J'erre dans réel but depuis une dizaine de minutes ayant quitter la bibliothèque depuis peu, je ne sais plus quoi faire, alors je marche tout droit, les mains dans les poches, à l'affut. J'aperçois Louis, assis dans le champs. Je pivote ma tête à gauche puis à droite, il est seul, je m'approche et c'est en réduisant la distance entre nous que je finis par remarquer les écouteurs blancs immaculés vissés à ses oreilles. Je finis par arriver derrière lui. Mes doigts capturent les écouteurs et libèrent ses oreilles. « Tu m'en veux ? » Je lui demande avec une simplicité déconcertante, autant faire dans le direct au lieu de tourner autour du pot. Si oui, je préfère le savoir tout de suite au lieu de le devenir au bout d'une semaine de silence radio, pour que je puisse commencer à cerner le problème. Je m'assois sur les genoux, derrière lui. On n'a pas eu le temps de se reparler depuis le prime. Mais j'ai senti qu'il faisait plus ou moins la gueule après ma réaction, il était en colère. Et quand je suis rentrée dans le dortoir, il était déjà endormi. On ne s'est pas trop croisé jusque là, je me reveillais toujours avant lui et j'allais dormir bien plus tard, j'oubliais facilement l'heure et je luttais de mieux en mieux contre le sommeil. On était en froid, apparemment, j'en sais rien. Je ne sais plus. Certes, je n'avais rien à lui reprocher, sauf sa réaction face à l'épisode blondie. Sa tendresse, sa faiblesse face aux larmes. Parce qu'elle a tout ce qu'elle mérite au fond, alors oui, je n'ai pas compris la réaction de Louis. Je sens que y a une certaine tension depuis le prime, j'ai rien fais pour arranger cela, au contraire, je l'ai laissé s'installer entre nous, sans rien faire. Habituellement, j'aurais les choses ainsi, mais là, c'est quand même mon partenaire.

Le soleil chaud reflété sur l'eau du port me manque, mes parents, mes frères, mes soeurs et les enfants de la fratrie: en somme, un beau moment de nostalgie, pour la bonne et simple raison que je n'ai jamais été séparé d'eux. Une fois n'est pas coutume, je balade au travers du village sans destination choisie, suivant plutôt l'intensité des rayons solaires, Nous avons beau être en Provence, je n'y vois pas la mer et ne me sens pas le moins du monde chez moi; je suppose que tout ça viendra avec le temps. Sans vraiment m'en rendre compte, j'atteris au millieu d'un champ: l'herbe est verdoyante, éclatante, je m'y aventure sans plus tarder puis m'assieds, enfilant mes écouteurs et m'y passant un bon vieux Jacques Brel. Les genoux repliés nonchalemment contre le torse, je ferme les yeux, relève la tête, exposant ma peau déjà tanée par les rayons solaires: j'en oublierai presque tout ce qui fait actuellement défaut à ma bonne humeur actuelle. Un quart d'heures et cinq morceaux plus tard, je n'ai pas bougé, vite dérangé par un intrus m'arrachant la musique des oreilles; je me retourne, constate avec grand étonnement que ma jolie partenaire m'a rejoint. Je nous pensais en froid, que me vaut ce soudain intérêt? Je m'allonge alors dans l'herbe, me frotte le visage des deux mains et laisse reposer mon avant-bras sur mon front, peu enclin à une dispute sur le moment. "Non, j'fais pas la gueule." J'ouvre les yeux, fuis tout de même le regard de Fantine. "C'est plutôt moi qui d'vrait t'poser la question, tu m'évites d'puis le dernier prime." Sa réaction m'avait été totalement incompréhensible, vraiment: quel était le problème quant au fait que j'ai de la peine pour la pauvre Daphné? Ca ne regardait que moi.

J'hésite à aller voir mon partenaire, mais il faut le faire. J'imagine qu'on ne va pas rester dans ce silence et ce froid jusqu'à la fin de l'aventure. On est partenaire quoi, ça doit pas se passer comme cela. Et surtout pas pour une connerie dans ce genre. Alors j'y vais. Je traverse le champs pour aller à sa rencontre. Louis se tord le cou pour apercevoir, il finit par s'allonger dans l'herbe. Cachant son visage dans ses mains. Je l'observe en silence, attendant ma réponse. Quoi ? Il me dit que non, il ne me fait pas la tête. J'en doute un peu, je fronce légèrement les sourcils. Il me retourne la question. Non, je ne l'évite pas. « Pas du tout. » Je lui réponds. Non, je ne lui fais pas la gueule, contrairement à ce qu'on pourrait penser. « Ce n'est pas ça. » Je confirme alors. Finalement je m'assois sur le sol, j'étends mes jambes, perpendiculairement à lui, je passe mes mains sous sa tête et je la soulève délicatement avant de la reposer sur mes cuisses. « Donc on peut dire qu'on est ok, alors ? » Je tente, pas très sûre de moi. Car j'ai remarqué que c'est lui qui évitait mon regard et non l'inverse. Je pose à plat mes paumes de mains en arrière, pour m'appuyer et éviter qu'il ne se prenne mes pointes de cheveux sur le visage, je rejette mes cheveux en arrière du coup.

J'ai beau feindre la neutralité, le fait que Fantine ait eu la démarche de venir me voir, même si c'était accidentel, au travers de sa route, me touche dans un certain sens. Il y a de ces personnes d'apparence intouchables, inapprivoisables, cachés derrière une carapace plus grosse que le monde: à mes yeux, ma partenaire fait partie de cette catégorie là, catégorie ayant le don de me déconcerter, de me mettre mal à l'aise au plus haut point. Expansif, bavard et incapable de garder la moindre pensée ou émotion, je suis tout simplement à mille lieux de tout ça. Parce qu'elle ne m'évite pas? Je ne réponds pas, faisant mine de ne pas la croire; au fond, je sais parfaitement que c'est moi qui, inconsciemment, la fuis depuis le début de la semaine, ne souhaitant tout bonnement pas affronter le mutisme de la belle. Sa seconde réplique m'intrigue: je n'ai pas le temps de m'exprimer qu'elle allonge ses jambes et, de son propre gré, m'offre le loisir d'y déposer ma tête. Ce genre de rapprochement, physique qui plus est, ne lui ressemble pas. "C'est 'pas ça'? J'te suis pas...", car oui, effectivement, je ne comprends pas. Je me mets plus à l'aise, tourne la tête vers Fantine et, du bout des doigts, lui carresse l'avant-bras, au risque qu'elle me rejette à nouveau. Peu importe. "Non, non, c'est pas ok... J'arrive pas à t'comprendre Fantine. Pourquoi tu t'renfermes autant sur toi-même?" Il n'y a rien d'aggressif dans mon ton, juste un simple désir de savoir pourquoi la belle semble si rétissante aux autres.

Louis est plutôt calme, j'adopte donc une habitude similaire à la sienne, tranquille. De toute façon, je me voyais mal m'énerver, là, maintenant, il n'y avait pas vraiment de raison. Aucune. Je l'écoute avec une certaine attention, là, c'est moi qui ne comprends pas. Il m'annonce que non , ce n'est pas bon. Alors je veux savoir d'où vient le problème. Il me parle de moi. Pardon ? C'est moi qui ne va pas ? Je reste une minute, interdite, le regard perdu sur la lavande avant d'enchainer. « Mais de quoi tu parles ? » Je lui demande en fronçant légèrement les sourcils. D'où lui vient cette idée ? D'où cela sort ? Pourquoi il m'en parle maintenant ? Que cherche t-il ? C'est un million de questions de ce genre là qui s'entrechoquent dans mon crâne, sans aucune réponse évidemment, sinon cela serait trop facile. J'entortille nerveusement une de ses mèches blondes autour de mon index tandis que je laisse l'un de mes avant-bras à la merci de ses doigts qui font de longs aller et retours. « C'est donc comme cela que tu me vois ? » Je lui demande d'une voix blanche avant de reposer mes yeux sur son visage. Je veux savoir. C'est presque blessant, au fond, oui, parce qu'une partie de moi a beau se sentir renfermée et quelque peu tacite, mais je ne pensais jamais l'air été avec lui. Apparemment, je me trompais. C'est dans ces moments là que je me dis qu'on est bien trop différents, j'imagine que c'est pour cela qu'on est partenaire et pour rien d'autre.

Le soleil se fait de plus en plus ardent, agresse mes pupilles, à tel point qu'il me devient presque vitale de fermer les yeux afin de ne pas perdre les quelques dixièmes qu'il me reste à chaque oeil. Chaque rayon se perdant dans la chevelure de Fantine lui donne un aspect divin, flamboyant, encore plus superbe qu'à l'habitude: j'ai oublié mon argentique et m'en mors vivement les doigts. Je tourne le visage vers elle, sonde un instant son regard. Ma partenaire a beau être plus proche qu'elle n'a jamais osé l'être avec moi, j'ai pourtant l'impression d'être à des années lumière d'elle: la belle ne me comprend pas, ne comprend pas ce que je peux lui reprocher. A vrai dire, ce ne sont même pas des reproches: je tente simplement de lui expliquer pourquoi j'ai bien du mal à m'aligner avec sa manière de communiquer. Elle est blessé par mes dires, je le vois dans ses yeux, l'entends au ton de sa voix: je me redresse bien vite, m'assieds face à elle, les jambes parralèles à son corps, m'inclinant en avant pour m'imposer devant son visage baissé vers le sol, manifestement dépité. "Non, non, c'est pas ça que j'veux dire ma belle. Ca m'taraude depuis qu'on s'est pris la tête pendant l'prime. J'ai l'impression qu'tu t'ouvres pas à moi, que tu t'refuses à me montrer c'qui se cache derrière ta carapace; à mes yeux, t'es plus que ma simple partenaire de jeu. Certes, ça n'fait qu'deux semaines qu'on s'connait, mais j't'aime déjà beaucoup Fantine. Tu sais tout d'moi, j'te raconte ma vie à longueur de temps; la réciproque n'y est pas, je n'sais même pas si t'as des frères et soeurs, combien d'sucres tu mets dans ton café ou quel est ton parfum d'glace préférée." Reprenant mon souffle, je baisse les yeux, me pince l'arête du nez. "Je- j't'en demande p't'être trop, dis-le moi si c'est l'cas, pose des limites. J'veux pas trop m'attacher à toi si j'dois me contenter d'un sens unique." Le sac est deballé; je n'ai plus qu'à m'en prendre plein la gueule.

La tête légèrement penchée en avant, mes cheveux créent un rideau qui m'empêche de le voir, j'attends juste sa réponse. Quelques secondes plus tard, Louis apparait dans mon champs de vision et je recule pour lui faciliter la tête. Il prétend ne rien connaître de moi, que je ne me confie pas assez à lui, je me mordille nerveusement la lèvre inférieure. Je n'en n'avais pas conscience, mais il a surement raison sinon il n'exposerait pas cette idée avec une telle assurance. « Tu connais le plus important. » Je précise en relevant la tête vers lui. Ce n'est pas suffisant j'imagine pour lui. Il sait l'essentiel, parce qu'il est mon partenaire. Je laisse continuer, il voudrait en savoir plus. « Pourquoi tu me parles de cela que maintenant ? » Je lui demande. Si je n'étais pas venue le voir, il m'aurait laissée dans l'ignorance surement. C'est complétement ridicule. Il parle de sens unique, et je bats des cils à à l'entente de ces mots. « Ce n'est pas parce que tu ne connais pas grand chose de ma vie à l'extérieur que je ne me sens pas proche de toi ou quoi. » J'annonce. « Et tu ne m'as jamais posé ces questions, tu sais que je suis pas le genre de fille à te balancer comme ça que j'ai une soeur ou tout autre informations. » Je continue. « J'aimerai juste que cette semaine se passe bien. » Je lui demande, c'est surement notre dernière en tant que binôme car je pense déjà que l'un de nous deux va quitter l'aventure, on est déjà jeudi, j'ai l'impression qu'on a déjà perdu trop de temps à cause de cette histoire au prime. Je voudrais juste profiter de cette semaine avec lui, c'est tout. On verra après.

Fantine semble incrédule face à mes dires; manifestement, elle était bien loin de se douter ce à quoi j'allais la confronter, et je commence malheureusement à croire que j'aurais peut-être dû garder tout ça pour moi. Parfois, il vaut mieux taire la vérité, surtout compte tenu de la situation: je sais qu'il ne me reste plus que quelques jours à passer avec la belle avant de quitter le jeu, et stupide est donc de ma part de probablement gâcher le peu de temps qu'il nous reste. Elle relève les yeux, me déclare du bout des lèvres que je connais le plus important à son sujet; elle a surement raison, j'en demande probablement trop. Je n'ouvre pas la bouche, la laisse continuer. "J'sais pas, je- comme j'te l'ai dit, ça fait plusieurs jours que ça me perturbe, et je sais que j'n'aurai pas pu faire comme si de rien n'était encore longtemps." Pour une raison que j'ignore, Fantine m'a toujours impressionné, et ce dès le premier regard; elle a beau être timide, frêle et douce, elle me paraît pourtant immense et bien plus forte que je ne le suis. Alors oui, j'avoue que, face à une Fantine moitié moins grande et carrée que je ne le suis, je n'en mène réellement pas large. Je l'écoute attentivement, analysant chacun de ses mots. "J'crois qu'on a définitivement pas la même manière d'fonctionner, et j'suppose que c'est ça qui m'a grand'ment perturbé; cela dit, je présume que c'est aussi pour ça que j'tiens à toi, t'es tellement loin de l'archétype de la fille standard." Quelque peu gêné par mes dires, je me gratte l'arrière du crâne, relève finalement les yeux. "Tu m'pardonnes? Désolé, vraiment." Cillant un instant, j'ouvre finalement mes bras, lui proposant une réconciliation à l'amiable. Qui ne tente rien n'a rien.

Je me demande depuis quand il rumine ce genre d'idée de relation à sens unique ou je ne sais quoi. Je suis presque contente qu'il m'en parle maintenant, ça m'évitera qu'il me le balance à un moment où il pourrait être énervé. « Tu aurais du m'en parler avant, de cela. » Je lui dis simplement, en haussant les épaules. Il finit par annoncer qu'on est différent, chose qui était de nature publique depuis plus d'une semaine. J'irais pas jusqu'à dire qu'on se complète mais au fond il y a un peu de cela, quand je suis avec lui, je l'écoute et mon silence est rempli par ce que me dit mon partenaire. Moi, cela me convient parfaitement, pour Louis, ce n'est pas la même chose, mais j'essayerai de faire un effort avec lui. Puisse que cela perturbe monsieur. Je relève un peu la tête, esquissant un sourire à l'entente du fait qu'il tient à moi, sourire accentué par ses gestes gênés et maladroits. « J'essayerai de m'adapter à ton "fonctionnement". » Je lui réponds, et dieu sait que son fonctionnement est compliqué pour moi. Il pose la question fatidique, celle que j'attendais, mais je pensais que c'était toi qui devait m'excuser et non l'inverse. Je fronce légèrement les sourcils sans rien n'ajouter. Louis m'ouvre grand ses bras, j'imagine que c'est sa façon de se faire pardonner même si je lui en voulais pas, enfin, si je lui en voulais juste à cause de sa réaction pendant le prime, c'est tout. « Oui. » J'annonce avec simplicité avant de me laisser aller dans ses bras, mes bras entourent son buste et mes mains se nouent dans son dos tandis que mon menton se pose sur son épaule.

Comme chaque membre de la gente masculine, j'ai cette partie de fierté mal placée qui vous empêche d'agir librement, de vous laisser aller à vos ressentis sans se préoccuper du regard que vos congénères pourront avoir sur vous et votre comportement. Trop peu sûr de moi mais pourtant si démonstratif, je semble pécher sur tous les tableaux. Trop naïf et faible aussi, j'ai minablement laissé une sale garce ruiner une relation qui me tient infiniment à coeur, tentant tant bien que mal de me dépêtrer du malaise nous faisant face, essayant de recoller les morceaux de la manière la plus gauche qu'il soit. Je sais que Fantine n'est pas convaincu par mes dires, je le vois à son regard: stupide fut de ma part de mettre si rapidement les pieds dans le plat, d'amener si abruptement le sujet. Encore une fois, ce ne sont pas des reproches que je lui fais là, mais de simples observations de choses m'ayant grandement perturbé. Peut-être aurais-je simplement dû taire ce genre de commentaires et prendre le temps de m'habituer à ces manières de faire si différentes des miennes: après tout, c'est ce qui, à mes yeux, fait tout le charme de ma partenaire, partenaire que je n'échangerai pour rien au monde. "On oublie, j'ai été con, fin d'l'histoire." Démonstration de ma manie à dire tout haut ce que le reste du monde se contente de garder pour soi. Un gentleman doit savoir reconnaître ses tords et toujours se plier aux désirs de sa dame, right? Ma mère me bassine avec ces règles de conduite depuis que je suis gosse, les respecter ne peut que lui faire honneur. S'adapter en est une des directives principales. "T'as pas à changer, j'refuse que tu changes; t'as rien à te reprocher. T'as ta propre manière de fonctionner et j'la respecte, faut simplement que j'm'y adapte, rien de plus." Certes, nous sommes diamétralement différents, mais je suppose que c'est ce qui fait notre force: je suis hyperactif, extraverti et rentre-dedans, elle est calme, douce et posée. En somme, je trouve qu'on se complète merveilleusement bien. Elle me tempère, je la stimule. Une belle harmonie, à mes yeux. Je lui ouvre grand les bras, les referme bien vite sur son petit corps, la serrant fort malgré la peur de lui casser quelque chose; finalement apaisé, je me permets de passer doucement ma main dans ses cheveux, de lui embrasser la tempe, les yeux fermés. On allait pouvoir être sereins maintenant.

Sujet Terminé.