featuring sven

Donc il y avait cette fameuse mission - celle aux habitations abandonnées. Celle qui disait qu'on devait tout déblayer, pour trouver un genre de trésor. Ismay était partagée, ne sachant quelle attitude adopter. Bien sûr qu'elle voulait savoir quelle serait leur récompense, et bien sûr qu'elle jouerait le jeu, parce qu'il le fallait, parce qu'elle était là pour ça, parce qu'elle en avait envie, mais d'un autre côté... D'où sortaient-ils cette drôle de mission ? D'habitude, c'était quoi ? Faire des blagues aux gens, s'embrasser, sauter à l'eau, faire la cuisine ? Quand les candidats de fake lover étaient-ils devenus les ouvriers de fake lover ? Cela dit, peu contraire, Ismay n'avait rechigné contre le travail. Toujours prête à filer un coup de main, elle s'était mise à l'ouvrage sans se plaindre. Et ça avançait. Un peu. Lentement, mais sûrement. Faut dire que les habitants du nid n'étaient pas forcément toujours très chauds pour des travaux pratiques qui nécessitaient l'utilité d'un autre corps que le leur. Bref, c'était sans doute car elle y songeait que ses pas la menèrent tout droit dans le coin. S'arrêtant, le menton levé vers les silhouettes décarcassées des maisons, elle ne pu s'empêcher de se dire que les gens étaient cinglés, et que c'était vraiment cool. Devant elle, elle aperçut alors un gars qui se tenait là, à faire elle ne savait trop quoi. Simplement, elle s'approcha de lui. Il avait l'air d'essayer de détruire les habitations à coup de télékinésie. Wouah. « C'est pas en maudissant ces maisons qu'on les retapera plus facilement » plaisanta-t-elle avec un sourire, le fixant de ses grands yeux de gosse. Reportant son attention sur le bâtiment, elle esquissa quelques pas dans sa direction. « T'es déjà allé voir à l'intérieur ? Plus loin que la pièce principale, je veux dire » souffla-t-elle, curieuse. Pour sa part, son exploration des lieux était restée dans les limites du rez-de-chaussée et des terrasses, ou ce qui servait de terrasses.

Ces petites maisonnettes toutes dégueulasses, toutes poussiéreuses, toutes moches, toutes inintéressantes, toutes... toutes nulles, craignos. J'aimais bien utiliser des ribambelles d'adjectifs, c'était parfois mon passe-temps quand j'avais rien à foutre pendant cinq minutes, ça m'occupait, moi ce gosse qui se faisait souvent chier. J'étais là devant ces taudis. J'les analysais, les contemplais, les décrivait du regard quand une femme -enfin candidate quoi, me cherchez pas des poux- s'avança vers moi pour me parler. Me parler? Me dire quoi? Ah que je ne devais pas maudire ces horreurs vu qu'on était censés les reconstruire, les rénover. Bon dieu seigneur. Moi qui n'avais pas l'âme d'un décorateur, ils allaient être servis. Franchement, c'te mission qu'est-ce qu'elle était pénible. Moi qui n'avais jamais grande motivation pour rien, ça allait être ma bête noire de l'aventure, j'le sentais déjà venir de loin. « Certes, mais ça me réconforte. Tu sais quoi, j'ai un deal à te proposer. Je suis le cerveau, tu es les bras, ça te va? » Histoire de pas en foutre une quoi, si elle accepte, là, je la bénis, je lui fais une révérence sur le champ tout ce que vous voulez. Vous imaginez, moi, avoir ma propre esclave. The classe intersidérale. Bref passons, elle me demande si j'ai déjà visité l'intérieur. « Visiter des moches maisons non, ça m'donne pas fort envie à vrai.. » je me perds alors dans ses yeux, je contemple son visage que je n'avais pas encore analysé jusque là. « .. dire. » J'analyse toujours son visage, concentré, me rapprochant d'elle pour mieux la détailler, sans aucune gêne qu'elle remarque ma petite analyse. « T'as de ces yeux de poisson.. » dis-je alors perdu dans mes pensées, réfléchissant, ça sort tout seul, mes propres réflexions, faut jamais vraiment mal le prendre. Sinon t'es pas sorti de l'auberge.

Il a l'air vraiment concentré, le garçon. Ou peut-être qu'il était toujours comme ça, lorsqu'il fixait quelque chose. Ce n'était pas Ismay qui allait le lui reprocher, et en se permettant de rire de surcroît, elle-même devait un arborer un magnifique air idiot lorsqu'elle regardait un objet, individu, paysage ou autres trucs invisibles venant de l'espace. Mais elle était prête à le voir écarter et fléchir les jambes, ouvrir grands les bras et poser les deux doigts sur ses tempes, paupières à demi-closes, qu'elle avait été incapable de se retenir. Mais bon. Puisque ça le réconforte, grand bien lui fasse. Haussant un sourcil suite à sa réflexion, elle hasarde un « c'est plutôt l'inverse, en général » qui ne rencontra pas de suite. Normal. Impossible de répondre quelque chose à une évidence. Donc, il n'avait pas encore foutu les pieds dans l'une des habitations qu'ils avaient à retaper. Et bien bravo. C'était du joli. En riant de sa réponse, elle s'avança un peu vers la carcasse la plus proche, elle se mit à jouer distraitement avec des bouts de bois qui traînaient là, du bout du pied. Là, redressant la tête, elle se retrouve nez-à-nez avec lui, si bien qu'elle eut un léger mouvement de recul involontaire. L'air étonné, elle pouffe à sa remarque. C'était donc ça qui le tracassait autant? Des yeux de poisson ? Vraiment ? « Tu as un de ces accents dégueulasses » répliqua-t-elle aussitôt, plus étonnée d'entendre cette petite note tout sauf anglaise ou irlandaise dans sa voix que réellement querelleuse. Qu'il ait un soucis avec ses yeux était la cadette de ses préoccupations. Fronçant les sourcils, elle tenta d'analyser sa voix. C'est dingue, elle était capable de reconnaître n'importe quelle nationalité anglophone et distinguait même les différents coins d'Angleterre mais lui, impossible. « Non, en vrai, t'es écossais, c'est ça ? forcément. Ou Ouzbek, peut-être. » qu'elle plaisanta, malgré son réel désir d'identifier une bonne fois pour toute cet accent.

Alors comme ça madame était l'intello de service, bien. C'était bon à savoir, on ne sait jamais que j'aie besoin d'une tête un de ces jours prochains. Visiblement, elle prit peur lorsque je m’avançai pour admirer son joli minois. Les yeux de poisson, ça n'avait pas trop l'air de lui plaire non plus mais bon tant pis. Elle riposte en parlant de mon accent, facile. Du coup j'exagère. « Ji sè ben. » Elle doit pas avoir compris mais c'est pas grave, en soi. Sinon, elle me juge écossais ou je n'sais quoi d'autre. Quelque part, ça m'arrange, on ne parle plus des taudis qui nous font présentement face. Pas que je n'aie pas envie de rénover ces belles maisons hein, juste que j'ai pas envie de me salir les mains ni de faire un effort physique, en fait. Fainéant dans l'âme, yes i am. Boh j'imagine que beaucoup sont comme moi, donc du coup, parler de ma nationalité même si j'me fais chambrer à ce niveau-là, ça me passionne pour le moment, bien plus que la rénovation de ces pourritures, la mission la plus exécrable que la production a pu inventer, fallait que ça tombe durant ma saison. « Non je viens d'Ouganda, en fait. » J'dis ça sérieusement en plus. Elle me croit elle me croit pas, j'm'en fous et je m'adapterai en fait. « Et toi ces yeux de poisson et cette soudaine envie de rénovation, tu tiens ça d'où, des USA ? Nan t'as pas l'accent amerloque. » Je réfléchissais tout seul en fait, mais j'attendais aussi, évidemment, qu'elle m'éclaire sur sa nationalité. Et la provenance de ses yeux de poisson. « Ceci dit, ton visage est très beau. » C'est sincère en plus, je m'y perdrais des heures à le contempler. « T'as vraiment envie de t'attaquer à ces horreurs? » fis-je en désignant les vieilles briques, avec une moue de dégoût.

Mince, d'où il pouvait bien venir ? Alors que cette interrogation lui aurait à peine titillé l'esprit en temps normal, elle était à présent curieuse de savoir, incapable de déceler des notes connues dans ses intonations. Mince. Mince, mince, mince. Alors qu'Ismay l'interrogeait de façon plus ou moins sérieuse, il lui répondit exactement de la même façon, tirant un éclat de rire à la jeune femme. « Ce qui explique ton magnifique bronzage » répliqua-t-elle de bon coeur. Ah oui, il avait tout à fait la tête d'un ougandais, c'était certain. À se demander, même, comment elle avait fait pour ne pas le savoir au premier coup d'oeil. En revanche, ça ne se voyait pas clairement qu'elle n'était pas américaine. Elle ne s'estimait pourtant pas la tête d'une américaine, si tête d'américain il était possible d'avoir. C'est con, ça lui semblait tellement insensé qu'elle puisse être autre chose que londonienne. « Non, en effet, je suis anglaise » confirma-t-elle. Amerloque, non mais j'vous jure « par contre, pour les yeux, c'est au petit Jésus qu'il faut s'adresser, il devait être en train de regarder son poisson rouge quand il a imaginé mon visage » et un sourire se peignit sur ses lèvres. Allez, c'était simplement pour la plaisanterie. Elle ne croyait pas en dieu mais n'avait pas vraiment le courage de lui faire un cours sur la génétique chez les humains, la reproduction et le passage d'ADN de parent à enfant. Et un sourire se peignit sur ses lèvres, donc, un sourire qui se transforma aussi sec en une drôle de moue gênée. Non pas qu'Ismay n'aimait pas les compliments, elle était seulement peu à l'aise lorsque quelqu'un se mettait à lui en faire. Elle n'avait pas cet humour détaché et humble que possédaient certains dans ce genre de situation, ce qu'elle estimait être un cruel défaut. Hochant la tête pour le remercier à sa façon, elle accepta son changement de sujet avec soulagement. Détachant son regard de son camarade, elle observa une nouvelle fois les maisons complètement à l'abandon. « J'ai surtout envie de savoir ce qui se cache dessous, pas toi ? T'es pas curieux de savoir ce que Cupidon nous réserve ? » Pas que seul l'appât du gain lui faisait envie, loin de là, mais cette histoire de trésor, forcément, ça rendait curieux.

Mon bronzage, qu'est-ce qu'il a mon bronzage ? Ah oui je suis blanc comme une aspirine. Pas très crédible la nationalité ougandaise, du coup. Enfin bon, tout peut arriver hein j'peux être né là-bas et puis avoir été exilé dan un pays froid, ouais, ça s'peut. Bref, elle me croit pas, c'est qu'elle est sainte d'esprit cette petite, c'est déjà. Elle m'explique alors qu'elle est anglaise, bien j'ai aucun don pour reconnaître les accents, en même temps je parle le franglais, ou quelque qui s'y rapporte. Ca doit même être pire que le franglais alors comment voulez-vous que je reconnaisse un accent british si je parle comme un paysan. « J'crois pas vraiment en Dieu, en fait. Tes yeux me faisaient penser à ceux d'un poisson mais pas dans le sens moche du terme. Tes yeux sont captvants, on s'y perdrait. » Encore un compliment même si elle ne semble pas avoir réagi au précédent. Non franchement, elle a un très joli visage. Le sujet revient à ces maisons abandonnées qui ne me donnent pas vraiment envie de me mettre au travail, mais elle éveille ma curiosité en me rappelant le trésor. « J'l'avais oublié, ce trésor. Ouais ça m'intrigue. » Je frotte ma tête de ma main, en guise de réflexion. « Tu crois que c'est quoi toi, comme trésor? » je demande en m'avançant vers l'entrée des habitations, en lui intimant d'un clin d'oeil et d'un geste de main de venir avec moi.

Avec tout ça, Ismay ne savait toujours pas d'où il venait, ce gars. Comment déjà ? Un prénom germanique, un peu. Sur lequel elle ne parvenait à remettre le doigts. Bon, il fallait bien que sur la trentaine de prénoms qu'elle avait du retenir, elle en oublie quelques uns. C'était drôle. Elle avait une très bonne mémoire des noms, mais généralement, il y en avait toujours un qui lui faisait défaut, qu'il soit compliqué ou au contraire, on ne peut plus simple. C'était pareil avec ses collègues, ses professeurs, ses patients... Cela dit, elle pouvait toujours l'appeler l'Ougandais, et lui pouvait toujours l'appeler Bubulle. Au moins, ils ne risquaient pas de faire d'amalgames avec d'autres candidats. Et le voilà qui continuait. Des yeux de poissons, ça pouvait être compris dans le bon sens du terme ? Il était poissonphile, peut-être ? Piquant un fard, la brunette détourna le regard et, distraitement, porta les doigts à son oeil gauche. « Euh, merci... » souffla-t-elle, mal à l'aise. Cesse, s'il te plait. Elle aurait bien voulu le lui dire, mais ça aurait été grossier. Elle préférait encore être gênée que grossière. Elle n'avait qu'à apprendre à accepter sereinement les compliments explicites comme implicites. Déjà, la conversation concernant les habitations reprenait, et plus à l'aise dans des suppositions sensées ou non sur le potentiel trésor qu'elles recelaient, elle lui suivit avec plaisir. Le dépassant, même elle passa l'entrée de la maison devant laquelel il se trouvait et, levant le nez, elle analysa une nouvelle fois l'intérieur. La dernière fois qu'elle y avait mis les pieds, elle était avec son partenaire, et c'était le soir où Cupidon leur avait exposé son plan machiavélique pour retaper les maisons et, au passage, les exploiter sans vergogne. « Je ne sais pas... Il a parlé de quelque chose qui nous aiderait pendant toute l'aventure... Une boite à indices sur les secrets, peut-être ? Ou de l'argent ? Ou un plan qui mène à la planque de Cupidon et un moyen de le faire chanter ? » se mit-elle alors à déblatérer. Oh oui, ça l'intriguait, cette histoire. Et en vérité, elle avait plus hâte de savoir ce qu'était ce trésor juste pour savoir ce que c'était plutôt que pour avoir une chance d'en faire usage. Ou quelle que soit l'action qu'on pouvait en tirer, d'ailleurs. « Ça doit être un truc cool, j'imagine, sinon il va se retrouver avec une nouvelle révolution industrielle populaire sur les bras » et pendant une fraction de seconde, elle les imagina, fourches et torches à la main, un brin de paille entre leurs lèvres hargneuses, un béret sautillant sur leur chevelure dégoûtante. L'image lui tira un sourire et elle pouffa. « J'ai l'impression qu'on est pas prêts de savoir ce que c'est » commenta-t-elle cependant, se renfrognant, frustrée de devoir attendre encore un sacré bail. Parce que soyons clairs, ce n'était pas les candidats d'ici qui allaient se plier en quatre pour déblayer le terrain, et s'y mettre seule ne l'avancerait pas plus.