# Clémentine

Le soleil se couche. Encore une journée qui s’apprête à s'éteindre. J'ai eu besoin de me rendre à cet endroit. Pas une dernière fois. Ce n'est pas comme ça que je le vois. Pourtant le fait de m'y rendre sans Hadrien me fait tout de même quelque chose. Le fait d'avoir traversé la forêt. Je n'ai pas aperçu la biche, pourtant j'aurais voulu l'apercevoir. Cela m'aurait semblé moins irréel. On a beau dire que ce n'est qu'un aurevoir, je sais très bien que pour ma part... c'est plus que cela. Ils partent trop tôt. Tous ceux à qui je m'attache. Maddy. Auguste. Hadrien. C'est injuste. Oui je parle bien d'injustice. Le mot est fort mais je m'en moque. Tous étaient méritants pourtant les voilà dehors. Moi je suis à l'intérieur de ce nid, à me demander ce que je vais faire. Si j'en crois les côtes présentées au dernier prime, je suis en danger. Je ne suis pas appréciée. Pourtant ce n'est pas mon plus gros souci. En fait je n'ai pas de souci à proprement parlé là tout de suite. J'ai juste besoin de tranquillité, besoin de me laisser aller. Quoi de mieux de retourner vers la falaise. Pourquoi pas traverser la barrière. Non toute seule cela n'aura plus aucun sens. Lorsque j'atteins mon but je décide donc de m'accouder à la barrière. Rien d'autre. Je ne l'enjambe, mais observe juste l'horizon. Lorsque j'entends quelques pas derrière moi, j'ose imaginer que c'est Hadrien qui arrive à pas de loup. Je me retourne et découvre Clémentine. Elle non plus, et encore moins que moi, ne doit pas avoir le moral. J'étais impressionnée par leur relation. Touché par leur dernière étreinte. Encore une fois je n'aime pas les commérages, mais je n'avais pas pu m'empêcher de jeter un oeil à ce moment. Le garder en souvenir comme si c'était le mien alors que du tout. Nous ne sommes pas vraiment en bon terme. Pourtant je décide de lui dire le fond de ma pensée. "Bien qu'elle m'a l'air compliquée et tragique, je trouve votre relation, avec Hadrien, très forte, intense." Je ne sais pas si on peut appeler ça un compliment, pour moi s'en est un, car j'aurais aimé vivre ça avec quelqu'un.

Mon mp3 en main, les écouteurs dans les oreilles, mes pas s'alignent automatiquement sans réelle direction. Je file simplement tout droit. Vers un mode qui me semble meilleur, dira t-on. Mes cheveux se balancent au gré du vent, lorsque je semble avoir enfin trouvé un but: la falaise. Je m'arrête un instant, simplement pour changer de musique, mettre une chanson plus douce, en anglais, avec un peu de chance, je n'y comprendrais rien et ça m'arrangera. Mes yeux effleurent une silhouette qui m'agace. Techniquement, elle ne m'a rien fait, mais sa présence m'insupporte. Il faut bien que je canalise ma mauvaise humeur sur quelqu'un d'autre qu'Isaac par moment. Alors ça sera elle pour l'instant. Je m'approche un instant, parce qu'il n'y a pas de raison que je fasse demi-tour juste pour elle. C'est con pour nous deux, il semble qu'on aime bien trainailler sur la falaise. Y a conflit d’intérêt. Je m'approche en retirant par politesse mes écouteurs, ne voulait pas lui foutre un vent si l'idée de me parler la prenait, bizarrement. Elle me parle de ma relation. Avec lui. Je ne sais quoi lui répondre, si bien que je reste silencieuse un instant. « Et donc c'est quoi ton impression ? » je lui demande de ma voix cristalline en la regardant. « Il est quoi pour moi ? » je l'interroge parce que dans un sens ça m’intéresse, de savoir ce qu'on peut dégager lui et moi, l'image qu'on véhicule. « Si tu te bases .... sur ton instinct ? » je lâche en tentant une formulation qui pourrait coller à la demoiselle qui a une attitude de sauvage, alors je trouve que ce mot correspond assez bien à l'image que j'en ai d'elle.

évidemment que Clémentine me demande des détails. J'aurais dû m'y attendre, me préparer pour me lancer dans un grand discours. Le fait qu'elle évoque mon instinct me fait gentiment sourire. C'est étrange cette relation, que l'on a, que l'on nourrit toutes les deux. J'ai toujours cette impression qu'elle me prends pour un animal. Qu'elle essaye de m'apprivoiser, de me tester. C'est assez déstabilisant comme sensation, mais cette fois-ci je ne m'emporte pas, je n'en ai pas besoin. Cette fois-ci je ne suis pas le sujet de la discussion. Ma place est donc plus agréable. "Au début j'ai pensé que vous étiez en couple. J'ai même demandé à Hadrien, si c'était le cas. Oui ou non c'était tout ce que je voulais. Pas de plus amples explications parce que votre relation est muette." dis-je en cherchant dans ma mémoire, des moments où j'ai pu les apercevoir ensemble. Pour me remémorer précisément les sensations, l'aura qu'ils pouvaient dégager. "Je la sens très forte. Des sentiments débordants. Vous tenez à l'un et l'autre, tellement que cela peut mettre une barrière pour une possible relation amoureuse. Mais peut-être parce que l'amour que vous vous portez est puissant. Vous avez besoin l'un de l'autre et pourtant de ce que j'ai cru comprendre l'un est parti." Hadrien. "En fait votre relation est un perpétuel vacillement." Ce qui je pense dangereux. Ce genre de relation est unique, mais tellement fragile. Et j'entends par là que leur amour est proche de la souffrance. Par le biais de mes mots je ne propose pas à Clémentine d'arrêter, loin de là. J'émet juste mon opinion. Je n'ai jamais eu l'occasion de ressentir ce genre de sentiment, d'aimer véritablement. Le vivre si intensément doit être tellement... Le fait de sentir son coeur battre la chamade juste lorsque l'on voit, lorsque l'on sent la personne désirée auprès de soi. Le fait de ne jamais l'avoir vécu et de le découvrir ici m'amène à penser que j'ai raté une chose. M'ouvrir.

Je lui demande des explications sur ce qu'elle avance. Parce que clairement Ana ne s'est jamais intéressée à notre relation, juste à Hadrien, principalement surement trop pour que cela ne m'agace pas. « Je ne pensais pas que tu étais le genre de fille à t'attacher au côté officiel de la chose » je ne peux pas m'empêcher de lâcher en la regardant. Parce que ces limites m'ont toujours paru floues. A partir de quel moment tu décides de former un officiel nous ? « On peut s'aimer de la façon la plus large, sans pour autant rentrer dans des cases » je me contente de lui répondre. Je peux l'aimer comme un frère, un ami, un amant. Je peux l'aimer des trois façons, et dans tous les cas, personne ne sera jamais satisfait donc j'ai décidé de ne jamais me poser, de ne jamais décider. Parce que toute appellation officielle signifie une fin, or ça ne sera jamais le cas nous concernant. Enfin, j'espère bien. Ana évoque la séparation. « Parfois on n'a pas le choix » je lui lâche simplement, on n'a pas le choix de se quitter, de s'éloigner, parce que c'est vital avant de complètement basculer. Perdre est le seul moyen de nous faire apprécier ce qu'on possédait. Parce que l'être humain est formaté pour en vouloir toujours plus, et je n'ai pas prétention de faire exception, parce je suis comme ça; Sauf qu'à un moment on tire trop sur la corde, on fatigue, alors on se quitte et c'est comme ça. Et puis cela nous parait naturel et on ne fait rien pour y remédier. Je me contente d'un simple hochement de tête, comme si j'appréciais vaguement sa pseudo analyse de ce qui pourrait nous lier. « Tu aimerais être à ma place ? » je lui demande simplement en la regardant, d'un air neutre, avant d'escalader la barrière comme je l'avais fait avec Hadrien, pour m'asseoir dessus. Elle aimerait avoir une relation comme elle le décrit ? Mes prunelles claires se posent sur sa personne.

"Moi non plus à vrai dire." Dis-je un peu perdue dans mes pensées. "En fait si je le fais, c'est certainement parce que je n'arrive pas à déceler tous les rouages de la société. Vous ranger dans des cases est un moyen de me protéger en quelque sorte." Je fais des suppositions, mais finalement je ne sais pas moi-même pourquoi je fonctionne de la sorte. C'est devenu instinctif à présent, pourtant lorsque j'étais gamine j'ai vécu dans cette société. Peu de temps, par intermittence, mais j'étais tout de même là. "Peut-être que je suis un peu marteau!" dis-je en esquissant un bref sourire. Tout scientifique est un peu fou dans sa tête. J'en fais partie. "Certainement je ne ferme pas la porte à cette hypothèse." Je ne ferme la porte à aucune hypothèse tout est bon à prendre pour étudier par la suite. Je n'ai connu qu'un seul amour véritable. Celui entre les parents et leur enfant. Mes parents ce sont sacrifié pour me protéger. Est-ce que je devrais leur en être reconnaissant? Je suis surtout triste que notre dernière aventure ce soit terminée de la sorte. Ils ne méritaient pas ce sort et leurs assassins ont payé. De mes mains. Je repasse très vite la scène avant de me focaliser sûr les propos de la blonde. Elle a décidément envie de me contredire. Je ne préfère d'ailleurs ne pas répondre face à ses propos. Si elle le dit. Je ne baisse pas les armes, mais je pense qu'à un moment cela ne sert à rien de contredire l'autre. Elle a ses opinions, j'ai les miennes. Nous sommes toutes deux butés et je n'ai pas envie de me faire un remake de la cuisine. "Non." dis-je franchement. "Je suis déjà assez tordue... ce serait bien... qu'un jour.. je vive une relation un peu plus ancrée dans la réalité et stable." Oui un jour. Pas tout de suite, pas maintenant. "Tu ne le prends pas mal?" Elle le pourrait. "Est-ce qu'alors selon toi Hadrien est libre de faire ce qu'il veut?"