L'émission avait été plutôt bénéfique pour moi. Ou en tout cas pour l'image que j'avais de moi-même. Malgré mon elimination, j'ai réellement eu l'impression d'être soutenu pour celui que j'étais. On ne me demande pas d'être quelqu'un d'autre. On m'aime pour ma timidité, ma gentillesse et les gens s'en foutent que je sois pas taillé en v comme un grand sportif. Les diverses lettres reçues de la part du public et les messages laissés sur les réseaux sociaux m'ont permis de m'accepter un peu mieux. C'est donc sans me cacher - contrairement à quelques semaines plus tôt- que je me rends à la piscine intérieure. Positionné sur le rebord, je plonge dans l'eau et traverse celle-ci avec discrétion et élégance. J'entame alors quelques longueurs dans un mouvement de brasse et ne remarque la présence de Salomée qu'au moment où je fais demi-tour. «Salomée, c'est cool de te voir.» La scéance de natation attendra plus tard, je préfère discuter avec la jeune blonde que je n'ai pas vu depuis un moment. «Par contre, c'est pas juste que tu sois nominees toutes les semaines. On dirait que ma malediction t'est tombée dessus..» Pour l'avoir vécu, je sais ce que c'est que de se retrouver en danger chaque semaine. Je sais ce qu'elle peut ressentir, notamment l'impression de ne pas pouvoir passer une semaine tranquillement et sans pression. «Je te l'ai jamais demandé mais tu viens chercher quoi ici ? L'argent, l'amour, la popularité ?»

Je n’ai jamais pris la peine de faire un détour par la piscine. Je n’aime pas ça, l’eau n’est pas mon élément et je préfère encore aller m’adonner à une séance en salle plutôt à des longueurs en brasse -la seule nage que je sais pratiquer à peu près correctement. Pour autant il serait dommage de quitter l’aventure sans n’avoir une seule fois profité du luxe qui nous est offert. Qui plus est ça me permettra de me relaxer, du moins je l’espère. Je suis sur les nerfs depuis dimanche soir, le prime m’a mise en boule et le fait d’être de nouveau nominée n’arrange rien. Cette aventure est contre moi, je ne vois que cette explication de plausible puisque même sans avoir récolté de notes catastrophiques je me retrouve dans la fourchette basse des moyennes de popularité. Si Gaël n’avait pas abandonné comme une emmerdeuse j’aurais déjà mon argent d’acquis. Au lieu de ça je dois encore me battre sauf que là je suis découragée. Mon esprit de compétition est en veilleuse. C’est la mine refrognée et encore haineuse contre la moitié des candidats que je m’approche en direction du bassin où un revenant m’interpelle. « Oh Pablo ! » Je suis surprise qu'il soit revenu mais pas pour autant mécontente. Un sourire se dessine sur mon visage et, balançant ma serviette sur un transat hasardeusement, je m’installe sur le bord du bassin, la moitié des jambes dans immergée sous l’eau. « Je comprends mieux ce que tu pouvais ressentir. C’est comme si tout le monde voulait absolument te voir dehors. » Au final tout le monde avait de la pitié pour Pablo mais personne n’y faisait rien et c’est exactement ce qui se passe, le nid s’est trouvé un autre poisseux en ma personne. Je suis dégoûtée, d’autant plus que partir sans toucher à mon but qui est si prêt serait une déception immense. « L’argent. Je veux tellement cet argent si tu savais… j’ai peur que ça me passe entre les doigts. » Les larmes me montent aux yeux mais je crois que c’est la pression, je commence à craquer. Tentant de me reprendre en un battement de cils je préfère me pencher sur les deux autres motivations citées par Pablo précédemment. « J’espère surtout qu’on m’oubliera vite une fois que je serais sortie, toute cette pseudo célébrité je trouve ça dérisoire et ça me fait peur. » Je fronce des sourcils à cette idée, ce n’était peut-être pas la meilleure des idées d’embrasser Colin tout compte fait. « Tu as trouvé ce que tu étais venu chercher toi ? » Agitant légèrement mes pieds sous l’eau je m’efforce de tracer un sourire, le regard curieux posé sur l’ancien candidat.

On dirait qu'elle est surprise de me voir Salomée, mais elle n'a pas l'air déçue. C'est déjà ça. Un fin sourire se dessine sur mon visage tandis que je viens coller mon dos contre la parois de la piscine. «T'es contente de me voir ? On dirait que tu t'y attendais pas ...» Certains pensaient peut-être que je ne reviendrais pas après le départ de plusieurs de mes amis, Grey et Gael si il faut les citer, mais ce n'était pas ma façon de voir les choses. Je ne revenais pas précisément pour une personne ou l'autre, même si mon soutien était plus spontanément donné à certains. Je revenais pour retrouver l'aventure, la vie en collectivité et tout ce que Fake-Lover signifie. Je venais ici parce que l'occasion ne se représenterait pas une nouvelle fois. «C'est horrible comme sentiment n'est-ce pas ? L'impression que les autres pensent qu'on a pas notre place dans le jeu pour je-ne-sais-quelle-raison.» J'sais pas qui étaient les candidats qui cherchaient à me foutre dehors, ceux qui ne m'estimaient pas assez. A la limite, je veux même pas le savoir. Et, intrigué par Salomée, j'en venais à lui demander ce qui l'amenait ici. Nous n'avions pas discuter de cela et j'ignorais tout des ambitions de la candidate. Puis maintenant que j'étais éliminé, elle n'avait pas à craindre que je lui vole sa cagnotte et son secret alors elle pouvait me le dire. Elle pouvait se confier à moi sans peur, si elle le désirait. «Pourquoi tu en as tant besoin ?» Je le voyais dans ses yeux, ça n'était pas que pour l’appât du gain. C'était pas pour amasser des billets et les laisser moisir sur un compte. Ca avait de l'importance pour lui. Tellement que j'aurais aimé les lui donner ces sous, si je les avais. Je me hisse hors du bassin et m'assoit à ses côtés, passant un bras autour de ses épaules pour me montrer aussi réconfortant que je le pouvais. «T'inquiète pas, ça se passe bien dehors. Les gens ne sont pas si ... sauvage qu'on pourrait le penser.» On m'avait reconnu évidemment, mais on ne m'avait pas embêter plus que cela. Juste quelques signatures gribouillées ici et là, sur des bouts de papier. «Mon premier objectif, c'était l'amour. Romantique et naïf comme je suis, je pensais que ça serait facile. J'voulais aussi gagner un peu d'argent, pour ma fille. Mais j'ai rien eu de tout ça.» Je suis reparti bredouille et un peu déçu. «C'est pas grave, c'est que ça n'était pas le destin. C'était pas ce qui devait m'arriver. Je rencontrerais peut-être quelqu'un autre part ou à un autre moment.» Je relâche alors son épaule et plante mon regard dans le sien, cherchant à lui faire comprendre par le biais de celui-ci que ça n'est pas très grave et que la vie continue.

J’ai entendu parler du retour de Pablo, pour tout dire je l’ai même vu de mes propres yeux lors du diner qu’on a partagé tous ensemble en l’honneur de son retour mais je ne m’attendais pas pour autant à le trouver là. « Oui bien sûr, j’aurais pensé te trouver en compagnie des autres plutôt que seul. » Je ne suis pas mécontente de le retrouver, après tout je n’avais pas grand entrain à me trainer jusqu’à la piscine alors sa présence est non négligeable. Avec de simples mots il décrit parfaitement mon ressenti de ces derniers jours. C’est en connaissance de cause puisque lui aussi est déjà passé par là. Il en a même laissé son statut de candidat, la lassitude du public ayant très probablement eu raison de lui. C’est ce contre quoi j’essaie de me battre pour défendre ma place, à défaut de tenter d’attiser la sympathie des autres. Comme il le dit si bien ça semble peine perdue tant l’opinion général semble être en défaveur de ma présence en ces lieux. J’ai conscience de ne pas être la candidate la plus agréable au sein du nid mais je ne pensais pas que ça m’assurerait des nominations pour la moitié de l’aventure. Je me fais une raison petit à petit, quitte à ce que ça alimente une rancœur cupide envers les autres. Mon point faible doit être là, tout comme celui de Pablo était la timidité. Un point faible utilisé comme prétexte et saupoudré de malchance en ce qui me concerne. « C’est exactement ça. » Ce qui m’inquiète c’est principalement cette foutue cagnotte qui n’est toujours pas validée alors que tout le monde, à l’exception de Scarlett, est dorénavant sûr de repartir avec son petit pactole. Ca me ronge de pouvoir la toucher du bout des doigts tout en sachant qu’elle peut s’envoler d’un moment à l’autre. « Pour mon secret. » Maintenant qu’il a pu lire la presse Pablo doit être au courant, à moins qu’il ne se soit pas intéressé à tout ça ; ce qui serait tout de même peu probable. Je n’ose pas lui en parler à cœur ouvert de peur qu’une oreille traine et qu’un buzz me fasse soudainement tout perdre. Autant être prudent. Je le suis du regard lorsqu’il s’hisse à mes côtés, un fin sourire étirant mes lèvres à son contact. « C’est vrai ? Ca me rassure. Et puis pour préserver ma santé mentale je compte éviter d’aller lire les commentaires sur les réseaux sociaux. Certains médias sont venus te voir pour quelques indiscrétions, non ? » Il doit y avoir des candidats plus populaires que d’autres. Prenez Naveen, il déclenchera les foules à sa sortie c’est certain. Achille, lui, pourra ouvrir plusieurs salles de sport tellement sa petite salle aura du succès. Colin sera invité sur les talk-show américains tandis que Khadija décrochera des contrats pour des campagnes publicitaires. Moi, c’est comme ça que je vois la sortie. Pablo me dévoile la motivation primaire de sa participation à Fake Lover et je suis étonnée. Dire que c’était le genre de personne que je blâmai durement avant mon entrée ici. Je suis peinée par son parcours, il a l’air désillusionné et c’est triste de le constater. « Il n’y avait pas quelque chose avec Gael ? » Ils se sont ratés de peu mais ne sait-on jamais. « Tu sais les histoires ici sont un peu illusoires, c’est faussé par l’isolement. Peut-être qu’en te voyant à la télé certaines filles ont flashé sur toi et n’osent pas encore faire le premier pas. Tu devrais publier ton courrier comme dans l’Amour est dans le Pré. » Il est français, je sais qu’il saisira ma référence.

Ce n'est pas tellement mon retour qui l'intrigue mais plutôt le fait que je puisse me retrouver seul. Ouais c'est un peu con de revenir dans l'aventure pour passer son temps en solitaire mais j'ai appris une chose durant cette aventure, on est jamais seuls très longtemps. Preuve, cela ne fait pas si longtemps que je barbotte solo et je suis déjà rejoins par la blondinette. «Parfois j'préfère attendre que les gens viennent à moi. » Il y a ce motif là mais aussi le fait que mes potes ne sont plus tellement nombreux dans l'aventure. J'apprécie tout le monde, j'ai passé des moments agréables avec chacun d'entres eux mais je ne reste pas marqué par leur personnalité. Salomée, fait partie de ceux qui m'ont marqué. Nos caractères fortement différents n'étaient pas predestines à s'entendre et pourtant, ça se passe bien entre nous. Je pense qu'elle m'apprécie autant que je l'apprécie. J'aimerais que ce soit le cas en tout cas. Tout le monde ne semble pas partagé mon avis et mon ressenti concernant la jeune femme puisque je me suis étonné de la voir nominée presque chaque semaine après mon départ. Comme si elle avait prit ma place, comme si son prénom était à son tour devenu celui que l'on lâche spontanément et sans rélflection au moment des nominations. Je suis déçu qu'on ne lui laisse pas un peu plus de répit. Qu'elle doive tant se battre pour prouver qu'elle mérite d'être toujours là. «Courage, t'es proche du but.» j'affirme dans un fin sourire tandis que je replies mes jambs sur le bord du basin. Si son but c'est l'argent, elle est à deux doigt de l'atteindre. Et j'espère qu'elle le fera. Scarlett ne démérite pas non plus cela dit. C'est injuste de devoir départager les deux jeunes femmes et d'en laisser une sur le carreau. «Malheureusement, je ne suis pas suffisamment riche pour pouvoir te faire un don. » Moi-même, j'aurais aimé pouvoir gagner un peu d'argent. La différence entre elle et moi, c'est que je n'en ai pas cruellement besoin. C'est juste que je roule pas sur l'or. Avoir quelques milliers d'euros en plus sur mon compte bancaire aurait été un veritable plaisir mais cela ne m'aurait pas autant comblé que l'amour. C'est pour ça que j'étais là moi. Pour trouver une femme. Pour apprécier et apprivoiser une inconnue et me rendre compte que je suis incapable de vivre sans elle. Je n'ai pas attaint cet objectif. Pas comme je le voulais. Salomée évoque cependant Gael et c'est vrai que j'ai eu un veritable coup de coeur pour la brune. Sauf que rien ne s'est concrétisé. A l'heure actuelle, je suis incapable de dire si cela aurait pu fonctionner entre nous deux. Je me suis d'ailleurs mis certaines barriers, tenant compte de Zélie et de son béguin pour la première. J'suis peut-être trop gentil et pas suffisamment persévérant. «Je l'aime beaucoup. C'est une personne très agréable mais ...» Un peu déçue, je relâche mes épaules et fixe l'eau. «Je voulais plus. J'attendais de la passion, du désir et de l'amour. Le veritable amour tu vois ?» J'essaie d'être clair sans être certain d'y parvenir. «J'aurais aimé être un couple. Que les choses soient claires. C'était pas le cas avec Gael. Peut-être qu'on a juste pas eu le temps ou l'opportunité.» Ouais c'est une hypothèse. «Et peut-être que ça ne l'intéressait pas d'être ce couple.» Est-ce que je l'ai aimé ? Comme une amie. J'aurais aimé avoir l'opportunité de l'aimer autrement et plus profondément que cela. «C'est une idée. J'suis pas culto mais j'vais garder cette idée de courrier dans un coin de ma tête.» Êlle a pas tord dans le fond, la personne qui me correspond parfaitement peut être n'importe où. «Et toi, Colin ?» J'en dis pas plus là dessus. Me contente de la regarder avec un sourire encourageant.

J’esquisse un sourire à la réponse de Pablo. Notre destinée était donc de se retrouver en tête à tête dans cette piscine. Malheureusement ces derniers jours je ne m’illustre pas comme étant de bonne compagnie. A la place de Pablo j’aurais laissé tomber pourtant, lui, il m’encourage. « Je tiens bon. » Je brandis faiblement mon poing pour donner plus de conviction à mes paroles mais moi-même je n’y crois pas. Je suis blasée, à vrai dire je crois que je suis épuisée par l’aventure. Les candidats de télé-réalité ont cette image de branlos qui attendent tranquillement que le temps passe mais c’est bien plus éprouvant que ce que ça en a l’air. Être ici c’est comme se jouer de son propre cerveau en l’enfermant dans une cage dorée. Emotionnellement on ne sait plus où on est, même si je pensais avoir assez de recul quant à cette aventure je me retrouve déprimée à l’idée d’apprendre que certains camarades que j’apprécie m’ont remise volontiers sur le banc des nominés la semaine passée. C’est ridicule parce que c’est le jeu et que je suis la première à vouloir le jouer à fond. Je dois faire tellement pitié qu’il est à deux doigts de me proposer un don, s’il en avait les moyens. « Ce serait plus gênant qu’autre chose. Je suis sûre que tu en aurais eu besoin toi aussi. » Même s’il dit être venu pour l’amour, Pablo aurait forcément trouvé un usage à sa propre cagnotte s’il avait eu l’occasion de repartir avec. Il m’a l’air d’être quelqu’un de tout à fait normal, pas d’un type exilant ses comptes dans des paradis fiscaux. De toute façon même si je repars sans argent je trouverai un moyen d’arriver à mes fins, je ne lâcherai jamais l’affaire. Secrètement j’espère que la médiatisation de l’émission aura permis de faire la lumière sur le problème que représente mon secret mais je préfère ne pas fonder trop d’espoirs là-dessus au risque d’être déçue. Pablo, lui, n’a en revanche pris aucunes précautions quant à son objectif. Trop idéaliste peut-être, il est reparti déçu. Moi qui pensait qu’il avait accroché avec Gael la vérité semble légèrement plus contrastée. « Oui je vois. » Je confirme avant qu’il ne continue à déballer ce qu’il a sur le cœur. « Tu ne peux pas savoir avec des peut-être, il aurait fallu éclaircir ces points. » Peut être que ça ne l’intéresse pas, peut-être qu’il n’y a pas eu le temps… bref au final il ne sait pas et je pense capter où est son problème. « J’ai l’impression que tu as peur de te lancer… ou de devoir te forcer. Je pense que quand on veut construire une relation fusionnelle il faut savoir se laisser aller. Accepter de se perdre et de se lancer. A mon avis tu as trop peur. Ou bien tu cherches trop ? Parfois la réponse à l’équation est autour de soi sans qu’on s’en rendre compte. » Du haut de mes vingt-et-un ans je parle comme une experte, c’est assez flippant quand je m’écoute parler. Merci aux copines et à leurs peines de cœur, j’vous jure. Sinon il peut aussi opter pour la solution courriers du cœur à l’ancienne, hein. « Eh homme sage-femme c’est un métier qui plait beaucoup ! » Je rigole mais je suis sûre que c’est vrai. Ça a un côté sensible un peu. Pablo ramène le sujet Colin sur le tapis et à sa façon d’en parler je devine qu’il a vu les images. Mon dieu. J’assume. Mais ça me perturbe. « Je l’aime bien. » J’hausse les épaules, lui servant la même réponse qu’à Khadija lorsqu’elle avait tenté d’aborder le sujet. Cette fois il s’agit de Pablo, je peux faire un effort. « Je ne suis pas venue pour m’attacher aux gens… surtout pas à ceux vivant sur un autre continent. Mais… » Je marque une pause, mon regard s’échappant sur l’équipement de piscine. Je me suis malgré moi attachée à quelques-uns d’entre eux et majoritairement ceux qui, justement, ne sont pas français. C’est dur de toujours tenir ce discours à ce stade du jeu, j’ai l’impression de me mentir à moi-même par principe. Que Colin soit américain ne change pas grand-chose à vrai dire, j’espère garder un minimum de contact avec lui. « C’est un gamin, on ne peut jamais être sérieux avec lui. » Tout comme je dérive la conversation un sourire en coin et m’alliant à la facilité. Colin est toujours dans l’ironie et la surinterprétation, à force je ne comprends plus grand chose à la nature de notre relation mais on en revient toujours au même: je l'aime bien.