Depuis mon retour inespéré je suis de très bonne humeur. Je respire la joie et je pense que personne n’a pu passer à côté de ce détail. Je suis en pleine forme, complètement reboosté et fermement décidé à passer du bon temps. Dimanche soir, au moment de quitter le nid je me suis rendu compte de tout ce que j’avais loupé, j’ai eu l’impression de ne pas avoir eu le temps de réellement vivre mon aventure et je ne compte pas être éliminé à nouveau avec cette mauvaise impression. Pour l’heure, je suis occupé à préparer un petit-déjeuner à tout le monde. La matinée est déjà bien avancée mais ça ne me décourage pas pour autant, ceux qui n’auront pas encore marqué un petit arrêt à la cuisine pourront se servir. Qu’est-ce que je prépare de bon ? Des crêpes, je n’en ai jamais fait tout seul mais j’ai déjà donné un coup de main à un ami forain qui s’est retrouvé seul après que ses deux parents soient tombés malades lors d’une des fêtes foraines à laquelle je participais. Vue de l’extérieur la scène doit d’ailleurs paraitre relativement insolite. Je suis en boxer, la musique à fond dans la cuisine, une poêle dans une main à me dandiner sur le son que diffuse la tablette que j’ai déposée sur un amplificateur audio. Je lève légèrement la poêle pour faire se retourner la crêpe. Parfait, et une de plus.

Une fois n’est pas coutume, c’est tôt qu’Alistair déambule dans les couloirs puisqu’il ne dort pas beaucoup et, par conséquent, la grasse matinée n’est pas sa spécialité. Comme le château est carrément désert aux premières heures du matin, il en a profité pour prendre une douche froide avant de sortir se balader un certain temps. Il commence à avoir un peu de peine à faire passer le temps, à vrai dire. Il pourrait continuer à explorer les lieux sur lesquels il n’a pas encore eu l’occasion de s’attarder, mais puisqu’ils n’ont pas suscité son intérêt auparavant, il y a peu de chance qu’ils le fassent maintenant, même alors qu’il s’ennuie profondément. Au milieu de sa petite promenade, son estomac crie famine et le rappelle à l’ordre. Il décide donc de faire demi-tour pour se diriger vers la cuisine, où il a la surprise de constater avant même d’entrer qu’il y a déjà quelqu’un à en croire la musique qui se dégage de la pièce. Il tente tout de même une entrée. Son regard se dépose immédiatement sur un Jaheim véritablement content, entre la musique à fond, le dandinement qui va avec et … la tenue. Trop de bonne humeur d’un coup, et même, trop de bonne humeur tout court à tel point qu’une grimace s’affiche sur le visage d’Alistair. Il serait tenté de faire demi-tour, non en réalité il a besoin de faire demi-tour, se sentant agressé par cette vague de bonheur, mais ses prunelles se déposent à nouveau sur la … ‘’tenue’’ du candidat. « T’es naturiste, Jaheim ? » Il dit en forçant sa voix un maximum pour couvrir un minimum le bruit de la musique, sauf qu’il n’est pas du genre à crier, Alistair, et qu’il n’est pas sûr que son camarade l’ait entendu. La question peut sembler ironique, mais dans la bouche d’Alistair elle est totalement sérieuse. C’est une question comme une autre, il ne jugerait pas si tel est le cas, du moment où le candidat ne ressent pas le besoin de se dévêtir devant lui. Il veut juste une confirmation, entre la fois où il s’est déshabillé en plein milieu du prime et le fait de faire la cuisine en boxer – alors qu’un accident est si vite arrivé – il est quelque peu sceptique par rapport au comportement du candidat.  

J’aurais pu opter pour un vêtement quelconque le temps de cuisinier mais la vérité c’est que je n’allais pas m’habiller pour me déshabiller dans une vingtaine de minutes au moment de prendre ma douche pour me revêtir à nouveau. Je suis donc resté dans la tenue qui me fait office de pyjama chaque nuit, un boxer et je ne crois pas que ce soit de l’exhibition puisque c’est comme si j’étais en maillot de bain non ? Bon, j’aurais pu faire l’effort de mettre un jean cependant, au moins pour éviter de me blesser au cas où, je n’ai pas forcément envie de perdre l’usage de mon organe reproducteur après tout mais bon, puisque je suis lancé autant finir de cuir mes crêpes. La musique est entrainante et ma bonne humeur me donne envie de me dandiner, je ne me pose plus de questions à présent, mon corps me quémande de danser et je le fais très naturellement. La scène doit cependant être assez intéressante à regarder, j’imagine que certains vont bien rire en me voyant dans un tel état mais bon, je suis joyeux alors autant être naturel et le montrer non ? « T’es naturiste, Jaheim ? » Je me retourne, surpris d’entendre la voix d’Alistair, je le reconnais maintenant à la voix. « Pas vraiment non, j’ai l’habitude de cuisiner seul, j’ai tendance à oublier que ce n’est plus le cas ici. » Ma crêpe est parfaitement cuite, je la laisse donc glisser sur l’assiette qui se trouve à ma droite et où se trouvent déjà une bonne dizaine de crêpes. « Tu veux une crêpe ou tu n’arriveras pas à manger parce que je suis en calbut ? »

Encore planté dans l’encadrement de la porte, il n’esquisse pas le moindre geste pour entrer dans la pièce puisque la situation qui se présente à lui ne le motive pas particulièrement à s’installer au comptoir pour y manger un petit quelque chose. Il n’a rien contre Jaheim, mais il a quelque chose contre la bonne humeur de celui-ci qui vient l’agresser dès la matinée. Il aurait pu lui poser diverses questions, mais la seule qui franchit ses lèvres est sur la possibilité que le candidat soit naturiste. Dans quel cas il ne jugerait pas. Lui a simplement un peu de peine avec cette façon de déambuler torse-nu dès que l’occasion se présente. « Je vois. » Il rétorque simplement à la réponse de son camarade. Donc quand il est seul chez lui, il cuisine dans la même tenue ? C’est un peu dangereux tout de même, une poêle est si vite lâchée, ce serait dommage de se blesser parce qu’on n’est pas capable de garder un t-shirt plus de trois minutes. Enfin, ce n’est pas son problème mais celui de Jaheim. Alistair le suit du regard quand il vient déposer une crêpe sur une pile déjà bien remplies. « J’ai connu pire comme vision. » Et ça n’est pas un compliment sur le corps de son camarade puisque son regard ne s’est pas vraiment intéressé à cela, une simple constatation. Il a vu des choses bien pires qu’un type en boxer qui se dandine, même si cette vision le met quelque peu mal à l’aise. « Et je veux bien, si tu baisses la musique. S’il te plait. » Il aime bien les crêpes et il a faim, ce serait stupide de refuser pareille invitation. Par contre, la musique bien trop forte de bon matin est susceptible de l’en dissuader. « Je ne suis pas dans le délire bonne humeur dès le matin. » Il précise, comme pour justifier sa demande et sa question. Le matin, et l’après-midi, et le soir, et même la nuit. Il n’est tout simplement pas dans cette optique, même s’il peut comprendre que d’autres se réjouissent pour un rien.

Il n’y a rien de mieux que de se réveiller de bon matin avec l’impression que le monde est paradisiaque, progressivement quitter une phase de sommeil pour revenir à la réalité dans une ambiance plus agréable et festive. Je n’ai pas honte d’avoir l’air très stupide lorsque je suis d’aussi bonne humeur le matin. Alors certes, il y a mieux comme situation que celle dans laquelle je me trouve, vêtu de mon boxer avec ma poêle et ma pâte à crêpes mais je m’en fiche. Je suis de retour dans cette aventure et c’est le principal, c’est ce qui me permet d’être d’aussi bonne humeur je crois. « Je vois. » Je dirais qu’il est mal à l’aise mais je n’en suis pas sûr et je ne cherche pas vraiment à m’en assurer non plus. Peut-être que c’est une réaction très égoïste mais je m’en fiche, je m’habillerais après avoir terminé de cuir mes crêpes. « J’ai connu pire comme vision. » Mes lèvres s’étirent, je le prends comme un compliment, venant d’Alistair c’est surement ce que c’est après tout. « Merci, je suppose ! » Je glisse de la pâte à crêpe dans ma poêle pour débuter la cuisson d’une nouvelle crêpe. En parlant de cela, je propose à Alistair de prendre une ou deux crêpes pour petit-déjeuner. « Et je veux bien, si tu baisses la musique. S’il te plait. » Avec la musique à un volume plus réduit il risque d’être moins amusant de cuir mes dernières crêpes mais puisque j’ai à présent quelqu’un avec qui papoter, je peux bien faire cela pour lui. « Je vais même l’éteindre ! » Je coupe la musique. « Je ne suis pas dans le délire bonne humeur dès le matin. » Il n’a pas besoin de se justifier, j’ai compris qu’il ne respirait pas la joie de vivre il y a bien longtemps maintenant. « Tu n’es pas dans le délire tout court ! » Je retourne à ma poêle pour retourner ma crêpe. « Tu veux de la pâte à tartiner ou quelque chose dans le genre pour ta crêpe ? » Que je sache quoi sortir.

Une grande majorité des candidats se seraient esclaffés devant le spectacle que lui offre Jaheim, mais pas lui. Il peut comprendre pourquoi la situation peut paraître comique, mais ça ne fait pas rire Alistair. Il se focalise sur cette dose de bonne humeur pas assez dissimulée à son goût et ça a le don de l’agacer très légèrement, au point où il n’est pas vraiment certain de rester ici. À vrai dire, il a carrément envie de voir ailleurs s’il y est. Ce n’est pas personnel envers le candidat, il aurait eu la même réaction s’il s’était s’agit de n’importe quel autre candidat. Mais Alistair est humain et remet sa décision de quitter la pièce à plus tard quand le candidat lui parle de crêpes. Il parviendra à en manger sans être focalisé sur la tenue de Jaheim, comme il le lui avoue, il a déjà vu pire. Quand son camarade le remercie, il fronce légèrement les sourcils. « Ça dépend de comment tu l’interprètes. » Il marmonne en haussant les épaules. C’est moins sec qu’un tu supposes mal. Avec le temps, il apprend à être moins froid, moins sec, même si ce n’est bien souvent pas son but de vexer les autres et que c’est généralement involontaire. Quant à la proposition de Jaheim de se servir en crêpes, Alistair est prêt à l’accepter, à une seule condition : qu’il baisse le volume de la musique. Visiblement, c’est son jour de chance puisque Jaheim consent même à l’éteindre. « Merci beaucoup. » Et s’il savait sourire sans ressembler à un requin, son colocataire aurait le droit à ce geste de gratitude, mais il se contentera d’un merci sincère. Maintenant que la musique est éteinte, Alistair se permet d’entrer dans la pièce et d’enfin prendre place sur l’un des tabourets du comptoir. Il avoue par la suite qu’il n’est pas dans le délire bonne humeur dès le matin, même si c’est se mentir à lui-même. Comme le souligne justement Jaheim, il n’est pas dans le délire tout court. « Je plaide coupable. » Il admet, comme si un autre choix se présentait à lui. Il ne peut pas prétendre cacher sa bonne humeur, ça ne serait pas crédible. « Juste du sucre, s’il te plait. » De toute façon, il ne compte pas s’éterniser ici bien longtemps, il ne lui en faut pas beaucoup pour qu’il soit rassasié, il parvient à se couper l’appétit tout seul, inutile donc de faire sortir divers accompagnements à Jaheim. Un peu de sucre lui suffit amplement. « Ça te connait, la cuisine ? » Il demande ensuite, un peu par hasard. Comme il ne sait pas vraiment quoi lui dire de plus, il s’inspire de la pièce. Et la cuisine se prête donc à une question du genre. D’ailleurs, si Jaheim répond par l’affirmative, il notera cela dans un coin de sa tête. Ça peut toujours être utile.