Depuis que j'ai répondu à sa question, j'suis plus réellement là, parce qu'en faite j'suis pas sûr d'avoir répondu correctement, j'étais trop occupé à faire le con que j'suis plus sûr d'avoir entendu sa question. Ou plutôt de l'avoir compris, ainsi je grimace légèrement en essayant de me remémorer sa question sauf que je n'y arrive pas. Putain, j'pensais pas avoir bu à ce point durant cette soirée mais faut croire que si. Merde. « Euh ouais, mais qu'est-ce que tu as dit ? EEG ou ECG, parce que ça change tout ? » Ouais bon techniquement le résultat est le même, à peu près du moins sauf que ... Merde mon pion. Boarf, tant pis, j'suis une merde à ce jeu, c'est pas nouveau. J'avance un autre pion pour libérer ma tour, et reporte mon attention sur Syssoï parfaitement concentré sur l'échiquier qui aurait tendance à me filer mal au crâne et c'est pas une option possible, alors je le lâche du regard. J'réponds pas à sa remarque concernant le coma artificiel puisque de toute évidence, ce n'est pas une question, et puis non je n'ai pas eu le crâne ouvert à cause d'une opération.

« J’ai dis EEG, mais tu peux répondre aussi pour l’ECG. » techniquement, c’est un peu pareil, si l’EEG est plat, l’ECG aussi, ça va de pair. Si le coeur ne bat plus, le cerveau n’est plus irrigué. Techniquement, puisqu’une grande part d’une de mes théorie se base sur une activité cérébrale après l’arrêt du coeur. Quelque chose de tellement inexplicable que les médecins -tout du moins, bon nombre d’entre eux- réfutent l’existence même d’une EMI. « Quand je t’ai posé la question, lors de la précédente confrontation, concernant une éventuelle EMI, tu m’as répondu que je me trompais sur toute la ligne... » C’est un fait, et c’est ce qui m’a, justement, fait opter plutôt pour le coma que pour l’expérience de mort imminente. « C’était réglo, ou pas ? » Je demande, hein, j’accuse pas, tout en avançant un nouveau pion.

J'chipote mais finalement ça change rien, j'suis tellement obnubilé par le fait de rester cohérent et de ne pas dire de connerie que je m'attarde sur les détails comme si ma vie en dépendant, alors que finalement ce ne serait pas dramatique si je ne disais pas la vérité. Sauf qu'en face de moi c'est Syssoï et ça me fait chier de lui mentir pour ce putain de secret qui commence plus à me prendre la tête qu'autre chose. « Oui donc en réalité, ça ne change rien, la réponse est toujours la même... » J'ai la gorge sèche, alors j'attrape ma bouteille afin de ne pas mourir déshydraté, et pose mon regard sur le français qui poursuit sur sa lancé, avant de boire une gorgé. « Oui, rien ne t'oblige à me croire mais je t'ai dit la vérité. » Et là, illumination, je subtilise un pion avec ma tour, puis je repose ma bouteille.

Je ne sais plus quoi penser. Avec Connor, c’est souvent le problème. Il prétend ne pas mentir, mais ses réponses différent d’une minute à l’autre, il peut me fournir trois réponses différentes pour une seule et même question. Pourtant j’ai envie de le croire lorsqu’il m’affirme que je me plante sur toute la ligne en cherchant du côté de l’EMI. Malgré tout, il a prétendu presque la même chose concernant le coma... Donc, je suis censé faire quoi avec ça ? Merde, un pion en moins... « Donc, il ne s’agit ni d’un coma, ni d’une EMI, c’est ça ? » J’avance une tour à mon tour. « Parce que je ne suis pas médecin, comme tu as pu le constater, et à un moment, si j’arrive même pas à définir une piste à suivre, du moins laquelle des deux pistes je dois suivre, je risque pas de parvenir à quoique ce soit. J’aimerais bien un indice, si c’est pas trop te demander ? » Hein ? C’est pas trop te demander, pas vrai ?

J'ai l'impression que cette confrontation va me conduire à ma perte d'une façon où d'une autre. Ouais j'en suis presque sûr. C'est bizarre. Il me confirme qu'il ne sait plus dans quelle direction aller, je grimace légèrement. « Tu sais, c'est pas vraiment le but que je t'aide à trouver mon secret, j'suis supposé le cacher le garder le plus longtemps possible, au contraire. Et j'peux pas non plus répondre à toutes tes questions, parfois j'suis obligé de mentir parce que j'ai pas le choix. Toute ce que je peux dire c'est que tu l'as déjà évoqué. » J'suis pas trop dégueulasse, parce que j'pourrais encore jouer la carte de l'indifférence, du type à fond sur son secret qui ne craint rien ni personne et surtout pas Syssoï sauf que ce n'est pas la vérité. J'bouge ma reine, j'suis un fou, ça ne rigole plus. Et puis je m'installe correctement, observant mon ami d'un oeil inquiet. Ouais, fini de jouer, j'ai les foie, il doit être ravi j'suppose.

C’est ça qui me lourde dans ce jeu, c’est l’absence totale ou partielle de sincérité. Je sais qu’il ne peut pas en être autrement, et Connor n’a pas besoin de me rappeler qu’on est là, avant tout, pour protéger notre secret. Mais entre ceux qui ne lâchent rien, et ceux qui mentent avec aplomb, comment peut-on espérer s’en sortir ? D’habitude j’aime à piéger les gens, mais avec Connor, j’ai quelques scrupules à la faire. Ou bien, je reste sur mes gardes, suspicieux devant chaque affirmation. Encore une chose que je ne sais pas faire avec Connor, tout ce qui sort de sa bouche est prise comme exacte vérité. C’est con, je devrais pas. Et le fait qu’il avoue lui-même avoir recours au mensonge ne me pousse pas plus à me montrer suspicieux. « Tu veux que je sois franc avec toi ? » je lui demande en déplaçant un pion sur la grille. « D’après toutes nos discussions et nos confrontations, d’après tout ce que tu as pu me dire, tout ce que j’ai pu découvrir, tout ce qui tu représentes au sein du nid à mes yeux et au reste… Je pense qu’il s’agit d’une EMI. Parce que je ne t’imagine pas venir dans ce jeu avec pour simple secret « je suis sortis du coma. », mais aussi parce que… parce que ce que tu es aujourd’hui est marqué par quelque chose de tellement profond, pas forcément quelque chose de mystique, mais sûrement une expérience qui défi les préceptes établis par la science. J’imaginais aussi, peut être, un coma-éveillé, durant lequel tu aurais vécu une expérience particulière… mais puisque je n’ai jamais cité cette théorie… » Je pousse un soupir, passe ma main sur mes traits fatigués, puis relève les yeux vers Connor. « Je pensais vraiment à une EMI, mais puisque tu me certifies que ce n’est pas ça, et que je te fais confiance… »

J'écoute attentivement Syssoï occultant totalement le plateau et les pions devant nous. Il semble porter tellement d'espoir en mon secret que cette confrontation est quelque peu déroutante, comme s'il ne s'agissait plus vraiment d'une confrontation par ailleurs. Je fronce les sourcils un instant quelque peu mal à l'aise. « T'as conscience que tu es sans doute entrain d'insinuer que mon secret est pourri ou pas ? » Je souris, oui bon c'est pas vraiment le moment de plaisanter visiblement pas. Ceci dit, j'vois pas tellement ce que j'peux dire de plus sauf que je ne peux m'empêcher d'ouvrir la bouche à nouveau. « Ce que j'veux dire c'est que tu sembles tellement persuadé qu'il s'agit d'une EMI que j'comprends pas pourquoi t'as pas confirmé pour t'en assurer. Au pire, tu te trompes et tu perds 5 000€ tout en sachant que quoi qu'il arrive, on se trouvera une nouvelle fois ici, c'est une sorte d'investissement, de l'argent que tu récupéreras d'une façon où d'une autre... » Ouais finalement j'suis pas sûr que ce soit si terrible, mais il comprend sûrement que j'peux pas lui donner, ou même être trop précis, dans le sens où Cupidon risquerait de ne pas le prendre très bien.

Je lâche un rire, parce que oui, clairement, c’est ce que je viens de sous-entendre, et que ça me fait marrer. J’imagine mal Connor avec pour simple secret «je suis sortis du coma», et quand bien même, je me dis que si ça avait été ça, Cupidon aurait validé mon buzz, parce qu’après tout, j’ai été clair sur le coma, moins sur l’EMI. Connor poursuit, et évidemment il a raison, c’est d’ailleurs pour ça que je jugeais cette confrontation inutile. Il me suffisait de tester mes deux hypothèses en engageant à chaque fois 5000€, mais puisque nous sommes contraint à la confrontation, mon esprit perfectionniste me pousse a valider en étant sûr de moi à 90%... Ce qui ne sera certainement pas le cas au train où vont les choses. « C’est pas l’argent qui m’importe, tu sais. Ce n’est pas ma motivation dans ce genre de situation. Ce que je veux, c’est des réponses, et même si je sais que c’est assez inconvenant et indiscret, même si j’ai conscience de te pousser à bout et d’agir de manière totalement inadaptée... J’y peux rien. » J’hausse les épaules devant mon impuissance. « Et quitte à être ici, autant m’arranger pour apprendre qui tu es, plutôt que de buzzer à l’aveugle. » ça me semble plutôt évident, non ? « Quel effet ça fait, de mourir ? » Ok, le tact, c’est vraiment pas mon truc.

Non mais en plus ça le fait rire, quel insolent ce Syssoï, je vous jure. J'joins mon rire au sien, il est particulièrement communicatif ouais. Je l'écoute et fronce immédiatement les sourcils, des réponses, des réponses, il est drôle lui. Si j'pouvais je le ferais, mai c'est pas si simple. « Je m'en fous des questions délicates et déconvenues, tes questions me dérangent seulement parce que la plupart du temps j'peux pas y répondre... » Et c'est particulièrement chiant, mais je lui en veux pas, il doit poser des questions pour éclaircir ses pistes c'est normal. Seulement moi j'suis coincé. « J'en sais rien du tout, j'étais pas conscient quand on m'a conduit à l'hôpital, et que je me suis réveillé on m'a dit que j'avais fait plusieurs arrêts. J'ai pas vu ma vie défilé devant moi, encore moins une lumière éclatante comme dans les séries télévisé totalement stupide. Que dalle. » J'hausse les épaules, j'suis sûr qu'il va être déçu, moi je le serais à sa place en tout cas.

J’avance encore un pion en l’écoutant... Hum, je comprends. Je ne sais pas comment je réagirais si la situation se trouvait inversée, si j’étais en position d’interrogé, et lui d’interrogateur. Comment je ferais pour protéger mon secret sans avoir à lui mentir ? Comme lui, je ne répondrais pas, ou alors je répondrais totalement à côté. Il me parle de ses arrêts, et prétend ne pas avoir vu sa vie défiler, ni de long tunnel lumière blanche incluse... « T’as vu quoi, alors ? » Je sais que ma question peut paraître stupide à la lumière de ce qu’il vient de dire, mais justement, c’est ce qu’il n’a pas dit qui m'intéresse. Il n’a pas dit qu’il n’avait rien vu, il a simplement dit ce qu’il n’avait pas vu. Peut être que je me plante, mais au-delà même de la confrontation, cette question m'intéresse beaucoup. Je n’ai pas peur de la mort, mais, comme la plus part des gens, je ne peux pas m’empêcher de me demander s’il y a quelque chose après.