Cette fois-ci c'était la fin. Pas de et si, de peut-être, ou de avec un peu de chance, il ne faisait pas sa valise pour la défaire à nouveau dans le dressing le lundi matin ... Où serait-il demain matin, lundi ? Il ne savait même pas exactement, et usant de la politique de l'autruche il se contentait de ne pas y penser. Il mentirait pourtant s'il disait qu'il n'avait pas eu un petit pincement au coeur en levant une dernière fois la tête sur le plafond étoilé de la chambre stellaire, avant de quitter la pièce. Partir sans se retourner ce n'était pas quelque chose que savait faire Andreja, pas quand ce qui se passait au devant lui faisait si peu envie, pas quand il regrettait ce qu'il y avait en arrière ... tout le ramenait maintenant fatalement à Chicago, quand pourtant lui n'avait aucune envie de retourner là-bas. Le mode vie américain ne convenait pas à l'européen qu'il était, le fait d'être consigné au consulat quand il n'était pas strictement nécessaire qu'il soit dehors lui donnait la sensation d'étouffer, et l'impossibilité d'avoir de ce fait une vie à lui le faisait parfois penser qu'il n'était pas beaucoup mieux loti qu'en prison. La bouffe était meilleure et il prenait des nouvelles de sa famille à travers un ordinateur plutôt qu'à travers une vitre, voilà tout. Traînant sa valise jusqu'aux coulisses du plateau il avait pris son temps dans les couloirs, comme pour s'imprégner une dernière fois de ces lieux où il venait de passer douze semaines, et cherché autour de son cou sa croix en argent avant de finalement pénétrer sur le plateau, sans une once de stress. Il n'avait pas vraiment de pronostics pour ce soir, son instinct lui disait Gaëtane et son envie lui disait Alistair, mais les jeux étaient sans doute déjà faits, il n'était plus vraiment temps de s'en préoccuper. Premier canapé il s'était assis avec calme, bien que pensif parce que déjà il s'inquiétait pour l'extérieur, alors qu'il se l'était interdit ... Peut-être qu'Emil était déjà là, à la sortie du nid, à l'attendre. Peut-être qu'il ne lui laisserait même pas un peu le temps de respirer, avant de le conduire à l'aéroport.

(+ tenue)

Spoiler:

Ce soir c'était le grand soir. La der des der, comme ils disent. Le prime que Pia avait redouté du début de son aventure jusqu'à la fin. Et elle était là, justement, cette fin, elle clignotait en rouge sous ses yeux inquiets. " Tout est fini ". Mais elle voulait pas que tout sois fini, elle voulait pas quitter le nid, quitter les autres, quitter son lit. Quitter Andreja. L'idée lui fou la gerbe, parce qu'elle a peur, trop peur, que ce soir soit une vraie fin, qu'il n'y ai pas " d'après ". Elle aimerait leur faire promettre à tous qu'ils se reverront, faire promettre à Felice que son tatouage elle l'aura, à Aaron qu'ils passeront d'autres journées à jouer comme les plus niais des gamins, à Gaëtane que si elle veut toujours d'une copine rousse elle sera là. Mais elle peut pas, parce que ce serait mentir. Elle en sait rien Pia, absolument rien, si ça se trouve elle ne reverra personne, jamais, le chapitre Fake Lover se clora ce soir et tout sera terminé. Et elle y pense quand elle enfile sa robe, la plus belle, qu'elle avait gardé pour le dernier soir, elle y pense quand elle se coiffe, quand elle se regarde dans ce miroir en se rendant compte que si on poussait le vice elle pourrait lui dire aussi tu vas me manquer. Elle a envie de pleurer, un peu, et c'est ridicule elle le sait mais elle peut pas s'en empêcher. Elle a décidé d'être à l'heure pour une fois, pour la dernière fois. Elle veut pas louper une seule minute de cette soirée parce qu'elle sait déjà que celle-ci sera trop courte, beaucoup trop courte. Elle se dirige vers le prime juchée sur ses talons. Tout va lui manquer, elle le sait, même le bruit de ses godasses lorsqu'elle arpentait les couloirs jusqu'au plateau. C'est terrible parce que c'est pas son truc la nostalgie mais les au revoir ça a toujours eu le don de lui filer le cafard. Elle pousse la porte, trois clampins sont là, trois des finalistes dont son favori évidemment. Elle sourit sans trop se forcer parce qu'elle a jamais eu besoin de se forcer pour sourire face à lui, avant de se laisser tomber dans le fauteuil à côté de lui. Sans rien dire elle vient entrelacer ses doigts avec les siens. Elle finit par l'ouvrir, quand même. « J'ai peur, un peu. ». Elle précise pas de quoi parce que ça lui parait assez évident.

Treizième et dernier prime. Pas de nervosité particulière quant au prime en lui-même, il a une idée bien arrêtée sur la place qui sera la sienne ainsi que sur l’identité du gagnant. Ou plutôt, de la gagnante. Il a également accepté la maigre cagnotte qui est la sienne, rien ne pourra la changer de toute façon. Non, sa nervosité, il la doit à l’après-prime, qu’il appréhende déjà. À l’issue des résultats, ils fêteront peut-être la victoire de l’heure gagnant et ils seront relâchés dans la nature. Il espère pouvoir se faufiler dans une voiture en évitant soigneusement les médias, histoire de regagner l’aéroport dans la plus grande discrétion. Il ne va pas s’éterniser en Australie, rien ne le retient ici. Il est un peu nerveux, donc, mais il compte bien profiter malgré tout de sa dernière soirée ici. Car la vérité, c’est qu’il aborde ce dernier prime avec une certaine nostalgie. Il ne l’a jamais caché, il n’aurait jamais voulu que cette aventure s’arrête. Il a eu des repères durant trois mois, il n’a pas été défini par son passé et a pu exister par ce qu’il est vraiment et non pas parce qu’il a fait. Il a vécu dans une petite bulle où il se savait en sécurité. C’est pour cette raison qu’il n’a aucune envie de regagner la vie réelle. Il aimait bien être ici, il a tissé des liens et il sait pertinemment qu’il ne parviendra sûrement pas à les faire perdurer au-delà de ses murs. Ça lui fait mal, d’un certain côté, d’avoir vécu une aventure aussi intense dans laquelle il s’est senti lui-même – dans la mesure où il peut l’être – pour qu’elle finisse tôt ou tard par n’être que de vagues souvenirs. Et contrairement à d’autres, sa vie ne va pas particulièrement changer. Pas d’argent, pas de grand amour rencontré ici, pas de grandes propositions s’offrant à lui. Il a goûté à une vie qui lui plait, une vie calme avec un logement à lui, des … amis – même si ça lui fait encore bizarre de penser cela – et il va retrouver la misérable vie qui est la sienne à l’extérieur. Autant dire que le choc va être brutal, c’est passé d’une vie de luxe à une vie de pauvre. Quoi qu’il en soit, il tente bien vite de chasser ses pensées de son esprit, son moral en prenant un coup alors qu’il s’agit bien de la soirée où il doit faire preuve d’un peu plus de joie de vivre – dans la limite du raisonnable venant de lui. Il a passé les deux premières heures de l’après-midi à préparer sa valise, qui fut relativement vite bouclée vu son manque d’affaires personnelles. En fin d’après-midi, il profite d’un moment de flottement pour profiter de la douche avant les autres, puis file en direction du dressing. C’est la finale, il essaie donc d’être à peu près présentable, sans pour autant changer ses habitudes. Ce sera un costume noir, chemise blanche, avec une cravate fine nouée autour du cou. Il file ensuite en direction du plateau, essayant de ne pas trop être en retard, avant de s’arrêter à l’entrée de celui-ci pour y fumer quelques cigarettes afin de le détendre. Il pénètre ensuite sur le plateau quasiment vide, ce qui lui renvoie à la figure la fin de Fake Lover. Il se munit d’un verre d’eau avant de prendre place aux côtés de Gaëtane, conscient qu'il s'agit-là de leur dernière soirée. « Comment tu te sens ? » Il finit par dire, voyant qu'elle est concentrée dans le casse-tête, chose qu'il interprète comme de la nervosité, mais peut-être qu'il se trompe. Et peut-être qu'il dérange, aussi.
(tenue)