Anabel ~ La Forêt [Le 16/05 vers 16h]

Remarque, j’aime plus l’extérieur que l’intérieur. Pour aider le futur plouc qui s’occupera de mes statistiques, il trouvera sans faire un réel effort que je passe plus de temps dans les « grandes plaines » que sur le canapé qu’une Miss vient de réquisitionner pour le reste de la journée. Mon instinct primitif ? Peut être, mais on s’en fout carrément de ce que ça peut apporter, si je reste dehors ou pas, car mon absence, personne ne la note, même pour les candidats qui ne cessent de parler derrière mon dos, ne se souciant même pas de vérifier si je suis réellement là ou pas. Pour eux, la présence de la victime ne se considère plus comme étant un obstacle à leurs commérages vilipendés. Personnellement, je ne m’y intéresse vraiment pas, tout aussi bien que ces nombreux candidats qui essayent de m’approcher, alors que je les repousse sagement avec une parfaite délicatesse. Mauvaise stratégie ? Peut être, mais je tiens à préciser que mon espace vital n’accepte pas quiconque qui ose le pénétrer. Le filtrage, c’est une règle d’or chez moi. Voir le bouffon allemand de la soirée près de moi serrait un tableau très rare à peindre ou à imaginer. Tout ça pour vous dire que si vous ne m’intéressez pas, bah vous n’avez franchement aucune chance avec moi… Après, pour les filles, ça peut faire des exceptions par ci et par là, et uniquement quand mes pulsions meurtrières s’activent. Dans cette forêt, munie de mon capuchon bleu, je cherche ma proie que j’emboite pendant un bon bout de temps le pas. Pour l’instant, elle ne se rend compte de rien. Je me nourris de sa négligence pour accélérer le pas et la rattraper. Deux centimètres d’écart, pas suffisant pour que mes mains empoignent son avant-bras. Quelques-uns me prendrait pour un fou, pour un malade, pour un parashooté des narines, mais non, ça, c’est mon genre de comportement, et dans cette forêt, mes sens primitifs se voient largement décuplés… Première étape donc, identification. Je l’identifie alors qu’elle essaye de se débattre. Mon poing ne répond pas à ces demandes, justement, je ne cède pas à son caprice, où à son reflexe soudain de vouloir m’échapper. Y’a des caméras là ? Ouais… Bon, je la lâche finalement sinon on me vire. Qu’elle se rassure, je ne veux pas lui faire de mal, je veux juste interagir avec elle, même si je suis maladroit dans mes gestes. Ça n’a pas de significations pour moi, mais pour elle, ça devrait être quelque chose de paranormal je crois… Je ne sais pas vraiment ce qu’elle doit ressentir là, car ce n’est pas facile quand vous ne ressentez absolument rien de ce que les autres peuvent sentir contre vous. C'est lourd, mais faut me comprendre, je suis zéro émotif bordel. J’abandonne l’idée de la laisser fuir, car je veux vraiment lui parler. « Belle journée… » Absurde. Mais comment faire ? Pourra-elle comprendre que je cherche tout simplement à lui parler ? Faut la convaincre alors… Mais je ne sais pas le faire bordel de merde. « On marche ? » Pas mal, mais la prochaine fois, le coups de l’avant bras ne marchera plus car si elle tente de s’enfuir, je ne pourrais plus la retenir, et j’aurais franchement échoué… L’échec, je trouve ça dégradant.

Je suis loin, assez loin du château pour que personne ne puisse m’entendre si jamais l’envie de chanter à tue-tête passe par-là. Ou si, pour une raison quelconque, je ressente le besoin de crier. Ce qui n’arrivera pas, j’en suis persuadée. La forêt est calme, silencieuse, reposante. Avoir un moment à l’écart de tout ce tumulte qui règne en permanence dans le château, c’était tout ce que je demandais. Et je l’ai obtenu. Depuis un moment déjà que je me balade sans trop savoir où je m’en vais, mais cette étrange liberté ne m’est pas désagréable. J’aime explorer des lieux qui me sont inconnus, avancer sans savoir où mes pas me guideront. Je me sens sereine, détendue, et je ne doute pas une seule seconde que derrière moi, une ombre me poursuit. Se rapproche. À peine ai-je le temps d’entendre le craquement d’une branche derrière moi que je sens qu’on m’agrippe, qu’on me retient. Premier réflexe : me débattre. Quoi de plus naturels, dans des circonstances pareils. Je panique, j’ignore ce qui se passe, mais je n’aime pas ça. Pas du tout. Mon agresseur me force à me retourner vers lui, et l’homme qui me fait face m’inquiète de par son comportement. « Lâches-moi! » lui balançais-je à la figure, mais il semble loin d’être convaincu par ma requête. On dirait même qu’il resserre son emprise sur moi. Je me débats à nouveau. Je ne suis pas assez forte pour venir à bout de lui. Je n’y arriverais pas. Et quand il me relâche, au bout de quelques minutes, je ne songe même pas à m’enfuir. C’est idiot. Mais je sens que c’est inutile, que la bataille est vaine. Je le scrute du regard, inquiète, effrayée, prête à faire le moindre pas vers l’arrière s’il tente à nouveau un mouvement vers moi. Je reste sur mes gardes. Il me décontenance par ses propos. « Belle journée… » De l’incompréhension se lit sur mon visage. Comment peut-on changer aussi radicalement de comportement en quelques secondes à peine. Il est imprévisible. Son visage reste de marbre. Impossible d'y lire ses futurs intentions. « On marche? » me propose-t-il ensuite. Je trouve ça presque ridicule. Mais ai-je vraiment le choix? Je n’ai pas confiance en lui, clairement. Il n’a rien fait pour la mériter, entendons-nous. « Si tu veux… » m’entendis-je quand même lui répondre, à reculons. J’ai le jugement bien affirmatif dans son cas, mais une parcelle de moi cherche à comprendre, cherche à savoir ce qui a traversé l’esprit de ce sombre être, qui l’est à bien des égards au premier coup d’œil. Je pourrais lui poser les questions, mais je n’ose pas. Difficile de prévoir sa réaction, et je crains qu’à nouveau, il s’en prenne à moi. Je me contente donc de garder le silence, reprenant ma marche quand il décide d’en faire de même. Cette situation est d’un inconfort insoutenable. Je frises le crise de panique. Respire, Anabel, respire, et garde ton calme.

Le contexte ne me plait pas mais je suis obligé de poursuivre ma lancée carrément absurde. Maintenant que j’ai commencé la discussion, il faudra que je gère. Je ne sais pas communiquer et ça me gêne, ça me bloque devant quelque chose qui semble être plus fort que moi ; c'est-à-dire aborder autrui. Elle accepte mon invitation de marcher, mais tout d’un coup, je n’ai plus envie de marcher, je trouve que ce n'est pas conforme à ce que j’ai en tête. Ce que j’ai en tête ? Absolument rien, des idées par-ci et par là, j’improvise et c’est à ce niveau ou je vois que je me suis impliqué honnêtement dans un merdier pas possible. Cette fille éprouve de la peur. Je lui fais peur. Elle respire frénétiquement et je constate que je la mets mal à l’aise. Faut aussi la comprendre la pauvre, je lui ai carrément bousillé ses sens de perceptions. Pourquoi elle a peur déjà ? Et c’est quoi la peur ? C’est cette fille, cette victime N°5 qui ne respire pas bien et ne réagit plus ? Franchement, ce n’est pas si impressionnant que ça, ce sentiment qu’on nomme la peur. Moi, je vais lui demander d’arrêter de marcher, car ça n’a pas de sens, je vais lui demander de rester là et changer notre programme. En tout cas, pour moi, tous se valaient et que ma situation actuelle, dans cette forêt avec elle ne me déplaisait pas du tout. Je m’arrête de marcher. « Je n'ai plus envie de marcher » Je suis franchement maladroit. Je cherche maintenant des mots à dire. J’ai déjà deux phrases prêtes à être envoyées vers elle, mais ça ne me convient pas intérieurement, donc j’essaye de peaufiner. Je vais essayer de la rassurer alors. « Tu es la seule avec qui je veux parler ici » Ici = le jeu. Ce jeu de merde ou personne ne m’intéresse, hormis elle. Pourquoi ? Je crois que j'ai jeté mon dévolu sur elle et qu'elle devra me taper pendant un petit bout de temps. Privilège que je lui donne. Pour elle, c’est rien, mais pour moi, c’est très important. Cette même importance n’aura plus d’importance lorsqu’elle répondra à ça. « On parle ? » Dans mon langage bizarroïde, ça veut dire que j’ai envie de parler. C’est clair, net et précis. D’habitude, les gens parlent normalement, mais dans mon cas, je demande la permission avant. Je suis anormal je sais, je ne suis pas humain et je crois qu’elle se fait déjà une idée sur moi. Je vois une branche par terre d'un mètre de long, j’ai envie de la lui mettre au cul soudainement, ça n’a aucun sens je sais mais je m’imagine beaucoup de choses, même trop et me dit à cet instant que cette branche n'est pas si inutile que ça. Qui me dit que ce n'est pas la production qui l'a placé, juste là pour que je la mette dans un endroit censé être ''impénétrable" ? Je pense beaucoup, intérieurement, sans les dire. C’est pratique je sais. Une autosatisfaction personnelle ? M’ouais…

La forêt silencieuse qu’était mon refuge a peiné quelques minutes auparavant, mais semble soudain bien moins accueillante qu’elle ne l’avait été. Le mutisme des lieux de l’homme à mes côtés amplifie ce sentiment de lourdeur. L’inconfort m’habite, mais je tente de conserver mon sang-froid. Ma respiration se fait tantôt plus lente, tantôt plus rapide, s’acclimatant aux pensées qui peuvent traverser mon esprit. Un moment la panique. Un autre, et c’est le calme plat. Je ne sais pas comment me comporter. J’ai si peu d’informations à disposition qu’il m’est impossible de prendre une décision éclairée, avisée. Je marche sans réfléchir, par automatisme. Lorsqu’il s’arrête, je dois faire un terrible effort pour ne pas le percuter de plein fouet. « Je n’ai plus envie de marcher. » De toute évidence. Il n’en a pas terminé avec moi, je le sens dans son regard – lequel je tente de soutenir, mais sans y parvenir. Ils sont sombres, deux trous noirs, des gouffres sans fond dans lesquels je ne désire pas être plongé. « Tu es la seule avec qui je veux parler ici. » m’avoue-t-il. Je ne suis point rassurée, mais je tente de ne pas le démontrer. Je doute encore de savoir s’il s’agit là d’une bonne… ou d’une mauvaise chose. Mon instinct me dicte clairement de me fier à ma seconde impression, et de prendre la poudre d’escampette, de fuir. Mais je reste là, patoise, à lui faire face. Je ne comprends pas cette… obsession pour ma si petite et frêle personne. Ça n’a aucun sens à mes yeux. Je suis loin d’être la plus belle, la plus futée, je suis même assez insignifiante quand on y pense. C’est absurde, et ça ne me rassure guère. « On parle ? » Étrange demande que celle-ci. N’est-ce pas précisément ce que nous sommes en train de faire? Même si mon apport à la conversation est plutôt limité. Très limité, même. « Euh… oui, pourquoi pas. » consentis-je tout de même, passant nerveuse une main dans mes cheveux, qui s’attarda finalement dans mon cou que je grattais nerveusement. « Je… peux te poser une question? » Je demande, par politesse, mais ayant enfin réussi à me délier la langue, je doute être capable de patienter jusqu’à ce qu’il daigne me répondre. « Pourquoi moi? Je veux dire… hm… c’est qu’il y a une quinzaine d’autres filles bien plus intéressante... » Son regard est étrange, et son intention semble fixée ailleurs. Je ne veux même pas avoir à quoi il pense, j’ai l’impression qu’il veut mieux que je ne sache pas, de toute façon.

DÉSOLÉ DE LA MÉDIOCRITÉ DE CETTE RÉPONSE .

Pour l'instant, elle fait part d’obéissance, ça me facilite la tâche oui et ça m'évite le chapitre deux, un chapitre que je préfère de loin sauter, à dire celui de : 'je ne vais pas te violer rassure toi'', mais ça serait provisoire je crois, car l'évolution de mon état dérangé dépendra essentiellement de l'avancement du sien. A présent, je juge qu'on est lié et que c'est celle avec qui je vais le plus parler, j'ai malheureusement le pressentiment qu'on va devoir se revoir, et ceci progressivement dans cette aventure minable. D'habitude, je ne parle pas assez avec mes victimes, ou presque jamais, mais ce contexte est différent, cette personne est différente et cette situation dans laquelle je baigne est largement différente et n'aura point d'imitateur. Mes précédents 'liens' étaient merdiques, celui là serait à un degré meilleur et plus profond,mais ne signifiera rien pour moi. Je le rappelle, ce n'est pas moi qui en a voulu ainsi, mais le destin. Si c'était de mon plein gré, je l'aurais sauté rapidement au sens figuré et j'aurais tourné la page, mais avec elle, combiné au destin,ça fait quelque chose d'étrange et inexplicable. Sans vous dire que je serais dans l'incapacité de lui faire du mal... Moi qui voulait lui enfoncer la tête contre un tronc par simple amusement, sa naïveté et son innocence m'empêche d'agir de la sorte et fait reculer l’échéance de mes noirs dessins au fur et à mesure que je lui parle, j'emmerde intérieurement cette aura de petite brebis en detresse que je commence à ressentir en elle et je veux rapidement en finir. Elle ne se pose pas beaucoup de questions, peut être une seule, mais le fait qu'elle soit indulgente face à mon handicap social soit plutôt un bon point. Sa question, je la trouve logique. Pourquoi elle ? Je sais pas. Franchement, j'ai envie de lui pondre quelque chose pour la rassurer, mais j'ai aucun argument. Je n'ai pas été préparé à ça, je n'ai jamais été entraîné à ça, à devoir m'expliquer. D'habitude, il n'y'a pas d'explication à ce que je fais,je m’exécute tout simplement et personne ne se pose de question. Là, me faut une réponse, une réponse que je ne tarde pas à lui divulguer. « Je n'ai pas d'explications.On ne connait jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on l'ignore. J'ai cessé de t'ignorer et c'est comme ça. » Cherche pas loin ma jolie. Je suis peut être un malade des sentiments, un être froid et distant, mais si je fais quelque chose d’insensé, c'est que parfois, ça a vraiment un sens, ou pas. Dans ce cas, j'ignore même si ça a un sens ou pas... Paradoxe de l'affaire. Je me contente de penser que ce que je suis en ce moment n'est autre que le fruit de mon destin, et du sien, et que ce dernier me guidera vers ce que je suis pleinement entrain d'accomplir. « D'autres questions ? » Je lui donne la possibilité de lever un quelconque doute, même si parfois, mes réponses quoique très rares apportent bien plus de questions que de réponses...

Je me surprends d’être aussi calme au vu des circonstances. Ma respiration s’est ralenti, la moiteur de mes mains semble se dissiper peu à peu, et mon corps se libère lentement des tensions qui l’habitait, se décontracte. Pour autant, je reste tout de même sur mes gardes. Je sens mon cœur qui bat toujours aussi vite sous ma carcasse humaine, un brin filet de sueur froide se fraye un chemin tout au long de mon échine. Je semble être en plein contrôle alors que cette situation me glisse clairement entre les doigts. Elle est imprévisible en partie que lui-même l’est. Difficile de savoir où cette conversation, cette rencontre s’en va. Peut-être est-il préférable que je l’ignore. Peut-être faut-il mieux pour moi de ne pas chercher à le découvrir. Mais la simple perspective de laisser cet homme être maître de cette destinée m’effraie. Il me faut cesser d’y penser. Garder mon sang-froid et ne pas paniquer me semble être mes seules options. « Je n’ai pas d’explications. On ne connait jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu’on l’ignore. J’ai cessé de t’ignorer et c’est comme ça. » De l’incompréhension, de l’incertitude, du doute. Mon front se plisse sous l’effort de concentration que je mets pour tenter de décrypter ses propos. Tout ça est bien vague et je n’en tire pas grand-chose, au final. Comment quoi à chaque question inutile, on reçoit une réponse digne de celle-ci. Je ne suis pas plus avancé que je l’étais quelques instants plus tôt face à cet être, et je me demande si je le serais un jour. J’en doute. « D’autres questions? » Si j’avais d’autres questions? Des dizaines, des centaines même. Chaque nouvelle réplique de sa part, plutôt que de satisfaire ma curiosité, la décuplait. Les interrogations se bousculaient dans ma tête et j’arrive mal à faire le tri. Mais je me voyais mal me lancer dans une série d’énoncés sans queue ni tête, de l’ensevelir de questions. Et tout compte fait, je ne crois pas qu’il aurait apprécié. Semble-t-il même que le simple fait de m’adresser la parole relevait du miracle. Il ne fallait pas que je me fasse trop d’attente. « Qui es-tu? » fut ma seule demande. J’allais me contenter de faire simple. Pour l’instant, ça suffirait. Il semblait si peu apte à en dévoiler sur sa personne que je n’allais pas m’embarquer dans du complexe, dans des questions profondes et existentielles. Il risquait juste de m’embrouiller d’avantages.

Le suicidé renonce. Le condamné à mort se révolte. Mon cas est simple. Parmi ses deux là, je suis le plus pire alors que je voulais être le moins contraignant. Je suis un condamné un mort, je suis entrain de me révolter alors que mes semblables ont accepté ce statut de Doll, contre une raison de vivre idiote et un destin éphémère. Un condamné à mort... ça se voit clairement à ma façon de lutter pour parler, communiquer ou m'investir avec des êtres qui ne méritent même pas cette pseudo-importance administrée par l'aura de cet émission, alors que dieu, ou l'Homme et sa cruauté excusez moi m'a dépourvu de ce don de devoir interagir avec autrui, coupant le cordon ombilicale qui me relie aux autres, effaçant de mon être le seul logiciel qui pourrait m'aider à comprendre les autres... Je suis un homme, un homme qui n’appartient pas à la même catégorie, peut être même pas au même monde, un homme qui n'entre pas dans le rang d'une certaine normalité, un condamné à mort, sans circonstances atténuantes dépourvu de pitié, par ce qu'il ne montre pas d'émotions. Faut accepter messieurs ce qu'on est, et ce que je suis ne changera jamais, donc pour lui répondre à sa question, je devrais lui expliquer un tas de choses complexes qui à ce stade, ne comprendra jamais, et pas que peu car je ne mérite pas vraiment de me voir décrire avec deux mots ou trois. « Une épave. On me considère comme une épave. » Pour moi, je ne suis pas une épave, je suis un homme pauvre et nu, amoureux du soleil et de la lune, de la fleur et des papillons... Loin que je sois privé de toute sensibilité, je garde une passion profonde pour le sexe, parce que tenace, elle m'anime, sans pour autant la sentir... Ma passion de l'absolu n'est pas suffisante pour que je vive... J'ai besoin d'aimer, de sentir, de pleurer, de rire, de sourire... Il s'agit là d'une vérité encore plus négative, la vérité d'être une merde, un raté,un bon à rien qui, avec le physique que le bon dieu m'a taillé, ne fout rien, à part baiser,ou décapiter des membres, ou briser des couples, ou détruire des gens... Cette... Anabel, je ne me vois plus lui faire du mal, du moins pour l'instant, vu que ce que je viens de découvrir ne me permet pas de franchir un cap supérieur, et aussi rapidement que cela aurait pu être, je me rend compte que je suis inapte à remplir cette mission, celle de devoir lui faire du mal. Avec les autres, je pourrais être capable du pire, elle, un peu moins. Une quête, sans laquelle nulle intérêt pour moi ne se verrait porter vers sa personne... « Je suis personne et tout le monde. Mais on m’appelle Ezéquiel, enfant du Ghana et envoyé de dieu » La première réponse était plus énigmatique, celle là est plus réaliste, mais sous cette deuxième affirmation se cache une vérité bien plus troublante que la première... Je laisse toujours derrière chaque porte, une autre porte ouverte... C'est moi, c'est moi...

Plus j’y pense, et plus je considère que cette question n’était peut-être pas la bonne à poser. Car l’interprétation que l’on peut en faire diverge d’une personne à l’autre. Et comme l’être qui me fait fasse me semble différent – à bien des égards – du lot commun d’être qui chemine dans mon entourage, je ne plus vraiment à quoi m’attendre. Il semble si peu disposé à m’en apprendre sur sa personne que je redoute même un instant d’avoir poussé l’audace un peu trop loin. Ou qu’encore une fois, ses propos éveillent en moi des questions auquel, je le sais bien, je n’aurais probablement aucune réponse. Est-ce légitime que je m’interroge ainsi à ce sujet? Sûrement pas. Mais il ouvre des portes qu’il n’est même pas à même de refermer. « Une épave. On me considère comme une épave. » Je considère un instant ses propos. Il est une épave. Que s’est-il passé dans sa vie pour qu’il en vienne à se voir de la sorte. Comme un débris, un déchet… une loque même. Se décrire de la sorte n’a rien de valorisant. Rien du tout. Son passé semble receler de sombre mystère, des souvenirs aussi sombres que lui-même. Je voudrais tant savoir, tant découvrir ce qui se cache sous ce visage sans émotion, sous ce cœur qui ne bat visiblement que pour permettre à l’homme de survivre. Et survivre, dans ces termes, n’est qu’un euphémisme. C’est pire que ça, plus loin encore. « Je suis personne et tout le monde. Mais on m’appelle Ezéquiel, enfant du Ghana et envoyé de dieu. » Je suis consternée par ce que j’apprends. Non, je ne m’offusque pas qu’il se dise envoyer de Dieu, comment pourrais-je être surprise de tel propos venant de lui. Ça lui ressemble trop. Mais maintenant que j’ai bel et bien obtenu une information qui peut enfin m’être utile, une autre éveille un sentiment de tristesse, de pitié à son égard. Même si clairement, il n’a pas besoin de ça. Mais que sais-je vraiment de lui, en fait, pour en déduire une telle chose. Rien, rien du tout. Et c’est bien là tout le problème. Complexe est le mot qui me vient en tête quand je songe à lui, troublant s’ajoute bien vite à la liste. Illuminé, aussi, car celui qui veut prétendre être un envoyé de Dieu ne doit pas avoir toute sa tête. Ou, au contraire, être plus intelligent que l’on ne le croit. « Ezéquiel… celui que Dieu rend fort. » Son nom semble être prédestiné, si tel est vrai qu’il soit vraiment celui qu’il prétend. Personnage biblique, Ezéquiel était l’un des grands prophètes en terre d’Israël. Ce peut-il qu’il tienne son prénom, son histoire, de ce simple personnage de l’histoire. Je ne sais pas. Je ne le saurai probablement jamais. Resserrant les bras autour de mon corps, je lui jette un rapide coup d’œil. « Je peux partir, maintenant? » Je ne sens que nous n’avions plus grand-chose à nous dire. Et ce sentiment profond de malaise qui m’habite depuis qu’il est là commence à mettre insoutenable. Je dois m’en aller, mais me laissera-t-il agir à ma guise?

Elle m’a demandé de me présenter, je me suis présenté. A ma manière oui, mais que veut-elle de plus, c’est moi ça, ça fait partie de mon mode de fonctionnement. Je suis malade, déchiré et j’ai envie d’accrocher à mon dos une pancarte ‘’help me’’. Mais qui de ces abrutis m’aidera ? Peut être elle ? Faut voir. Je la poignarde du regard. Elle est franchement belle, sans qu’elle ait sur moi un quelconque effet moral. C’est de la pure attirance physique, rien d’autre. Ça reste plat au fond de ma boite crânienne, rien ne vibre, si ce n’est une banane noir et quelques frémissements singuliers par-ci et par-là. Je vais devenir fou à continuer à la contempler de cette manière, elle me prendra en plus de ça pour un pervers, et elle ajoutera cette caractéristique impie à sa liste de découverte, chose qui représentera en quelque sorte ‘la soi-disante cerise sur le gâteau.’ J’imagine déjà sa liste, pas très blanche avec comme entête de phrase le mot malade. Puis le mot dingue. Psychopathe. Dangereux. Animal. Y’a-t-il des chances pour que je trouve le mot doux ? Ou le mot intentionné ? Je crois pas non… Ce n’est pas vraiment ce que je laisse échapper avec mon aura de meurtrier endimanché. Elle se prononce avec sa voix de pigeon dont je trace les fréquences pour l’enregistrer définitivement dans mon subconscient, comme ça, plus besoin d'être là pour l'entendre, il suffira d’un simple son pour la reconnaître. Je suis clairaudient ouais. Ça m’aidera dans ma future chasse, j’en suis conscient. Les mots qu’elle me jette à la figure n’ont pas de réels sens pour moi, je les oublie donc. Et si seulement je pouvais l’oublier complètement elle aussi. Mais je peux pas. Elle occupe à présent 15Mo de mon disque dur. Le reste, c’est des espaces non-utilisés. Y’a le vide intérieur, le vide cybernétique chez moi. Elle demande si elle peut partir, ou s’échapper c’est la même chose. Je ne réponds pas. Je me tourne et je disparais. Une disparition éclaire, à l’image de mon apparition surprise. La prochaine fois, je la loupe pas, c’est clair…

sujet terminé pour Ezéquiel.

Je lui demande si je peux partir, une façon détournée de le fuir, de m’échapper, de m’en aller loin de lui et de retourner à la civilisation. Car je ne me sens pas en sécurité ici, avec lui, en plein cœur de cette forêt qui ne m’est pas familière. Il ne répond rien, se contente du silence pour finalement se détourner et disparaître aussi rapidement qu’il est apparu, quelques minutes auparavant. Mon regard se rive dans la direction qu’il a prise, mais au bout d’un moment, il m’est impossible de continuer à suivre sa route. De forts tremblements parcours mon corps en entier quand je me permets enfin de me décontracter, de laisser sortir tout ce que je tentais de retenir à l’intérieur de mon être, tout ce que voulais masquer à sa personne. Ma respiration redevient saccadée l’espace de quelques secondes, le temps que je réalise enfin que je suis libre de retourner vaquer à mes occupations. Mais je dois me calmer, avant. Arrivez dans un tel état au château, et on s’inquiètera automatiquement de ce qui m’arrive. Je ne veux pas être le centre d’attention. Personne n’a besoin de savoir ce qui s’est déroulé ici. Rien de particulier, à première vue. Mais à mes yeux, ça signifie plus… bien plus.

sujet terminé.