ft. arès

Mon ventre grondait comme ce n’était pas possible. Et pourtant, j’avais bel et bien mangé mon repas lorsqu’il en avait été l’heure. Semble-t-il que ce dernier n’avait pas réussi à assouvir mes besoins primaires, et que désormais, cet estomac m’en réclamait encore plus. M’empêcher, du même coup, de sombrer dans un sommeil plus ou moins reposant. Je me glissais donc hors du lit, chaussant mes pieds de ballerine simple, puis je quittais l’école des filles en direction de la cantine. Vide, fort heureusement, à cette heure. Ce que je n’aimais pas tant l’idée de me balader en pyjama dans toute la ville, à la vue de tous, voyez. Heureusement que la cuisine était juste à côté de mon dortoir. Je fouillais les armoires, soupirait d’aise d’y trouver de quoi me concocter un encas nocturne – des surplus que d’autres avaient abandonnés là – mais une question restait en suspend : qu’allais-je me mettre sous la dent. J’avais sous la main du pain et du Nutella, alors pas besoin de se casser la tête, de toute évidence. Seulement… seulement, ça n’allait pas suffire. Je le savais très bien. Quand ça me prenait, ce genre de rage nocturne, j’avais un appétit d’ogre. Fort heureusement, mon métabolisme ultrarapide m’évitait de prendre les quelques kilos en trop qu’une telle virée culinaire risquait de m’apporter. Mes tartines savourés, j’avisais les fruits dans un panier en osier non loin de moi, jugeait le Nutella du coin de l’œil. Avec les tartines, ça ferait surement l’affaire. Et puis, comment dire non à du chocolat. C’est comme la barbe à papa, ça. Tout simplement impossible d’y résister. Je m’affairais à découper mes petites trouvailles quand, entendant le sol grincer sous le poids de certains pas, je relevais la tête pour reconnaître celle de mon cher partenaire, dans l’entrebâillement de la porte. « Bonsoir, monsieur le vainqueur. » lui lançais-je en guise de salutation. Son équipe l’avait grandement emporté sur la mienne, lors du duel d’équipe. Et d’après les règles, je me devais d’être à son service. Hm, ouais, on verra bien. J'étais gentille, oui, mais pas une boniche de service, qu'on se le dise.

Mes yeux ne désirent pas se fermer et Morphée de m’accueillir. Depuis une semaine, j'ai appris à ne pas jouer les vers et je reste immobile, même si l'envie de me tortiller me démange. Je tourne le dos à Tris et je me demande si elle dort. Je n'ose pas la déranger, le lui demander alors j'attends. Et je passe un long moment à réfléchir à cette aventure qu'on m'a permit de vivre, à ce prime qui m'a pas mal bouleversé alors que je n'étais même pas nominé et à cette victoire que j'ai remporté, sans pour autant aider mon équipe. J'ai un peu honte d'avoir droit à ce privilège alors que je n'ai rien fait pour l'obtenir mais, tant qu'à faire, autant en profiter. Je sens Tris bouger, se lever et sortir de la chambre. Je me tourne, la guette et puis, j'essaie de m'endormir. Ce coup-ci, je peux me tortiller dans tous les sens. J'essaie plusieurs positions qui ne sont pas concluantes. Je soupire à plusieurs reprises et puis, je me lève à mon tour. J'enfile simplement un jogging, je passe par la salle de bain et je me passe de l'eau sur le visage. Depuis que je suis entré dans le nid, je n'ose pas compter les heures où j'ai réussis à dormir tant elles sont moindre. Je me découvre chouette plutôt que marmotte. Et si, au début, je devais encaisser les cernes de trois kilomètres sous mes yeux et l'humeur de chien, je me suis habitué. Je me regarde un moment je tâte le dessous de mes yeux et, satisfait, je sors de la chambre des filles et me dirige du côté de la cantine d'où j’aperçois de la lumière. C'est vieux et ça craque. Je ne passe pas inaperçu. J'atterri sur une Tris en plein déjeuné nocturne et un léger sourire flotte sur mon visage. Je me joins à elle. « Bonsoir, monsieur le vainqueur. » Je lève les yeux au ciel. « Tu parles, j'ai rien fait pour. » je lui chipe le fruit qu'elle a dans les mains et en croque un morceau. Elle n'a rien le droit de dire après tout, j'ai droit à tout et elle est à mon service. « Mais, savoir que tu es à mon service n'est pas pour me déplaire. » je murmure enfin, la bouche pleine. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais lui demander cette semaine. Tout ce que je veux ? hm.

J’ai quitté le lit conjugal sans un mot, sans un bruit presque. J’ignore que mon partenaire tarde à trouver, lui aussi, le sommeil. J’ignore même qu’il m’a regardé quitter la pièce avant de retourner à sa pseudo-tentative pour tomber dans les bras de Morphée. Peine perdue, d’ailleurs, car une dizaine de minutes après mon arrivée dans la cantine, alors que ma concentration est à son paroxysme durant la préparation de mon encas nocturne, il s’infiltre à son tour dans les lieux. Sa présence ne me dérange aucunement. En fait, je préférais être accompagné que seule, même si je n’applique pas toujours cet adage dans ma vie de tous les jours. Mais ici, c’est différent. On peut tomber sur quelqu’un n’importe où, et n’importe quand, sans jamais avoir à rechercher. Je le salue et le voilà qu’il lève les yeux au ciel. « Tu parles, j’ai rien fait pour. » Tout comme je n’ai rien fait pour empêcher ce cruel sort de tomber sur mon équipe. Ceci dit, moi, je mérite cette malédiction. Lui… je ne sais pas. Bon, je rigole, bien sûr. Il me prend le morceau de pommes que j’ai entre les mains, et je fixe une moue mécontente sur mon visage un quart de seconde, avant d’hausser les épaules et reprendre ma besogne. Un morceau de fruits de moins ou de plus, ça ne change pas grand-chose. « Mais, savoir que tu es à mon service n’est pas pour me déplaire. » Je lève les yeux vers lui, mon regard se plisse un court instant. Je ne suis pas certaine que je veux savoir ce qu’il a derrière la tête. « Ne te fais pas d’idée, surtout. » que je lui lance, comme ça. Disons que j’ai peut-être eu vent de certains de ces rapprochements avec d’autres candidates dans le jeu. Avec la remarque qu’il m’a adressée au premier prime, remarquez, je ne devrais pas être très surprise. Je dispose, tout en continuant de fixer mon partenaire, mes fruits dans un bol, et déverse un peu de Nutella dans un autre. Puis, mon butin bien en main, je contourne l’ilot et viens m’installer à la table. « Tu en veux? Je partage, si ça te dis. » Ça m’évitera de faire trop ma gourmande, tiens. Peut-être aussi un moyen détourner d’acheter la paix, qui sait.

A part dormir à ses côtés toutes les nuits, échanger quelques mots, je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup voir Tris. J'ai suivis assidûment son blog afin de constater de ses relations mais je n'en ai pas plus découverts que ça. Et je dois avouer que je prends un peu au sérieux cette histoire de couple. D'autant plus que Tris est comme un pilier pour moi. C'est avec elle que je suis entré et j'espère allé le plus loin possible dans l'aventure en sa compagnie. En ce sens, j'ai envie de passer un peu plus de temps avec elle. Et cette histoire d'équipe tombe à pic, en plus. Je m'assieds près d'elle, je lui vole un quartier de pomme que je fourre dans ma bouche immédiatement. A se préparer un bon encas, elle me donne fin et mon ventre gronde. « Ne te fais pas d’idée, surtout. » j'arque un sourcil. Son ton est-il sec ou un peu forcé ? Et pourquoi est-ce que je me fous sur la défensive directement ? J'ai l'impression qu'ici la moindre remarque est une agression. Que tout le monde ne veut à tout le monde. Que je suis seul, finalement. J'ai beau être un solitaire, j'aime bien avoir du soutient, de la compagnie. « T'as pas le droit de refuser, de toute façon. » je rétorque avec aplombs, la bouche encore à moitié pleine. Le jus de la pomme me chatouille et me rafraîchis la gorge, ça fait un bien fou. « Tu en veux? Je partage, si ça te dis. » « J'veux bien, tu m'as donné faim. Et ça a l'air bon. » je réponds. Et je n'attends pas qu'elle me donne un morceau, je le prends de moi-même et le goutte, rapidement. Je sais pas trop par où commencer, quoi lui dire, quoi lui demander. J'ai l'impression qu'au fond, on est que des étrangers. Que je connais certains autres candidats mieux qu'elle. Et qu'avec Tris, je prends des pincettes. « Tu voudrais pas me donner la bectée ? j'voudrais pas me salir les mains. » je lui demande, mutin. Je me fiche de l'énerver, je me fiche qu'elle soit coincée, j'ai envie de m'amuser un peu. De la tester, de voir jusqu'où elle peut aller.