Oona au confessionnal !

Syssoï quel secret penses-tu avoir découvert ?

Confessionnal mon ami ! Durant cette aventure, je pense que j’aurais passé plus de temps ici que dans n’importe quelle autre pièce. J’en sors à peine suite à une confrontation avec Connor, que j’y retourne pour celle que Oona, et sur mon initiative personnelle, qui plus est. On ne m’impose rien, je m’impose tout seul. Sadique, masochiste, équilibriste. C’est tout moi. Bref, par expérience -et dieu sait que la mienne est longue- je me fume deux clopes avant d’entrer, parce qu’on sait toujours quand on entre, jamais quand on sort. Tiens, une petite troisième, on est jamais trop prudent. Puis je franchis le seuil de cette salle qui devrait clairement porter mon nom. Faut que j’en touche deux mots à la production. Elle est vide, Oona tarde. Pas grave, je suis habitué, et puis il est un peu 4h du matin, quand même... Je pose mes fesses dans “mon” fauteuil, et j’attends l’arrivée de ma petite danseuse. Attente de courte durée puisqu’elle se pointe rapidement. J’aime surprendre les gens au saut du lit. « Bien le bonjour ! L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! » Ouai, ta gueule, Syssoï.

Quatre heures du matin. J’avais enfin la sensation de m’endormir tranquillement, aux côtés de Milan. Ouai sauf que je n’ai pas le droit de dormir. La douce voix mélodieuse de Cupidon m’interpelle et me demande d’aller au confessionnal. Soit il voulait me parler personnellement, soit quelqu’un vient de me buzzer. Le truc c’est que j’étais bien tranquille moi, sans avoir été une seule fois buzzé jusque là dans l’aventure. Je me pensais bien gardée de ce moment, il faut croire que non. Je rejoignis la cabane au bout du parc, en pyjama évidemment parce que je n’allais pas m’habiller, pour découvrir un Syssoï déjà assis dans un fauteuil. « Bien le bonjour ! L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! » Je m’asseyais en face de lui, ramenant mes jambes sur mon corps. « Tôt oui, mais pas en pleine nuit ! » J’avais encore une petite moue endormie et un peu vexée d’avoir été tiré de mon sommeil, mais bon d'un sens, je préférais que ce soit lui, plutôt qu'un autre.

« J’suis désolé… » c’est tout ce que je suis capable de rétorquer, comme un gamin pris en faute. Faut dire que c’est un peu le cas. Si j’avais jeté un coup d’œil à l’heure, au préalable, j’aurais certainement pas buzzé maintenant. Réveiller certains, je m’en branle, mais réveiller Oona et le reste de la bande, non, c’était vraiment pas dans mes projets. « J’ai pas fait gaffe à l’heure… C’est le risque avec les insomniaques, mais… Tiens ! » j’annonce avec un sourire d’excuse, tout en lui tendant une couverture ramenée expressément pour elle. J’aime beaucoup son pyjama, mais elle doit pas avoir chaud. J’attends quelques instants, qu’elle s’installe à son convenance, puis je me lance, d’un ton amical, parce que je suis pas là pour l’agresser non plus. « Tes troubles alimentaires, tu peux m’en parler, ou pas ? » Parce qu’elle en a eu, et elle en souffre encore, même si quelque part, c’est dernière elle. On ne se débarrasse jamais vraiment de ça. Surtout pas en étant danseuse.

« J’suis désolé… » Je baissais la tête avec un sourire. Ce n’était pas vraiment grave. Je dormirais un peu plus au matin et on en parlera plus. « C’est pas grave ! » Lui répondais-je simplement, ne m’étendant pas sur le sujet, puisque nous n’étions pas là pour ça. « J’ai pas fait gaffe à l’heure… C’est le risque avec les insomniaques, mais… Tiens ! » Je gardais ce léger sourire, tendant la main pour attraper la couverture. Par contre, ça s’était une bonne idée. Les nuits ne sont plus aussi froides qu’au début du jeu, mais il ne fait pas non plus aussi chaud que ça. « Merci. » Lâchais-je, en m’enroulant dans cette couverture, avant de m’asseoir en tailleur sur le fauteuil, posant mon regard sur Syssoï. « Tes troubles alimentaires, tu peux m’en parler, ou pas ? » À peine a-t-il eut le temps de finir sa question, que mes sourcils se froncèrent. J’eu un mouvement de recul, posant mes coudes sur les accoudoirs. Je sais pourquoi il me demandait ça, il faisait référence à cet horrible passage dans la salle de bain. Mais je secouais légèrement la tête de droit à gauche. « J’ai pas de troubles alimentaires. » Lui répondais-je, toujours mes sourcils froncés.

Je lui laisse le temps de se draper dans la couverture que je lui ai amené, ce qui me fait sourire puisque avec sa coiffure “saut du lit”, son pyjama et ses yeux endormis, elle ressemble une fillette inoffensive. J’attends encore un peu, et je pose ma question. Elle semble surprise par cette dernière, pourtant elle me répond par la négative. Hum. Nouvelle confrontation, nouvelle stratégie. « Aujourd’hui non, mais j’imagine que ça n’a pas toujours été le cas. L’anorexie n’est pas quelque chose d’atypique dans notre métier, ce qui l’est, c’est de s’en sortir, par contre. » Combien de danseuses mettent leur vie en danger juste pour être toujours plus maigre, toujours plus légère... Poids plume... Je ferme les yeux, j’ai vu des filles mourir à cause de ça. Pas à l’Opéra, mais dans d’autres compagnie. « Ta crise d’angoisse, de la dernière fois... Je ne savais pas ce qui l’avait déclenché avant que les toilettes ne se trouvent prises d’assaut par tout ceux qui avaient mangé du poisson... Il était daté. Ils l’ont tous rendu... Pas toi. Toi, tu t’es empêchée de le rendre. » Je ne pose pas de question, puisqu’il ne s’agit que d’une énonciation de faits. « Pourquoi, si ce n’est par peur de vomir, une peur si profonde qu’elle te déclenche des crises d’angoisse ? »

« Aujourd’hui non, mais j’imagine que ça n’a pas toujours été le cas. L’anorexie n’est pas quelque chose d’atypique dans notre métier, ce qui l’est, c’est de s’en sortir, par contre. » Je le laissais parler, secouant légèrement ma tête de haut en bas, acquiesçant ce qu’il disait ; mais je ne précisais pas ce que j’acquiesçais, me contentant de se simple geste de la tête. Et mes yeux voguèrent sur le visage du danseur. « Ta crise d’angoisse, de la dernière fois... Je ne savais pas ce qui l’avait déclenché avant que les toilettes ne se trouvent prises d’assaut par tout ceux qui avaient mangé du poisson... Il était daté. Ils l’ont tous rendu... Pas toi. Toi, tu t’es empêchée de le rendre. » Mes sourcils s’étaient défroncés l’espace d’un instant, pour finalement le refaire. Je serrais en même temps la mâchoire, m’empêchant toute autre réaction que ces sourcils qui se froncent, mais à garder mes yeux sur les sien, Syssoï pouvait remarquer un petit trouble. Où est-ce qu’il veut en venir ? Aussitôt pensé, aussitôt répondu. « Pourquoi, si ce n’est par peur de vomir, une peur si profonde qu’elle te déclenche des crises d’angoisse ? » Je desserrais la mâchoire, esquissant un léger sourire en coin. Cette crise d’angoisse, j’en avais franchement honte ; même s’il s’agissait de Syssoï et j’avais franchement envie de l’oublier. Je détournais un instant mon regard pour finalement le reposer sur lui. « Peut-être que je n’avais pas envie de… rendre ? » Je lâchais un soupire, baissant un peu ma tête. « Je suis stressée depuis quelques jours… à force de me le répéter j’ai paniqué… »

« Peut-être que je n’avais pas envie de… rendre ? » Vomir ne relevant pas de l’envie, mais du besoin, il est quasi impossible de décider si on a envie ou non. S’empêcher de vomir c’est comme lutter contre le vent en lui hurlant dessus, c’est vain et stérile. Toutefois, je la laisse dire et écoute la suite. Ainsi donc elle est stressée, et sa crise d’angoisse aurait été déclenchée à la simple pensée d’être stressée ? Non, mais sérieusement, je veux bien qu’elle se défende, c’est normal, mais de là à me prendre pour un con, y a quand même un fossé. « On ne se déclenche pas une crise d’angoisse juste par simple stresse, pas plus qu’on ne s’empêche de vomir en décidant qu’on ira pas vomir... » Je croise les bras sur mon torse, un peu vexé par sa façon s’y prendre, et reprends : « Si tu veux me convaincre que tu n’es pas sortie de l’anorexie, il va falloir t’y prendre mieux que ça. » Je marque une légère pause, d’à peine un quart de seconde, et ma voix reprend ses droits. « Tu as déjà tenté un concours d’entrée dans une prestigieuse école de danse ? »

Je n’avais rien d’autre à ajouter, s’il ne me croyait, c’était un peu son problème. Après, n’étais-je pas ici pour défendre mon secret ? « On ne se déclenche pas une crise d’angoisse juste par simple stresse, pas plus qu’on ne s’empêche de vomir en décidant qu’on ira pas vomir... » Je baissais les yeux, en les fermant un instant. Donc il ne me croyait pas. Je secouais légèrement la tête. « Qu’est-ce que t’en sais ? » Soufflais-je presque imperceptiblement entre mes dents, avant de bailler. Bah oui, en plus je suis toujours à moitié éveillée. Je frotte mes yeux et mes joues, tout en continuant de l’écouter parler. « Si tu veux me convaincre que tu n’es pas sortie de l’anorexie, il va falloir t’y prendre mieux que ça. » Je pinçais de nouveau mes lèvres, quittant définitivement du regard, celui de Syssoï. « J’ai pas envie de t’en convaincre ! » Je n’étais pas très loquace en ce moment et pour cause, il avait l’air de s’être fait une idée définie sur mon secret… je lâchais encore une fois un soupire. « Je ne suis pas sortie de l’anorexie… » Finissais-je par lui dire. Je fixais le pied de son fauteuil. À lui, je pouvais parler sans détourner mes yeux. « Tu as déjà tenté un concours d’entrée dans une prestigieuse école de danse ? » Cette fois je levais un peu la tête au plafond. Je secouais la tête de droite à gauche. « Non ».

Elle me répond par la négative, encore et toujours, sans pour autant parvenir à m’offrir son regard. On dit qu’un menteur lève toujours son regard vers la droite. Les yeux d’Oona font le grand huit, mais jamais elle ne fixe les miens. Devrais-je en déduire quelque chose ? « Regarde-moi, Oona ! » Je lui ordonne en douceur, parce qu’avec elle, je suis incapable d’autre chose que de la douceur. « Regarde-moi... Après notre épisode de la salle de bain, je crois qu’on peut dire qu’on est suffisamment proche pour ne pas éprouver de honte l’un vis-à-vis de l’autre, non ? » J’ébauche un sourire complice, parce qu’à mes yeux, elle n’a rien de faible, au contraire, sa force n’a pas de limite. « Regarde-moi dans les yeux, et dis-moi que tu n’as jamais été anorexique. »