit McKayla, à qui Ghika n'a jamais vraiment parlé, il aurait été embêté. « Mon prénom ? Tu vois, tu progresses déjà ! » Et ça même si la question est un peu différente de ce à quoi il s'attendait. C'est un bon début. Et puis... Ghika a déjà raconté cette histoire des centaines de fois, à peu près à chaque personne qu'il a rencontré une fois à partir du collège. « Alors selon les élucubrations de ma mère, ce serait un prénom roumain. La vérité c'est qu'il n'y a de Ghika, en Roumanie, elle a chopé ça dans un bouquin d'Histoire ou une émission de télé, c'était le nom de famille d'un Prince je crois. Elle s'est dit « oh ouais, voilà j'vais le faire chier dès le départ ». Ça et puis j'ai ma petite  théorie personnelle. » lance-t-il, laissant quelques secondes de suspens pour l'effet théâtral -parce que Ghika a un sens de la mise en scène- de la discussion. « Elle était encore shootée par la péridurale et elle a choisi des lettres au hasard. » conclut-il avec un sourire. Satanée bonne femme, elle lui a pourri la vie pendant près de seize ans, et continue à ce jour de s'imposer dans son quotidien. « Et Alistair ça vient d'où ? Parce que le seul Alistair que je connaisse, c'est un personnage de comics. » et voilà que le geek-A en lui repointe le bout de son nez. En tant que fils unique, délaissé par sa mère, il a eu beaucoup de temps pendant son enfance pour lire et se tirer de sa solitude casanière. Quand il y pense c'est probablement parce qu'il a eu une jeunesse aussi solitaire qu'il a développé un tel besoin de communiquer dans son adolescence et encore maintenant. Chacun réagit à la solitude différemment.

Pour qu’il puisse s’ouvrir totalement aux autres sans la moindre difficulté, cela demande un apprentissage de quelques années. Ce qui démotive immédiatement Alistair, même si l’envie de s’ouvrir totalement aux autres comme le fait Ghika n’est pas vraiment sa priorité. Il veut être un peu plus agréable en société, sans pour autant devenir aussi bavard qu’une McKayla. S’il peut éviter, c’est tout bénéf’ pour lui. Mais Ghika semble être décidé à le sortir de sa coquille, se proposant même comme personal trainer. « Je ne suis pas convaincu. » La proposition est sympathique, mais il ne se voit pas être ‘’coaché’’ par Ghika. Et, de toute manière, il est peu probable que Ghika le supporte longtemps en tant qu’élève, autant ne pas se lancer dans une telle aventure qui pourrait nuire à l’un comme à l’autre. « Si je change d’avis, je te tiens au courant. » Ne jamais dire jamais, même s’il est peu probable qu’il demande à son camarade de devenir son ‘’personal trainer’’. Quant à savoir de qui il est proche ici, la réponse est simple : personne. Mais comme il se doute que ce n’est pas une réponse satisfaisante, il essaie d’en donner un équivalent. Et ce qui se rapproche le plus serait de savoir lequel des candidats il apprécie le plus. C’est une candidate, Paloma. Elle est encore une sombre inconnue à ses yeux, mais il ne se sent pas obligé d’être plus bavard qu’il ne l’est en réalité quand il est à ses côtés et ce n’est pas négligeable. Et visiblement, citer la candidate est un bon point. Il soupçonne Ghika de l’apprécier également. En fait, tout le monde apprécie Paloma, il n’y a qu’à voir sa côte de popularité. Il reste silencieux par la suite, il préfère écouter que parler de toute façon. Il ne réagit même pas quand Ghika lui annonce qu’il progresse déjà, parce qu’en lui posant une telle question sur son prénom, c’était son but, de montrer qu’il n’était pas totalement dépourvu de bon sens pour faire des efforts. Au lieu de s’en tenir à une réponse rapide et concise, il développe. Même s’il n’en demandait pas tant – il s’en fiche un peu de savoir si oui ou non il y a des Ghika en Roumanie – Alistair écoute son camarade avec attention. Au moins, lui peut se vanter d’avoir une histoire derrière son prénom qui sort de l’ordinaire. « J’en conclus que tu n’en es pas fan. » Libre à lui de le contredire ou non, mais vu comme il présente la situation, c’est ce qu’il parait sous-entendre. « Ça change, au moins. » Des Pierre et autres John. De là à dire que c’est joli, peut-être pas, mais ça a le mérite d’être original. Très original. Il le croyait un peu plus bavard pour éviter de choisir la solution de faciliter qui consiste à lui retourner la question – c’est plutôt le truc d’Alistair – mais faut croire que c’est mal le juger. « C’est écossais. » C’est la seconde fois qu’on lui pose la question. Et il n’est toujours pas certain de cette réponse, ses parents ne lui ayant jamais donné de quelconque explication sur le pourquoi de son prénom. « Je ne lis pas de comics. » Il avoue ensuite, au cas où son camarade aurait l’envie d’en parler avec lui, il sait qu’il s’adresse à un ignorant dans ce domaine. « Et tu viens d’où ? » Deux questions en quelques minutes, ça ne relève plus des efforts mais du miracle.

Il décline sa proposition, ce que Ghika aurait pu prédire, de toute façon c'est pas comme s'il avait été vraiment sérieux, il n'a pas les compétences pour faire d'un asocial un mec mondain. Mais lui donner deux ou trois trucs pour le rendre plus acceptables dans la société, ça devait être à sa portée. Soit. « Au pire, tu sais où me trouver, c'est pas comme si je pouvais disparaître bien loin. » plaisante Ghika, c'est pas vraiment difficile quand on cherche quelqu'un de le localiser dans le nid, il y a toujours du monde autour du soi et en deux questions on peut identifier la position géographique de la personne que l'on recherche. Au final, Ghika ne sait même pas s'il veut l'aider pour de vrai ou juste se montrer sympa. Mais dans le doute, on dira qu'il veut vraiment l'aider. « Boarf... jusqu'à mes cinq ans j'm'en fichais, puis les gens ont commencé à me demander d'où ça venait et compagnie alors j'ai fait un rejet. Mais je suis en paix avec mon prénom maintenant, c'est vraiment plus un souci. Puis au final, c'est assez original pour que je sois sûr qu'on s'en souvienne. C'est assez rare de croiser quelqu'un qui prenne mon numéro et qui me sorte « j'ai trois autres Ghika dans mon répertoire, me faut plus de détails ». Ça a ses avantages au final. » explique-t-il quand le sujet de son prénom est abordé et qu'Alistair émet la supposition que Ghika n'en est pas particulièrement fan C'est vrai qu'au fond, il n'est pas sûr que ce soit le prénom le plus adapté pour un enfant, mais qu'après vingt-six ans il a fini par accepter son identité pour ce qu'elle est. C'est original, c'est déjà ça. Voilà comment il explique la chose. Ghika voulait confronter Alistair à l'impasse dans laquelle on se retrouve lorsque la personne ne fait que renvoyer les questions, parce qu'inévitablement cela implique que celui qui a lancé la conversation doit la relancer sans cesse. En lui répondant par une question identique à celle qu'il vient de poser, Ghika espère voir Alistair relancer de lui-même le dialogue et ainsi faire preuve de sociabilité. « Tu devrais c'est une forme d'art tout à fait particulière. » commente-t-il à propos des comics, qui ont été pendant des années un de ses hobbies. C'est une échappatoire parfaite pour un enfant à l'imagination débordante et ayant besoin d'être canalisée. Les histoires de super-héros, d'anti-héros. Alistair était un des ennemi de Spider-Man. « Je suis né et j'ai grandi à Bâton-Rouge, en Louisiane. » C'est qu'il deviendrait presque bon à ce petit jeu le Alistair, et plus vite que Ghika ne l'aurait cru. Peut-être qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire le jeune taciturne deviendra un homme parfaitement disposé à s'intégrer à la société moderne. Mais Ghika ne veut pas s'emballer, et il ne veut pas donner à Alistair le sentiment que tout est gagné en flattant ses progrès momentanés. « Tu fais quoi comme boulot ? » lui demande-t-il alors, histoire de continuer ce ping-pong verbal.

Bien que la proposition soit sympathique, il n’est pas convaincu. Il n’a rien contre Ghika, mais il n’a pas non plus envie que ce dernier devienne son coach personnel. Il est ici pour changer, c’est certain, mais il n’aime pas l’idée qu’on le prenne par la main comme un gosse. Il préfère prendre son temps – même si ça peut lui porter préjudice, à force, il en a conscience – plutôt que de se forcer et être mal à l’aise avec une situation qui le dépasse. Il garde tout de même une option, au cas où il changerait d’avis. Son camarade a raison sur un point, il ne peut pas disparaître bien loin, il peut donc revenir à tout moment vers Ghika pour des conseils et un entraînement personnalisé. Alistair se contente de hocher la tête en signe d’approbation. Quand Ghika lui raconte l’histoire de son prénom, il croit comprendre que celui-ci n’en est pas fan, bien même s’il peut se vanter d’avoir un prénom qui sort de l’ordinaire et qui a une histoire – même si celle-ci est particulière. Il l’écoute attentivement quand il continue son récit. « On te l’écorche pas trop souvent ? » C’est un peu la seule chose qui lui vient à l’esprit. Ça n’a pas tant de rapports directs avec ce qu’il vient de dire, mais c’est toujours ça de prit, non ? Quant à savoir si l'on écorche son prénom régulièrement ou non, il pencherait pour un mix des deux options. Ce n’est pas courant, mais ce n’est pas trop compliqué non plus, du moins selon lui. Reste à savoir comme les gens l’interprètent, si c’est un prénom qu’ils ne rencontrent pas régulièrement. Quand il lui parle de comics, il avoue qu’il n’en lit pas. Visiblement, il passe à côté de quelque chose. « Et tu me conseilles quelle série ? » Parce qu’il existe des séries de comics, pas vrai ? Il s’y connait pas, mais puisque c’est des numéros suivis, il ne peut pas lui demander un titre au hasard, mais un ensemble. Il pose cette question mais ne compte pas se mettre à la lecture des comics. Du moins, pas ici. Une fois de retour à l’extérieur, c’est une autre histoire, ce sera une façon comme une autre de faire passer le temps s’il reprend ses bonnes vieilles habitudes et préfère s’enfermer pour être seul avec lui-même plutôt que de se confronter à une quelconque vie sociale. Alistair lui demande par la suite d’où il vient. Il ne lui reconnait pas un accent du Royaume-Unis, signe qu’il est sûrement étranger, mais il est incapable de deviner de quel pays il provient. C’est donc les Etats-Unis. Il approuve simplement d’un hochement de tête, signe qu’il a enregistré l’information même s’il ne sait pas de quelle façon rebondir sur ce point. Il ne connait pas les Etats-Unis, autant éviter de passer pour un ignorant. C’est Ghika qui pose la prochaine question, ils commencent à prendre un bon rythme. « Je n’ai pas de travail fixe. » Grand effort de sa part que de formuler une vraie phrase, la dernière personne s’étant essayée à cette question a eu le droit à un simple ‘’rien’’. Il pourrait préciser sa pensée, lui dire que même s’il n’a pas de travail fixe, il reste actif, la plupart du temps. Mais non, il se contente d’un court silence avant de reprendre la parole. « Et toi ? » Solution de facilité cette fois-ci, mais même en se contentant de lui retourner la question, il en apprend plus sur Ghika que sur certains candidats qu’il côtoie ''régulièrement'' comme Paloma ou Andreja. Il faut donc que son camarade voit ça comme un privilège, même s’il semble avoir – l’espace d’un instant – abandonner l’idée de faire des efforts pour tenir une conversation.