Je ne sais pas ce qui me poussa à répondre à l’invitation de cette Zofia que je connaissais à peine. Peut-être n’avais-je réellement pas l’envie d’aller dormir, peut-être que l’idée de me retrouver toute seule dans mon lit – car Arès ne risquait pas de me rejoindre de sitôt – ne me plaisait pas tant. Quoi de mieux qu’un peu de compagnies pour chasser l’ennui. Et peut-être une bonne bouteille de whisky, aussi, tient. Je n’étais pas tant une alcoolique dans l’âme, mais j’avais eu mes moments d’égarement, je l’avoue. On fait tous ce genre de folie à l’Université. Ces fêtes-là sont tout simplement énormes, de toute façon. Remarquez, je m’étais légèrement assagie depuis… peut-être même un peu trop selon certains dires. Mais j’avais du mal, désormais, à faire revivre de ces cendres cette fille-là. Qui aujourd’hui, m’apparaissait comme une inconnue, tant son image était lointaine, et surtout, flou. Très flou. La petite fête improvisée devait se dérouler au bistro, et après avoir été faire un petit détour par la salle de bain pour me rafraîchir, je me pointais au lieu de rendez-vous. Nous n’étions… que trois. Zofia, Lulu et moi. Pour l’instant, je l’espère. La jeune femme y alla de ses commentaires en direction de son partenaire, puis tourna le regard vers moi. « Mademoiselle pop-corn. » Je pinçais légèrement des lèvres, avant de lui offrir un léger sourire. Bon, je ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas se souvenir de mon prénom. Je peinais encore à me souvenir de tous les autres, alors ! Je passais derrière le bar, et me servis un Whisky sur glace, conforme à mes désirs. Mon regard se riva sur l’autre candidat. « Lulu, c’est bien ça? » que je lui demandais, voulant m’assurer que je ne faisais pas erreur sur la personne. Ça serait bête.

Ma partenaire avait désespérément besoin de moi, mais jamais il n'en avait été autrement, après tout, même si elle semblait, d'apparence, ne pas m'aimer, je savais qu'au fond il n'en était pas grand chose. Non, tout n'était que provocation, d'ailleurs, lorsque j'entrais enfin en compagnie d'une autre candidate dans le lieu de rendez-vous, le bistrot, celle ci ne pu s'empêcher de faire une remarque à mon sujet. « Lulu, dans cinq ou six gorgées, je pense que je commencerais à t'apprécier. » un léger sourire en coin se dessine alors sur mes lèvres, mon pied se laissant guider par cette musique des plus navrantes. J'ai toujours aimé la musique, mais de là à passer un de ces vieux morceaux lors d'une soirée censée être arrosée, pas sûr qu'on en vienne toujours à s'amuser lorsque les verres seront vidés. « Je pensais que tu tenais mieux l'alcool que ça, Zofia. » lâchais-je, ironique en réponse à sa dernière réplique. Mademoiselle pop-corn semble s'avancer, j'en fais donc tout autant avant qu'elle ne m'adresse un mot. « Lulu, c’est bien ça? » j'approuve d'un hochement de tête avant de lui répondre « Tris... » en signe de salutation, comme pour lui certifier que son nom ne m'a pas échappé. Là, je dépose les enceintes sur le bar, des petites, bien entendu, mais de quoi rivaliser largement avec le son de cette jukebox. « Zofia, tu ne sais décidément pas comment faire une bonne soirée, coupe moi cette musique des plus ridicules. » continuais-je sur un ton neutre tout en déposant mon Ipod au milieu des enceintes, branché. Là, une musique déjà bien plus destructrice s'étala dans la pièce, coupant la parole à sa voisine.

Je ne parviens pas à dormir. Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer, de me concentrer sur la respiration de ma voisine avec l’espoir qu’elle m’entrainera vers Morphée, mais mes efforts sont vains, et comme à chaque fois, ou du moins bien souvent, je finis par m’extraire du lit le plus discrètement possible, et récupérer mes affaires pliées sur une chaise. J’achève de m’habiller dans le couloir, toujours par soucis de discrétion, et je file rapidement par la porte restée ouverte. Je ne sais pas quelle heure il peut être, mais probablement pas excessivement tôt dans la matinée, vu que je suis allé me coucher juste après la fin du prime. J’avance dans le village en profitant du calme qui y règne en l’absence des autres. Tout est éteint, et seule la lune pleine me permet de voir où je mets les pieds. J’imagine les autres profondément endormis, réussissant aisément là où j’échoue à chaque fois. Aussi, je suis surpris de constater qu’un bâtiment est toujours vivement éclairé, en débouchant sur la place du village. D’autres insomniaques ? Je me rappelle alors, avoir entendu parler de cette tentative de soirée organisée par la mutique Zofia. Hum. Par curiosité, je m’approche, constatant, à mesure que je progresse vers les verrières, qu’ils ne sont que trois. Ma percuteuse, le tatoué, et la mutique grinçante. Une épaule contre le chambranle de la porte, bras croisés sur le torse, je les observe “faire la fête”, un sourire aux lèvres. Personne ne m’a encore remarqué, et c’est tant mieux, ça m’offre le loisir de contempler leur valse socialisante, avant de me faire connaître. « Ainsi, c’est donc ça une fête ? » Je demande, toujours en souriant, avant de me décrocher de la porte pour rejoindre le comptoir, sans oublier de saluer Tris au passage. Je récupère un shot propre, et m’empresse de le remplir de tequila, enfin de ce que je suppose être de la tequila vu que la bouteille se trouve privée d’étiquette. J’approche le verre de la mutique, le lui tendant sans le lui offrir. « J’ai entendu dire que ça avait la faculté de te rendre aimable. » J’annonce avec le sourire, toujours le sourire, oui je sais, c’est agaçant, avant de déposer le shot sur le comptoir devant elle, et de récupérer un citron vert dans la corbeille pour le couper en quartiers que je lui offre aussi, accompagné de la salière. Comme il se doit. « Un verre ? » je propose aux deux autres en levant le nez du comptoir.

J'ai pas envie de rentrer me coucher et, en surfant un moment sur le net, j'ai constaté qu'une certaine Zofia, proposait une fête. Pas changé et toujours habillé de la même manière que pour le prime, je me dirige en direction du Bistrot où est sensé se tenir cette petite beuverie. Je ne sais pas qui est de la partie, je ne sais pas ce qu'il y font et de quoi ils parlent. J'ai juste pas envie de me coucher. Et j'ai envie de boire. J'embrasse la pièce des yeux, les notes qui s'échappent des enceintes parviennent à mes oreilles. Y a de la bonne musique et apparemment pas mal d'alcool. Et il y a Tris. Ça me fait un repère. Et j'avoue en avoir besoin. J'ai du mal à me mêler aux personnes que je ne connais pas. J'ai du mal à m'exprimer, à parler. Et pourtant, je suis hyper sociable. Il paraît, du moins. J'affiche un large sourire et j'entre à pas de loup. « J’peux me joindre à la fête ? » j'articule d'une voix rauque en m'approchant du comptoir. Je me pose à côté de Tris, comme un gamin de cinq ans apeuré et accroché à la jupe de sa mère. J'ai pas eu l'occasion de rencontrer les autres, mais je leur souris. S'ils sont là, c'est qu'ils ont du goût, et qu'ils sont cools. « J’en veux un moi, s'teuplais. » je dit à l'intention d'Otello qui, à la base, proposait ça au deux autres, pas à moi. Enfin, tant qu'à faire, autant m’immiscer jusqu'au bout dans cette petite soirée.

J'ai toujours la chemise dégueulasse mais tant pis, je ne compte pas m'éterniser dehors. Candace est partie prendre une douche, elle en a plus besoin que moi. Je lui ai dit que je l'attendais dehors. Je crois qu'elle m'a dit qu'elle voulait dormir avec moi. On trouvera bien un endroit. Je suis entrain de fumer une cigarette sur la place de la mairie lorsque j'entends de la musique venir du bistrot. Ce n'est pas le genre de musique qui peut s'échapper du jukebox, elle est trop récente. Poussé par ma curiosité, j'écrase la cigarette dans le cendrier devant la porte et entre. Là, une petite bande s'est formé devant le comptoir. Je reconnais Lulu, le tatoué. Le mec italien sur lequel Candy était grimpé tout à l'heure, la fille qu'elle a embrassée, mademoiselle sans culotte amatrice de vodka, et la fille que j'ai embrassé aussi. Et un autre mec. Je ne sais pas de qui il s'agit, mais peu importe. « Salut » Je lui lance pour les informer de ma présence, même si le grincement de la porte a dû le faire pour moi. Je m'approche d'eux. « Tu m'en sers un aussi Tony, s'il te plait ? » Je demande en lui faisant un signe de tête. Je ne crois pas qu'il se prénomme ainsi, mais il me semble que Candace l'a appelé comme ça à plusieurs reprises. Je ne sais pas si je peux me fier à elle quoi qu'il en soit, je serais sans doute rapidement fixé je suppose.

Le prime vient de se terminer, je ne me suis pas fait prier pour partir de là. J'dois aller me changer, me laver à cause de Barbitch et sa coupe de champagne dégueulasse. Je m'éclipse vers l'école des filles pour me doucher. Callan m'attend dehors, je n'en ai pas pour longtemps de toute façon. Je me lave rapidement les cheveux aussi rapidement que je peux tout en maudissant la partenaire de mon mari, j'ai les cheveux tout collés entre eux. J'enfile une micro-robe, je l'ai déjà mise je crois. Peu importe, je pique une veste aussi, il fait froid dehors; elle est sans doute à Morticia, ouais là encore, peu importe. Je descends rapidement, les mains dans les poches, je trouve même un paquet de cigarettes, c'est la fête ce soir. J'en allume une lorsque je vois Callan s'en aller vers le bistrot. Je soupire. Il fait chier. Je le suis avec ma clope dans la main, et j'entre. Une musique résonne, une musique pas du tout à mon goût. « Elle est vraiment à chier la musique... » J'annonce alors que la porte claque derrière moi, ce n'est pas une critique, simplement une remarque. Je tire sur ma cigarette, j'inspecte les protagonistes de ma place, et m'approche doucement. J'entends mon cher époux demander de la tequila à Tony. Rapidement, je me place devant lui, lui tournant d'ailleurs le dos. « Non lui, il ne boit pas. » Si ça sonne comme un ordre, c'est justement parce que c'en est un. Je souris légèrement, sans adresser un regard à Callan, dernière moi. En parlant de cela, une jeune femme, celle que j'ai embrassé tout à l'heure, lance une remarque à son sujet. J'arque un sourcil. « Elle a raison Tris. C'est qui Tris d'ailleurs ? Ah, elle. La fille avec qui il a déjà échangé de la salive. Hum. J'hausse les épaules. « Tu danses Lulu ? » Je demande soudainement enjouée alors que je m'avance à ses côtés, ondulant déjà légèrement le bassin tout sourire.

Zofia ou l’art de la provocation. Zofia qui me force à sourire face à ses répliques assassines, ou qui se veulent assassines. Je l’en trouverais presque attendrissante. Je sais d’expérience que ce n’est pas le but de l’opération, mais je n’y peux rien, à la voir s’acharner de la sorte pour se faire plus sauvage qu’elle ne l’est, je me trouve plus amusé qu’agacer. Et je souris. Aussi, lorsqu’elle se hisse sur la pointe des pieds pour me faire miroiter quelques violences à l’oreille, je me retrouve à fredonner du Dalida « Paroles, paroles et paroles... » doucement, sans me défaire de ce sourire qui, je le sais, n’est absolument pas le résultat qu’elle escomptait. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment le temps de m’attarder sur sa réaction, que déjà de nouveaux arrivants me réclament au service. Je suis entrain de servir le verre du premier jeune homme, je ne connais pas son prénom, lorsque l’époux de Gina vient réclamer le sien. Je claque le shot de l’inconnu sur le comptoir pour l’informer qu’il est servit, scande un « Blondie ! » à défaut de connaître sa véritable identité, bien qu’il ne soit pas réellement blond. Gina rapplique, se plaignant de la musique avant de se placer entre son mari et moi pour m’interdire de lui servir à boire. J’attends qu’elle parte pour sortir une chope de derrière le bar. « Je suppose que tu es plus Guinness. » Il n’a pas vraiment la tête du type qui se torche à la tequila. Et en parlant de tequila, une grande brune contourne le bar pour venir me proposer son aide. « Avec plaisir ! Je n’ai jamais fait ça de ma vie, et j’ai l’impression qu’il en arrive un peu plus à chaque seconde. » je lui réponds en remplissant la chope à la pression, tout en jetant un coup d’oeil à la salle qui ne cesse de se remplir. Je fais glisser la bière jusqu’à Papy Joe, et le temps que je me retourne en direction de la brune, elle m’a déjà préparé une ligne de shot. J’imagine que je dois remplir tout ça d’un coup, c’est ça ? Je prends une profonde inspiration, m’empare de la bouteille, et d’un mouvement de bras tente de servir sans trop inonder le bar. C’est presque pas mal, mais c’est pas encore ça. « SERVICE !! » je scande à l’assemblée, avant de retourner vers les citrons pour en couper quelques uns. Je les dépose à proximité des shot, puis en tends un à la brunette, avant de récupérer un shot que j’avale d’une traite, fourrant, à sa suite, un quartier de citron entre mes dents. « A toi ! » Et bien oui, pas de raison qu’on ne se fasse pas plaisir, nous aussi.