Tweedy ~ La Chapelle - 17h23

Demain sera peut être le dernier jour de mon aventure, ici, dans ce foutu nid de Cupidon. Je risque de péter demain sous le choix du public qui nous regarde ; j’ai toute la maison derrière le dos, je suis même devenu la personne la plus détestable, la plus hait par le monde et l’ennemi public n°1, mais tout ce bordel et toutes cette marmelade de nouvelles merdes ne me fait pratiquement rien. Je vogue dans le nid comme si j’étais l’homme d’il y’a deux semaines, l’homme qu’on se contentait de voir et de craindre. Maintenant, cette sensation que ressent les autres vient d’être décuplé, et l’attention que me porte les autres a maintenant bondit à un niveau pas possible. Tous mes faits et gestes sont contrôlés, et selon eux, ce n’est pas pour rien. Pour moi, il ne font que perdre leur temps, je n’en vaux vraiment pas la peine les gars, donc vos commentaires que je reçois par le bias de mon oreille sourde ne me font aucunement l’effet que vous voulez. Demain est donc le jour ou tout se décidera pour moi. J’ai longtemps vécu avec cette idée, Les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis. Qu'y a-t-il donc de si changé à ma situation ? Je ne vois aucun changement, j’ai toujours vécu avec cette même idée dans la tête, et ce n’est pas prêt de changer. Actuellement, il me reste 12 heures avant mon éventuelle fin. J’ai tout préparé et j’ai tout planifié à l’avance. Ce n’est pas une nomination qui me chamboulera, il en faut bien plus pour m’arrêter. Je décide de chercher une personne bien particulière. Je rase tout le nid, chambre par chambre à la recherche de la personne, la seule que j’ai envie de lui remettre quelque chose. Je finis par la retrouver à la Chapelle. Assise sur un banc, elle n’a pas décelé ma présence. Je m’approche donc, prenant le soin de m’asseoir derrière elle. Je me penche vers elle, à une moyenne distance de son oreille. « Je veux parler. » Si je veux parler, c’est que j’ai finalement décidé qu’il serait plus apte à lui expliquer des choses. Pourquoi-elle ? Tout simplement parce que c’est la seule qui m’a affirmé bien avant, que son opinion ne changera jamais sur ma personne, quel que soit mes actes, justifiés ou non. Dans ce cas, elle sont justifiés, mais à quoi bon de le lui faire savoir. « Sache que tout a été décidé à l’avance. » Mes paroles mystérieuses ne font que lui engrainé d’autres questions. Je ne vais pas chercher à expliquer mes faits et gestes, car je ne trouve pas que ça été de la violence, ni une quelconque autre forme de cruauté. Si j’ai agi de la sorte, c’est que j’avais mes raisons, et mes raisons, je les garderais pour moi, pour moi tout seul car à quoi bon de devoir m’expliquer devant une populace qui ne comprendra jamais, et qui s’obstinera toujours à voir en mes actes des délires de folies que seul moi en possède le secret, et la clé. Elle n'a vraiment rien à craindre sur ma santé, ni sur mon cas. Elle sait déjà que je suis l’esclave de mon destin, voilà un autre argument pour m’adresser à elle, plus exactement.

Pourquoi se rendre dans cette chapelle ? Pourquoi cet après-midi ? Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi cette semaine ? Que pouvait bien vouloir y faire Tweedy, au juste ? Sachez que la jeune femme, elle même, n'en savait trop rien. Elle s'était rendue dans la chapelle avec l'impression de devoir s'y assoir, sans doute pour y méditer, peut être aussi pour y prier. Elle ne savait pas. Non, vraiment, tout était très flou. Quoi qu'il en soit, la jeune femme s'était laissée guider par son esprit, et avait donc pénétré dans l'enceinte de la chapelle, puis s'était tranquillement assise sur l'un des bancs qui s'y trouvaient. Dans un silence tout bonnement religieux - sans blague - la jeune femme avait alors posé son regard sur ce qui se trouvait en face d'elle. Ses yeux se voulaient fixés sur cette chose qu'elle distinguait à peine, et pour cause, elle ne la regardait pas vraiment. C'était surtout histoire de poser son regard quelque part pendant qu'elle penserait. Parce que Tweedy comptait penser. Non en fait, elle pensait très probablement déjà, à cet instant précis. Nombreuses étaient d'ailleurs les choses auxquelles elle pensait, si bien que son esprit s'en trouvait quelques peu embrouillé. Mais voilà qu'une présence la fit cesser de penser en un instant. Ezéquiel. Elle ne sut pas immédiatement qu'il était là, puisque le jeune homme s'était assis derrière elle, sans doute histoire de ne pas être immédiatement reconnu. Et puis il s'adressa à elle, la faisant très légèrement sursauter, bien que son calme revint presque immédiatement. Il disait vouloir parler. Ah. C'était curieux. Car habituellement, il n'aimait pas parler. Elle s'en était très vite rendu compte. En fait, elle en avait pris conscience dès la première semaine de jeu. Chaque fois qu'elle s'était adressée au jeune homme, ce dernier s'était montré froid. Jamais ce ne fut lui qui engagea la conversation, du moins si ses souvenirs étaient exacts. Et donc, c'était plutôt surprenant qu'il veuille parler ce soir. Mais soit, ça allait pouvoir se faire. « Alors parlons » fit-elle doucement, d'une voix tout aussi délicate qu'à son habitude. N'importe qui aurait probablement fui à l'entente même des paroles du jeune homme, mais pas Tweedy. Non, elle ne voulait pas le fuir. Et l'idée de savoir qu'il risquait de parler demain la dérangeait fortement, sachez-le. Oh, autre chose : elle assumait parfaitement le fait de ne pas entièrement le blâmer pour ses fautes. Oui. Les nouvelles paroles d'Ezéquiel semèrent le doute dans son esprit. Que voulait-il dire par là ? C'est ce qu'elle tâcherait de savoir. « A l'avance ? Je ne comprends pas » reprit-elle alors, toujours doucement. Okay, s'il le voulait, il pourrait très bien utiliser sa ceinture pour l'étranger alors qu'elle lui tournait le dos. Mais il ne le ferait pas. Et vous savez pourquoi ? Non ? Et bien Tweedy non plus. Elle le savait, c'est tout.

Parfois, la vérité est bien difficile à reconnaitre, et reste bien caché sous les décombres, avant de ne ressortir à un instant I. Cet instant I n’adviendra jamais, pour mon intérêt et pour celui de tous ces candidats qui ignorent ce que le destin peut engendrer. La vérité ne doit pas être connu, ni révélée, c’est comme ça que marche les choses. Je viens d’énoncer mon envie de parler, dans cette chapelle, à une heure si tardive. C’était la seule solution qui s’offrait à moi. Je ne suis pas venu ici pour rien, et partir sans avoir accompli ce en quoi je suis venu sera un échec. Je suis venu pour retrouver mes émotions qu’on m’a volé, quelque soit le prix à payer. Je suis prêt à tout pour retrouver cette part d’humanité qu’on m’a ôté. Cette Tweedy sera peut être la dernière personne avec qui je parlerais, mais qu’importe. C’est une fatalité, et je respecte le destin. Le destin nous a mit dans une même voie, la mienne est plus sanglante, la sienne sentira la gloire et la victoire. Elle ne comprend pas ma phrase. Normal. C’est flou, complètement flou, et ma manière de l’énoncer ne m’aide pas vraiment. Il faut que je lui explique une dernière chose, avant de partir pour ne plus jamais surgir une nouvelle fois. Une fois que je disparaitrais, ça sera pour de bon, et la vérité disparaitras avec moi, et ne sera jamais révélé. On gardera de moi le mythe d’un tyran sanglant et cruel, et ça m’arrange, tant que ça sert à garder la véritable vérité. « Le sacrifice de soi. Je me moque du crédit qu'on me donne. Seul le résultat compte.» Là encore une fois, c'est flou, ou peut être moins. Seul le résultat compte, et même si ça doit toucher mon image déjà détruite, même si je dois porter sur mon esprit vide le fardeau et leurs regards… J’ai été conçu pour cela ; pour ne rien regretter, ne rien sentir, ne jamais changer. Je ne recule devant aucun moyen, quand il y va de la réussite de mes plans. Elle se pose des tas de questions la Tweedy dans sa tête, je le conçois. Je la comprends même, mais elle doit attendre. Tout a été déjà établi à l’avance… c'est la seule phrase qui longe mon esprit, et ça résume tout. Mais là encore, il faut arriver à comprendre. « Qui suis-je pour toi ? » Ou bien c'est elle qui devrait me poser cette question. J’arrête là, car on me prendra pour un fou qui veut se retaper cette brune en psychose. Enfaîte, je crois qu’ils le pensent déjà, certains depuis le début de l’aventure, certains depuis Mercredi. Le sacrifice de soi, le sacrifice de soi… Suis-je Ezéquiel ? Ou tout simplement son esclave ?

Non, Tweedy ne craignait aucunement de se retrouver seule avec Ezéquiel dans cette chapelle. Pourtant, elle imaginait très bien les téléspectateurs s'agiter devant leur écran et se dire qu'elle ferait mieux de quitter les lieux au plus vite, ou encore la Production veiller au grain, histoire qu'aucun incident ne survienne plus. Bizarrement, Tweedy était très détendue à cet instant précis. Bien sûr, une certaine appréhension l'habitait, mais ça n'avait pas tellement à voir avec le moment présent, disons. C'était autre chose. Quoi qu'il en soit, puisqu'Ezéquiel semblait vouloir parler, alors ils parleraient. Ça se ferait d'autant plus que le jeune homme manifestait pour la première fois une véritable envie de parler, à laquelle Tweedy n'était pas insensible. Ainsi donc, ils allaient parler. Le jeune homme lui fit alors savoir que tout a été décidé à l'avance. Tweedy ne fut pas certaine de comprendre où il voulait en venir. Il y avait probablement une bonne raison pour qu'il lui dise cela, mais elle ne saisissait pas tout à cet instant précis. Il faut dire que c'était plutôt flou, tout de même. Mais qu'importe, la petite brune osait espérer qu'elle en saurait plus par la suite. Mais voilà que maintenant, il renchérissait avec des paroles toutes aussi floues que les précédentes, et que Tweedy avait tout autant - si ce n'est plus - de mal à comprendre. Une petite grimasse prit alors place sur son minois, alors qu'elle lui tournait toujours le dos. Il parlait du sacrifice de soi, du crédit accordé, du résultat. Si elle saisissait vaguement l'idée véhiculée, elle était encore bien loin de tout comprendre de ses paroles. « Ce qu'on peut penser de toi t'indiffère ... c'est ce que tu essayes de me dire ? » demanda-t-elle alors, toujours d'un calme étonnant. Et cela rejoindrait d'ailleurs leur discussion de l'autre jour, durant laquelle il avait clairement fait savoir à Tweedy que son opinion ne l'intéressait pas. Là, un court silence prit place autour d'eux. Un silence bien vite brisé par une nouvelle intervention de la part d'Ezéquiel. Il demanda à Tweedy qui il était pour elle. Drôle de question, mais sans doute légitime. Spontanément, Tweedy jugea préférable de se tourner légèrement, histoire d'apercevoir le visage de son interlocuteur. Elle aurait pu continuer de lui tourner le dos, mais elle préférait plonger son regard dans le sien pour le coup. Oui, elle était quelques fois pour le moins inconsciente, mais elle le vivait bien. « Est-ce que ça t'intéresse ? » demanda-t-elle doucement. Il était désintéressé de beaucoup de choses, alors elle préférait s'assurer qu'il porterait un certain intérêt à ce qu'elle était susceptible de lui dire. Après tout, c'était aussi une forme d'opinion.

J’ai toujours été indifférent, ne ressentant approximativement rien lorsqu’on s’obstine à me provoquer, à me vilipender ou à simplement essayer de m’asphyxier sous des commentaires, des critiques qui pour la plupart paraissent arrogant. J’ai toujours été indifférent et froid face à ce monde qui m’entoure. La plupart verront que c’est de la force, de l’équilibre, relevant ainsi une personnalité inébranlable. C’est ce qui est, en réalité, mais ce que j'espère moi n’est pas toujours ce que l’on est. Ainsi, on m’a obligé à perdre mes émotions. On m’a obligé à oublier les sentiments, sous prétexte que… « Les émotions engendrent la haine. La haine engendre les conflits » je me rappelle de ça, de ces paroles froides, plus froides que le miennes à jamais gravées dans ma mémoire. Penser qu’il existe quelqu’un plus froid que moi serait une sensation horrible. On me les a fait graver, et on m’a nourri, appris et éduqué autour de cette phrase qui restera à jamais logé sur le devant de ma mémoire. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi cette phrase m’est sortie de la bouche, dire que je m’apprêtais à dire autre chose, preuve que mon subconscient me contrôle… On m’a forcé donc à croire que sans mes émotions, j’allais vivre mieux, j’allais travailler mieux et je deviendrais l’ange qui annoncera la paix à ce monde. Ce qui est vrai, partiellement vrai, car j’ai toujours vécu avec l’insouciance la plus totale, l’absence d’âme et ça m’a permis de vivre et de devenir ce que je suis. J’ai connu tous les plaisirs physiques, toutes les richesses matérielles, j’ai franchi toutes les limites, sans pour autant accéder à ce qu’on m’a promis. Ce qu’on peut penser de moi m’indiffère oui, c’est une fatalité, mais j’essaye de voir ce que je suis, à travers l’autre. « Le don total de soi... C'est ce qu'on attend de moi, et de mes semblables. Le sacrifice héroïque de beaucoup d'entre nous restera à jamais inconnu. Comme le miens. Nous sommes des hommes de l'ombre. Il en est ainsi depuis la nuit des temps. C'est ça, notre réalité. Et c'est grâce à ce genre d'hommes, que la paix et l'ordre sont maintenus. » J’ai toujours vécu dans l’ombre, me contentant de faire les choses que les autres ne peuvent faire. J’ai toujours contribué à supprimer par le crime ce qui rendra cette vie meilleure, oui, c’est ce que je suis, un homme de l’ombre qui laisse jouir les autres de mes souffrances. « Non.» Finalement non. Je sais déjà qui je suis, une merde zéro émotive qui restera à toujours incomprise par les autres, avec de l’insouciance, de l’indifférence, ce qui ne m’aide pas vraiment. Je m’en branle de ce que eux pensent de moi à un tel point que je ne regrette pas mes actes, ni mes actions, mais j’adorerais l’être… si seulement je le pouvais… ! J’ai assez parlé, je lui ai demandé de me dire ce que je suis réellement sans pour autant en être intéressé. Paradoxe. Oui, vraiment, le cycle de l’absurde me défini entièrement, et ça me ronge de l’intérieur. « Faire du mal n’est pas un péché. » Non, absolument pas. « Faire du mal sans raison, ça c’est un péché… » J’en ai pas l’air, mais ma foi est très forte, et mes actes n’ont jamais transigé avec mes règles, tout simplement par ce qu’elle avait un raison. Laoise n’était qu’un pion, qu’un vulgaire pion dans toute cette histoire déjà pré-planifiée à l’avance par des hommes qui me dépassent outrageusement, des personnes avec un poids, et une froideur qui n’a pas d’égal, ni même avec la mienne Je ne suis que l’élève. Pour Laoise, c’était dans le plan, un plan qu’on m’a ordonné de suivre, donc ce qui est arrivé à la jeune femme pouvait arriver à n’importe qui ici. Il me fallait une expérimentation, et j’avais mes raisons que moi seul connais actuellement. Quant à Anabel, je dirais que c’est, le destin, tout simplement…

Décidément, Tweedy ne saisissait pas grand chose de cette discussion. Enfin si, elle en saisissait disons l'idée générale, mais les paroles que lui adressait Ezéquiel - ou pas, d'ailleurs - restaient pour le moins floues à ses yeux. Pourtant, la jeune femme faisait présentement de gros efforts pour tout assimiler, même s'il est évident que le jeune homme lui parlait de choses qu'elle ne connaissait pas, ou qu'elle ne pouvait pas connaitre. Voilà pourquoi elle avait tant de mal à voir où il pouvait bien vouloir en venir. Elle l'écoutait en tout cas avec une immense attention, parce qu'elle était intéressée par ce qu'il pouvait lui dire. En plus, pour une fois qu'il parlait de lui même ... Ezéquiel lui parlait des émotions, des émotions qui engendraient la haine, et cette même haine qui engendrait les conflits. Tweedy hocha alors lentement la tête. Elle avait tendance à être d'accord avec lui sur ce point. Ça, elle le comprenait. Parce qu'elle y faisait, en quelques sortes, face au quotidien. Ezéquiel en vint ensuite à parler à nouveau du don de soi. Il disait que c'était ce qu'on attendait de lui, de ses semblables. Tweedy arqua alors un sourcil, perplexe. Il continua alors, parlant cette fois-ci du sacrifice héroïque demeurant inconnu, de son sacrifice héroïque demeurant inconnu, en fait. Il disait qu'ils étaient des hommes de l'ombre. Ses semblables et lui, logiquement. Enfin, il lui fit savoir que grâce à des hommes se sacrifiant héroïquement et demeurant donc dans l'ombre, la paix et l'ordre étaient maintenus. Ainsi donc, à travers ce discours, il faisait office de héros. Et il n'était pas le seul. Tweedy resta silencieuse, se contentant de l'observer. Décidément, à ses yeux, Ezéquiel n'était pas le monstre que certains devaient voir. Non, du tout. Elle ne savait pas si ce qu'il disait était vrai, mais elle était tentée de le croire, sans même imaginer un seul instant qu'il puisse simplement chercher à abuser de sa naïveté qui, soyons honnêtes, crevait les yeux. « Qui est-ce qui te pousse à être comme ça, je veux dire, à agir de la sorte ? Tu ... tu sembles "subir" quelque chose, hum, une force toute puissante ... » Attendez voir, est-ce que c'était compréhensible, au moins, comme question ? Hm, pas sûr. Mais bon, au pire, il le lui ferait comprendre, hein. Bah oui. Lorsque Tweedy chercha à savoir si Ezéquiel serait intéressé par sa réponse à la question qu'il venait de lui poser - ce qu'il était pour elle, en somme - le grand black répondit que « non. » D'accord, c'était clair au moins. « C'est dommage. » Oui, ça l'était. Parce que si Tweedy avait senti un minimum d'intérêt derrière cette question, elle se serait fait un plaisir d'y répondre, toujours avec beaucoup de sincérité. Mais l'ennuyer n'était pas une chose qu'elle désirait. Ezéquiel reprit la parole, affirmant que faire du mal n'est pas un péché, mais que faire du mal sans raison en est un. Tweedy resta silencieuse quelques instants, le temps d'entendre résonner ces paroles dans son esprit. Puis, finalement, elle reprit la parole. « Parce que Laoise et Anabel t'ont donné une raison de t'en prendre à elles, peut être ? Parce que Swann t'en a donné une de la menacer ? » Libre à lui de ne pas répondre, en fait ça importait relativement peu. « Tu leur a fait du mal, à toutes les trois. Alors maintenant, j'aimerais savoir si tu en as conscience. Je ne te demande pas d'être désolé, juste de réfléchir à ce que tu as fait. Oui, d'y réfléchir. » Comme Tweedy réfléchissait présentement à ce que cachait ce jeune homme, en fait.

Subir ? Parfois, nos idées différentes nous poussent à nous faire coller l’étiquette de taré. Mon comportement, mes raisonnements dissemblables me pousse à être ce que les autres ne le sont pas. Du coup, je suis obligé d’accomplir mes tâches incombées, et disparaitre totalement par la suite. Je reste ainsi dans l’ombre, et ce que j’accompli, que ça soit les raisons ou le but, ne sont jamais dévoilé. Ainsi, pour la plupart, je suis celui qu’il faut bannir, tout simplement par ce que je suis différent. Quand elle me pose cette question, celle qui cherche les réponses de mes agissements, je n’y trouve pas de réponses, tout simplement par ce que je ne la connais pas encore. Ce qui me pousse à être ainsi est surement mon absence de logique. Je ne comprends pas pourquoi mais avec mes sentiments, j’aurais surement éprouvé autre chose que du vide, mais non, pour eux, il fallait que je sois parfait, et pour répondre à leurs critères de perfections, ils leurs faillaient m’ôter mon côté humain pour que je sois le meilleur, que j’arrive à surmonter tous les obstacles, grâce à une force qu’on nomme l’indifférence… C’est simple. « Je suis obligé d’agir comme ça. C’est le destin. J’accepte le destin. Je ne suis qu’un jouet à l’apparence humaine. » Un jouet, c’est parfaitement ce que je suis. Ezéquiel est l’étiquette qu’on ma collé pour me faire reconnaître en ces lieux, et mes agissements sont la preuve que je ne suis qu’une babiole en plastique qui ne peut même pas formuler des phrases logiques ou constructives, se contentant d’horribles groupes de mots hachées et sans liens pour les rassembler. Je ne cherche pas à me justifier. Si Laoise, Anabel et Swann m’ont donné une raison ? Ces trois personnes m’indiffère totalement, je suis là pour faire ce que j’ai à faire, et ça s’arrête là. Elle doit se douter que je ne peux agir de cette manière sans raison,peut être que oui, peut être que non, tout dépend de ce que mes raisons représentent pour elle, et mes raisons resterons inconnus, jusqu’à un moment i ou soit je disparaîtrais en emmenant avec moi la vérité, soit je serais obligé de sortir la vérité des profondeurs de mes entrailles et de me libérer ainsi. Je porte le sceau malheureux de l'oiseau en cage, celui du prisonnier de son propre destin..« Non. Ce ne sont pas elles qui donnent les raisons. » Et ce n’est pas moi, vu que je ne suis même pas capable d’agir à ma guise. « C’est le destin. Des forces supérieurs. » J’aurais bien aimé lui dire de viser plus haut, mais non, ça serait asphyxier à nouveau son cerveau de pauvre journaliste. Après, je l’écoute, essayant d’analyser au maximum ce groupe de mots complexes qui traversent mon esprit endormi… J’ai fait du mal à quelqu’un ? Est-ce si important ? Si j’en suis conscient ? Comment veut elle que j’en sois conscient alors que j’ai limite rien pour le penser. Ça m’intéresse pas de réfléchir, d’ailleurs, on m’a ordonné de ne jamais réfléchir, de ne jamais me poser de questions, de ne jamais avoir pitié, de ne jamais regretter. Je ne regrette rien comme ils me l’avaient appris et comme eux le voulaient, ils ont réussi à fabriquer quelqu’un d’indifférent et d’inhumain pour de vrai, je n’y peux rien, c’est plus fort que moi… Selon ma propre vision des choses, je n’ai fais que suivre les ordres, ça était toujours ainsi, et ce n’est pas près de changer. « Je ne peux pas réfléchir à ça. » Jamais je ne me suis soucié de ce qui pouvait arriver à l’autre, je m’en fous carrément, car ça ne m’intéresse pas, est-ce un drame … ?

Lorsque Tweedy demanda à Ezéquiel ce qui pouvait bien le pousser à agir de la sorte, s'il subissait quelque chose qui pouvait éventuellement le forcer à adopter un tel comportement, le jeune homme lui répondit qu'il était tout simplement obligé d'agir comme ça, que c'était le destin, un destin qu'il semblait accepter, et qu'il n'était en réalité qu'un jouet à l'apparence humaine. Tweedy resta alors perplexe, le regard posé sur le visage de ce jeune homme qu'elle avait tendance à comprendre, malgré le fait qu'elle ignorait encore de nombreuses choses à son sujet, et surtout qu'elle ne pouvait prétendre connaitre ce qu'il avait pu vivre, ce qu'il vivait au quotidien. Bien sûr, le fait qu'Ezéquiel se définisse comme un jouet avait tendance à l'interpeller, bien qu'elle parvint aisément à masquer sa surprise. « Un jouet à l'apparence humaine ... c'est ... c'est une triste comparaison » articula-t-elle alors, sur un ton qui parvenait quelques peu à trahir l'émotion qu'elle pouvait ressentir. Elle n'y pouvait rien. Le fait qu'il se voit de la sorte - sachant qu'il était peu probable qu'il exagère la réalité, ce qui était d'autant plus dramatique - lui faisait un peu de peine. Ne cherchez pas à comprendre, Tweedy était une jeune homme particulièrement sensible, une sensibilité qu'elle cachait généralement derrière de grands sourires et une assurance pourtant flagrante. Pour en revenir à Ezéquiel, le jeune homme lui apparaissait décidément comme quelqu'un de complexe, au lourd vécu. Bien sûr, elle ne pouvait pas prétendre savoir en quoi consistait précisément ce vécu, mais cela semblait bien assez pesant pour qu'elle se l'imagine vaguement. Par la suite, lorsque Tweedy chercha à savoir si Ezéquiel estimait que Laoise et Anabel lui avaient donné des raisons de leur faire du mal, et si Swann lui en avait donné de la menacer, le grand black répondit qu'il n'était pas question d'elles. C'était le destin, des forces supérieurs qui donnaient les raisons, qui semblaient en quelques sortes lui dicter ses actes. Tweedy se pinça les lèvres et l'observa à nouveau. Elle tâchait de comprendre le sens de ses paroles, et parvenait mine de rien à de mieux en mieux les analyser dans son esprit. « Je crois que je vois ce que tu veux dire » reprit-elle alors. Oui, elle avait l'impression de le comprendre, ou en tout cas de comprendre où il voulait en venir. Mais peut être se trompait-elle, peut être était-elle dans le faux, en fait. Allez savoir. Est-ce qu'Ezéquiel avait au moins conscience d'avoir fait du mal à ces trois jeunes femmes ? Hm, pas sûr. En tout cas, il ne lui fit pas savoir. Très bien. Par contre, il lui dit qu'il ne pouvait pas réfléchir à cela, à savoir à ce qu'il avait justement fait. « Ça n'est donc pas tant que tu ne veux pas, mais plutôt que tu ne peux pas » ajouta-t-elle doucement. Oui, elle cherchait en quelques sortes à se rassurer. Excusez-la. « Je me demandais ... est-ce que tu aimerais rester ? Est-ce que tu aimerais perdurer au sein de ce jeu ? » Ou bien n'en avait-il tout simplement rien à foutre ? Telle était la question sous-entendue.