Le creux de l'après-midi c'est le moment parfait pour gagner la salle de contrôle. Parce que les gens sont éparpillés en petits groupes d'abord et qu'ils ont tendance à être plus relâchés dans ces conditions, mais aussi parce que cette dispersion permet plus de discrétion. Ghika n'a pas très envie de passer pour le mec qui passe son temps à espionner les moindres faits et gestes des autres. Et ça même si ça lui est nécessaire et que ça lui donne le regard extérieur dont il a besoin pour parvenir à ses objectifs et parce qu'il peut se faire l'idée de ce que le spectateur voit et apprécie. En ouvrant la porte il découvre qu'Adnan occupe les lieux. Boarf, c'est pas bien grave, il l'aime bien Adnan, c'est pas le mec à qui il va confier ses plus sombres pensées, mais c'est pas nécessairement ce qu'il cherche. Ghika ignore complètement qu'il y a des tensions dans ce qui apparaît être un couple en devenir alors c'est en toute bonne foi, et par curiosité évidemment, qu'il s'assoit à côté d'Adnan et le fixe -parce que ce n'est pas du tout étrange comme comportement- avant de lui demander sans y mettre les formes. « Tu viens surveiller que ton amoureux ne fait pas des bêtises avec un autre éphèbe ? » Sa voix frappe les murs de la pièce avec la légèreté qui la caractérise en général. Attendez qu'il voit la face d'Adnan quand il devra répondre à cette question, il allait être beaucoup moins enthousiaste après avoir mis les pieds dans le plat le Ghika. Mais pas d'inquiétude il remontera dans le train bonne-humeur immédiatement, en essayant d'embarquer Adnan avec lui.

Les journées creuses étaient assurément les plus longues. Comme si j'avais toujours besoin d'une activité pour m'occuper l'esprit. J'étais quelqu'un d'actif, un sportif qui avait toujours besoin de bouger, de faire quelque chose de ses mains sans quoi je risquais dépérir sur place. Mais il n'y avait rien à faire, et après avoir terminé mon repas -que j'avais pris dans le frigo, probablement à quelqu'un d'autre qui se l'était préparé pour lui, oops- je m'étais dirigé sans grande conviction vers le dressing pour attraper une veste. Le soir, j'étais de toute façon toujours plus frileux, ou plus pudique, allez savoir. Enfin, ça n'était pas bien important de toute façon. Toujours est-il que j'avais ensuite emprunté les escaliers, en évitant bien évidemment l'ascenseur. On ne m'y reprendrait plus de sitôt, j'étais déjà resté bloqué assez longtemps dans celui ci pour avoir envie d'y passer ne serait-ce qu'une seule seconde supplémentaire. Bref, mes pieds avaient fini par me guider jusqu'à la salle de contrôle tandis que je pensais que j'étais tout de même bien à la ramasse au niveau de la chasse aux secrets. Lorsque je voyais tous ces buzzs alors que je n'avais réellement aucune idée concernant ce que pourrait cacher un tel ou un tel, je m'étais dit que je n'avais pas passé assez de temps dans cette salle. Non, il allait falloir que j'apprenne à ne pas faire confiance qu'à ce que l'on me disait directement. Quelque part, c'était tout de même assez gênant d'observer les gens de la sorte, comme si ils n'étaient que des animaux en cage -n'en étions nous pas, nous, candidats d'ailleurs ?- mais c'était bien une étape à passer. Comme une expérience. Sauf que voilà, à peine avais-je pris place sur un des sièges que Ghika s'était posé face à moi, me dévisageant un court instant -et faisant ainsi monter le rouge à mes joues- avant de me demander si j'étais là pour "surveiller mon amoureux". Amoureux ? Je bloquais deux secondes sur le terme, cherchant à remettre de qui il pouvait bien parler. Oh, Aaron donc ? Disons que c'était plus la seconde partie de la phrase qui m'avait mené à cette conclusion. « De toute évidence, c'est plutôt toi qui est là pour jalouser la personne avec qui il doit être en ce moment. » sifflais-je comme si de rien n'était. Après tout, c'était lui qui venait de mentionner le jeune homme non ? Moi je n'y avais même pas pensé une seule seconde. « Ne t'inquiètes pas, la moitié du nid est déjà passée par là. » ajoutais-je un brin espiègle, toujours quelque peu agacé par les images que j'avais pu voir sur le prime.

Ghika jaloux de la personne qui passe du temps avec Aaron ? Bon, au moins il le sait, il n'a pas fait le déplacement jusqu'à la salle de contrôle pour rien. Le simple fait d'entendre Adnan dire un truc aussi loin de la vérité valait largement tous les efforts que Ghika a pu fournir durant la journée. Il pensait que c'était évident qu'Aaron et lui n'étaient pas amis et encore moins potentiellement amants. Oh ils ont enterré la hache de guerre la semaine passée, en quelque sorte, mais de là à croire que Ghika pourrait être jaloux des gens qui maintiennent Aaron occupé ? Faut pas déconner. « Je suppose que nos perceptions des évidences sont assez différentes alors... surtout si tu as cru qu'Aaron pouvait m'intéresser... » répond-il à la fois sérieux et taquin. Il n'y a pas de cruauté dans ses propos même si lui apparaît un double-sens possible qu'il se doit de corriger. « Enfin, que moi je pourrais l'être, il n'y a pas de mal à être intéressé par lui fondamentalement, c'est juste que dans la maison c'est peut-être la dernière personne qui m'intéresserait. » Peut-être ? Sûrement même. Ghika ne sait pas pourquoi il dit des choses comme ça à Adnan, il sait bien que ça va finir par lui retomber dessus un jour ou l'autre. On l'a bien vu lors de la première confession qu'il lui a faite en deuxième semaine et la vitesse avec laquelle l'information s'est propagée. Mais bon, il ne peut pas lui en vouloir, c'était pas très important. Quand Adnan ajoute un commentaire clairement dirigé vers le caractère volage d'Aaron, Ghika croit halluciner. Le mec est conscient des « défauts » du gars mais il se laisse quand même embobiner ? « Et malgré ça tu t'es laissé tenter ? » Adnan il a typiquement le caractère à être l'éternel optimiste, celui qui croit qu'il peut changer un homme s'il l'aime assez fort. Ghika ne veut pas casser son délire, mais ce n'est pas possible. Un coureur reste un coureur, il peut essayer de changer, mais irrémédiablement il replonge dans ses vieux démons. « Tu sais ce que dit une de mes chansons préférées ? Players only love you when they're playing. Fais attention à toi, c'est pas Aaron qui finira blessé. » dit Ghika conscient qu'il est peut-être déjà trop tard pour l'orgueil et le cœur d'Adnan, mais au moins il l'aura prévenu. On ne peut pas lui en vouloir d'essayer de donner des conseils utiles si ?

Il était bien connu que j'étais quelque peu à l'Ouest comme garçon, si bien que je ne savais jamais trop qui était lié avec qui, ainsi je ne savais pas si Aaron et Ghika se connaissaient ou non. Enfin, si, puisque j'avais déjà mentionné l'un d'entre eux auprès de l'autre, mais de là à dire si ils étaient grands potes ou non... Et de toute évidence, ça n'était pas le cas puisque Ghika ne semblait pas intéressé par le beau brun. Il allait même jusqu'à dire qu'il serait probablement la dernière personne sur sa liste, tenté qu'il en ait une, ici dans le nid. « Vous vous aimez autant que ça ? » ironisais-je tout de même un peu surpris. Parce que bon, je n'avais jamais eu de retour sur la relation que les deux pouvaient entretenir, pourtant lorsque deux personnes ne s'appréciaient pas ici, ça avait tendance à rapidement faire le tour du nid. Cela dit j'étais toujours le dernier au courant alors bon. Voyez comme les gossips m'intéressaient. Et puis finalement, Ghika appuyé sur ma prochaine phrase, en me posant une nouvelle question qui n'en était pas franchement une. Sur le coup, je ne su trop quoi répondre. « Pourquoi tout le monde pense que je me suis laissé tenter ? » Ne pouvait-on pas apprécier quelqu'un malgré la réputation qu'il pouvait avoir auprès des gens qui nous entouraient ? « Que je sache, il ne s'est jamais rien passé entre nous... » Non, c'était les autres candidats qui voyaient les choses telles qu'elles. Je n'avais jamais fait un pas vers Aaron, et lui le savait très bien. « Et tu écoutes définitivement trop Fleetwood Mac. » ajoutais-je en un sourire avant de reprendre « Vous avez vraiment l'impression que je peux avoir des sentiments pour quelqu'un si facilement ? Je sais que je suis plutôt fragile, mais enfin... » Je n'étais pas non plus fait de porcelaine.