@Léo

Je suis pressée de retrouver mon lit, j’ai dormi une fois dehors avec Gigi, pour lui faire plaisir et lui tenir compagnie mais je suis bien contente de retrouver mon petit confort. Je sais, je suis bien trop précieuse. Je troque ma robe contre une tenue un peu plus confortable. J’ai un peu traîné, je sais que Léo est déjà allé se coucher. sans m'attendre, il a bien fait. J’effectue presque un bond lorsque je grimpe sur le lit. J’ai bien l’impression que Léo a sombré, il est allongé sur le côté mais il m’offre son dos. Je fronce les sourcils d’agacement. Par mimétisme, mon corps se met dans la même position que le sien, me pressant contre lui. « Tu dors ? » je murmure par simple politesse parce que s’il dort réellement je vais le réveiller, tout simplement. Mes doigts s’infiltrent en douceur sous son tee-shirt pour cajoler l’épiderme de son dos. Je frôle sa peau du dos de mes ongles, je pars du bas de son dos pour remonter jusqu’à sa nuque. Je recommence l’opération un certain nombre de fois, il a de la chance, je fais dans la douceur aujourd’hui. Je sens que Léo commence à bouger légèrement. Enfin ! C’est que je commence presque à m’impatienter. « Je sais ce qu’on va faire maintenant » je déclare de ma voix cristalline parce que je parie du coup qu'il meurt d'envie de le savoir maintenant. Je parle de mon plan. Bien évidemment, j’ai du temps à tuer ici autant bien l’utiliser. « Déformation professionnelle, aucun commentaire » Je le devance parce que je sais très bien ce qu’il pourrait dire, parce que j’étais décidée à ne pas réfléchir dessus mais au final, voilà. Une fois que je suis sûre d’avoir son entière attention, je me décolle de lui pour me redresser, je m’assois en tailleur, il a le droit de grogner. J’assure quand même que monsieur ait les yeux ouverts pour continuer à lui exposer mon futur plan. « Milan, cette ville est géographiquement parfaite » je claironne alors. Je suis pour l’Italie, et en plus, on n’est pas si loin de Grenoble que cela, je suis sûre qu’en train le trajet ne doit durer que quelques heures. De plus, je suis clean en Italie, j’ai rien à me reprocher là-bas, enfin, on va surtout dire que je ne connais aucun italiens quoi. « C’est fou comme je suis douée pour trouver des solutions pour tout, tu ne trouves pas ? » je raille alors pour déposer mes lèvres sur les siennes afin de taire ses protestions légitimes. Oui, j’étais obligée de le réveiller pour partager. Je me laisse retomber en arrière, ma tête atterrissant parfaitement sur mon oreiller.

On se croirait en colonie de vacances ces derniers jours avec le retour des anciens. On est beaucoup plus que la semaine dernière et je me sens bien moins seul dans mon statut de perdant. Ca réanime un peu l’hôtel et j’ai pu revoir des têtes qui m’avaient manqué, une bonne occasion de faire la fête tous les soirs. Tellement que j’arrive à épuisement, aujourd’hui je fais léger et j’évite de me coller une caisse comme la veille. Trop crevé, j’préfère laisser les autres au salon pour aller me coucher. Il est une heure, c’est un horaire particulièrement raisonnable qui en plus m’offre un bonus : j’ai le lit à moi tout seul. Maha étant restée avec les autres je vais pouvoir en profiter, enfin ça c’était ce que je pensais avant de sombrer une fois la tête posée sur l’oreiller. Je me fais réveiller par une sensation étrange, quelque chose qui chatouille mon dos. Je bouge légèrement, encore dans mon sommeil et prêt à y céder de nouveau la seconde suivante. C’était sans compter sur la voix de Maha qui s’élève à côté de moi. Elle est venue se coucher alors… mais quoi ?! Elle aurait pu choisir un moment où j’étais en forme, là j’arrive à peine à articuler dans mon état léthargique. « Non pas devant les caméras. » Je proteste encore à moitié endormi, ça m’empêche pas de garder le nord et de me souvenir qu’ici on est épiés. En d’autres termes si Maha veut du sexe elle devra attendre. Je compte bien la laisser se débrouiller avec ça et repartir au pays des rêves sauf qu’elle surenchérit en me parlant de déformation professionnelle. Franchement si elle peut m’épargner les détails de ce côté-là ce sera avec plaisir. « Hm. » C’est ce qui conclut l’accord de mon manque de commentaire. Je n’en ferai aucun, d’ailleurs je préfère replacer ma tête sur l’oreiller à la place dans le but de me rendormir. Je sens sa présence quitter mon dos et sa voix retenti de nouveau. Elle parle de Milan et je comprends rien. Je me décide enfin à ouvrir les yeux, signe que je cède à l’idée d’une conversation en pleine nuit. Les frottant par mécanisme je me retourne et me retrouve sur le dos avec le regard fatigué dirigé sur Maha au-dessus de moi. « Donc l’Italie ? » Je commence à tilter. Elle aurait mieux fait d’attendre le lendemain pour me parler de ça, là ça va me péter ma nuit mais bon c’est pas comme si j’étais habitué à un rythme de vie très sain. Je bronche pas pendant qu’elle se lance des fleurs, surtout parce qu’elle trouve le moyen de me faire taire mais avec cette technique elle ne fera qu'éviter mes protestations. Elle a trop d’énergie pour moi là, il me faut du temps pour tout cogiter. « Hé mais t’as cherché en fonction de Grenoble. » Oui j’commence à piger. J’esquisse un sourire avant de laisser tomber ma tête du côté de Maha qui s'est enfin couchée. « Tu m’as caché ton talent pour l’italien ou ça veut dire qu’on va devoir retourner dans les cahiers tous les deux ? » Pour ma part c’est sûr en tout cas, pour elle je ne sais pas mais si on pouvait s’y mettre à deux moi ça m’arrangerait et la raison est toute simple. « Enfin si j’accepte parce que l’école c’était pas mon truc. Déjà que mon cerveau n’était pas super chaud, je me le suis grillé en plus de ça. Ca va me prendre des années. » Je fais ma diva comme si j’étais le plus capricieux des deux. Il faut être rationnel quand même et puis je ne suis pas habitué à vagabonder de pays en pays contrairement à elle.

La réponse de Léo m'arrache un sourire amusé bein qu'il m'ait fallu deux secondes pour pouvoir faire le lien. Il est complètement à côté de la plaque. « Pardon ? » je demande en clignant rapidement des yeux. « Mes intentions sont bien plus chastes, je te rassure » je ronronne alors toujours contre lui, parce que c'est la réalité. Je ne suis pas débile non plus, je n'ai pas envie de me faire une sex tape ici et puis si j'avais réellement voulu sauter sur Léo, j'aurai choisis un autre horaire, parce qu'il comate complètement. «Mais je saurai me rappeler cette remarque qui refroidit direct à l'extérieur en tout cas » je siffle quand même, pour la peine. Je commence à débiter ce que j'avais en tête mais Léo est complètement à la ramasse, quasiment aucune réaction. Je froisse simplement mes sourcils en attendant que l'information remonte doucement à son cerveau. Il se tourne vers moi et s'éveille enfin. Je pousse un lourd soupir de satisfaction: il était temps. « Ta vivacité d'esprit me rend toute chose » je me moque alors en roulant des billes pour me mettre sur le côté, mon corps orienté vers le sien, je cale mon menton dans la paume de ma main en appuyant mon coude sur mon oreiller. « J'ai rien de mieux à te proposer pour l'instant et je sais très bien que si je vais loin de la France tu ne suivras pas » je conclus en haussant avec nonchalance en haussant les épaules parce que c'est aussi ce que je ferai si j'avais réellement un point d'attache avec des proches. J'écoute sa prochaine remarque. « Je sais parler italien, enfin, théoriquement » je l'informe en souriant légèrement. Je ne l'ai pas pratiqué depuis quelques années et cela s'oublie assez rapidement. Donc cela fait déjà un sur deux qui peut se débrouiller, après, je pense que l'immersion est la meilleure chose pour comprendre la langue. « Je voulais être traductrice à la base » je lui confis mais on va dire que j'ai un peu dévié. J'ai toujours privilégié les langues et puis j'ai des facilités. « Je te jure que c'est vrai » je me défends instinctivement parce qu'on ne sait jamais. J'étais déjà bilingue à la naissance, j'ai eu de la chance, puis j'ai appris l'anglais et l'italien. Et le français aussi par la force des choses. On va dire que j'ai toujours aimé voir les choses en grand et j'ai toujours eu des facilités d'adaptation. Je l'écoute avec attention lorsque monsieur doute de ses capacités d'apprentissage. « Arrête de dire ça. Tu n'as rien grillé du tout » je proteste alors d'une voix ne laissant place à aucune négociation. Je finis par reposer la tête sur mon oreiller. « Sinon tu peux rester à Grenoble et on se verra quand même de temps en temps » je propose alors parce que ce n'est pas une option négligeable pour lui. « Je t'imposerai rien » j'ajoute alors d'une voix douce parce que j'imagine qu'il le sait mais je préfère dans le doute qu'il l'entende de ma propre bouche. Tout comme il sait qu'il ne sera jamais en mesure de m'imposer quelque chose. Il faut simplement faire des compromis et que tout le monde y trouve son intérêt.

J’ai beau sentir la présence de Maha juste derrière moi je ne compte pas me retourner, mon esprit est attiré vers mon besoin primaire de dormir. J’aurais pu céder à sa proposition indécente, ce que je considère aussi comme un besoin primaire, mais elle oublie la présence des caméras qui nous épient avec l’infra-rouge. Apparemment je me trompe, elle aurait des intentions plus chastes. Ah bon. Raison de plus pour me rendormir. « Y a pas de caméras dehors » Je grogne dans une soupe de paroles, j’suis sûr que j’ai l’air d’un gamin qui veut pas se lever le matin. Je crois que j’ai trop cédé à ses caprices, tellement que maintenant elle n’hésite même pas à venir me réveiller pour papoter. Maha lâche pas le morceau et je finis enfin par comprendre l’importance de la conversation qu’elle tente de tenir depuis tout à l’heure. Elle peut se moquer autant qu'elle veut, je suis pas encore assez en forme pour lui répondre d’autant plus qu’elle vient de me balancer l’info du siècle là. Avec ce qu’elle m’explique je constate qu’elle y a bien réfléchi mais après tout c’est une pro, j’en attendais pas moins d’elle. « Mh c’est vrai. » Je lui accorde vaguement. Pourtant à l’heure actuelle qu’il s’agisse d’un pays voisin ou non je me sens pas prêt à m’exiler dans un pays dont je ne connais pas la langue. Mes capacités d’apprentissage sont plutôt limitées, je n’étais pas une flèche à l’école ce n’est pas pour l’être plus de cinq ans après. Je l’observe en lui confiant ce problème numéro un. Problème qui n’en est pas un pour elle. Bon j’imagine qu’elle y a déjà fait un tour, l’idée me plait pas des masses mais c’est sa vie je me passerai de commentaires. « Si tu t’es mise la mafia à dos c’est peut-être pas une bonne idée d’y retourner. » que j’ajoute tout naturellement, toujours installé sur le dos et le regard relevé vers le sien. Il faudrait trouver un autre pays histoire qu’on finisse pas flingués du jour au lendemain. Je dis ça je dis rien. Maha me confie avoir voulu être traductrice à la base. Je souffle un rire avec les forces qui me reviennent. Elle me jure que c’est vrai et je la crois mais c’est juste que c’est drôle. « Tu t’es drôlement perdue en chemin. » Remarque tout est lié, ses compétences en langue lui ont servi. Je me marre quand elle se justifie, par contre je crois qu’elle réalise pas vraiment que pour moi son plan c’est une énorme galère. Pour autant je suis pas non plus tenté par son alternative. « C’est pété ça, c’est le genre de plan qui marche qu’une fois grand max. » Une promesse qu’on est motivé à tenir qu’au moment où on la prononce et qui l’instant d’après nous handicape plus qu’autre chose. La décision me revient, ce n’est pas tant ce que je vais laisser derrière moi qui m’inquiète mais plutôt ce que je vais trouver en retour. Mes potes sont assez grands pour bouger leur cul jusqu’à moi de temps en temps, ils trouveront le prétexte de dire que ça leur fait des vacances quasi gratuites. Par contre est-ce que j’arriverais à m’installer dans un pays que je ne connais pas, rien n’est moins sûr. Je me tourne complètement vers Maha, glissant un sourire. « Je vais y réfléchir. » A choisir je pourrais tenter son immersion en Italie, au pire je ferai faire demi-tour dès que j’estimerai en avoir assez... je sais pas, j'verrai ça demain. « Tu feras quoi là-bas pour gagner ta vie ? » Je l'imagine mal se trouver un job d'infortune, sur ce point là tout nous oppose.

La remarque de Léo m'arrache un léger rire, vive la confiance, je ne suis pas débile au point de le faire venir dans un pays que j'aurai déjà expérimenté. Je tiens à la vie quand même. « Absolument pas, il ne s'est rien passé là-bas » je lui réponds en arquant un sourcil car c'est la pure vérité. Pour une fois, je suis parfaite dans ce pays. Je mime une auréole autour de ma tête avant de composer un air totalement angélique. Je lui annonce que je sais déjà me débrouiller en italien et j'accepte la petite remarque de Léo d'un battement de cils exagérés comme si je ne comprenais pas où il voulait en venir. « Cela arrive même aux meilleurs, tu sais » je me moque alors en roulant des billes. Je lui offre une deuxième option qui ne semble pas être du goût de Léo. Ce qu'il peut être compliqué lorsqu'il s'y met aussi. On ne va jamais s'en sortir. « Effectivement, c'est sûr que si l'on a pas envie » je laisse entendre parce qu'on sait comment cela risque de finir si on choisit cette option, on se verra deux fois et encore, on sera fatigué du trajet, puis il finira par rester à Grenoble et je quitterai Milan parce que cette ville ne m'apportera rien si ce n'est une position non loin de la France qui n'aurait aucune utilité si je ne vois pas Léo. « Aucune solution ne sera convenable au final » je lâche alors que mes opales croisent les siennes. Si on y réfléchit vraiment tout est bancal et pas satisfaisant pour nous deux. Il semblerait que c'est une impasse non ? Alors je pense qu'on devrait mettre de côté cette idée pour le moment et profiter de notre dernière semaine ici parce que l'extérieur me parait bien plus compliqué au final. Il peut prendre tout le temps qu'il veut pour réfléchir. Léo me demande ce que je compte faire une fois en Italie pour pouvoir vivre. Il est vrai que je ne possède rien, rien n'est à moi. Et c'est un peu problématique dans notre cas. Mais de toute façon, on va dire que je prendrai ce qu'on me propose parce que je ne suis pas apte à faire la difficile. Je me contente d'une seconde de réflexion parce que je n'ai pas de réponse satisfaisante à lui offrir. Je ferai comme d'habitude, je me débrouillerai. « J'ai beau tout essayer de prévoir, je ne suis pas non plus médium » je rétorque rapidement alors avant de basculer une nouvelle fois sur le dos. « J'ai déjà mal à la tête rien que de penser à la sortie » je confie alors en soupirant lourdement avant de masser discrètement mes tempes de mes index. « Ça va être le bordel » je grogne alors avant de remonter la couette jusqu'à mes épaules. Mes prunelles s’agrippent au plafond de la chambre. Je n'arrive pas à dormir principalement à cause de cela pour le moment, ma main s'en va chercher celle de Léo, en douceur.

Je me doute que Maha n’a aucun précédent en Italie vu comment elle s’entête à quitter la France elle n’a pas l’air enthousiaste à l’idée de retrouver un pays où on pourrait la reconnaître. Ça se comprend. Je pense d’ailleurs qu’elle a raison de jouer la carte de la sécurité, à commencer par sa sécurité personnelle. Ne sait-on jamais, déjà qu’un ou deux enragés pourraient lui courir après à son retour sur le continent alors autant être prudent. Je l’observe faire son petit numéro un sourire amusé aux lèvres. « Je suis presque tenté d’y croire. » Elle a trop de malice dans les yeux pour qu’on puisse la méprendre avec un ange mais si ça pet lui faire plaisir. « Dis pas ça. C’est faux. » Je l’interdis d’insinuer que j’en ai pas envie. A vrai dire je me suis tellement habitué à sa présence que je m’ennuierais ferme si elle n’était pas là. J’ai envie de croire qu’on arrivera à se retrouver à l’extérieur. J’ai conscience que c’est utopiste compte tenu de la complexité évidente que sera notre relation au retour. Avec tout ce qu’elle me propose j’ai l’impression de revenir au point zéro et très franchement ça me fait flipper. Maha lâche la sentence et mon regard reste longtemps fixé sur le sien. Rien n’est convenable. C’est la vérité et elle vient de la prononcer mot à mot. Il fallait bien qu’un des deux l’avoue. Tout serait bien plus simple si elle n’était pas aussi nomade et moi sédentaire. Nos modes de vie sont tellement différents l’un de l’autre que je me demande encore parfois comment on  a pu s’entendre aussi bien. Je me demande d’ailleurs si elle a des économies assez grandes pour répondre à son besoin élevé en confort ou si elle prévoit de trouver un travail dans sa trempe. Visiblement elle n’y a pas pensé, c’est le sujet qui fâche. Normal, Maha en vendeuse de glaces moi aussi je trouverais ça triste. Je l’observe dans l’obscurité sans rien dire, maintenant que je suis bel et bien réveillé. Sa vie va prendre un véritable tournant dans quelques jours et je la sens pour la première fois fébrile. Sa main vient se glisser dans la mienne et je reste à ne rien dire, me contentant de la caresser légèrement. Quelques secondes plus tard je me rapproche d’elle venant passer mon bras par-dessus Maha et finissant par lâcher sa main. Je la serre contre moi, mon second bras voulant se frayer un chemin entre sa tête et l’oreiller. « On est isolés du monde ici, tout nous parait plus compliqué. Tu sais déjà où aller, c'est un bon point de départ. » Et c’est vrai. Une fois à l’extérieur des opportunités s’ouvriront à elles, j’en suis sûr. « Même si je suis toujours pas décidé je pourrais venir t’aider à t’installer les premiers jours… semaines… mois… » J’énonce un peu hasardeusement parce qu’au final ce sera l’occasion de tester et j’ai rien à y perdre. Tout ce qui me fait peur c’est la barrière de la langue, l’italien n’étant pas le langage le plus éloigné du français j’ose espérer que j’arriverais à me faire comprendre quoi qu’il arrive. Je ne vais pas la laisser seule non plus, même si elle a l’habitude je me dis qu’elle apprécierait un peu de compagnie pour cette nouvelle vie.

J'imagine très bien ceux qui m'en veulent déjà et je crois que c'est plutôt légitime parce que on ne peut pas dire que cela soit bien ce que je leur ai fait. Encore une fois, on peut nuancer avec le point de vue, le mien. Du coup, je ne veux pas vivre dans les pays où je suis déjà passée, je suis plutôt prudente, on ne sait jamais comment peut réagir les personnes après l'annonce de mon secret dimanche. Cela pourrait presque être angoissant. Léo m'annonce que je ne suis pas crédible, comment ça ? J'affiche une moue légèrement déçue avant qu'il ne réponde plus vivement cette fois. « Oui, chef ! » je ronronne alors comme s'il m'interdisait réellement de sous-entendre qu'il ne le veut pas. Je ne suis pas sensée savoir, je ne suis pas dans sa tête. Je ne sais pas, on m'a souvent dit qui veut, peut mais j'avoue que je n'arrive pas trop à l'appliquer à moi-même ce principe et je ne peux pas le sortir pour Léo, cela serait hypocrite. Je balance clairement que la situation est impossible, Léo n'a rien à redire parce que j'imagine qu'il est autant lucide que moi. Un sourire aussi doux que las s'installe sur mon minois de poupée contrariée. On se ressemble pas, la différence est encore plus flagrante maintenant, on n'a pas la même façon d'envisager la vie après le jeu. Je me contenterai surement d'aller où je veux alors que lui, il a ses attaches. « Tu me manqueras en tout cas » je lui avoue parce que c'est la vérité, je me suis vraiment habituée à monsieur et ses remarques sorties de nulle part. Il peut très me dire que je fais la fragile parce que c'est le vrai, j'assume totalement. Sa remarque suivante me fait sourire, on dirait qu'il a besoin de me rassurer, ou de me consoler au choix. Je me contente d'hocher la tête et de me laisser faire lorsqu'il m'entoure de ses bras pour me ramener contre lui. Hm, je note son envie de m'aider à m'installer, subitement, je me redresse à peine. Je saisis l'occasion pour faire passer l'une de mes demandes aussi, maintenant qu'on en parle. « Evidemment, je vais avoir besoin de toi pour porter les cartons » je raille de ma voix caressante, oui, il va falloir que je fasse dans la persuasion. Battement de biche en prime, je dépose un baiser sur sa joue, nettement plus docile qu'auparavant, on se demande bien pourquoi.  « Je n'ai aucune force, tu comprends » j'argumente aussi. Qui me voit porter des cartons ? Ils feront mon propre poids, bon j'exagère un peu mais bon l'idée est là ... Monter les meubles aussi, quand je pourrais en acquérir, évidemment, je ne vais pas lui faire une liste pour ne pas l'effrayer toute de suite. Une fois seulement qu'il sera lancé, je l'informerai de ses tâches. Il ne peut rien refuser à une fille perdue comme moi, au pire, je jouerai la carte de la fille quasiment sans famille pour l'amadouer, à coup sourire attristé. « Maintenant tu peux te rendormir, j'ai fini ma crise » je me moque en reposant mon crâne contre son bras. Je fais semblant de bailler, principalement pour l'embêter avant de glisser mon bras dans son dos, la paume de ma main à plat contre sa peau.

La situation telle qu’elle se présentera à la sortie sera difficile à gérer mais je ne compte pas tirer un trait sur Maha. Au contraire, c’est justement complexe car je veux absolument continuer à la voir régulièrement à l’extérieur. Ca fait des semaines qu’on est collés l’uns à l’autre, je m’y suis trop attaché pour la laisser filer comme ça sous prétexte que mademoiselle a décidé d’aller s’installer dans le pays voisin. C’est un compromis plutôt pas mal en y repensant. « Bien je préfère ça. » Je me la joue maître scout amadoué face à la rigueur qu’opère Maha. Pour une fois. Ça prouve bien qu’aucun de nous n’a envie de retourner à ses activités sans l’autre, si on peut vraiment dire qu’on en ait encore des activités. Justement ce serait peut-être l’occasion d’enfin trouver quelque chose à faire qui m’intéresse car on peut pas dire que trainer dans les rayons électroménagers à faire semblant de conseiller des clients dont les critères de recherche me passaient au-dessus de la tête ait été le taff qui m’a donné envie de me lever le matin. Je vais lui manquer. « Toi aussi tu me manqueras. » J’ajoute déjà nostalgique comme si nos chemins avaient déjà décidé de se séparer alors qu’au final ce n’est pas encore le cas. Je compte au moins l’aider à s’installer et puis possiblement rester avec elle, je sais pas. J’anticipe rien alors je compte me laisser porter, la décision se fera toute seule. Je note son intérêt soudain. « Attend tu veux dire pour t’aider à porter tes cartons ? » Je rectifie parce que je la vois d’ici essayer de tout me refourguer en s’inventant l’excuse qu’il lui faille décider où chacune de ses affaires se place. Maha en maitre de chantier non merci, bisou à l’appui ou non ça fonctionne pas. Enfin… ouais bref elle sait comment m’avoir. « Je suis sûr qu’on te trouvera deux trois trucs à soulever. … ou alors t’iras faire ton numéro angélique aux voisins pour qu’ils viennent aider, ça te fera connaître ton voisinage comme ça. » Je me lance déjà dans une vision élargie du truc, c’est limite si je me projette pas. Qu’elle ait fini sa crise est une bonne chose, si on peut vraiment appeler ça comme ça d’ailleurs, par contre là je crois qu’elle se fou un peu de ma gueule. Princesse Maha a encore frappé. « Maintenant que tu m’as réveillé c’est trop tard. » Elle m’a sorti du sommeil et mis des nouvelles idées en tête, il va falloir lutter pour retrouver le sommeil après ça. C’est pas comme si elle venait de me proposer de changer de vie pour qu’on s’exile en Italie. Elle baille. Qu’elle ne compte pas là-dessus. J’abaisse mon regard menaçant sur elle, même si son intensité doit en être ébranlée à cause de l’obscurité. « Ah non mais tu déconnes. Compte pas te rendormir avant moi hein, ou je t’en empêche. » Comme si elle en avait quelque chose à foutre. Les menaces ça marche pas avec Maha alors je me mets à exécution en dévorant son cou de baisers, remontant jusqu’au bas de sa mâchoire. La situation est un peu frustrante en fait mais au moins ça ne m'empêche pas de venir capturer ses lèvres.

Je préfère passer sous silence ce sujet un peu délicat parce qu'aucun de nous ne trouve une solution satisfaisante: rester ensemble sans être frustrer par l'environnement ou le travail. Je pense qu'il ne vaut mieux ne pas en parler pour le moment, on verra lorsque nous serons au pied du mur, sans aucune autre échappatoire. Je vais manquer à Léo. « Ah mais ça, je le savais déjà » je lui réponds en faisant la maline, bien sûr que je vais lui manquer, je le savais depuis des semaines. Je dérive sur un sujet un peu plus léger qui est: Léo sera une pièce maîtresse de mon emménagement. « Ce verbe ne faisait pas parti de ma phrase, il me semble » je le corrige avec compassion parce que je pars du principe que l'on apprend toujours de ses erreurs. Il ne va pas m'aider, il va tout faire, ou presque. Je trouverai bien d'autre personnes pour l'aider, par contre, parce que je suis bien trop généreuse avec lui. « Je veux bien céder pour les coussins et les oreillers » je dis en faisant comme si la négociation lui était bénéfique, je vais dans son sens. Je fais des efforts, je suis bien évidement toujours dans l'optique de faire des compromis pour lui. Comme quoi, je veux bien plier parfois, pour ses beaux yeux aller ... Je peux porter cela. « Et ne me donne pas des idées comme ça, parce que tu sais que j'en suis capable » je lance de ma plus belle voix parce qu'il s'agit de la stricte vérité, j'aime bien déléguer les tâches ingrates. Je ne suis pas faite pour les activités physiques comme celle-ci. Je suis sûre que Léo est bien plus qualifié dans ce domaine que moi. Je veux laisser aux pro. Je lui glisse qu'il peut désormais se rendormir, mais par esprit de contradiction il m'annonce qu'il en sera incapable. Mais bien sur que si ! Je crois en lui. « Promis, je ne recommencerai plus » je lui annonce de ma voix cristalline avant de me lover un peu plus contre lui, d'humeur câline. J'arque un sourcil lorsque Léo clame que je ne dois pas dormir avant. Je ferme rapidement les paupières juste pour l'agacer mais je suis obligée de suivre quand même ce qu'il dit. « On n'intimide pas les filles » je ronronne alors, moqueuse, il n'est pas sensé effrayer les demoiselles, surtout lorsqu'il est aussi près. « Sinon ? » je demande alors un air presque insolent peint sur mon minois tourné dans sa direction, parce que je ne vois pas comment monsieur compte mettre à exécution sa pseudo menace. D'ailleurs j'en tremble de peur. Léo a une technique tout à fait particulière pour empêcher les gens de dormir, j'espère qu'il ne l'applique pas à tout le monde, hein. Je trouve très indécente et honteuse la façon dont il se jette sur mon cou. « Ah non pas devant les caméras » je plagie alors en me moquant lorsque je sens les lèvres de Léo squatter mon épiderme. Bah oui, on ne s'embrasse pas non plus devant la caméra, autrement dit, Léo devra attendre s'il veut un bisou. Je suis devenue maintenant extrêmement prude et tout cela à cause de lui, il devrait s'en vouloir. Je ne le repousse pas pour autant, vous me direz. Paradoxalement, je penche la tête de l'autre côté pour élargir son terrain de jeu, je n'y suis pas indifférente à son petit manège. Je suis sa progression avec une certaine attention. J'accueille tout naturellement ses lèvres, l'une de mes jambes s'en va entourer -en tout bien, tout honneur- son bassin, alors que je prolonge son baiser. Oui, je dois restée éveillée apparemment alors il faut que je participe. « Tu peux continuer » je balance comme s'il s'agissait d'une recommandation. L'esquisse d'un sourire narquois s'installe sur mon visage. « J'aime bien » j'ajoute faussement nonchalante, oui, Léo a bien besoin de mon avis sur la question non ?

C’est bien ce que je pensais : Maha compte m’utiliser comme un pauvre ouvrier pendant son emménagement. Elle oublie certainement je n’ai d’asiatique que les yeux et quelques origines ignorées, par conséquent je n’ai rien d’un bosseur, d’un toutou obéissant ou tout simplement d’un gros soumis. Bon cela dit si c’est pour elle je veux bien faire un effort et elle aura même intérêt à aller me chercher du renfort car l’aide précieuse qu’elle apportera à porter les coussins ne sera pas suffisante. C’est bien tenté de sa part cela dit. « C’est justement pour ça que je te demande de le faire, je vais pas me taper un emménagement tout seul. Parce que même si t’essaies d’y mettre un peu du tiens tu supporteras pas longtemps de soulever des cartons qui pourraient abimer tes petites mains. » Je tourne au sarcasme ce qui est, malheureusement pour moi, la vérité. Autant trouver un compromis et celui consistant à ce qu’elle aille faire les yeux doux pour attirer la charité est bien trouvé. Il lui correspond parfaitement. Bref on parle déménagement, nouveau pays pour une nouvelle vie et tout ça et Maha m’annonce comme un cheveu sur la soupe que maintenant qu’elle l’a décidé je peux me rendormir. Et sinon je respire aussi quand elle le décide ou ça se passe comment ? Elle a beau m’arracher un sourire ridicule -que je n’aimerais pas constater moi-même sur ma face- en venant se lover contre moi je ne perds pas le nord. Je la vois bien s’endormir tranquillement pendant que moi je suis là, les billes ouvertes comme un con, n’arrivant pas à me rendormir. D’autant plus qu’elle a pris le défi de déjà fermer les yeux, autrement dit c’est bientôt cuit pour moi. Je m’en fou j’ai une solution. La remarque de Maha me fait intérieurement sourire, je souhaite que jamais elle n’ait écho du sale gosse que j’étais. J’arrive à récupérer son attention et l’air de défi qu’elle arbore me donne envie de littéralement lui sauter dessus mais ça va je maitrise. Comme la semaine dernière, quoi. J’ignore totalement ce qu’elle a à redire étant bien trop occupé pour relever. Je m’en vais à l’assaut de ses lèvres, ma main en profitant pour descendre le long de sa cuisse. Je peux continuer parait-il. Je note la schizophrénie de Maha que je vais éviter de relever au risque de la voir me tourner subitement le dos. Je viens l’embrasser une nouvelle fois en guise de réponse. Elle m’ne voit ravi que ça soit à son goût.  « Désolé pour vous ma chère mais je ne peux vous offrir beaucoup plus. » Mon pouce caresse la parcelle de peau qu’offre sa jambe dénudée pendant que je m’atèle à parler comme un homme civilisé que je n’ai jamais été. « Les inconvénients de la télé-réalité, tout ça… » j’ajoute sur un air de mec qui se la pète complètement lasse. Bah ouais le fait qu’on puisse tout voir et tout entendre avec un peu de recul ça me gêne quand même assez.