Une semaine de merde, voilà ce qui l'attendait. Une bonne grosse semaine de merde. Parce qu'être entouré de débiles profonds au quotidien, ça à la rigueur il pouvait encore le supporter, mais être menotté à ce grand singe pendant sept putains de jours, non ça n'allait clairement pas pouvoir le faire. C'était Ruben, nom de Dieu. LE type con par excellence aux yeux de Jackson. Autant vous dire que la perspective de passer les sept prochains jours aux cotés de ce parfait abruti n'enchantait pas, mais alors pas du tout, le grand blond. D'après lui c'était très clair, l'un des deux n'allait pas pouvoir finir la semaine. Ouais, il allait très probablement être amené à se débarrasser de son acolyte. Enfin, pour ça, il faudrait déjà qu'il puisse s'en défaire, et c'était juste mort. En plus, être nominé ne le branchait pas trop, du moins, pas pour quelque chose d'aussi con. Ainsi, Jackson n'aurait d'autre choix que de subir - et c'est un doux euphémisme - la présence de Ruben pendant cette semaine qui lui semblerait probablement interminable. Ça allait être dur, oh oui, très dur. Et aujourd'hui était justement le premier jour qu'ils passaient menottés l'un à l'autre. Le moins que l'on puisse dire, d'ailleurs, c'est qu'ils s'entendaient à merveille. Vraiment à merveille. « Putain mais bouges ton cul, le singe. J'ai pas l'intention de passer la journée dans ces escaliers. » Essayez un peu de monter toutes ces marches avec un handicapé mental et physique menotté à votre poignet et qui vous ralentit comme pas possible. Vraiment infernal. « Écoutes-moi bien, mon vieux, si t'as prévu de jouer les chieurs toute la semaine, on va avoir comme un problème toi et moi. » Une déclaration de guerre ? Non, absolument pas. Juste une légère mise en garde, rien de plus. Bloqué au milieu de ces fichus escaliers, Jackson désespérait de pouvoir faire quelque chose de son abruti de compagnon de misère. Et comme si cette situation n'était pas déjà assez pénible, quelqu'un trouva judicieux de descendre les dits escaliers au même moment. Et ce quelqu'un était Gabrielle. Ah d'accord, l'univers s'était officiellement ligué contre lui. Sympa, l'univers.

C'était le lendemain du prime. Gabrielle avait vraiment eu du mal à se lever aujourd'hui, elle avait trop veillé, affreux. La rousse avait passer la journée la tête dans les brumes, quand on lui adressait la parole, elle répondait vaguement, elle n'écoutait pas vraiment. Elle avait du mal à se remettre, surtout que le prime de la veille avait été un peu prise de tête. La jeune femme se leva prestement, elle s'était allongée dans son lit. Toute seule, bizarrement Syssoï n'était pas dans les parages. Habituellement, ils rejoignaient la chambre en même temps, mais là, elle ne savait pas où il avait bien pu passer. Peu importe. Une fois debout, la belle chercha longuement son paquet de clope, introuvable. La jeune femme perdit assez vite sa patience, soulevant avec violence sa couette pour essayer de retrouver son bien. Gabrielle vit le paquet de Syssoï, c'était trop tentant, la rousse s'en empara, et en tira une cigarette, elle la lui rendrait plus tard, lorsqu'elle le pouvait. Elle n'était pas une voleuse. Gabrielle descendit les escaliers à toute vitesse, une cigarette coincée entre deux doigts, son briquet dans la main. Mais elle n'était pas seule, la rouquine pila net à quelques centimètres de Jackson, se rattrappant de justesse à la rambarde. Ils foutaient quoi dans les escaliers ? « Je vois que tu es toujours de bonne humeur. » soupira t-elle, à l'attention de Jackson, avant de regarder derrière son épaule, elle apperçut Ruben, évidemment. « Tu tiens le coup ? » lui demanda t-elle avec un sourire amusé.

Comment étais-je censé survivre durant toute une semaine avec un albinos attardé accroché au poignet ? Parce que bon, toute une semaine menotté à Jackson, cela aurait rendu fou n'importe qui. Alors imaginez un peu ce que cela allait donner sur un type comme moi, qui n'avais absolument aucune patience... J'allais probablement faire une dépression nerveuse, peut-être même tenter de me tailler les veines avec mes menottes pour ne plus avoir à supporter l'humeur de chien de monsieur. Parce qu'on pouvait se plaindre de ma paranoïa et de ma méchanceté, ce n'était à mon avis rien comparé à la mauvaise humeur constante et tout bonnement agaçante du blond. « Putain mais bouges ton cul, le singe. J'ai pas l'intention de passer la journée dans ces escaliers. » Il croyait sans doute que c'était facile de monter les marches avec un boulet devant soi ? J'avais genre la place du mort, dans cette histoire. Difficile de grimper ne serait-ce qu'une marche sans faillir me casser la gueule tellement ce con essayait d'aller vite. « WOW ! Je fais ce que je peux crétin. Vas moins vite aussi ! C'est pas un marathon, ducon. » Jackson avait toujours un pet de travers, c'était vraiment énervant. Je supportais de moins en moins ses colères à répétition et ses remarques sans intérêt. « Écoutes-moi bien, mon vieux, si t'as prévu de jouer les chieurs toute la semaine, on va avoir comme un problème toi et moi. » Il croyait me faire peur, sans doute ? Il était aussi impressionnant qu'une moule avec la cape de Superman. J'avais tellement envie de le pousser en avant, histoire qu'il s'étale comme une merde dans l'escalier. Mais malheureusement pour moi, si je me laissais tenter à ce genre de folie, j'avais vite fait d'être entrainé dans sa chute. « On a déjà un problème toi et moi, au cas où tu ne l'aurais pas encore remarqué. » Alors que nous tentions de monter les escaliers à la lenteur d'une course d'escargots, la belle Gabrielle descendit les escaliers à tout ber-zingue, une cigarette à la main. « Je vois que tu es toujours de bonne humeur » dit-elle en s'adressant à l'autre con de Jackson. Je soupirai moi aussi, tellement j'approuvai les dires de la jeune femme. « Tu tiens le coup ? » me dit-elle ensuite, un sourire amical dessiné au coin des lèvres. Un peu de soutien ne me faisait pas de mal. Au moins je sentais que Gabrielle était de toute cœur avec moi pour cette dure semaine. « Je sais pas si on peut dire que je tiens le coup, mais en tout cas j'arrive encore à contrôler mes pulsions meurtrières. Donc là encore je suis relativement zen... comparé à monsieur. » Je jetai un clin d'œil froid à mon partenaire de menottes. Il fallait lui faire comprendre qu'il agaçait tout le monde avec son caractère. Même moi je faisais office de mec décontract' et cool à côté de lui, c'était dire.

Nombreuses étaient les choses que prévoyait de faire Jackson en cette journée. Mais ce qu'il ne comptait pas faire, par contre, c'était bien rester dans ces putains d'escaliers une éternité. Mais partit comme c'était partit, rien n'était moins sûr. Il faut dire qu'en plus d'être laid et con, Ruben était mou comme pas possible. Cela semblait être trop lui demandé que de le prier de monter ces marches un tout petit peu plus vite. Parce qu'à ce train là, ils allaient y passer la nuit, et c'était juste inconcevable. « Tu veux peut être une canne, papy ? » Okay, il était peut être plus tout jeune le Ruben - tiens d'ailleurs, quel âge avait-il au juste ? - mais il pouvait quand même faire un petit effort pour le coup. De toute manière, c'est bien simple, s'il continuait à aller à cette allure là, Jackson allait bientôt être obligé de le tirer par les sourcils. Et Dieu sait que cela le répugnait rien que d'y penser. « Attends, tu me vexes là. Moi qui croyais sincèrement qu'on était comme des frères » fit-il ensuite, sur un ton des plus blasés. Effectivement, leur relation ne se résumait qu'à des piques incessantes et des haussements de ton devenus habituels. Alors peut être, en effet, que cela représentait un problème. Soudain, Gabrielle descendit les escaliers. Super, comme si c'était déjà pas assez compliqué d'essayer d'arriver en haut, hein. Et la remarque de la jeune femme lui donna presque envie de la soulever pour taper Ruben avec. Ouais, ça pouvait être pas mal, si on oubliait qu'avec ces foutues menottes, il n'était pas vraiment libre de ses mouvements. N'empêche, il garderait probablement cette idée dans un coin de sa tête. On ne sait jamais. « Oh oui, la bonne humeur ça me connait » lâcha-t-il froidement, sans même prendre la peine de sourire hypocritement. Il tourna ensuite la tête vers son imbécile de camarade. « Avec un con pareil, il m'est impossible d'être "zen" » soupira-t-il. Là, il donnerait n'importe quoi pour qu'on lui amène une hache. Soit pour briser les menottes, soit pour décapiter Ruben. Au choix. Ou pourquoi pas les deux, tiens.

« Oh oui, la bonne humeur ça me connait » Gabrielle n'attendait aucune réponse, aucune réponse venant de Jackson néamoins. A vrai dire, elle n'attendait plus rien de Jackson tout court. Il finissait toujours par la décevoir de toute façon. Elle le prenait comme ça maintenant, au moins ça lui évitait une déception supplémentaire. « Je sais pas si on peut dire que je tiens le coup, mais en tout cas j'arrive encore à contrôler mes pulsions meurtrières. Donc là encore je suis relativement zen... comparé à monsieur. » Cette remarque fit sourire la rousse. « Je sais pas comment tu fais. » répondit-elle en tapotant la joue de Jackson qui devait se souvenir de la main de la jeune femme. Gabrielle était légèrement plus haute que lui, une marche ou deux de plus qu'eux, heureusement. Elle savait que Jackson pouvait être franchement agaçant voire insupportable, elle ne savait pas comment Ruben allait faire pour tenir une semaine entière, soit sept longs jours, sans suicider à la fin. « Avec un con pareil, il m'est impossible d'être "zen" » Un soupir de Gabrielle pontua le tout, c'était du Jackson tout craché. « La cohabitation va être dure pour vous. » commenta t-elle en un sourire. « Mais une semaine c'est rien dans une vie. » argumenta t-elle doucement en s'appuyant sur la rambarde de l'escalier.

Ces jeunes... vraiment aucun respect pour leurs ainés. Que dire de ça à part que Jackson méritait de bonnes tartes dans la gueule, histoire de calmer ses ardeurs. Ah donc j'étais un "papy" ? Bien, c'est vrai que trente-trois ans c'est un âge particulièrement avancé. Je devrais penser à préparer ma retraite d'ailleurs. Des fois qu'il n'y ait pas de lendemain. « Non ça va, merci. Et toi, tu veux une baffe gamin ? » Une baffe, c'était vraiment tout ce que ce petit con de Jackson méritait. A chacune de ses paroles, on pouvait sentir la méchanceté et la volonté de foutre la merde. Et il faisait de l'humour en plus ? Mais ma parole, ce petit jeune avait vraiment tout pour lui. Con, blond, impulsif et tellement drôle... « Ha ha ha. 1... 2... 3... Voilà. Ta blague a eu les trois secondes de rires qu'elle méritait. » Loin d'être des frères, nous étions surtout des ennemis jurés, et j'avais bien l'intention de ne pas me laisser marcher sur les pieds par un gamin de six ou sept ans de moins que moi. Et encore, si je n'avais pas appris par hasard son âge via son blog, je lui aurais donné vingt ans à tout casser. Pas forcément pour son physique -cette tête n'avait pas d'âge- mais surtout pour sa mentalité. Monsieur était toujours de mauvais poil, et ça commençait à sérieusement me gonfler. « Le con t'emmerde. Si t'arrêtais déjà de t'énerver pour un oui, pour un non, tu serais plus zen... et cela permettrait d'effacer cette sale tête de constipé que tu traines depuis ton arrivée ici. » Ah mais trop, sa tête me faisait vraiment rire lorsqu'il s'énervait. Une vrai tête de constipé, y'avait pas d'autre mot pour la qualifier. Gabrielle m'apportait tout son soutien et j'appréciais. Devant tant de zénitude de ma part, la jeune femme semblait presque en admiration. C'est vrai que j'avais pas mal de mérite de supporter encore Jackson. « Bah écoute, ce doit être mon âge qui me rend un peu plus sage. Mais y'a dix années de ça, je lui aurais foutu une trampe, je te dis que ça. » Pour résumer Jackson pouvait s'estimer heureux qu'à trente-trois ans, j'en avais fini avec mes vieux démons. Désormais je n'usais plus de la violence pour résoudre les problèmes ; j'avais déjà fait beaucoup trop de dégâts étant jeune. La belle rousse souligna le fait que la cohabitation avec Jackson, qui devait durer une semaine à partir d'aujourd'hui, serait longue et houleuse, et particulièrement difficile. Elle n'avait pas idée. J'en souffrais déjà. Une semaine, certes, ça n'était pas grand chose... mais il fallait se retrouver dans ma situation pour comprendre ma douleur. « La semaine la plus longue de mon existence. » Je ne pouvais pas dire plus vrai, sur l'instant. Et oui, des choses difficiles j'en avais vécu, mais alors là cela ressemblait vraiment à un défi du diable. Et pourtant non, c'était bel et bien une idée de Cupidon. Celui-là si je l'attrape... je lui coupe les ailes.

« Non ça va, merci » répéta machinalement Jackson. Vu qu'il avait à faire à un con, autant lui parler comme à un con. On ne pourrait pas lui reprocher de s'adapter à la personne qu'il avait face à lui, ou plutôt, à ses cotés. Oui parce qu'il y avait toujours ces putains de menottes, hein, évidemment. « C'était pas censé être drôle » reprit-il, après que Ruben se soit montré plus idiot que c'était permis. Pour le coup, c'est lui qui en était presque drôle. Oui, Jackson aurait presque pu en rire - et ce serait quasiment une première ici - s'il n'avait pas plutôt ressenti un intense mépris pour son partenaire à la place. Un mépris qui ne cesserait probablement de s'accroitre au fil des jours qui les attendaient. « Rectification : si tu ne me poussais pas à m'énerver pour un oui, pour un non, je serai plus zen. » Parce que s'il croyait qu'il était toujours autant sur les nerfs, il se trompait. Certes, il n'avait pas un caractère facile et était d'une nature assez impulsive. Mais, au quotidien, il pouvait se montrer très calme en fait. Ici, par contre, il n'arrivait pas à se canaliser, c'était comme plus fort que lui. En même temps, il avait presque l'impression que Ruben n'existait que pour l'énerver, alors qu'il ne vienne pas lui faire de leçon de morale à deux balles. Mais figurez-vous que Gabrielle se permit de tapoter la joue de Jackson. Elle se croyait où au juste, celle-là ? Jackson lui lança un regard froid. Peut être trouvait-elle ça drôle, mais pas lui. « Parce que tu crois que je me serais laissé faire, en plus » commenta-t-il, après la remarque de Ruben. Genre il aurait tendu la joue pour se prendre une baffe, vous savez. Allez allez, la plaisanterie avait assez duré. Et quand Gabrielle insinua que la cohabitation entre les deux jeunes hommes allait être difficile, Jackson lâcha un soupire. Puis, son abruti de camarade reprit la parole. Spontanément, Jackson laissa échapper un rire. « Arrêtes, tu vas nous faire pleurer. » Il était légèrement ridicule là, pour pas changer. Jackson planta ensuite son regard dans celui de Gabrielle, reprenant un air des plus sérieux. « Si tu crois que ça sera plus facile pour moi, tu te trompes. » Parce qu'il avait bien compris que dans cette sordide histoire, c'était lui la bête noire, le type insupportable et que Ruben était présenté comme une victime. Faible comme il devait l'être, ce rôle était à vrai dire fait pour lui. Mais que personne n'aille prétendre que Jackson n'aurait aucun mal à supporter son camarade, car c'était faux. Il mettait d'ailleurs quiconque au défi de le remplacer, hein.

Gabrielle apportait un peu de soutien à Ruben, elle lui devait bien ça, le pauvre. Avec Jackson il n'était pas vraiment gaté. A vrai dire, Gabrielle était encore rageuse, à cause de Jackson, si bien qu'elle était pour toute personne qui s'opposait à lui. Même si Mélissa la nouvelle l'avait fait, elle aurait vivement soutenu sa camarade. Comme quoi, Gabrielle était vachement rancunière. Et elle en voulait encore au blond. « Bah écoute, ce doit être mon âge qui me rend un peu plus sage. Mais y'a dix années de ça, je lui aurais foutu une trampe, je te dis que ça. » La rousse sourit pendant quelques secondes avant de répondre. « Je t'avais bien dis qu'avoir de l'expérience te servirait. » ajouta t-elle. Jackson réplique rapidement, ne faisait que soupirer la jeune femme de plus belle. Oui, maintenant, elle se fichait de toute ce qu'il disait, c'était comme ça. Le 'jouet' de Syssoï ne faisait plus attention à Jackson désormais, c'était décidé. « Si tu veux que j'aille te chercher de quoi l'assommer, n'hésite pas. » murmura la française à l'attention de Ruben, un sourire mutin au bout des lèvres. Ruben et Jackson semblaient d'accord sur un seul point, cette semaine allait être très longue et insupportable, ils se plaignaient tous les deux. La rousse ne comprenait pas pourquoi ils ne profitaient pas de cette semaine commune pour mettre leurs ranceurs de côté. C'était completement idiot de passer une semaine à le lancer des piques ou à se vanner. Car oui, là, c'était de la torture. « Si tu crois que ça sera plus facile pour moi, tu te trompes. » Gabrielle soutient le regard de Jackson, cette fois, elle ne detournerait pas le regard, pas elle du moins. « Entre vous deux, c'est toi le plus agaçant. » répondit-elle, un peu sèchement.

Ce blond parlait trop. Il parlait tellement qu'il devenait de plus en plus difficile de suivre la conversation qui se tenait actuellement avec Gabrielle. Je n'avais qu'une envie, qu'il la ferme ne serait-ce qu'un instant pour que nous puissions nous entendre parler. Parce que bon, sa voix portait vachement et n'était pas des plus agréables à entendre. « Bon Jackson merde. Ta gueule un peu. Arrête de jacasser on s'entend plus parler là. » J'espérais que le fait de lui couper la parole soudainement le ferait se taire. Mais connaissant Jackson, je craignais un peu sa réaction. Couper la parole à monsieur, oh mais comment avais-je osé... Je m'exposais à de gros risques, et j'en étais bien conscient. Oh et puis rien à foutre. Gabrielle évoqua le fait que si j'étais bel et bien le candidat le plus âgé de l'aventure, c'était plutôt un avantage. « Je t'avais bien dis qu'avoir de l'expérience te servirait. » Elle n'avait pas tord. Nous en avions tous deux parlé lors de notre première rencontre, dans la salle de sport. Ce fut la première fois que j'aperçus la belle rousse. Elle était si gentille, si douce que je ne comprenais pas que l'on puisse lui parler de la manière dont Jackson lui parlait. « Si tu veux que j'aille te chercher de quoi l'assommer, n'hésite pas. » C'était gentiment proposé, et ça n'aurait pas été de refus. Mais endormir Jackson aurait été une solution de facilité, et la facilité n'était pas l'issue que je préférais prendre, surtout quand un autre choix s'offrait à moi. L'autre choix ici, en l'occurrence, était de supporter Jackson tout une semaine. C'était loin d'être un jeu d'enfant, mais j'étais courageux. Cupidon avait eu la foi de me confier cette mission, et j'avais bien l'intention de la mener à bien. Si quelqu'un devait la faire capoter, ça ne serait pas moi. « T'es mimi Gabi, mais t'inquiète je gère. » Lui murmurai-je à l'oreille en retour. Alors que Jackson soulignait le fait qu'il serait difficile pour lui de me supporter pendant une semaine, Gabrielle ne pu s'empêcher d'intervenir et de casser le gamin dans son délire de blond prétentieux. « Entre vous deux, c'est toi le plus agaçant. » Aux mots de la demoiselle, je pouffai alors de rire. C'était tellement bien dit, et cela me réconfortait. De nous deux, c'est clair, Jackson était de loin le plus chiant. Et je pense que n'importe qui ici, même mes plus grands détracteurs, ne pourraient dire le contraire. « J'aurais pas su dire mieux. » Je ponctuai mes paroles d'un clin d'œil à Gabrielle. A ce moment là, Jackson devait sans doute se sentir très seul.

Persona non grata, le Jackson ? Peut être pas quand même, mais pas loin. Parce qu'il ne s'était pas fait beaucoup d'amis en ces lieux. Non, à vrai dire, il ne s'en était même fait aucun. Mais croyez bien qu'il s'en fichait éperdument. Il n'était de toute manière pas venu ici pour se lier d'amitié avec une bande de dégénérés, alors qu'importe. De plus, quand il voyait à quels points ces derniers pouvaient être idiots - à l'image de Ruben par exemple - il en venait à penser que ça valait mieux, justement. « D'une, je ferme ma gueule si je le décide. Et de deux, si tu t'entendais vraiment parler, tu développerais des pulsions suicidaires. » Pour qui se prenait-il, au juste, pour lui ordonner de se la fermer ? Ça, c'était une chose que personne n'était autoriser à faire. Alors il n'allait certainement pas lui faire le plaisir de se taire, comme il semblait le vouloir. De toute manière, si quelqu'un d'aussi inintéressant que Ruben se permettait de l'ouvrir autant, il n'y avait aucune raison pour qu'il soit interdit à Jackson de faire de même. Point. Et voilà que Gabrielle était du coté du singe. A vrai dire, ça n'avait rien de bien étonnant. Après tout, la rousse avait un certain attrait pour les poils. Disons que ça lui parlait, ouais. « Empoté comme il est, il serait capable de me rater avec une batte entre les mains » fit-il ensuite. Assurément que Ruben n'était même pas assez dégourdi pour l'assommer s'il le voulait. Alors, de ce coté là, Jackson pouvait être tranquille. Et alors que la vision de ce pauvre abruti avec une batte, et son ridicule toujours à disposition, aurait pu l'amuser, il n'en fut rien. Disons que l'heure n'était pas tellement à la rigolade. Comme rarement, en fait. Puis Gabrielle se permit une remarque, qui sonnait clairement comme une critique. Elle soutenait son regard, et il fit de même. A ce jeu là, il excellait. « Que d'objectivité » se contenta-t-il de répondre. Qu'elle comprenne ou non là où il voulait en venir importait peu. Et si elle était aussi douée à ce jeu là qu'à un certain autre, il gagnerait haut la main.