L'hygiène du corps est très importante. Ainsi, prendre soin de sa silhouette l'est tout autant. Du moins, cela était la vision que Jackson avait des choses. Parce que le grand blond aimait suffisamment son physique pour vouloir à tout prix le préserver d'une prise de poids imprévue. C'est pourquoi il passait beaucoup de temps à faire du sport. Exerçant un métier relativement peu épuisant et ayant pas mal de temps libre au quotidien, il trouvait toujours le moyen de faire du sport au moins trois fois par semaine. Autant vous dire que le jeune homme s'était montré particulièrement ravi en constatant qu'une salle de sport était justement à la disposition des candidats au sein du nid. D'ailleurs, il ne se fit pas prier pour aller l'essayer. C'est donc dans l'optique d'entretenir son corps d'athlète qu'il entra dans la dite salle, bien décidé à suer comme jamais. Il se plaça sur l'une des machines de musculation et y passa une bonne demi-heure. Puis, il changea pour se placer sur l'un des vélos d'appartement, là encore pour y passer une trentaine de minutes. Après une heure de travail acharné, Jackson s'autorisa une petite pause. Il alla alors boire de l'eau à la petite bouteille qu'il avait expressément amenée. Mais très vite, il se sentit tout dégoulinant, ne serait-ce qu'au niveau du visage. Vite, il lui fallait trouver de quoi essuyer celui-ci. Et tandis qu'il cherchait n'importe quoi pouvant lui permettre d'éponger sa sueur, il vit une sorte de t-shirt laissé à l'abandon sur le banc. Il s'approcha et, sans réfléchir ni même se demander à qui il pouvait bien appartenir, il s'en servit pour s'essuyer le visage. De toute manière, il était immonde ce t-shirt. Alors merde.

Rien qu'à voir ma carrure, on devinait tout de suite que je n'étais pas un athlète. Que voulez-vous, tous les mecs ne naissaient pas accros au sport. Je ne l'étais pas, en tout cas. Enfin, le seul sport que je pouvais apprécier était encore le sport de chambre... J'étais malheureusement obligé de prendre un minimum soin de moi, afin de ne pas m'empâter et perdre tout le sex-appeal que la nature m'avait très généreusement offert à la naissance. Un apollon se doit de conserver ses atouts, non ? Voilà pourquoi, comme je le faisais une à deux fois par semaine, je m'étais rendu à la salle de sport un après-midi, à reculons bien sur. Je savais qu'en y venant, j'allais obligatoirement mettre mon corps à l'épreuve et suer comme un porc. Après avoir tout donné sur un tapis de course, je quittai quelques instants la salle pour aller chercher une bouteille d'eau. Avant de courir, j'avais retiré mon t-shirt Mr Bubble car je n'avais absolument aucune envie de le tâcher de sueur, de le rendre importable quoi. Mais en revenant, quelle ne fut pas ma stupeur en découvrant un gringalet aux cheveux blonds s'essuyer le visage sur mon fameux t-shirt. Devant un spectacle horrifiant, il me fallu intervenir et lui faire clairement comprendre qu'il n'aurait jamais du faire ça. « HEY ! TOI ! TU FAIS QUOI LÀ ? » Je n'en revenais pas. Il avait fallu cinq minutes, durant lesquelles j'étais juste parti chercher une bouteille d'eau, pour qu'un petit con qui, de toute évidence, avait fait son sport en même temps que moi, prenne mon t-shirt pour une serviette. Il était si banal physiquement que je n'avais même pas remarqué sa présence... jusqu'à maintenant du moins. « Tu serais gentil d'arrêter d'essuyer ton visage acnéique et plein de sébum sur mon t-shirt blanc. Merci. » Allez, à le voir il avait la vingtaine. De toute manière je n'étais entouré que de gamins. Et celui-ci semblait complètement ahuri, en plus. Oh non, rien à voir avec sa couleur de cheveux bien sur. Quoi que... ça n'aidait pas. Pauvre Mr Bubble.

Le respect des affaires des autres, Jackson ne connaissait pas. Son truc à lui, c'était plus de prendre tout ce qui ne lui appartenait pas comme son bien propre. Ainsi, il n'avait eu aucun scrupule à utiliser ce malheureux t-shirt pour éponger la sueur qui s'était tapée l'incruste sur son visage. Hors de question d'attendre une minute de plus avant d'essuyer cela, hein. Donc, désolé pour le t-shirt, mais il avait été présent au mauvais endroit, au mauvais moment. En tous les cas, Jackson ne s'attendit pas à voir débouler un grand brun, qui l'interpella assez brusquement. Ah d'accord, il était donc à lui ce maudit t-shirt. « Bah ça se voit, je m'essuie le visage à l'aide de cette petite horreur. » Traduction : « Ton t-shirt est immonde alors viens pas me casser les couilles. » Pensez-vous que Jackson se serrait excusé d'avoir ainsi utilisé le t-shirt de son camarade comme une sorte de serviette ? Ah ça non, très peu pour lui. Il n'était ni con, ni faible. Ainsi donc, il n'allait certainement pas s'excuser auprès de ce type au look approximatif et aux sourcils bien trop apparents. « Ah non mais moi, je suis tout sauf gentil justement. » En d'autres termes, si il pouvait éventuellement lui foutre la paix, ça l'arrangerait bien. Mais non, ça ne semblait pas faire partie des plans de cet abruti. Merde quoi. Dépliant le t-shirt qu'il avait préalablement mis en boule, Jackson en observa le motif. Là, spontanément, un rire lui échappa. « Putain, t'es malade de porter un truc pareil ! » D'une, c'était très laid. De deux, une telle chose ne pouvait aller qu'à un gamin de cinq ans, tout au plus. Ainsi, qu'est-ce qu'un vieux pépère comme lui pouvait bien foutre avec ce t-shirt pour le moins étrange ? Oh et puis merde, rien à foutre.

Je commençais sérieusement à me demander si les candidats n'avaient pas organisé un complot contre moi, tant ils me faisaient tous chier. Après Oona, Franckie et Syssoi, c'était maintenant au tour de Jackson de m'emmerder. Le petit con prétentieux limite albinos avait essuyé son visage dégoulinant de sueur sur mon t-shirt, que j'avais justement retiré pour éviter que celui-ci n'en soit trempé. En arrivant dans la salle de sport, le voyant prendre mon t-shirt pour une vulgaire serviette, je lui demandai ce qu'il était en train de foutre, au juste. « Bah ça se voit, je m'essuie le visage à l'aide de cette petite horreur. » C'est bien ce que j'ai vu, ouais. Et ça lui fait rien, de prendre les affaires des autres pour de la merde ? Sur le moment, ma main me démangeait. J'ai bien cru que j'allais lui en foutre une, tant il m'énervait. « Hum laisse moi te rappeler quelque chose, gamin : dans cette pièce, la seule horreur c'est toi. D'accord p'tit con ? » Je lui avais (gentiment) demandé d'arrêter de se servir de mon t-shirt comme d'un essuie-tout. Si j'avais pu aller chercher une bouteille d'eau, il pouvait très bien aller se chercher une serviette. Mais non, monsieur était un petit flemmard qui, de toute évidence, n'avait pas franchement envie de bouger son cul du vélo d'appartement. Soit. « Ah non mais moi, je suis tout sauf gentil justement. » On avait remarqué. C'était gentil de sa part de m'avertir. « Bah je sais pas si t'es gentil ou pas, vu que je te connais pas encore. Mais ce que je peux te dire, en revanche, c'est que t'es sacrément con. » Véridique. Pas grand chose à ajouter sur cet individu nommé Jackson. Il se décida finalement à me rendre mon t-shirt. Enfin, ça, c'est ce que j'ai cru avant qu'il ne le déplie et n'en commente le motif. « Putain, t'es malade de porter un truc pareil ! » C'est pas parce que j'ai trente-trois ans que je ne peux pas porter ce genre de fringues. Et puis bon, chacun son style bordel. Est-ce que j'avais critiqué son jogging super ringard ? Non monsieur. Critiquer ses fringues, cela ne servait à rien. Et puis, il y avait tellement à dire rien que sur ses cheveux. « Je vois pas ce qui te dérange. Il t'as fait quelque chose, Mr Bubble ? » Je regardai ensuite ses cheveux, et me mit à rire à mon tour. « Toi avec les cheveux que t'as, t'as du te faire traiter de tous les noms à l'école. Je me trompe Ken ? » Il me faisait aussi penser au mec de Malabar... mais en bien moins baraqué, bien sur.

Mais merde, même pendant ses heures de sport, il fallait que Jackson soit emmerdé par l'un de ces couillons. Il était grand temps de faire du ménage là dedans, hein. Parce que, très honnêtement, il n'en avait rien à foutre de son pauvre t-shirt. Il en avait bien d'autres, non ? Probablement tous aussi hideux que celui-là, mais qu'importe. « T'es un marrant, toi » répondit Jackson. Se faire traiter d'horreur n'était pas dans ses habitudes, cela va de soi. Du coup, il avait tendance à prendre ça pour une lamentable tentative d'humour. Que voulez-vous, on est doué ou on ne l'est pas. Concernant son charmant camarade - notez l'ironie - c'était déjà tout vu. « Toi, en tout cas, t'es vachement balèze pour sortir deux fois le mot "con" en moins d'une minute. C'est genre le seul mot que tu maitrises parfaitement, non ? » Con et re-con, le Jackson ? Certainement pas. Parce que si tous les cons de cette fichue planète pouvaient l'être autant que lui, ils ne le seraient sans doute pas des masses. Blond rime peut être avec con, mais les apparences étaient bien trompeuses quelquefois. « J'emmerde ton Mr Bubble. » C'est qui d'abord, ce Mr Bubble ? Hum, connait pas. Et ne le traitez pas d'inculte, hein, il était totalement légitime qu'il ne connaisse pas ce petit truc rose franchement hideux. A l'image du t-shirt et du mec qui le portait, bien entendu. « A l'école, on évite généralement d'élire comme délégué celui qu'on veut traiter de tous les noms. » Il avait toujours eu l'âme d'un diplomate, c'était inné chez lui. Alors, effectivement, il avait enchainé les élections de délégués, qu'il avait chaque fois en partie remportées. Un jour, c'est certain, il en viendrait à contrôler notre Monde. Eh ouais. « Tu dis ça, mais je suis certain que tu craques secrètement sur Ken. » Il avait l'air homo, restait à savoir si il était. Non pas que ce soit d'une importance capitale, hein. De toute manière, fille ou garçon, personne n'aurait envie de se faire un type pareil, non ?

« T'es un marrant, toi » Bah ouais, et c'était pas d'hier ça. De toute évidence ce petit blond supportait mal les critiques, et le fait qu'on lui signifie clairement sa laideur. Il était sans doute trop narcissique et imbu de lui-même pour s'en rendre compte par lui-même. Heureusement, en bon camarade, j'étais là pour lui ouvrir les yeux. J'avais toujours eu des problèmes avec les blonds. Celui-ci, en plus, était antipathique à souhait et parfaitement détestable. Je l'avais rencontré cinq minutes auparavant et ne pouvais déjà plus le blairer. « Toi, en tout cas, t'es vachement balèze pour sortir deux fois le mot "con" en moins d'une minute. C'est genre le seul mot que tu maitrises parfaitement, non ? » Balèze, parfaitement. Il fallait bien le lui dire, qu'il était con, non ? C'était un peu mon devoir de citoyen que de lui apprendre. Bien que, selon moi, je ne devais pas être le premier à le traiter de con. Il avait la tête d'un mec qui avait cumulé pas mal d'insultes... « Qu'est ce que tu veux que je te dise... Quand quelqu'un est con, je pense qu'il faut le lui dire. Et en l'occurrence, c'est ton cas. Mais peut-être que t'es justement trop CON pour le saisir... » C'est vrai que j'avais quelques doutes quant à ses capacités de saisir mes paroles. Il semblait quand même un peu limite niveau intelligence, ce garçon... Mr Malabar -son tout nouveau surnom- avait critiqué mon t-shirt qui était pourtant très classe. Désormais, il s'en prenait à Mr Bubble en personne. « J'emmerde ton Mr Bubble. » Tant mieux pour lui, j'avais envie de dire. « Il t'emmerde aussi, tu sais. » Et moi aussi, d'ailleurs, mais ça je pense que c'était tout à fait compréhensible depuis le début de notre houleuse discussion. Je le soupçonnais d'avoir pas mal souffert à l'école, notamment à cause de ses cheveux. « A l'école, on évite généralement d'élire comme délégué celui qu'on veut traiter de tous les noms. » Roooh le crâneur, le vantard ! Qu'est ce qu'on en avait à foutre, aussi, du fait que monsieur avait été délégué de sa classe. Une formidable expérience qui n'avait à mon avis marqué que lui. « Bah putain... toi tu pètes plus haut que ton cul, laisse-moi te le dire. Ça devait voler haut dans ta classe pour que tu aies été élu, quand même. » Si ça se trouve, il avait été délégué de sa classe en primaire. Mais merde, on s'en foutait pas mal. J'avais souligné une certaine ressemblance avec Ken, et j'attendais une réaction de sa part... Réaction qui arriva, comme je m'y attendais. « Tu dis ça, mais je suis certain que tu craques secrètement sur Ken. » Ou pas. De nous deux, je n'étais probablement pas le plus efféminé. « Ah parce que j'ai l'air à voile et à vapeur, peut-être ? Tu veux peut-être un miroir... » Il était carrément métro-sexuel, ce mec là.

Il le faisait bien rire, le grand poilu, avec son humour de merde. Si c'était de l'humour, d'ailleurs, permettez-lui d'en douter. Parce que Jackson ne présentait peut être pas aussi bien que Mister Univers, mais comparé au brun qui lui faisait face, il était plus que canon. En même temps, personne n'irait probablement prétendre le contraire. Sauf le brun en question, bien sûr. Pour autant, il ne la ramena pas à nouveau sur le sujet. Tant mieux, il était tellement plus supportable quand il la fermait, sa gueule. Non content de s'en être pris au physique de Jackson, le type l'attaqua sur son niveau intellectuel. C'te blague. Lui, con ? Non, pas vraiment. Il était peut être chieur, capricieux, vantard et égoïste, mais certainement pas con. Ou alors il lui fallait à tout prix se renseigner sur la définition du dit mot, hein. « Que c'est gentil à toi, alors, de me faire prendre conscience de ma connerie. » Le tout sur un ton des plus ironiques, bien entendu. S'il le prenait pour un con, Jackson pouvait bel et bien jouer ce rôle pour lui. Pour cela, il s'inspirerait pour sûr des énergumènes de ce château. Trop facile. Avec son Mr Bubble, il lui faisait bien pitié tout de même. Hé oh, c'est qu'un t-shirt, hein. Et un t-shirt des plus laids, en plus. Vraiment pas de quoi s'emporter. « J'ai toujours apprécié la réciprocité. » Il emmerdait Mr Bubble, et ce dernier semblait l'emmerder à son tour. Parfait. C'était juste l'une des conversations les plus effarantes de toute sa vie, mais ça fait rien. Il s'en remettrait probablement un jour. Et quand Jackson en vint à parler de sa petite enfance - époque ô combien passionnante de son existence - Mr Amabilité sembla y voir la preuve de sa vantardise. Comme si c'était son genre de se vanter, franchement ... « Ouais, il parait. Et ne critique pas ce que tu ne connais pas. » Parce qu'il n'avait jamais été à l'école, non ? Bref, c'est pas comme si ça avait la moindre importance. « T'es compliqué comme mec. D'une tu soulignes mon narcissisme dégoulinant. Et de deux tu m'encourages à rencontrer un miroir. Faudrait savoir ce que tu veux. » Oui parce que, plutôt que de répondre à ses présomptions totalement farfelues, Jackson préférait encore dévier. C'était ça ou un poing dans la gueule, alors qu'il ne vienne pas se plaindre.