Le réfectoire, c'était, avec ma cellule et la salle d'eau, le seul endroit de la prison où je passais tous les jours. Le simple fait de penser à mes petits instants privilégiés avec la cantinière me mettait le cœur en joie. En-même temps, elle au moins, c'était une femme, une vraie. Quoique tirant un peu trop du monstre de foire et pas assez de l'humain, mais bon si peu. Et puis, qui se souciait du physique de nos jours… Personne. Le plus important chez un être humain, c'était son mental, c'était ça qui le rendait beau. Sauf que voilà, Margareth notre chère dame cantine, ne semblait pas être gâté par la nature de ce point de vue là non plus. La pauvre, j'aurais bien fait preuve d'un peu de compassion, mais là j'avais plus faim qu'autre chose. Je récupérais donc mon assiette au contenu toujours aussi peu ragoutant et venait m'installer seule à une table. Du moins pas pour très longtemps puisqu'un autre candidat que j'avais déjà aperçu dans les abysses prenait place à mes côtés. Sa première réplique me prit un peu par surprise. Anti quoi ? D'arti comment ? Je ne comprenais pas trop. Heureusement l'explication suivait peu après. Le gars venait de me citer une phrase de Monstres et cie, un film que j'avais vu à sa sortie, il y a pas mal de temps maintenant, mais que je n'avais pas regardé depuis. Il était donc facile de comprendre pourquoi je ne saisissais pas la référence.
Je connais de nom oui, mais pas plus que cela. En même temps ce film je l'ai vu il y a pas mal d'années, je me souviens qu'il était cool. Je garde en mémoire quelques personnages comme BOUH, Bob, Sully ou encore Léon… Mais rien de plus…
J'avais une bouchée de l'infâme, cela me donnait envie de vomir mais il fallait que je fasse des efforts, de vrai efforts. Si je n'en voulais pas sortir dénutrit de cette semaine en enfer. Au-delà de ça, le jeune homme avec sa référence avait suscité ma curiosité :
Tu sembles en connaître un rayon en dessins animés. Je me trompe ?
Je ne pensais pas trop me tromper finalement. Il avait bien la tête de l'emploi, celle du geek qui passe de temps devant un écran qu'en compagnie d'autres êtres humains. Après, comme toujours, je pouvais me tromper. Je me trompais même surement, les apparences, ici plus qu'ailleurs, pouvant se révéler trompeuses.

Le jeune homme en face de moi, on aurait dit Zébulon du manège enchanté mélangé avec un dandy anglais. Une espèce d'étrange hybride qui suscitait immédiatement la curiosité. Rien qu'à voir sa réaction concernant ma non connaissance de Monstres et cie, je me doutais qu'avec lui tout sortirait de la normale :

Tu as sans doute raison. Un jour, si j'ai le temps, je le regarderai à nouveau.

Je replongeais mon regard dans mon assiette dont les effluves qui s'en dégageaient me donnait la nausée. Alors que je m'apprêtais à en ravaler une bouchée, une idée germa dans ma petite tête. Une espèce de petite étincelle de génie que je me devais de partager avec mon partenaire de tablée :

J'ai une idée. S'il y a une salle où on peut se mater des films dans le nid, on regardera Monstres et Cie ensemble… Qui sait peut-être qu'en compagnie d'un amateur, j'apprendrais à apprécier ce film.

À peine dit, je me rendais compte que mon idée n'était peut-être pas si bonne que cela. En effet, le jeune homme semblait travailler dans le milieu du film d'animation. Si tel était le cas, je n'avais pas envie de l'ennuyer en lui faisant penser au boulot alors qu'il était sûrement venu ici pour ce changer les idées. Afin d'être sûr je préférais lui demander :

Tu travail dans le milieu de l'animation ? Tu es doubleur ? Tu fais des films ?

J'étais comme une enfant qui s'apprêtait à rencontrer son idole. J'avais toujours rêvé, de découvrir l'envers du décor des films d'animations. Ma curiosité étant chez moi, bien plus importante que tout le reste. Des étoiles commençait à briller dans mes yeux, persuadé qu'il allait me révéler tout les petits secrets de fabrication des films. Je rêvassais et ne m'étais même pas rendue compte que j'avais oublié de me présenter :

Chère Zélie. Je m’appelle Zélie et toi ?

Si on venait à être sélectionné le dimanche suivant, je n'allais pas l'appeler Zébulon ou monsieur Cinéma durant toute l'aventure. Je me devais donc de connaître son prénom, même si je me doutais déjà fortement que celui-ci serait peu commun.

Sandy, ce nom lui allait bien. Il collait parfaitement au personnage et sa joie de vivre. Des exubérants comme ça, je m'attendais bien à en trouver dans une émission comme celle-ci. Mais je ne sais pas pourquoi, il y avait un petit truc chez Sandy qui le distinguait des foufous que l'on pouvait voir à la télévision. Il semblait être comme le professeur tournesol, une personne très intelligente possédant son propre univers et vivant dans sa bulle. Mais justement, j'étais très curieuse de découvrir ce monde à part, peuplé de monstre et de fantaisie. Superviseur de film d'animation, il avait fait de nos fabriques à rêves son quotidien.
Ce doit-être un boulot vraiment très intéressant. Après, ce n'est pas un peu ennuyant à la longue ?
La tête plongé dans les images toute la journée à s'assurer que le film soit parfait, cela devait surement finir par gaver à un moment donné. Après on était tous différent. Je connaissais pas mal de monde qui ne comprenais pas comment je faisais pour passer une grande partie de mon existence enfermée dans une bibliothèque. Alors que pour moi, ceci était tout à fait normal. Cela devait donc être la même chose pour lui. Perdu dans mes pensées, je ne m'attendais pas que le jeune homme me tende la main pour me saluer… Encore une bizarrerie, qui me pris un peu de court, mais polie je la lui serrais, ne sachant pas trop si c'était bien ce qu'il attendait. Je m'apprêtais alors à replonger mon nez dans l'espèce de bouillie que j'avais face à moi quand je l'étendis me poser une nouvelle. Il me demandait si j'étais française, moi qui pensait que cela se voyait comme le nez au milieu de ma figure j'étais un peu surprise du nombre de postulants qui me posais la question.
Oui, oui, je suis cent pourcent française. Née en Bretagne, j'y ai passé mon enfance avant de m'installer à la capitale pour mes études. Depuis, la ville lumière est devenue ma maison. À tel point qu'aujourd'hui, je la connais presque comme ma poche.
En tant qu'archiviste, j'avais souvent sillonné Paris de long en large à la recherche d'informations divers et variés. Possédant, en plus de cela une bonne mémoire des lieux, j'avais assez rapidement gravée dans mon esprit un plan de la capitale. Il reste bien sûr encore quelques zones q sont un peu flous, mais rien de bien handicapant pour se déplacer sans tourner en rond pendant des heures. De son côté, son accent était assez prononcé, mais comme ici on ne savait jamais vraiment à quoi s'attendre, je préférais en être sûr.
Toi, tu es américain non ?
Tout chez lui faisait américain, son accent, son métier tout… Après, je n'étais pas infaillible, je pouvais me tromper, mais là, je ne savais pas pourquoi. Je sentais que j'avais raison.