J'aime bien la salle de projection parce qu'il y fait noir, parce qu'en général elle n'est pas souvent prise d'assaut par les candidats. Il semblerait que les autres ne s'ennuient pas autant que je ne peux m'ennuyer moi. Mes journées sont tellement rempli d'ordinaire que j'ai beaucoup de mal à rester à rien faire et à trouver de quelle façon m'occuper. Un film me semble être une bonne idée en cette journée plus que morose. Le soleil se planque depuis plusieurs jours et le temps a tendance à se refléter sur mon moral. J'ai connu mieux dans le genre et j'ai envie de me changer les idées devant la télé, ou plutôt le grand écran qui occupe une grande partie du mur. Je suis entrain de chercher ce que je vais bien pouvoir me faire sauf qu'il y a beaucoup trop de choix. Je ne suis pas bien certaine de savoir ce dont j'ai envie de voir. Action, horreur, drame, comédie ? Je soupire face à ce dilemme. Je pense que ça va me prendre plus de temps que je l'aurais pensé. Et finalement la porte s'ouvre sur une blonde dont le prénom m'a échappé mais ça ne m'étonne pas plus que ça. « Salut ! » Je souris assez enthousiaste pour une fois. C'est particulièrement étonnant quand on y pense. « T'es plutôt Terminator ? Coup de foudre à Notting Hill ? L'exorcisme ? Ou le facteur sonne toujours deux fois ? » Je fais la grimace parce que rien de tout ça ne m'inspire finalement. Et puis peut être qu'elle n'était pas là pour regarder un film, que sais-je moi après tout ?

Carmen n'était d'humeur en rien cet après midi. Elle avait arpenté le chalet de long en large, cherchant de quoi se divertir quelque peu sans ne jamais trouver chaussure à son pieds. Le meilleur remède à cette sorte d'ennui qui s'était éprit d'elle résidait dans le cellier, d'abord. Elle attrapa un paquet de cookies (son pécher mignon depuis bien des années déjà) ainsi qu'une ou deux bouteilles d'alcool. Au point où elle en était, Carmen s'imaginait pouvoir passer le reste de la journée sans s'en rendre compte puisque complètement saoule. Aussi décida-t-elle, armée de son attirail, de se diriger dans un lieu sombre et calme. Et quoi de mieux pour être tranquille que la salle de projection ? L'italienne prit donc le chemin de cette salle, un peu plus gaiement que précédemment, arborant même un léger sourire. Surprise de constater qu'elle ne serait pas seule, la jeune femme haussa les épaules adorablement. Un peu de compagnie n'était pas de refus, finalement et la candidate lui faisait face – souriant également – lui était inconnue. Raison de plus pour lui proposer de passer le reste de l'après midi en sa compagnie. « N'importe quoi, en fait. Je ne venais pas pour regarder un film » lui répondit-elle pleine de mystère, s'approchant d'elle les mains toujours pleines afin de déposer ses victuailles. « Je m'ennuyais tellement que j'avais décidé de me saouler en mangeant des cookies. Ça te dit ? » Carmen s'assit près de la candidate dont le nom lui échappait – qu'importe finalement – et lui présenta son garde manger improvisé. Sans attendre, elle ouvrit la première bouteille, du blanc à en juger par la couleur et porta le goulot à ses lèvres.

Pour une fois, l'une des rares fois de ma vie sans doute, et sans vraiment faire preuve d'exagération, je suis contente de tomber sur la jeune femme. Je n'arrive pas à faire le choix. Choisir un film ne devrait pas être si compliqué. Je ne vais pas souvent au cinéma, je manque de temps. Je crois que le dernier film que je suis allée voir était un disney, pour mon fils. Bref. Les films, je les regarde lorsqu'ils passent à la télé donc, aucun choix n'est à faire. Alors ouais, je suis contente sauf que. « N'importe quoi, en fait. Je ne venais pas pour regarder un film »Oh, mon sourire s'éteint. Qu'est-ce qu'elle fait là alors ? D'ailleurs, elle continue de sourire. Et bien, d'accord. Elle s'approche et c'est seulement maintenant que je remarque ce que contiennent ses bras. De l'alcool et des cookies. Hum, d'accord. Du coup je repose mes dvd. « Tant pis pour mon film alors. » Elle m'intrigue avec toutes ces choses dans les bras, mais ne tarde pas à m'éclairer sur la raison de sa venue ici. « Je m'ennuyais tellement que j'avais décidé de me saouler en mangeant des cookies. Ça te dit ? » Et bien, je prends à peine trois secondes pour réfléchir. Je hoche la tête positivement avant de répondre. « Oui volontiers. C'est toujours mieux de se saouler à plusieurs je présume. » Je n'ai pas fait ça depuis très longtemps, l'avantage ici c'est que je n'ai pas à me soucier de qui que ce soit, à part de moi. Ça ne me ressemble pas de boire en pleine après midi mais il faut oser dans la vie. Je ne tarde pas à imiter la jolie blonde puis m'empare d'une bouteille. Un liquide transparent. Hum. Vodka. Parfait. C'est fort, ça brûle le gosier mais après la deuxième gorgée ce serait beaucoup moins douloureux.

Carmen ne quittait pas ce sourire radieux illuminant son visage. Si elle avait prévu d'être seule cet après midi, trouver quelqu'un la ravissait, finalement. Et la candidate n'avait d'autant plus pas l'air d'avoir le caractère de merde dont était pourvue Mado. Double ravissement donc pour l'italienne qui s'approcha d'autant plus jusqu'à s'agenouiller auprès d'une Everleigh apparemment déçue. Loin de Carmen l'idée de la décevoir. Aussi, la blonde se ravisa et secoua la tête. « Oh non, tu peux en mettre un si tu veux.. on aura de quoi boire et manger, comme ça. L'exorcisme ? Je ne regarde jamais de films d'horreur quand je suis seule alors comme tu es là.. » Sa reprise était précipitée, bafouillée rapidement afin que la déception de la demoiselle ne s'évapore vite et Carmen ne fut pas certaine que tous ses mots aient réussis à se frayer un chemin jusqu'à la candidate, tant elle les avait déballé d'une vitesse fulgurante. Elle haussa les épaules, une moue adorable et désolée sur son visage et attrapa donc la bouteille d'alcool qu'elle porta à ses lèvres. Un longue gorgée se dissipa dans sa trachée et lui brûla même l'estomac, réchauffant son corps frêle trop peu habitué à un tel froid. « Oui volontiers. C'est toujours mieux de se saouler à plusieurs je présume. » Certainement, oui. Cela dit, l'italienne ne le niait pas, il lui était arrivé de boire seul. Noyer son désespoir dans l'alcool et finir sur un podium ou un bar à se déhancher, incapable de rester maître de ses actes et oubliant même complètement les suites de ses soirées. Cela dit, elle se garda bien de l'avouer à la brunette, pas certaine que cet événement de sa vie soit racontable au bout de quelques secondes à peine de leur rencontre. « Je n'ai jamais... été amoureuse. » cette phrase sortait de nul part, oui. Carmen venait d'improviser le jeu du 'je n'ai jamais' espérant que la candidate lui faisant face comprenne et boive si jamais, de son côté, elle avait été amoureuse, au moins une fois dans sa vie. Détestant parler d'elle, même en répondant à des question, l'italienne venait de trouver le moyen de le faire sans que la discussion tourne autour d'elle.

Et donc aucun film au programme aujourd'hui, pas grave. Ce sera pour une prochaine fois, mais de toute façon la compagnie d'une jeune femme valait mieux qu'un film à mourir d'ennui. Oui la compagnie, moi la grande solitaire je suis ravie d'avoir un peu de compagnie. Peut être est-ce dû au sourire étincelant de la jeune femme à l'accent chantant. Sans doute ou la perspective de la découvrir sinon ? En tout cas ma déception doit être relativement marqué puisqu'elle se ravise sur le champ. Si rapidement que je capte que la moitié. « Oh non, tu peux en mettre un si tu veux.. on aura de quoi boire et manger, comme ça. L'exorcisme ? Je ne regarde jamais de films d'horreur quand je suis seule alors comme tu es là.. » Je remets les mots dans l'ordre dans ma tête et souris à la blonde au sourire communicatif. « L'exorcisme ça peut être drôle avec l'alcool en plus. » Un classique certes mais un vieux classique, qui dit vieux peut dire angoissant mais aussi drôle d'absurdités. En attendant on prend chacun une bouteille, j'observe la blonde qui vide une bonne partie du contenu de sa bouteille. Sacrée descente. Et puis, je comprends bien rapidement qu'elle a envie de jouer c'est sympa même si la première affirmation est moins sympa pour le coup. J'ai déjà été amoureuse, deux fois, je dois donc boire. « Tu as bien de la chance en tout cas. » Je ris parce que c'est pathétique et m'enfile une bonne rasade de l'alcool. Je dédicacerais bien ce verre aux amoureux mais c'est trop de mauvais goût. « Je n'ai jamais... bu à en perdre la raison. » J'ai toujours eu conscience de mes actes à chaque fois. Je bois rarement de toute façon, un verre, deux peut être mais rarement plus. Je suis danseuse, je dois m'imposer une certaine rigueur.