Orson & Danaé
#3

J’aime beaucoup me balader alors que le soleil est en train de se coucher. Je trouve ça tellement joli. Cela a un côté calme et reposant aussi. Je n’ai jamais l’occasion de faire ce genre de promenade dans la vie de tous les jours. Premièrement parce que j’habite en plein cœur de Paris, dans le seizième arrondissement, et que je vois presque jamais un coucher de soleil radieux comme on peut le voir à la campagne. La capitale, c’est un petit peu trop urbain pour ce genre d’activité. Deuxièmement parce que lorsque je ne suis pas en train de travailler et que j’ai une petite minute à moi je la consacre uniquement à mon fils. C’est l’amour de ma vie. Bien évidemment que je peux prendre la poussette et l’amener se promener sous un soleil couchant, mais il est encore bien trop petit pour que j’accepte de laisser son organisme aux diverses attaques de la vie citadine. Moins je l’expose à tout cela, mieux c’est. Pour le moment, bien entendu. Ainsi je n’ai découvert ce genre de balade que depuis trois semaines. Depuis que je suis dans l’aventure Fake Lover. Je ne m’en lasse pas. Je sors toujours à la même heure. Aux alentours de 20h00. Il ne fait plus très clair à l’extérieur, mais c’est ça que j’aime bien. Je crois même que je préfère la nuit à l’entre-deux. En général je passe toujours par les mêmes endroits. Je commence par les fontaines, puis la grange avant de passer par le kiosque à musique. En parlant du kiosque à musique j’y vois une silhouette masculine et plutôt familière appuyée contre l’une des rambardes. Je m’approche. Orson. Un petit sourire vient se dessiner sur mes lèvres. Je ne sais pas s’il entend mes pas derrière lui, mais j’ai envie de m’amuser, de retourner en enfance. Je me hisse sur la pointe des pieds pour passer mes mains sur ses yeux. « Qui est-ce ? » que je dis presque à voix basse pour éviter de lui hurler dans les oreilles. Je ne sais pas vraiment si le son de ma voix sera suffisant pour me rendre reconnaissable, mais je ne peux pas rester là sans rien dire. J’aurais l’air tellement stupide. Quoi que je suis certaine de l’être déjà un petit peu là.

Au sein du château, les distractions s'étant raréfiées, il se divertissait en lisant une journée entière des lèvres qu'il n'aurait jamais entamé si il n'était pas occupé avec son travail. Désormais, il avait du temps pour lui. L'enfermement ne le pesait pas tant que cela. Cela lui rappelait l'internat lorsqu'il avait été placé en pensionnat à l'aube de ses seize ans. Mais en moins strict, bien sûre. Dans le nid, régnait plutôt un ambiance de colonie de vacances pour adultes. Enfin, presque. Orson mangeait tôt. A sept heures et demi tapantes. Il prenait ensuite le temps de digérer en faisant une promenade de santé. Surtout au soleil couchant. Les couchers de soleil avaient toujours quelque chose d'imminent poétique dans les dégradés de couleurs tirant sur le rouge orangé. Il contemplait ce spectacle au même endroit chaque soir. Il foulait de ses pieds l'herbe verte des jardins à la française, le regard rêveur, oscillant entre l'horizon et le ciel orange. Il savourait sa tisane en admiration face à un tel éclat. Il fut saisi par une soudaine envie de peindre. Il était loin le temps où il peignait des heures durant une toile. C'est à peine si il savait tenir un pinceau maintenant. La peinture avait été autrefois sa raison d'exister. Dorénavant, ce n'était plus pareil. C'est avec nostalgie qu'il quitta le jardin pour se réfugier près du kiosque à musique. Ce kiosque lui rappelait un autre temps. Ce bois ciré, l'architecture et l'éclairage qui harmonisait le tout, donnant un aspect intime à ce lieu charmant. Il buvait tranquillement son thé, appuyé contre la rambarde quand des mains viennent recouvrir ses yeux. Le noir total. Un murmure lui parvient à l'oreille. Qui est-ce, dit cette voix familière. Il haussa un sourcil interrogateur, puis rit légèrement. La main de l'anglais vint palper celle de la candidate. C'était ... - Danaé., qu'il souffla. Il en était certain. Il se retourna, retirant doucement ses mains de ses paupières. Il la dévisagea avant de la gratifier d'un fin sourire. - Tu m'as suivi jusqu'ici, c'est ça ?, lui demanda-t-il d'une voix mutine.   

Ce n’est pas que j’ai envie d’enquiquiner Orson alors qu’il est en train de rêvasser sous un kiosque à musique dans la nuit noire tout en buvant je ne sais quoi, c’est juste que je l’aime bien et que j’apprécie passer du temps en sa compagnie. Il est calme et apaisant. Tout le contraire d’une grande majorité des candidats. Je m’approche sans faire de bruit et je me hisse sur la pointe des pieds pour venir lui cacher la vue de mes mains. Je joue la nana mystérieuse. Il vient palper mes mains et prononce mon prénom. - Danaé. Un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Il n’a pas mis bien longtemps à me reconnaître. C’est moins drôle, mais c’est sympathique quand même. AU moins je sais qu’il se souvient de moi. Ça fait plaisir. Le garçon se tourne et retire mes mains de devant ses yeux. - Tu m'as suivi jusqu'ici, c'est ça ? Je réponds à son sourire par un autre sourire tout en prenant un petit air mystérieux. « Peut-être bien. » Mon sourire s’intensifie légèrement alors que je baisse la tête comme une petite fille timide. Je fais quelques pas avant de venir m’appuyer contre la rambarde, à ses côtés. « Alors comme ça t’aimes les balades nocturnes ? » que je murmure presque tout en posant mes pupilles sur sa silhouette et en lui adressant un tout petit sourire. Quand on y réfléchit ce n’est pas la première fois que je le rencontre en pleine nuit alors qu’il est en train de se promener. J’observe les alentours. Les nuits sont vraiment très belles ici. Un sourire béat d’admiration s’empare de mes lèvres. Si j’aime Paris la nuit, j’aime encore plus cet endroit de nuit comme de jour. Le silence n’est pas lourd et encore moins pesant. Je pousse un soupir de béatitude et ferme brièvement les yeux. « Tu ne m’as pas parlé de toi la dernière fois. » que je viens constater. Je suis peut-être un petit peu trop curieuse, mais il m’intrigue. J’ai besoin d’en savoir plus sur lui.

Il sirotait tranquillement son thé près de la rambarde quand des mains viennent lui masquer les prunelles, devenant aveugle quelques instants. Il fit appel à ses autres sens pour deviner qui était derrière cette petite pitrerie. C'était Danaé. Il en était sûre. Il la reconnaissait à sa voix, à son parfum. Il caressa délicatement sa main, se délectant de la douceur de cette dernière avant de se retourner et de recouvrir la vue. L'avait-elle suivi ? Sa réponse était teintée de mystère. Ses lèvres s'étirent en un sourire amusé tandis qu'elle prit place à ses côtés. Aimait-il les balades nocturnes ? Il était vrai qu'ils se croisaient souvent tard la nuit en pleine promenade. Il acquiesça en silence, en reprenant une gorgée de son infusion. Son regard bleuté balaya le paysage. Il en admirait la splendeur, contemplant la pénombre comme il contemplait un tableau. Il aimait la nuit. Après le travail, il faisait toujours un tour dans le parc du coin, déambulant dans la nuit et s'enivrant de l'air du soir. - Il n'y a pas grand chose à dire sur ma personne. J'ai grandi à Londres. J'ai fait une partie de mes études à Paris. Je suis consultant en art et restaurateur à mi-temps. Une vie normale en somme. Il n'était jamais très doué dans l'exercice de l'autoportrait. Selon lui, cela ne suffisait pas pour le connaître réellement. Il préférait découvrir les autres à leur insu, à son rythme. Il prenait le temps d'observer son environnement et les gens qui l'entourent. Il appréciait la compagnie de Danaé. Elle semblait intimider par lui alors qu'il ne faisait rien pour la mettre dans un tel embarras. - Je voulais savoir. Comment s'appelle ton fils, si ce n'est pas trop indiscret ? Il s'était souvenu de leur dernière conversation. Elle était donc mère. Il était un peu surpris en l'apprenant, mais ne la jugeait pas. Au contraire, il la trouvait courageuse.

J’ai envie d’en savoir un petit peu plus sur Orson. Il est discret et je ne sais presque rien sur lui mise à part son prénom et brièvement ce qu’il fait dans la vie. Je suis curieuse, je sais. Je suis peut-être enquiquinante et ça aussi je le sais, mais je n’y suis pour rien s’il m’intrigue. Il balaye l’horizon d’un regard avant de me répondre. - Il n'y a pas grand chose à dire sur ma personne. J'ai grandi à Londres. J'ai fait une partie de mes études à Paris. Je suis consultant en art et restaurateur à mi-temps. Une vie normale en somme. Paris. J’ai des étoiles plein les yeux lorsqu’il prononce le nom de ma ville natale. Je suis parisienne d’âme et de cœur. Je ne peux pas m’empêcher de me montrer encore un petit peu plus curieuse. « Tu étais dans quel quartier sur Paris ? » Oui cela m’intéresse. Je l’observe du coin de l’œil tout en souriant. Un petit sourire timide. Lui aussi se montre curieux. - Je voulais savoir. Comment s'appelle ton fils, si ce n'est pas trop indiscret ? Mon fils. Le sourire que je porte sur les lèvres ne fait que s’intensifier. Ce petit bout c’est l’homme de ma vie. Le seul et l’unique. C’est la seule personne qui me fait avancer tous les jours. C’est un petit miracle cet enfant. « Erick. Il s’appelle Erick. » que je termine par dire. « Pourquoi cette question ? » Je me demande bien ce qu’il peut trouver comme intérêt à mon fils. Je me méfie de tout le monde lorsqu’on me parle de lui. J’ai tellement peur qu’il lui arrive quelque chose. Je crois d’ailleurs que je le couve un petit peu trop cet enfant, mais ‘est pour son bien. Je me tourne vers lui tout en le pointant du doigt. « Je viens de calculer. Restaurateur, même à mi-temps, alors il faut que tu me prépares un bon repas l’un de ces jours. » Je lui adresse un sourire amusé et pourtant tellement sincère. On ne le dirait pas comme ça, mais j’adore manger, surtout les choses bonnes et raffinées.