feat mai-lan

Quelle imbécile, je ne suis rien qu'une imbécile. Aller passer le casting à Los Angeles d'accord, mais être ici à Dublin c'est totalement surréaliste. Je suis pétrifiée. Je me demande ce que je peux espérer en plus. Je repense à la question, celle qui demande où on voudrait être, elle va me porter préjudice, je le sais. J'ai un mauvais pressentiment, un très mauvais pressentiments. J'ai envie de partir d'ici pour ne plus jamais revenir, vraiment mais je ne peux pas reprendre l'avion immédiatement, mon vol est demain, dans la matinée je crois, j'ai toute la journée à perdre. J'hésite à sortir directement, j'ai peur d'éclater en sanglot dans la rue. La pression, le stresse il faut qu'ils redescendent. J'ai besoin de boire quelque chose. J'ai repérée une salle, une sorte de cafétéria. Je m'y rends après être passé par les toilettes pour me passer un peu d'eau fraîche sur le visage. La pièce est bondée, j'hésite à faire demi-tour, j'ai vraiment besoin de boire quelque chose. Je me fraie un chemin parmi les candidats à la fois nerveux et excités. La demoiselle devant moi bute sur chacun de ses mots, finalement il y a pire qui l'aurait cru ? C'est vrai que je n'ai pas encore ouvert la bouche. Ma commande se passe bien, je n'ai pas trop balbutié. J'ai pris un thé, j'ai toujours peur de commander du café dans un pays que je ne connais pas tellement. C'est idiot. Je cherche une place, je balaye la salle du regard, toutes les tables sont prises, il y a trop d'excitation vers les canapés, mauvaise idée donc. Je repère une demoiselle, elle m'inspire plutôt confiance, beaucoup plus que celle qui dessine sur la table plus loin. Je m'approche d'elle, je ne souris pas, peut être que je devrais, mais je ne peux pas, mon visage est figé. Je ne crois pas qu'elle m'ait remarqué en plus. Bon, courage India, elle ne va pas te manger. Je suis vraiment ridicule. Vraiment.  « Est-ce que je peux m'asseoir ici ? » Je désigne la chaise d'un mouvement d'yeux. Bon ce n'était pas si difficile tout compte fait...

Le destin peut souvent vous emmener sur des pistes que vous n'imaginiez pas. Si on m'avait dit, il y a deux ans que je me retrouverais dans les locaux de l'une des plus grandes télés-réalités du monde, à passer les castings pour tenter d'entrer dans l'aventure. Que je serais seule parmi une foule d'inconnue, j'aurais ri au nez de ce Nostradamus.

Mais pourtant c'était bien vrai et en cette belle journée d’août, j'étais là, présente dans cette pièce, si petite si fragile entourée par ces êtres qui me faisaient peur, terriblement peur. Je m'étais donc pour fuir leur brouhaha incessant, installée dans un coin. Sur une des petites tables qui étaient mises à notre disposition. Je prenais une chaise, laissant celle à mes côtés volontairement vide. On ne savait vraiment pas ce qui pouvait se passer. À vrai dire, je me rendis compte que j'avais bien fait, une jeune et jolie femme, brune, s'approcha de moi et me demanda si elle pouvait s'asseoir. Légèrement déconnectée de la réalité, je mis quelques secondes à répondre tout en essayant un maximum de sourire, juste histoire de la rassurer.

Oui bien sûr, installe toi.

Elle semblait douce et agréable. Tout aussi effrayée que moi, par ce nouvel univers dans lequel on nous forçait à évoluer. Continuant à lui sourire et à parler d'une voix calme et posée, pour continuer à détendre l'atmosphère, je disais :

Je suis Mai-Lan et toi ?

Une phrase, pas forcément exceptionnel. Simplement une petite accroche afin de lancer la conversation. De toute manière, il me faudrait encore passer quelques heures ici avant de repartir pour l'hôtel. Alors, autant passer ces quelques instants en bonne compagnie, plutôt que seule, non ?

Est-elle sourde ? Suis-je insignifiante ? Aurais-je choisi la mauvaise table, elle n'a pas l'allure d'une garce condescendante mais bon après tout, il ne faut pas se fier aux apparences. Toutes ces questions me passent par la tête, à vrai dire je préfère essuyer un refus plutôt que de me confronter à l'indifférence. J'suis une grande fille, je pourrais faire avec, mais à vrai dire je ne suis pas sûre d'être totalement sûre de ma décision encore et je ne sais pas, cet endroit me perturbe beaucoup trop pour le moment, j'ai simplement besoin de m'asseoir et déguster mon thé, je n'ai pas tellement envie de me confronter à une remarque, une dispute ou quoi. Les disputes ce n'est pas tellement ma tasse de thé, pas maintenant qui plus est. A vrai dire j'attends avec impatience le moment où je pourrais retrouver ma maison. J'ai besoin d'un peu de calme, une transition, m'habituer à tout ce capharnaüm avant de peut être - miraculeusement - intégrer le fameux nid avec peut être eux, ou pas d'ailleurs. La demoiselle relève la tête et immédiatement me gratifie d'un sourire. La pression retombe légèrement, le soulagement doit se lire sur mon visage. Tant mieux. Je lui souris aussi par automatisme. Oui bien sûr, installe toi. Tant mieux je m'installe sans me faire prier, bon par contre j'suis pas super bavarde moi, enfin si mais il me faut un petit temps d'adaptation. Elle reprend la parole avant même que je songe à le faire, tant mieux. Je suis Mai-Lan et toi ? J'imprime. Enfin j'essaye.  « India » Je réponds de façon tout à fait neutre, je bois une gorgée de thé, je n'avais pas prévu de faire la conversation, au contraire, j'avais plutôt envie de me poser là pour boire mon thé, c'est tout.  Sauf que ce n'est très poli il semblerait, surtout qu'elle a tenté d'engager la conversation. « Tu vis ici toi ? » Ici, Dublin s'entend pas, dans les locaux de Fake Lover ça va de soit.

Après toutes les énergumènes que j'avais pu croiser tout au long de la journée. J'avais peur que la jolie brune soit aussi de cette catégorie. Non pas que cela m'aurait déranger, mais tout de même... On va dire qu'il était plaisant de trouver quelqu'un de civilisé avec qui discuter. Je voyais bien à son visage, quelle ne semblait pas très à l'aise, qu'elle désirait juste boire son thé. Pour autant face à mes efforts de lancer une conversation, je fus vite rassurée de voir qu'elle pris à son tour la parole. Elle ce nommait India et me demanda quelques instants si je vivais ici, non dans les locaux de Fake Lover mais dans la ville de Dublin bien évidemment. Je continuais de lui sourire tout en parlant d'une voix claire, calme et posée :

Non pas du tous, j'habite en Angleterre, à Westminster pour être plus précis. Et toi ? Tu es irlandaise ?

Son prénom ne définissant pas clairement ses origines, je ne savais pas réellement quoi en penser. Ainsi, pour éviter de faire une erreur. Je préférais poser la question, histoire de mettre les choses à plat, tous simplement.

Je crois que j'ai atterrit dans un zoo, je pense qu'elles sont entrain de participer à un concours, le concours de la fille la plus ridicule. Je n'ai jamais compris ce besoin omniprésent de certaines de chercher l'attention. Je me dis que j'espère que ce n'est pas un critère de sélection parce que je serais sans doute recalé. Crystal sera déçue. Je m'installe à la table d'une jeune fille qui m'a l'air relativement équilibré. Enfin en apparence. Je crois qu'elle remarque mon mal-être certain et ce n'est pas forcément une bonne chose, je pense que je suis un peu trop stressée, ils m'ont stressé et je n'aime pas être stressé parce que je n'arrive pas bien à dissimuler mes sentiments, peu importe ce n'est pas bien grave, à vrai dire je suis surtout là pour prendre mon thé. Il s'avère que la demoiselle en question me fait la conversation, je ne peux pas l'ignorer. Je suis bien élevée et elle ne m'a pas l'air désagréable. Je me sens un peu obligée de lui poser une question à mon tour, c'est ce que font les gens civilisés, parler. Et je le suis civilisée. Non pas du tous, j'habite en Angleterre, à Westminster pour être plus précis. Et toi ? Tu es irlandaise ? Oh. Bon d'accord, c'est vrai qu'il n'a pas d'accent irlandais mais elle pourrait habiter ici tout de même. Je secoue la tête. « Non, américaine. C'est pour ça que je suis encore là à attendre au lieu d'être chez moi au calme.  » Le calme me manque, je crois que c'est ce qui me manque le plus le calme. Je souris un peu. Bon par contre je bois mon thé parce que je ne sais pas trop quoi demander. Engager la conversation ce n'est pas vraiment mon truc, surtout quand je ne connais pas mon interlocuteur.

India, tout comme moi d'ailleurs ne semblait pas très à l'aise. Parler avec un inconnu, ici, dans ce cadre, en ne sachant même pas si on aurait, un jour, la joie de se revoir était des plus étranges. En réponse à ma question, elle m'expliqua qu'elle habitait aux États-Unis et que c'était ce qui la poussait à rester ici, plutôt qu'à rentrer chez elle au calme. Je la vis porter, à ses lèvres son thé, elle semblait gênée, un peu mutine, un peu perdue. Un peu comme moi quoi... Désirant rompre le silence gênant qui commençait à s'installer, je disais :

Sinon, les castings ? Ce ne fut pas trop difficile ?

C'était une question comme un autre, une manière subtile, de continuer la conversation et d'en ainsi, un peu, plus, sur la charmante brune qui me faisait face. Je déplissais ma robe, remettais mes cheveux en place, posait ma voix, mon regard, curieuse d'entendre la réponse de mon interlocutrice.