La curiosité. Encore et toujours la même motivation qui m'avait poussé plutôt à aller au cimetière et aujourd'hui à me rendre dans cette cave poussiéreuse. J'avais entendu dire qu'elle n'était pas éclairé, qu'il y avait quelques épaves comme des bouteilles vides et un vieux matelas miteux. Mais comme chaque être humain, je voulais tout connaître, tout savoir et j'avançais donc en direction de la cave. Je descendais les escaliers et j'ouvrais finalement la porte qui se referma immédiatement derrière moi. J'en sursautais. Canne en main, je continuais de marcher. Il y avait une certaine odeur que je n'identifiais pas. M'aidant également de ma main de libre, je terminais par faire tomber deux ou trois bouteilles qui se fracassèrent sur le sol. « Et merde... » Trouvant le matelas, je m'affalais dessus et je repensais à cette semaine qui s'annonçait difficile. J'avais beaucoup plus de "chance" d'être nominé et cela n'égayait pas ma journée.

J’inspectai la pierre froide dans l’obscurité, une lampe frontale passée autour de ma tête blonde. Il ne me manquait plus que la loupe pour incarner la parfaite doublure féminine de Sherlock Holmes. A quatre pattes sur le sol poussiéreux de la cave, je n’y étais guère par plaisir. J’avais égaré un bracelet auquel je tenais beaucoup, et il me semblait qu’il ne pouvait être que dans cette pièce sombre. Je me souvenais vaguement m’être coupée le poignet avec la ferraille des étagères –j’avais d’ailleurs certainement échappé au tétanos de justesse-, il avait par conséquent pu se détacher à ce moment-là. J’attrapai la lampe entre mes doigts pour plus de maniabilité, le nez collé contre le béton. Soupirant après quelques minutes d’exploration supplémentaires, je me levai avec dépit. La tension de mes muscles se relâcha juste au moment où la porte claqua dans un grand bruit. Je sursautai vivement, ma source de lumière m’échappant des doigts pour venir heurter le sol. Je chuchotai un petit « C’est pas vrai ! » avant de me pencher pour ramasser mon bien, secouant la lampe comme s’il s’agissait d’un shaker. Mais rien à faire, elle ne semblait pas vouloir s’allumer à nouveau. Au son d’un fracas de verre, j’en conclus que l’intrus semblait avoir autant de chance que moi. Visiblement, il n’avait pas été aussi prévenant avant de s’introduire dans la pièce. Je tâtonnai en direction de la porte de sortie, du moins je l’espérais, les mains bien en avant et le corps légèrement courbé. Ca me faisait penser au film REC, et c’était relativement angoissant. Je m’arrêtai lorsque mon pied heurta le matelas, et que mes doigts rencontrèrent une masse poilue. Je poussai un petit cri en les retirant vivement, me rendant compte que j’avais du toucher les cheveux d’un autre candidat. Enfin . . . là encore je l’espérais ! De toute évidence ce maladroit –car au parfum il me semblait évident qu’il s’agissait d’un garçon- avait élu domicile sur le reste d’un lit désossé. « On n’y voit pas grand-chose pour l’instant, mais ce matelas est parsemé de tâches suspectes. » J’ignorais totalement à qui je m’adressais, mais ce n’était pas une raison pour ne pas l’informer de la triste vérité. Lorsque ma lampe frontale avait éclairé l’objet je m’en été aussitôt détournée d’un air dégoûté. Il me semblait bien que ces saletés s’étaient multipliées dans la semaine. « Et au vue des récents exploits de certains . . . ce n’est peut-être pas le meilleur choix pour poser ses fesses » ajoutai-je avec un léger rire. Dans une vaine tentative de changer de position mon pied se prit à nouveau dans le matelas qui désirait visiblement de se venger, et je me retrouvais projetée contre l’inconnu, l’écrasant de tout mon long. Superbe, vraiment. Je me redressai tant bien que mal, appuyant mes mains sur le candidat afin d’avoir à éviter de toucher le matelas dégueulasse, ce qui n’était peut-être pas une solution judicieuse étant donné que je ne savais pas trop là non plus où je mettais les mains. « Désolée, désolée ! » m’empressai-je de préciser, au cas où.

Installé sur le matelas, je ne pensais pas trouver quelquu'un à mes pieds. Ce n'est que lorsque je sentis une main sur moi que je compris que je n'étais pas seul dans cette cave. Mais qui était-là ? « On n’y voit pas grand-chose pour l’instant, mais ce matelas est parsemé de tâches suspectes. Et au vue des récents exploits de certains . . . ce n’est peut-être pas le meilleur choix pour poser ses fesses. » Une femme, une candidate. Je n'identifiais pas sa voix. Je ne lui avais surement pas encore parlé. D'une certaine manière, je m'en voulais car je voulais faire connaissance avec tous les candidats de la maison. Je me mordis la lèvre inférieur et me redressais sur le matelas face aux propos de la jeune femme. « Hein ? Quoi ? Ils ont fait quoi ici ? C'est lugubre et morbide comme endroit pour faire je ne sais quoi. » Mais j'eus à peine le temps de terminer ma phrase que la candidate me tomba dans les bras. « Désolée, désolée ! » Pour une fois que je n'étais pas celui qui se cassait la gueule, j'étais content. « T'inquiètes pas pour ça, j'ai déjà fais pire. Je suis Lukas, au fait. »

La gourde. Tomber comme ça sur le premier venu était tout à fait mon genre. Je fus rassurée qu’il ne le prenne pas trop mal, posant mes genoux contre le sol en oubliant la crasse que j’avais essayé d’éviter. « Oh tu sais, y’en a certains qui ne s’encombrent pas des détails. » Je plissai les yeux un moment en imaginant Moore et Ruben se rouler sur le matelas tâché, Baptise et Winni, Syssoï et Gabrielle, Milan et Siomha. Oh mon dieu, berk. « Et puis parfois, mieux vaut ne pas voir la tête du partenaire » ajoutai-je en riant légèrement. Oh mon dieu c’était glauque ce que je venais de dire. Parce que lui le pauvre, aurait sûrement bien aimé la voir de temps en temps, la tête du partenaire. Je n’étais vraiment habituée à peser mes mots, mais j’espérais qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur. De toute façon les individus atteint d’un handicap, quel qu’il soit, préféraient souvent que l’on fasse comme si de rien n’était. Avec moi, il était servi . . . Me redressant sur mes genoux je l’observai avec suspicion un grand moment. « Et pourquoi tu viens t’isoler dans la cave dis-moi, tu serais pas en train de nous faire une dépression ? » lui demandai-je d’un air inquiet. Oui parce que bon, il fallait avouer que ce n’était pas l’endroit le plus douillet pour passer ses journées, et à en croire la situation il n’avait pas eu l’intention de s’y rendre pour retrouver un bracelet perdu. Il ressemblait davantage à une personne venu broyer du noir comme un pauvre couillon, et ça, je ne le permettrais pas. « Au fait, c’est Sixtine. Blonde, grande, avec des yeux envoûtants, un canon quoi. » Voilà pour la petite description, avec un rire en prime. Ben de toute façon, il ne pouvait pas vérifier hein, alors autant embellir le portrait.

La jeune femme me paraissait bien sympathique. Elle semblait en plus aussi maladroite que moi ce que j'appréciais encore plus. Je me sentais moins seul dans mon monde où je pouvais tout d'un coup me retrouver à terre en quelques secondes. « Et pourquoi tu viens t’isoler dans la cave dis-moi, tu serais pas en train de nous faire une dépression ? » « Je, je m'isole pas. Enfin, heu, non. Je... » Ok. Je n'étais pas très clair mais cela révélait bien quelque chose. Je m'isolais et quoi que je puisse en dire, c'était bien ce que je faisais. « C'est à cause des nominations... » Lui révélais-je alors. « Au fait, c’est Sixtine. Blonde, grande, avec des yeux envoûtants, un canon quoi. » Je riais légèrement. « Moi, c'est Lukas. »

Je ne m’isole pas ? Non mais il me prenait pour une idiote en plus ? Taratata, je ne goberai pas ce honteux mensonge. Généralement, quand on s’asseyait sur un matelas troué au milieu du noir –bien que techniquement il soit toujours dans l’obscurité-, c’était parce qu’on recherchait la solitude. Je tapai un moment sur ma lampe afin de faire revenir la lumière sans grand succès lorsqu’il me révéla la vérité. Les nominations hein, j’aurais pu m’en douter. « Ah ces nominations, elles foutent le moral à zéro de beaucoup de candidats ! » Je songeais notamment à Oona, qui m’avait confiée ses craintes à propos d’un départ lors du prime de Dimanche. Et même si je ne connaissais pas très bien Lukas, je ne désirais pas le voir partir non plus. En vérité, je n’avais aucune idée sur qui partirait, et cela rendait la semaine plus angoissante que les autres. « De toute façon tu seras sauvé de t’inquiètes pas, tu es un peu la Mascotte du château, si je peux dire ça comme ça. » Je me mis à rire en l’imaginant glissé dans un costume d’ours géant. Cependant ce que j’affirmais était vrai, tout le monde aimait bien ce jeune homme et j’étais convaincue qu’il ne serait pas parmi les nominés. La lumière jaillit soudain de ma lampe, me retirant une exclamation de joie. Le faisceau éclaira le visage de Lukas, et je lui serrai la main un instant pour le réconforter. Néanmoins mon sourire s'effaça rapidement au contact entre mes yeux bleus et une araignée qui courait paisiblement sur le torse du garçon. Je poussai un petit cri, cette fois de peur, et me reculai vivement. Punaise, mais elles me poursuivaient ou quoi ? A tous les coups c'était celle d'Elvis qui revenait m'embêter. « Surtout, ne bouge pas ! » lui conseillai-je tandis que j'attrapai une boîte de chips vide qui traînait dans le coin. Je visai pendant près de trente secondes, abattant l'objet sur Lukas dans un cri combatif, ne me souciant guère de souiller son t-shirt. Oh, je venais de lui sauver la vie quand même.