Je ne saurais dire comment ni pourquoi, mais il arrive toujours un moment dans la vie d’un adulte ou l’enfance nous revient en pleine figure. Il ne s’agit pas d’un moment isolé mais d’un événement récurrent qui aurait tendance à nous rendre cruellement nostalgique de ce que nous étions quelques années en arrière. Aujourd’hui doit surement être l’un d’entre eux puisque je n’ai qu’une seule et unique idée en tête depuis que je me suis réveillée… Aller faire un tour du côté du château gonflable. Il aurait été dommage de quitter le jeu la semaine passée sans avoir eu l’occasion d’y faire un tour, je ne me ferais pas avoir à nouveau cette fois, moi qui suis nominée d’office par la roulette russe qui, décidément, porte bien son nom. Quelles sont les probabilités d’échapper à deux nominations consécutives ? Je me le demande bien et j’ai décidé d’adopter une attitude assez particulière face à un tel questionnement : faire l’autruche, ne pas me soucier de la fin de semaine et du prime qui se rapproche à grand pas. Demain est un autre jour et je n’ai pas particulièrement envie de m’inquiéter. Au contraire, je veux m’amuser, décompresser et retomber en enfance un bref instant. Lorsque j’arrive au château gonflable je constate que quelqu’un en profite déjà pleinement, je ne parviens pas à voir son visage pour le moment, tout ce que je sais c’est que la structure bouge et vibre au fil des mouvements de l’individu mystère qui, après quelques pas supplémentaires, est démasqué. Grey, le garçon contre qui j’ai perdu la partie de basketball pendant la semaine des abysses, il y avait Blake aussi, dommage qu’il ne soit pas parmi nous d’ailleurs, il semblait intéressant comme garçon. « Tu t’amuses bien, ça va ? » Je commente, amusée, en le regardant sautiller comme un enfant. « Je peux me joindre à toi ? »

Je ne suis pas certaine de trouver tout le plaisir que j’imagine à sautiller sur un château gonflable. Je pense même que je vais commencer à m’ennuyer après cinq minutes maximum. Une chance que je ne sois pas seule, il y a déjà quelqu’un qui saute sur la surface gonflée, Grey, un garçon charmant avec qui j’ai déjà discuté une fois entre quelques tentatives de mettre un panier au basketball. Expérience suffisante pour que mes aprioris le concernant soient bons et que j’ai envie de lui parler à nouveau. Lorsque je le questionne sur le plaisir qu’il peut potentiellement prendre à sauter sur le château il me répond avec une ironie qui ne laisse aucune place à l’imagination, ni même au doute. « A ce point ? Caches ta joie ! » Je tente de grimper là-dessus sans parvenir à le faire toute seule, je pourrais très bien y arriver mais je ne veux pas me taper la honte en galérant alors qu’il pourrait tout simplement me tendre la main et m’aider dans ma démarche. C’est ce qu’il fait d’ailleurs, il est définitivement plus serviable qu’Achille. Le voilà qui met les pieds dans le plat en me parlant des nominations, j’ai clairement la poisse, oui. Je lève les épaules, résignée. « La roulette a clairement quelque chose contre moi, mais tant pis, je survivrais à cette garce ! » Je refuse de sortir sur une nomination d’office de cette roulette, hors de question. Il me parle d’éliminer la concurrence pour amoindrir la probabilité d’être éliminée, de quoi faire naitre un sourire sadique sur mes lèvres. « Que suggères-tu ? » Je m’approche et plaque mes mains de chaque côté de ses pecs pour le pousser violemment. Il perd l’équilibre assez aisément, le château n’étant pas la meilleure surface pour une stabilité parfaite, et tombe. « Devrais-je m’y prendre comme ça ? » Je demande le plus innocemment du monde.

En général je suis une personne assez chanceuse, dans ma carrière je me suis rarement engagée sur des projets foireux et je suis toujours parvenue à attirer suffisamment l’attention pour obtenir bien plus encore que ce que je désirais. En amour c’est une autre histoire mais ce sont des choses qui arrivent, on ne peut pas être bon partout. Ici, en revanche, j’ai l’impression d’avoir la poisse en permanence. J’ai perdu une bonne partie de ma cagnotte, si bien que j’aurais presque préféré qu’on me l’enlève intégralement plutôt que de me laisser cinquante euros symboliques. Pour ne rien arranger j’ai été nominée d’office cette semaine, qu’arrivera-t-il si je suis sauvée dimanche ? Peut-on faire pire qu’une nomination d’office ? Peut-être bien que je gagnerais douze nominations d’office tiens, histoire de s’assurer que je sois bien sur la sellette chaque semaine. J’exagère un peu, je ne pense pas que Cupidon soit sadique à ce point… Espérons-le en tout cas, il n’a pas été particulièrement généreux pour le moment, pas de missions secrètes pour renflouer nos cagnottes, pas de petits cadeaux sympathiques si ce n’est le dé à coudre que j’ai remporté à la tombola. Je l’ai connu plus altruiste que cela. A défaut de pouvoir le frapper lui, je décide de mettre à exécution l’idée de Grey en me débrouillant pour le faire tomber et le voilà en train de se lancer des fleurs. A croire que tous les mecs ici pensent que j’ai envie de les toucher ou de les voir à poil. Je ris et lui tends la main pour l’aider à se relever. « Mais oui voyons, tu es tellement irrésistible comme garçon que j’ai du mal à me contenir et à ne pas me jeter sur toi. » Vous avez senti l’air moqueur ou pas du tout ? Il me soulève le vilain et me balance sur le sol, mes fesses rebondissent et je parviens presque à me relever immédiatement. « EH ! » Je m’indigne, moue boudeuse pas du tout crédible sur le visage. « Une chance que mon popotin me serve d’airbag ! » Oh que oui, avec un tel fessier on ne peut qu’être à l’abri en cas de chute sur le derrière. « Ma vengeance sera terrible ! » Bon, on a du mal à y croire mais je m’élance en hurlant comme une amazone… Ou une indienne hystérique à défaut et lui rentre dedans. Il ne tombe pas, c’est à peine s’il est déséquilibré. Je tente donc le tout pour le tout, me baisse afin de glisser ma tête entre son bras et son torse et le force à reculer jusqu’à la paroi du château qui le renverra à coup sûr dans ma direction… Attendez… Oh non, oh non non non, très mauvaise idée, il va m’écraser s’il tombe, oh non, STOP GRETA, tu n’es pas assez vieille pour mourir écrabouillée.