ft. anouck

Premier jour dans le château de la production, premier jour d'exploration en définitive. Les lieux sont aussi vastes qu'étroits, l'illusion d'une pseudo liberté entre quatre murs dorées. Les mains dans les poches de mon chino, je m'avance dans le parc de la bâtisse, particulièrement impressionnant, et observe d'un œil avisé les détails autour de moi. J'aperçois au loin le lac et la forêt vers lesquels je suis tenté de m'aventurer, et entame à peine la marche vers le fond du jardin que j'aperçois au loin une silhouette furtive se hisser vers le pont levis, à l'opposé de mon itinéraire. Ni une ni deux, je traverse la pelouse fraichement tondue d'un pas rapide et retourne vers l'entrée du nid d'amour pour accoster la blonde qui s'apprête à y disparaitre. Je la rattrape sans trop forcer sur le rythme et repère une pierre au bord des douves qui pourrait éventuellement me servir d'appui. Je monte aussitôt sur cette dernière et fais irruption dans le champs de vision de la demoiselle, un mètre plus bas, juché sur la pointe de mes pieds et les bras croisés sur le bois du pont. Je lui souris tandis que nos regards se croisent, et lève la tête alors qu'elle se plante devant moi. « Anouck. » Je dis dans un automatisme avant de me mordre la lèvre. C'est peut-être déplacé d'aborder ainsi une supposée inconnue dont on a retenu le prénom la veille. J'en oublie de me présenter, esquissant un maigre sourire. « Tu vas où comme ça? »

Par excès de vanité, j'ai enfilé une magnifique paire de chaussure avant de partir explorer l'extérieur du nid. Des escarpins vernis aux talons certes pas bien hauts, mais tout de même présents. Choix qui s'est rapidement révélé périlleux pour affronter les escaliers du parc du château. Au bout d'à peine une trentaine de minutes, mes pieds me supplient de rebrousser chemin et de les laisser en paix. Ce que je fais, ne rêvant plus que de les laisser profiter d'un repos bien mérité dans de l'eau fraîche. Peut-être est-ce l'occasion idéale d'utiliser l'une de ces grandes baignoires dont la présence avait évoqué chez-moi plusieurs interrogations dans la matinée. Plonger mes orteils à l'intérieur, d'accord, mais entièrement nue sous l'œil des caméras, jamais. Je traverse le pont-levis, essayant de faire bonne figure et de ne pas clopiner lamentablement jusqu'à la porte d'entrée, lorsqu'un visage apparaît sur le bas-côté. Je m'arrête, puis esquisse un sourire à l'adresse de cette présence insolite au niveau des douves du château. « Anouck. » J'arque l'un de mes sourcils, sans dire un mot. « Tu vas où comme ça? » finit-il par me demander. « J'ai entendu dire que les plus vigoureux partis du château s'étaient réunis pour s'affronter dans le but ultime de remporter l'estime des donzelles du royaume. Il faut bien que je fasse acte de présence, non ? » Je l'observe quelques secondes, avant de poursuivre dans un sourire: « Cela dit, je ne suis pas très branchée salle de sport, tu pourrais peut-être me tenir compagnie ... » Je l'invite du regard à compléter ma phrase par son prénom.

Elle est perchée sur une paire de talons plus ou moins vertigineux, ce détail ne m'étonne qu'à peine mais je constate avec une agréable surprise qu'Anouck a des jambes interminables. Je tâche de concentrer mes iris sur son visage plutôt que sur ses cuisses, et arque un sourcil septique à l'entente de sa réponse. Je reste confiant et affiche un air pédant. « Inutile de courir aussi loin, tu as devant toi le plus preux des chevaliers du royaume.. » Prêt à gravir des montagnes pour tes beaux yeux.. ou du moins des douves dans les limites du faisable. Je ne comprends pas la référence à la salle de sport mais fais mine d'hôcher la tête d'un air convaincu tout en glissant de mon piédestal pour venir la rejoindre sur le pont. Elle m'invite à lui tenir compagnie, mais ne semble pas avoir retenu mon prénom comme le sien m'a marqué la nuit dernière. Je me gratte le nez un bref instant du bout de l'index, troublé, et me contente d'ignorer son appel pour venir m'adosser contre un petit banc de pierres habillant probablement le pont à une époque, du temps où celui-ci était encore intact et de service. Je tâche de cacher le malaise qu'à provoqué sa précédente réponse en adoptant une attitude plus décontractée, neutre. « Un prince t'a-t-il tapé dans l’œil où est-ce que j'ai mes chances en t'emportant sur mon cheval blanc? » Je lui demande simplement d'un air détaché, le regard sur les nénuphars des douves.

Il me rejoint sur le pont en un rien de temps, avant de marcher en direction d'un petit banc installé à quelques pas d'où je me trouve en silence, me faisant me mordiller nerveusement la lèvre inférieure. J'ignore si c'est dans sa nature ou si j'ai dit quelque chose de maladroit ou d'inadapté, parfois j'ai tendance à parler sans réfléchir, comme dans un automatisme. Je croise les bras sur ma poitrine, coulant un regard en biais en direction de l'objectif d'une caméra perchée en hauteur. Le nid semble en être bondé, d'après ce que j'ai pu constater en explorant quelques pièces du château dans la matinée. J'ai même cru apercevoir une salle de vidéo-surveillance dont l'accès est totalement ouvert aux candidats. Je me trouve enfermée entre ces murs depuis même pas vingt-quatre heures que mon intimité est déjà mise à dure épreuve. Je parcours les quelques mètres qui nous séparent pour venir me positionner à ses côtés. « Un prince t'a-t-il tapé dans l’œil où est-ce que j'ai mes chances en t'emportant sur mon cheval blanc? » Je tourne mon visage dans sa direction, avant de lui répondre avec un léger sourire, en faisant référence à sa dernière phrase: « J'ai un faible pour les plus preux chevaliers du royaume. » Je remets une mèche de mes cheveux blonds derrière mon oreille, avant de reprendre en regardant mes pieds: « J'ai entendu quelqu'un jaser sur le fait que tu venais de Syrie, quand tu es venu chercher tes affaires dans le dressing... » Je remonte mes iris pour les plonger dans les siens. « C'est pas commun par ici. Tu manies très bien l'anglais. » je poursuis, me donnant l'air de faire la conversation.

Je perçois du mouvement de son côté, mouvement qui m'arrache à ma contemplation. Mes iris viennent se lover contre la silhouette élancée d'Anouck qui s'approche de moi pour venir se poser à mes côtés, sans un mot, ses talons claquant allègrement contre le bois du pont. Sa réponse à ma précédente question dessine un léger sourire sur mes joues que je ne tarde pas à masquer en pinçant les lèvres, les yeux rieurs. Je baisse le regard sur mes chevilles, croisées l'une sur l'autre, et laisse mes bras se nouer contre ma poitrine. On a l'air bête, tous les deux concentrés sur nos pieds. Je ne saurais comment décrire cette gêne contenue qui flotte entre nos épaules presque collées. Je lui laisse le loisir de poursuivre, et la découvre aussi bavarde qu'elle en a l'air au premier abord. Elle mentionne le fait que je vienne de Syrie. Alors elle a notifié ma présence dans le nid. Un profond ravissement déforme mes traits mats. Je réponds sans ciller. « Je constate que les rumeurs vont bon train dans le nid... après seulement trois jours, je me demande pourquoi ça m'étonne. » J'lève les yeux au ciel un bref instant et reprend aussitôt. « Oui, je suis bien Syrien. Je viens de Damas, et je te l'accorde c'est peu commun. » Je me tourne partiellement vers elle, mes pupilles sur ses genoux graciles, et un petit rictus accompagne ma réplique. « Venu d'aussi loin en espérant pouvoir t'enlever sur mon pur-sang arabe... J'espère que le déplacement en vaut la peine. » Je cligne brièvement des paupières en fronçant le nez, taquin. Je préfère parler d'elle plutôt que de m'étaler sur le pourquoi du comment je parle anglais comme un lama péruvien. « Toi aussi tu manies très bien l'anglais. Je note ce caractéristique accent français, fortement prononcé, qui me laisse penser que tu es loin d'être anglophone à l'origine. De quelle contrée débarques-tu? »

Je tourne la tête vers Hamad lorsqu'il reprend la parole, laissant mes yeux se balader le long de ses traits symétriques, partant de ses yeux sombres pour parvenir à son cou. Enfermez une trentaine de jeunes gens entre quatre murs et voilà ce que vous obtiendrez: des rumeurs. Sans oublier nos attitudes particulièrement plus enclins à la condition de fouineur compte tenu de la chasse aux secrets, qui reste tout de même le but de l'émission. Je sens son regard venir se poser sur mes longues jambes dénudées, si bien que je les croise sagement, jouant à basculer doucement mes talons. Dans le pire des cas, si je tombe déséquilibrée sur le côté, je pourrais toujours me rattraper à l'épaule de mon voisin, je suis sûre qu'il n'en prendrait pas ombrage vu sa façon de me détailler. « Venu d'aussi loin en espérant pouvoir t'enlever sur mon persan arabe... J'espère que le déplacement en vaut la peine. » « J'espère être à la hauteur. » je réponds aussitôt un léger sourire aux lèvres, tandis que mes iris retournent en direction de mes chaussures. « Et aussi que ta monture est assez solide pour supporter le poids de mes valises jusqu'au Proche-Orient. » j'ajoute, arquant l'un de mes sourcils d'un air dubitatif. « Actuellement je vis à Paris, mais j'ai grandi en Israël. Cela dit, à ma connaissance, nous n'avons jamais parlé une autre langue que le français chez-moi. La famille de ma mère venait d'Algérie et celle de mon père a quitté la France quelques années après la fin de la Guerre. » dis-je en faisant un vague mouvement de la main, comme si ça n'avait aucune importance, pour répondre à sa question. « Tu permets ? » je le questionne, en m'appuyant sur lui sans plus attendre sa réponse. Je me déchausse et laisse mes escarpins choir sur le pont. « Je voulais être jolie. » je me sens obligée de lui confier piteusement sous son regard, tout en massant délicatement l'un de mes pieds.

« Je pense que tu as tes chances. » Je murmure tout en plantant mon regard dans le sien, l'ayant intercepté alors qu'elle détaillait avec intérêt les traits de mon visage. Est-elle satisfaite de ce que ses yeux découvrent aujourd'hui. Je n'ose affronter son jugement, aussi je me contente de sourire à sa plaisanterie tout en rejetant la tête en arrière, faisant mine de réfléchir. Les paupières closent et le visage baignant dans le soleil, je lui réponds d'un air pensif. « Je ne pense pas qu'on ait besoin d'aller aussi loin. On est bien ici, non? » J'lui demande ainsi tout en glissant mes mains dans mon dos pour venir m'appuyer contre celles-ci, me reculant ainsi sur le banc de pierre pour mieux l'observer. J'explore ses traits droits et fins d'un œil brillant, surpris par une beauté si atypique mais aussi embarrassé face à celle-ci. Mes yeux sur ses lèvres frémissantes boivent ses paroles, elle me raconte son histoire et je l'écoute avec attention tout en hochant la tête sur certains détails qui marquent mon attention. « Ma mère est israélienne. Ça nous fait un point commun. » J'enchaine aussitôt qu'elle a terminé, prêt à poursuivre cette intéressante conversation avant que la demoiselle ne prenne appui contre mon épaule soudainement. J'affiche une mine interloquée tandis qu'elle retire ses chaussures, mes iris suivent les courbes de ses mollets naturellement galbés avant de se poser sur ses escarpins qui gisent désormais sur le sol du pont. Elle masse son pied entre ses doigts pâles, et m'annonce que tout ses artifices étaient mis en œuvre dans le simple objectif d'être jolie. Attendri, un nouveau rictus plus doux que les autres vient déformer ma bouche pleine, je me penche sur mes genoux afin de pouvoir la regarder dans les yeux tandis qu'elle s'affaire à soulager ses douleurs. « Tou es trop belle. » Je lui dis alors dans un français approximatif avant d'éclater de rire. J'essaye de poursuivre et me force à réfléchir afin de ne pas sortir d'énormités. « C'est tut ce qué je sais parler avec le français. » Je bredouille en baissant les yeux vers mes mains, me mordant la joue pour ne pas rire. Je préfère reprendre dans ma langue d'adoption, l'anglais, pour m'expliquer. « J'ai toujours voulu vivre en France alors j'essaye d'apprendre la langue avant de m'y installer. C'est tout ce que j'ai retenu des cours de français d'une femme qui vit déjà là-bas. Elle serait furieuse si elle voyait que j'utilise ses conseils pour draguer des princesses. » J'espère qu'Anouck ne se moquera pas de mon accent pitoyable.

« Je ne serais pas contre une petite touche de soleil en plus. » dis-je en plissant légèrement le nez. Le climat irlandais est loin d'être populaire pour sa chaleur, mais ça reste toutefois vivable. Même agréable dans des journées telles que celle-ci, où le temps se montre clément. « Tou es trop belle. » prononce-t-il en français, avec un accent à couper au couteau. Cela dit, c'est loin d'être ridicule, même plutôt craquant en vérité. Et compte tenu du taux de difficulté pour apprendre cette langue avec toutes les règles de grammaire et conjugaison qui existent, je trouve qu'il se débrouille plutôt bien. Je ris doucement, les joues tout de même légèrement colorées face au compliment. Je me surprends même à glisser ma main au niveau de la frontière entre son cou et sa mâchoire pendant un court instant, pour lui témoigner ma gratitude. Je suis une fille plus ou moins tactile. Parfois, j'ai cette fâcheuse manie de toucher mes interlocuteurs lorsque je leur adresse la parole, ce qui peut être relativement déconcertant, mais avec le jeune homme, ça me parait presque naturel. « Tu as vraiment tout du prince charmant, en fait. » je murmure en adoptant un air rêveur, avant qu'il ne tente une nouvelle tentative dans ma langue maternelle, ce qui provoque un nouvel éclat de rire de ma part. J'arque un sourcil avec un léger sourire taquin lorsqu'il mentionne une femme, une fois s'être remit à parler en anglais, mais je ne m'attarde pas sur ce détail. Je comprends parfaitement son désir de venir s'installer en France, puisque j'ai moi-même toujours voué une certaine fascination pour ce pays. « Sauf que n'étant pas n'importe quelle grognasse enfermée dans un donjon, je pense que l'utilisation de cet enseignement est parfaitement justifié. » dis-je, avant de cligner des paupières façon jouvencelle bien sous tout rapport.