w/sacha

Il est six heures du matin, la journée commence à peine et Alistair sait déjà qu’il ne sera pas de bonne compagnie aujourd’hui. Il y a des jours où il est d’une humeur exécrable – bien plus que d’habitude – et ce jeudi en fait partie. La principale raison de cette mauvaise humeur est son manque de sommeil. Le plus dur en étant ici, pour lui, ce n’est pas d’être coupé du monde ou d’avoir l’impression d’être un pion aux yeux des spectateurs, c’est d’être observé même durant la nuit et d’être supposé partager son lit avec quelqu’un. Résultat des courses : il dort peu, puisqu’il évite soigneusement de dormir dans le même lit que Clémentine ou même dans la chambre qui lui est assignée. Et bien même s’il parvenait à fermer l’œil plus de deux heures, il serait réveillé en sursaut par le cauchemar récurrent qu’il fait. Ce manque de sommeil influence également ses pensées, puisqu’il est plus enclin à se remémorer des passages de sa vie qu’il souhaite oublier, mais son esprit n’est plus en mesure de faire barrière. Il pense aussi à la réaction que certains auront si son secret vient à être découvert, mais surtout, aux difficultés qui se présenteront à lui à l’extérieur, puisqu’il pourra dire au revoir à sa petite vie banale et sans histoire, et non pas à cause des médias qui verront en lui un ancien candidat de cette émission, ce sont d’autres facteurs qui l’inquiètent déjà. Son corps se raidit sous le coup de la colère et de l’agacement, et plutôt que d’attendre sagement que le temps passe en optant pour une activité tranquille, il décide de prendre le chemin du gymnase. À cette heure-ci, il aura la paix la plus totale, il pourra se défouler comme il l’entend. Et c’est ce qu’il fait, puisqu’il enfile rapidement des gants de boxe et ne tarde pas à frapper contre le sac mis à leur disposition, le faisant vadrouiller dans tous les sens. Il n’est plus partisan de la violence depuis longtemps, même dans le cadre d’un exercice physique, mais aujourd’hui courir ne lui suffira pas pour se détendre, alors il frappe dans le sac jusqu’à en être épuisé, jusqu’à ce que ses phalanges commencent à lui faire mal même à travers les gants. Cela dure un certain temps, jusqu’à ce qu’il entende la porte s’ouvrir et qu’il s’arrête net de frapper, permettant au sac de se stabiliser. Il penche la tête de côté pour y apercevoir le gêneur et reconnait Sacha. « T’es matinal. » Il constate, parce qu’il n’a jamais croisé Sacha a des heures tardives ou matinales, ça dépend du point de vue, contrairement à d’autres candidats, alors il l’a rangé dans la catégorie des lève-tard. « Si tu veux le sac, je te laisse, j’ai fini. » Il lui propose, parce qu’à vrai dire, il imagine mal Sacha se distraire avec des objets de cirque, ni même se contenter de courir sur un tapis roulant.

Malheureusement, on ne peut pas toujours bien dormir. Il y a des nuits comme ça qui se passent pas très bien et cette nuit en fut une. Mes démons du passé m’ont hanté. Pas de méchants démons mais mes faiblesses, ce que j’essaye de cacher et que je laisse au placard habituellement. Ils sont ressorti au travers d’un cauchemar si bien qu’à six heures et quelques du matin je suis déjà debout. Je n’arrive pas à me calmer et à me rendormir. Je me lève donc, pars prendre un café au lieu d’un jus d’orange et déjeune et ce, même si il est très tôt. Je décide ensuite d’aller me changer les idées au gymnase. L’entraînement, y’a que ça qui pourra fonctionner. Surtout que je serai tranquille dans la salle sans personne pour venir m’interrompre. Enfin… c’est ce que je pensais avant de pénétrer dans le gymnase. J’y découvre un Alistair plus déchaîné que jamais se défoulant sur un sac de boxe. Il a de l’énergie à revendre tout comme moi. Le café m’a bien excité pour le coup. J’ai besoin de pratiquer un exercice. Mais pas de la boxe. « Non. Merci. » Je suis assez froid et j’imagine que c’est probablement dû à ce foutu cauchemar. En même temps, le candidat ne me connait pas des masses habituellement et je ne sais pas si il sera percevoir que mon esprit perturbé. « Toi aussi. » Super la conversation ! En même temps, j’étais pas venu pour faire un salon de thé ici et j’imagine que lui non plus. « Putain ! » Je m’écris tout à coup alors que le silence régnait presque. Je m’acharne sur mon sac et la fermeture éclair qui semble en faire des siennes. « Tu vas t’ouvrir saleté ! » Je grogne même en omettant la présence du candidat. J’aurai peut-être pas du puisqu’il s’approche et semble décider à vouloir m’aider ou du moins analyser ce qui ne va pas. « Y’a des jours comme ça où tout va de travers. » Et aujourd’hui en est assurément un. J’ai fort à parier d’ailleurs que je vais me retrouver sur le banc des nominés. Le contraire m’étonnerait limite.

Il est interrompu par la présence d’une autre personne et il cesse immédiatement de frapper dans le sac pour prendre connaissance de l’identité de cet intrus qui vient le déranger durant cette séance de sport. Enfin, intrus, le gymnase est à tout le monde, simplement il ne se serait pas attendu à y rencontrer quelqu’un à cette heure-ci. Sacha qui plus est, qui ne lui semble pas faire partie des candidats qui se lèvent tôt, mais il n’en sait rien au final, il ne le voit pas beaucoup en comparaison d’autres. Alistair s’est suffisamment défoulé sur le sac de boxe, dont si son camarade souhaite l’utiliser, il ne verra aucun inconvénient à lui céder la place. Sauf que non, il s’en passera. Il n’a jamais eu l’occasion d’avoir de grandes conversations avec Sacha auparavant, mais la façon dont celui-ci lui répond ne lui donne pas forcément envie de changer cela. Certes, il est mal placé pour juger la froideur de son ton ou son comportement peu enclin à la conversation, mais Alistair a l’impression de lui avoir fait un truc, ou alors que sa tête ne lui revient pas et que c’est pour cette raison qu’il lui répond ainsi. Et autant dire que ça l’agace. Alors il ne prend pas la peine de tenter de poursuivre une conversation et se reconcentre sur le sac de boxe qu’il peut continuer à utiliser sans remords. Il ne prête plus attention à Sacha afin de le laisser tranquille, mais c’est jusqu’à ce qu’il entende un putain sorti du cœur alors que le silence dans la pièce ne lui permet pas de faire abstraction de ce si joli mot. Il doit reconnaître que son attention se porte sur son colocataire, qui semble au bord de la crise de nerf pour… un sac qui ne semble pas s’ouvrir. Il hésite un instant mais décide finalement de s’avancer, sans pour autant se coller à côté de lui, au cas où sa proposition serait mal prise et que Sacha préfère lui envoyer son sac en plein visage plutôt que de persister à essayer de l’ouvrir. « Tu veux un coup de main ? » Et là, Sacha ne réalise peut-être pas sa chance, en sachant qu’Alistair ne propose pas souvent son aide aux autres. Bon, à priori, le jeune homme n’est pas toujours dans cet état-là, c’est un jour sans comme on dit. « Oui, je connais. » Il déclare, en haussant simplement les épaules. Clairement, lors de jours ainsi, on attend simplement que la journée se termine même si elle semble interminable, justement. « Mais tu peux être tranquille, je ne vais pas te psychanalyser. » À savoir, il ne lui demandera pas ce qui le tracasse, ni s’il veut en parler. D’abord parce qu’il ne le connait pas assez pour formuler une telle demande, ensuite parce que ça ne sont pas ses affaires, tout simplement. « Je peux même partir si tu veux. » Il n’aurait pas forcément émis cette proposition en temps normal, mais il a suffisamment utilisé le gymnase et il n’a pas envie d’y rester si c’est pour supporter indirectement la mauvaise humeur de Sacha. Alors autant être fixé.