A notre époque, ne pas savoir nager était à peu de choses près un drame, n'est-ce pas ? Oui, assurément. D'autant plus à vingt-trois ans, hm. Mais cela tombait plutôt bien, étant donné que Raphaël était justement un bel habitué des drames. L'habitude, encore et toujours. Quoi qu'il en soit, c'est avec une idée un peu folle qu'il avait quitté le prime de la veille. Une idée qui lui avait paru aussi improbable que réalisable, étrangement. Une idée qui nécessiterait une nouvelle fois la participation de Lulu. Ce dernier avait déjà eu l'extrême amabilité de lui apprendre à embrasser - ce que tout le monde avait d'ailleurs pu voir, hm - et il était tout sauf certain qu'il accepte de l'aider cette fois encore. Mais puisque ce dernier avait tendance à penser qu'une certaine complicité s'était installée entre eux, il partait du principe que la demande qu'il s'apprêtait à formuler à son camarade pourrait être vue différemment que comme une belle connerie. Ainsi donc, il s'était mis à la recherche de Lulu, à travers tout le village, et avait fini par trouver celui-ci au niveau de la fête foraine abandonnée. Sans trop de précision, il l'avait prié de le retrouver aux termes dans l'après midi, et avait au passage souhaité qu'il pense à mettre un short de bain. Parce que bon, vous voyez quoi ... C'est alors sur les coups de quinze heures que Raphaël arriva sur les lieux, clairement fébrile et plein d'appréhension. Il ne savait pas tellement comment s'y prendre, comment s'exprimer pour ne pas avoir l'air parfaitement ridicule. Et tandis qu'il se torturait l'esprit avec trois milliards de questions, voilà qu'il aperçut la silhouette de son camarade approcher. Il était venu, et cela le rassurait. Mais le pire restait à faire. Il allait devoir prendre sur lui et oublier sa gêne, ce qui n'aurait rien d'évident. « Je te remercie d'être venu » articula-t-il alors, embarrassé et hésitant. « Je ... J'ai conscience d'abuser et de t'en demander trop, mais ... » Car oui, sans surprise, il y avait un "mais". « ... tu crois que tu pourrais m'apprendre à nager ? » Et c'est ainsi que Lulu se rendit compte qu'il avait à faire à un cas désespéré et que Raphaël perdit le peu de dignité qu'il lui restait. Quelle tristesse.

Pour tout vous dire, je ne savais pas trop quoi penser de la demande de Raphaël, non je crois simplement que je m'étais contenté d'accepté, parce que c'était lui, parce que je n'avais besoin d'aucun autre renseignement. Parce qu'il voulait peut-être que l'on parle du gêne occasionné lors du prime. Tant d'imprécisions que je cherchais à évacuer de ma tête, en vain. 15h00, aux termes, en tenue pour se baigner. Cela m'étonnait tout de même de sa part, je dois vous l'avouer, lui qui me semblait si mal à l'aise avec son corps, voulait que l'on se retrouve tout les deux, dans une piscine, après ce qu'il avait pu se passer sous les souterrains. Inutile de vous préciser que certaines pensées quelques peu déplacées n'avaient pas non plus mises longtemps à pointer le bout de leurs nez. Mais bon, j'les chassais, parce que je ne me faisais aucune désillusion. Parce que malgré tout, j'avais bien vu comment il tournait autour d'Elliot. Comment elle tournait autour de lui, également. Je ne voulais pas m'y attacher, viendra ce qui viendra, je ne voulais pas me poser de questions, ce n'était simplement pas mon genre. Non, j'en avais marre de me poser des questions. C'est pour cette raison que j'avais choisi de lui faire confiance, me dirigeant donc vers les termes, vêtu simplement d'un débardeur noir et d'un short de bain d'une même couleur, coupé de blanc, je ne tardais pas à apercevoir le jeune homme, ne se tenant pas loin du bassin. Aucune idée de ce qu'il allait me demander. Aucune idée ce qu'il allait se produire. Je me contente juste de m'approcher, me plantant face à celui ci. Il ne tarda d'ailleurs pas à prendre la parole. « Je te remercie d'être venu » d'un signe de tête, je lui signale donc qu'il n'y a aucun problème. Bien entendu, que j'allais venir. « Je ... J'ai conscience d'abuser et de t'en demander trop, mais ... » mes yeux se plissent, et bientôt, mon sourcil droit s'arque un peu plus, curieux de bien savoir ce qu'il allait pouvoir me demander. « ... tu crois que tu pourrais m'apprendre à nager ? » un sourire en coin étire finalement mes lèvres. Je n'en montre que très peu, mais au fond, je suis bien flatté qu'il m'ait choisi, moi. « Bien entendu. » sur ce, je retire mon débardeur que je lance sur un côté, juste un peu plus loin. Ah oui, Lulu, du tact, c'est vrai. « Je pense que tu devrais te... hum... mettre en tenue. » lâchais-je alors quelque peu amusé avant de commencer à descendre dans le bassin.

Très honnêtement, lorsque Raphaël avait prié Lulu de le rejoindre aux termes en milieu d'après midi, il s'était imaginé que ce dernier ne viendrait pas. Après tout, pourquoi aurait-il envie de partager un moment de plus avec le pauvre Raphaël, qui avait du lui faire franchement pitié l'autre jour, dans les souterrains, quand il avait manqué de s'évanouir après quelques baisers. Il ne lui demandait de toute manière pas de le comprendre, mais il est vrai qu'il avait bien envie de se baigner avec lui aujourd'hui. Bon, pas pour s'amuser et jouer les petits foufous, soyons clairs. Plutôt pour une nouvelle leçon. Une leçon clairement différente de la précédente, mais une leçon également importante aux yeux de Raphaël. Une leçon de natation. Il souffrait depuis petit du fait de ne pas savoir nager. Pire, il souffrait d'une peur terrible de l'eau. Il ne savait plus tellement à quand remontait la naissance d'une pareille peur, mais il pariait secrètement sur le jour où sa sœur Alicia avait tenté de le noyer en lui donnant son bain, simplement "pour rire" selon elle. N'empêche que ça l'avait traumatisé, et qu'encore aujourd'hui, il pouvait difficilement mettre la tête sous l'eau pour se laver les cheveux. Prendre une douche n'était pas évident non plus, évidemment. Prendre un bain, même pas envisageable. Alors vous vous doutez bien qu'il aurait certaines difficultés à se baigner en ce jour. Mais toute son aventure - aussi courte serait-elle - était censée reposer sur des efforts. Voilà ce qu'il faisait justement au quotidien : des efforts. Des efforts pour aller mieux, des efforts pour guérir, des efforts pour ne pas sombrer. Perpétuellement des efforts. Et aujourd'hui, il lui faudrait assurément en faire pour ne pas paniquer comme un chat qu'on foutrait à la flotte. Quoi qu'il en soit, il fut plutôt soulagé que Lulu soit venu au rendez-vous. Il s'était imaginé rester ici de longues minutes, à attendre désespérément l'arrivée de son camarade, pour au final quitter les lieux, assez affecté par cet "abandon". Mais Lulu était là, alors tout allait bien. D'autant plus qu'il ne se mit même pas à rire suite à la demande de Raphaël. Il semblait même d'accord. Un petit sourire gagna alors les lèvres du suisse, tandis qu'il vit Lulu retirer son débardeur. Il était donc torse-nu. En short de bain, mais tors-nu. Bon, il allait tâcher de contrôler sa gêne. Car c'était maintenant à son tour de se dévêtir, sachant que Raphaël s'était carrément ramené en pantalon, tee-shirt, veste, on en passe et des meilleures. Il entreprit alors de se déshabiller, apparaissant à son tour en short de bain, tandis que son camarade avait déjà gagné le bassin. Clairement embarrassé, Raphaël s'en approcha. Comment était-il censé entrer là dedans alors qu'il vivait avec la peur de se noyer, en permanence ? S’asseyant sur le bord, il tâcha de faire glisser son corps dans l'eau, se tenant alors très fermement au rebord du bassin. Pour dire vrai, il resta accroché à celui-ci, paniqué à l'idée de pouvoir couler comme une pierre. « Je ... laisse-moi un peu de temps, s'il te plait » articula-t-il alors, de plus en plus gêné. Il lui demandait d'être patient, voilà tout. Parce qu'il faudrait peut être un certain temps avant qu'il ne se sente prêt à lâcher ce rebord. A moins, bien sûr, qu'il ne le puisse jamais. Possible, aussi.

J'avais comme la nette sensation que Raphaël avait été coupé du monde. Il n'avait jamais embrassé, il ne savait pas non plus nager, soit tout ce qu'un jeune aime expérimenter lors de son enfance. Peut-être n'avait-il pas eu une enfance comme les autres, je n'en savais trop rien... La seule chose qui me frappait était son incapacité à prendre les devants. Ou plutôt, son ancienne incapacité, puisqu'il semblait maintenant faire d'énormes efforts pour évoluer, pour se rattraper. Peut-être n'avait-il pas réellement eu de jeunesse, et peut-être cherchait-il à la reconquérir en ces murs. Oui, c'est sur cette théorie que j'avais descendu une à une, les marches me menant au bassin, mon corps s'engouffrant dans une haut chaude, agréable, il se détendait d'ailleurs à son contact sur ma peau. Raphaël ne tarda d'ailleurs pas à retirer ses trente cinq couches de vêtements. Il était complexé, cela se sentait, alors qu'il n'avait pas vraiment à l'être. Il était beau. Mais n'en avait certainement pas conscience. Pas encore du moins. Alors, à ce moment là, il assit sur le bord du bassin. Son teint devenait rapidement rouge, comme paniqué par la situation. Peur bleue de l'eau ? Je n'en savais trop rien, mais j'étais prêt à parier que je n'allais pas tarder à le découvrir. Oui, j'étais prêt à affronter n'importe quelle situation, comme à mon habitude lorsqu'il se trouvait dans les parages. Là, il choisit de laisser glisser son corps dans le bassin, tremblant comme une feuille morte, se tenant en son rebord comme si il jouait sa vie. Comme si d'une seconde à l'autre, en le lâchant, il perdrait le contrôle. Et pourtant, ce bord, il devrait le lâcher. Parce que d'une manière ou d'une autre, c'était ce qu'il devait apprendre à faire. Se lâcher. Se laisser aller. « Je ... laisse-moi un peu de temps, s'il te plait » il me semblait littéralement tétanisé. Alors, je m'approchais de lui, lui tendant une main. « Viens. » mes yeux plongeant dans les siens, signe qu'il pouvait bien évidemment me faire confiance. Toujours.

L'eau était loin d'être la plus grande amie de Raphaël. L'on pouvait même dire qu'il avait grandement du mal à se faire à l'idée qu'il devrait d'une minute à l'autre pénétrer à l'intérieur du bassin dans lequel son camarade venait tout juste de se glisser. Il avait peur de l'eau, peur de se noyer, mais plus peur encore de décevoir Lulu en adoptant une attitude de fillette apeurée, de petit chat mort de trouille. Il ne voulait pas paraitre encore plus ridicule, surtout à ses yeux. Parce qu'il avait tendance à penser que sa relation avec Lulu était un peu particulière, alors s'il y avait bien une personne qu'il ne voulait pas perdre en ayant l'air éperdument faible, c'était bien lui. Quoi qu'il en soit, à force de se convaincre que ce serait assurément la meilleure chose à faire, Raphaël parvint à entrer dans l'eau. Ce fut difficile, hésitant, et laborieux. Mais au moins, désormais, il y était. Bon par contre, il serait quand même préférable qu'il pense à lâcher le bord, genre un jour prochain. Parce que c'était sans nul doute une très bonne chose d'être parvenu à pénétrer dans le bassin, mais encore faudrait-il qu'il puisse véritablement patauger dedans. Disons qu'à cet instant précis, il était tétanisé. Il avait bêtement tendance à penser que s'il lâchait le bord qu'il tenait si énergiquement, il ne pourrait que couler dans la seconde. Pathétique, hm. Du coup, et malgré le fait qu'il sache pertinemment qu'il lui fallait faire encore quelques efforts, Raphaël ne parvenait plus à bouger. Mais il parvint à se détendre un minimum lorsqu'il entendit la douce voix de Lulu s'adresser à lui. Il vit également la main qu'il lui tendait, et son regard l'hypnotisa un court instant. S'il y avait bien quelqu'un à qui il pouvait faire confiance ici, c'était Lulu après tout. Alors, tout doucement, il s'empara de la main de son camarade. Mais ne pouvait pas laisser son corps flotter en tenant simplement la main de Lulu, Raphaël ne trouva rien de bien à faire que de s'agripper vivement à lui, enroulant bien vite ses bras autour de sa nuque, estimant au final que c'était plus rassurant que de tenir simplement sa main. Son regard rencontra le sien, tandis que cette position n'était pas sans lui rappeler quelques souvenirs. « Si on coule, je ... je comprendrais que tu te débarrasses de moi » articula-t-il, dans un mince sourire, avant de se pincer les lèvres. Il resta alors à l'observer quelques instants, baissant ensuite le regard jusqu'à ses tatouages, qu'il détailla intensément. Tout compte fait, il avait tout le temps d'apprendre à nager, hm.

Il devait se laisser aller, oui, mais pour quelqu'un qui n'avait jamais osé le faire de toute sa vie, cette épreuve pouvait se révélait plus que difficile. Se laisser aller, c'est certainement ce que je savais faire de mieux, et c'était peut-être pour ça, au fond, qu'il m'avait choisi pour se libérer. Peut-être parce que mon physique reflétait tout ce que mon âme avait éprouvée. Peut-être parce ce relâchement, ne plus prendre en compte l'avis des autres et faire de son corps ce que l'on souhaite, être plus à l'aise, en paix avec soi même. Voilà certainement les raisons qui l'avait poussé à me choisir moi, plutôt qu'un autre. Lors de la première semaine, je l'avais embrassé. Pour le choquer avant tout. Puis, la semaine passée, nous nous étions embrassés de nouveau. Mais cette fois ci, le tout avait été bien plus différent. Pour tout vous dire, je ne savais même pas si ça l'était. Y'avait-il plus ? Y'avait-il autre chose derrière cette pulsion qui avait pu gagner mon corps, déboutonnant le sien un à un. Je ne savais pas. Je n'arrivais pour tout vous dire pas encore à y penser. Et puis, est ce que toutes ces questions devaient forcément trouver leurs réponses ? Ne pouvait-on pas laisser le caractère inconnu dans nos calculs s'ajouter, et ne jamais le résoudre ? Tout serait bien plus simple. Je ne voulais pas penser, je voulais laisser le mystère me submerger, m'envelopper de ses bras comme le jeune homme venait de faire, et ce à l'instant présent, collant son corps tremblant au mien, déposant son regard bleuté sur mon visage. Oui, j'étais là, bête, bras ballant. Une de mes mains lâchant la sienne pour qu'il puisse passer ses bras derrière ma nuque. Il avait confiance en moi. « Si on coule, je ... je comprendrais que tu te débarrasses de moi » comme si j'en étais capable « Ouais... et je vivrai avec ta mort sur la conscience le restant de mes jo... je rêve ou tu me mattes ? » un sourire en coin, amusé, se dessina un instant sur mes lèvres avant qu'un rire franc ne raisonne. En effet, le regard du jeune homme avait peu à peu dévié sur le reste de mon corps, et cela m'amusait je dois bien vous l'avouer, fortement. En toute modestie, ce n'est pas comme si je n'avais pas l'habitude. Après tout, j'avais un physique bien singulier, partageant même les avis. Peut-être devait-il se forger le sien. J'esperais secrètement, ou presque, qu'il n'en serait que favorable. Mes mains se déposèrent alors dans le bas du dos du jeune homme, comme pour le tenir, alors qu'une d'elle retraçait le bas de la ligne que traçait sa colonne vertebrale. « Détends toi... » murmurais-je un instant avant de capter son regarde avant de finir ma phrase. « ... Raphaël. »

Raphaël avait beau s'évertuer à tenter de ne plus tellement repenser aux baisers qu'il avait échangés avec Lulu, le fait est que ça l'avait particulièrement marqué. Au fond, cela constituait l'une des premières pages du roman de sa nouvelle vie à venir. Du moins, il osait l'espérer. Mais aussi étrange cela puisse être, il ne tenait pas à considérer Lulu comme un simple pédagogue à qui il oserait demander quelques services de temps à autres. Il ne comprenait pas tellement la relation qui les liait, ni cette étrange complicité qui s'était rapidement développée entre eux, mais il commençait à tenir à lui. Oui, vraiment. Parce que Lulu était quelqu'un de confiance, mais avant tout quelqu'un de bien, il le sentait. Et tout son être était intrigué, profondément fasciné par celui de son camarade. Par sa personnalité un peu particulière, par son apparence unique, par ses gestes et ses regards. C'est bien simple, maintenant qu'il se tenait à lui, ses bras encerclés autour de sa nuque, il ne voulait plus le cacher. Il ne pouvait pas, mais il ne voulait pas non plus. Il aimait se perdre dans son regard, admirer les traits de son visage et le sentir tout contre lui. Peut être était-ce mal, au fond. Il n'en savait rien. Mais quand il était avec Lulu, en tout cas tant qu'il parvenait à ne pas se torturer l'esprit inutilement, Raphaël laissait bien souvent de coté ses craintes au sujet des jugements d'autrui. Il savait que des images de leurs baisers avaient tourné dimanche dernier, mais à cet instant précis, il se retenait simplement de l'embrasser à nouveau, tant il voulait apprendre à se moquer de ce qu'on penserait de lui, tant il avait envie d'avancer, tant il souhaitait regoûter aux lèvres tentatrices de son camarade. Mais à la place, il ne trouva rien de mieux à sortir qu'une petite remarque sans grande utilité, à laquelle son camarade répondit alors, avant de le surprendre en train d'admirer son torse tatoué. Oula, ça n'était pas du tout ce qu'il croyait, soyons clairs. Le "matter" ? Non, assurément pas. Il se contentait juste d'observer ses tatouages et certainement pas ses ... jolis pectoraux. Au ciel, il ne savait plus du tout où se mettre. Pour le coup, il ferait mieux de se noyer sur le champs, parce qu'il avait du mal à cacher sa gêne, à cet instant précis. Il écarquilla alors de grands yeux. Oui bon, il venait d'être pris en plein flagrant délit, voilà tout. Et tout ce qu'il pourrait dire pour sa défense ne le servirait probablement pas tant que ça. Alors il se contenta de sourire légèrement, après avoir grandement rougi. Il sentit bientôt les mains de Lulu se déposer dans le bas de son dos, après avoir frissonné sous le contact de l'une d'elle. Se détendre ? Oui, il lui fallait se détendre. Mais comment le pouvait-il alors qu'il avait cette envie folle et parfaitement déraisonnable d'embrasser Lulu ? Il ne pouvait pas faire ça. Pas encore. Ce serait la fois de trop, il s'en doutait. Et le perdre n'était pas envisageable. Pourtant, ses lèvres vinrent, en un doux sourire, délicatement frôler celles de son camarade. Il prit même le risque de dégager l'une de ses mains pour caresser de son index la tempe de son camarade, elle aussi tatouée. Il se perdit dans son regard encore un instant, avant de réaliser qu'il faudrait songer à se calmer un tantinet. « Hm, on devrait peut être ... commencer la leçon » suggéra-t-il alors, d'une petite voix, et l'air confus. Bon allez, qu'il le noie, on en serait enfin débarrassés.

Je l'avais là, tout contre moi et dans l'instant présent, j'en oubliais presque que je ne voulais plus m'attacher. En cet instant présent, j'en oubliais presque tous les objectifs que je m'étais fixé en entrant dans le jeu, toutes les limites à ne jamais franchir, toutes les barrières à ne jamais abattre. Pourtant il était là, dangereux, dans mes bras, et la dernière chose que j'avais envie de faire était de le lâcher, ma main caressant la ligne que traçait sa colonne vertebrale, longeant ses crevasses, ses bosses, d'une délicatesse inouïe. Bien entendu, l'eau se mêlait au mélange, ne rendant le tout que cependant plus agréable. J'en avais même oublier ma réelle présence ici, ce qui était stupide puisqu'il ne m'avait convoqué que pour cette raison. Parce qu'il avait confiance. Parce que je m'attachais trop. Ses lèvres frôlèrent les miennes et un frisson parcouru mon échine. Puis, il déplaça l'un de ses mains, venant caresser se tatouage disposé sur ma tempe. Je crois que jusqu'ici, personne n'avait jamais osé le toucher. Du moins, il ne me semblait pas. Rayon de raison, et nous reprenons apparemment tous les deux nos esprits, et ce simultanément. « Hm, on devrait peut être ... commencer la leçon » dit-il après avoir bien rougi à ma dernière remarque, ce qui m'avait d'autant plus fait sourire. Reprendre la leçon de natation. Bien. Pourtant j'aimais le garder encore contre moi le temps de quelques poignées de secondes. Allez Lulu, lâche le veux-tu. Je m'execute donc difficilement, comme un petit garçon boudeur, n'insistant plus sur le jouet qu'il souhaitait acheter dans un de ses magasins favoris, après un gros caprice. Oui allez, lâche le. Oh et puis non. Je suis bien là, pourquoi devrais-je simplement le libérer ? Peut-être parce qu'il me l'a demandé ? Hum... A méditer. Ma main droite quitte alors ses hanches pour venir se poser sur son torse, le caressant quelques instants. Mes lèvres quant à elles se posent sur sa mâchoire déposant de multiples et doux baisers, déviant dans son cou avant que je ne remonter à son oreille, murmurant quelques paroles d'une voix grave. « La leçon donc. » je me recule, un sourire amusé aux lèvres, saisissant ses mains, me reculant un peu plus. « Dans un premier temps, laisse toi flotter, fais monter ton corps tout en douceur jusqu'à la surface. Je vais t'aider, ne t'inquiètes pas. » sur ce, je plaçais une main en dessous du nombril du jeune homme pour l'aider à s'allonger sur le ventre, faisant de même avec l'une de ses jambes, de ma seconde main.

Nul doute qu'il serait tout à fait raisonnable de commencer la leçon de natation, histoire de ne pas oublier la raison de leur présence ici. Parce que s'étreindre, ils pouvait tout à fait le faire ailleurs, n'est-ce pas ? Au passage, cela n'avait pas du tout été prévu au programme de l'après-midi. Si Raphaël avait convié Lulu aux thermes, puis lui avait demandé de lui apprendre à nager, ça n'avait jamais été pour en profiter pour se rapprocher d'avantage de lui, hm. Bon d'accord, il est vrai qu'il avait secrètement espéré pouvoir profiter de la situation pour voir s'il pouvait encore se sentir attiré par son camarade, ou bien si cela n'avait été que passager. Et bien le constat qu'il eut à faire fut pour le moins consternant : non seulement il se sentait toujours attiré par Lulu, mais il avait aussi terriblement envie de l'embrasser. Il ignorait véritablement pourquoi, mais le fait est que le jeune homme le troublait beaucoup. Son regard le troublait, sa voix suave le troublait, son corps et ses tatouages le troublaient ... Tout son être le troublait. Et le fait qu'il ait confiance en lui avait presque tendance à l'inciter à réclamer plus qu'une étreinte rassurante, plus que des caresses apaisantes. Pourtant, et alors qu'il aurait très bien pu l'embrasser à l'instant où ses lèvres avaient délicieusement frôlé les siennes, ce ne fut pas le cas. Peut être serait-il particulièrement malvenu de l'embrasser, à cet instant précis. Peut être lui fallait-il simplement réprimer ses envies, ses désirs, et tâcher de garder en mémoire qu'il n'était de toute manière pas le moins du monde autorisé à effectuer un trop grand rapprochement avec qui que ce soit. Sa mère n'approuverait pas, et c'était là le problème. Au fond, étant morte depuis des années, elle ne pourrait pas faire grand chose pour le punir, mais l'esprit très paranoïaque de Raphaël avait bêtement tendance à penser qu'elle saurait trouver un moyen de le faire souffrir encore un peu plus, même de là où elle était. Mais tandis qu'il suggéra donc à Lulu de reprendre la leçon, il vit que celui-ci n'était visiblement pas pressé de le lâcher. Cette vision l'amusa d'ailleurs partiellement. Honnêtement, Raphaël serait lui même volontiers resté dans ses bras, contre lui, son visage si près du sien, en fixant son regard dans lequel il aurait pu continuer de se noyer littéralement. Il sentit finalement un changement, mais plutôt plaisant. La main de Lulu trouva son torse tandis que ses lèvres trouvèrent sa mâchoire, son cou ... Quelques soupires s'échappèrent des lèvres de Raphaël, qui était décidément troublé. Lulu se recula finalement, lui proposant de se laisser flotter sur le ventre. Immédiatement, Raphaël se mit à imaginer le pire, craignant de se noyer à la première occasion. Mais il ne broncha pas et s’exécuta, gentiment aidé de son camarade. Après quelques efforts, le corps de Raphaël se mit à flotter sur la surface de l'eau. Celui-ci tremblait, et se sentait capable de paniquer d'ici peu. Mais Lulu était là, et ça le rassurait. « Reste avec moi, Lulu. Surtout, ne me laisse pas seul » supplia-t-il alors, tandis qu'il ferma les yeux, tâchant d'oublier qu'il flottait au dessus de l'eau. « Je ... Est-ce que je suis ridicule, là ? » reprit-il, comme pour oublier ce qu'il venait de dire. Mais bon, il est vrai qu'il devait avoir l'air un peu bête dans cette position. En même temps, avoir vingt-trois et ne pas savoir nager, ça l'était déjà ...

Je ne voulais pas le lâcher, encore. Voilà que je retombais dans cette spirale dont j'avais la semaine passée tenté de chasser de ma tête. Non, la vérité est que je ne le voulais pas, et que même avec toute la volonté du monde, il me serait impossible de d'oublier, d'effacer cette partie de moi qui n'en demandait que plus, toujours plus. Cela pouvait paraitre étrange aux yeux des autres, j'avais d'ailleurs bien remarqué leurs expressions plus qu'étonnées. Raphael et moi n'avions rien en commun, et c'est très certainement cela qui nous réunissait. Je le tenais là, tout contre moi, mes doigts caressant la douce peau de son torse. Et je n'avais pas envie de quitter cette place tout de suite. Pourtant c'est ce que je fis, à défaut d'être prévisible, j'en avais cependant des remords. Se concentrer. Après tout, à quoi pouvait-on jouer ? Tout ceci n'avait absolument aucun sens, autant pour lui que pour moi. J'avais beau essayé de vouloir m'en convaincre, il n'y avait cependant rien à faire. J'aimais sa présence. J'appréciais ces mots pleine de complexités mais à la fois tellement simples. J'appréciais son regard bleuté, dans lequel je pouvais m'imaginer un océan d'innocence, dans lequel je pouvais plonger, peut-être même m'y noyer sans que cela ne soit grave, sans que cela ne soit douloureux. Un calme imprononçable, une âme fragile, douce et délicate. Innocente, angélique, limpide. Alors, je me reculais, voulant obéir à ses désirs. Pour sûr que personne ne pourrait lui résister. Il était ma Marilyn Monroe. Cette innocence incarnée dans le corps d'une star, n'attendant que d'être abusée, cherchant le malheur à travers ses proches, juste pour pouvoir gouté au péché, chose qui ne la rendrait cependant jamais plus forte. Chose qui ne la changerait jamais. Pure elle était née, pure elle nous quitterait. « Reste avec moi, Lulu. Surtout, ne me laisse pas seul » sourire compatissant. Bien entendu que je n'avais pas l'intention de partir, bien entendu que j'allais rester là, et ce tant qu'il voudrait encore de moi. J'avais du temps à tuer, on en avait tous. Et c'était certainement pour cette raison que la plupart d'entre nous se tenaient ici, dans cette émission. « Je ... Est-ce que je suis ridicule, là ? » un léger rire s'échappa de mes lèvres « Ridicule, oui... » mon sourire s'étira un peu plus « Ridiculement beau. » putain, j'en devenais niais en plus, il fallait que je me reprenne. Je secoue donc un instant la tête, tentant de ne pas poser mes yeux sur son.. hm... fessier. « Maintenant, fais comme si tu voulais chasser ce qu'il y avait devant toi, en gardant la tête bien hors de l'eau, à l'aide de tes bras. Des mouvements amples, lents, calmes. Tu peux le faire. »