Avec Callan.
Sa résolution de ne pas s'encombrer de lieux inutiles à sa survie dans ce jeu avait duré moins d'une semaine. Bien joué. Non, vraiment. À croire qu'elle ne pouvait s'empêcher d'être chiante envers elle-même. Si, si, de toute évidence, elle était décidée à se faire chier toute seule, tant elle ressentait le besoin d'emmerder quelqu'un. Trêve de plaisanteries. Elle était partie à visiter, se promenant sur les chemins poussiéreux, naviguant entre les différents obstacles, bâtiments, trous dans le sol qui risqueraient de lui briser une cheville, petits amonts de terre et tout ce qui pourrait perturber son chemin. Ses yeux curieux examinaient aussi chaque bâtisse qui se dressait devant elle, chaque passage qu'elle empruntait. Un nouveau monde qui s'offrait à elle. Elle avait l'impression d'être une gamine qui découvre un monde enchanté, d'être Alice, qui a à sa portée tout un monde merveilleux, rempli de surprises, d'inattendus. Elle resta émerveillée, jusqu'à découvrir autre chose. Le carrousel. Impossible d'empêcher ses lèvres de s'étirer face à l'invasion de souvenirs de son enfance dans son esprit. Ça lui manquait. D'être jeune et innocente, s'entend. Son doigt alla se coller sur le bois qui constituait l'un des chevaux, l'effleura un instant. Bien sûr, c'était un peu vieux mais cela restait sympathique. Un bruit dans son dos. Elle se retourna sans attendre, découvrant ainsi Callan, quelques mètres plus loin. Ne lui dites pas qu'il l'avait suivie ici afin de la droguer et de la violer ! Non, quand même pas. N'est-ce pas ? Non, bien sûr que non, soyons optimiste quant à ses chances de survie. « Pedobear, fais gaffe, j'suis armée ! » D'un stylo. L'arme la plus inutile et inoffensive de tous les temps. Bravo, Zofia. Avec ça, c'était certain qu'il allait trembler. Et elle avait l'air fine, son petit stylo bleu à la main, pointé en direction de son camarade. Heureusement qu'elle n'avait jamais eu peur du ridicule. Pas trop, disons.

Je suis incapable de me contenter de ce que j'ai, j'ai toujours besoin d'action, j'ai ce besoin constant de rester actif. L’immobilité ça ne me connait pas. Je déteste ça. Je ne supporte pas rester à rien faire. J'ai besoin de sensations fortes, d'une montée d'adrénaline. Je suis un drogué à l'adrénaline à défaut de pouvoir consommer autre chose. Il fut un temps où je consommais la vie par les deux bouts. Les excès ça me connait. Et en ce moment mon seul excès consiste à fumer comme un pompier et à faire l'amour à ma femme plus que de raisons. D'ailleurs en parlant de sexe, j'arrive aux abords de la fête foraine et remarque une jeune femme qui ne m'est pas inconnue. Zofia qui doit me prendre pour un détraquer sexuel avec cette histoire de drogue et de culotte. Cela dit, c'est elle qui a commencé. Les mains dans les poches je m'approche mutin tandis qu'elle brandit un truc tout en me prévenant qu'elle est armée. Je ris. « Je viens en paix... » Je lève les mains en l'air, comme si son arme de fortune avait un quelconque effet sur moi. J'arrive presque à sa hauteur. « De toute façon tu ne risque rien tant que tu es sobres. » Je m'approche des chevaux de bois. Mon dieu, ça fait une éternité que je ne suis pas monté sur un carrousel. Je monte sur un cheval, bombe le torse et tend la main en direction de la jeune femme. « Je t'emmène faire un tour ? »

Parfois, même souvent, son enfance lui manquait. Ouais. Qu'est-ce que ça avait été bien, ce moment-là. La simplicité des instants passés, la naïveté, l'insouciance. Elle aimerait pouvoir en être toujours dotée, elle aimerait que le monde ait toujours cette part de magie et de gaieté. Elle ne savait pas si le monde avait changé tragiquement ou si elle avait simplement ouvert les yeux mais quelque chose s'était brisé entre temps. Une chose irréparable, de toute évidence. Et cela ressemblait à un mal dont tout le monde souffrait. La barrière entre l'enfance et l'âge adulte ressemblait étrangement à un ravin qu'il fallait dépasser d'un bond, sans prendre le moindre élan. Soit. Le fait étant qu'elle était armée. Oui, ceci était sérieux. Un stylo devait être une arme un minimum offensive, n'est-ce pas ? Elle espérait que si, même pour un gaillard comme Callan. Elle allait survivre. Ouais. Elle voulait y croire. Parce que son camarade était un véritable psychopathe, cela allait de soit hein. Non, heureusement, il venait en paix. Quel soulagement ! «  Je suis rassurée, là, tu n'imagines même pas. » qu'elle plaisanta. Heureusement qu'elle n'était pas parano - ouais, on va dire ça – parce que sinon, elle aurait vite fait de construire une véritable méfiance concernant Callan, de peur qu'il puisse réellement lui vouloir du mal. Ouais, qu'il fasse gaffe, une blague au mauvais moment et paf, le piège se refermait. Qu'importe. Grimpé sur un cheval, elle l'observa un instant après ses paroles, yeux plissés, en pleine réflexion. «  Tu sais, tu casses toute l'image que j'ai toujours eu du prince charmant, là... » Un vieux cheval en bois tout pourri, un type qui pourrait être son père... Non, vraiment, heureusement qu'elle ne s'était pas faite berner trop longtemps par ces illusions du prince charmant parce que là, sinon, il est clair qu'elle en tomberait à la renverse.