FT. DAGGA.

L’automne était censé être déjà arrivé depuis quelques jours mais il faisait si beau ici, au sud de la France, que je n’avais pas réellement l’impression d’être en automne. Je ne portais que des t-shirts depuis le début de l’aventure (et un pantalon, je vous rassure). C’était agréable de sentir la chaleur du soleil me pénétrer jusqu’aux os. Cette sensation je l’avais que très rarement ressentie en Irlande puisque le pays est au nord et qu’il y pleut assez souvent, le climat là-bas est très changeant. Mais au bout d’un moment : je crame au soleil, du coup j’entre dans l’auberge qui est juste à coté de moi et profite de la fraîcheur qu’offre la pièce. Je me dirige vers le fond, attrape la guitare et viens me poser sur le fauteuil avant de gratter doucement la porte, j’improvise une petite balade sans paroles, j’enchaine quelques accords simples, juste pour me détendre.

La mélodie s’échappe de la caisse avec plus ou moins d’intensité selon ce que je joue. Les nuances, dans la musique, sont très importantes. Il faut envisager la musique comme une conversation, comme un discours plutôt. Parler d’une voix monotone n’est pas intéressant. Jouer toujours avec la même intensité sonore n’est pas intéressant non plus. Evidemment il y a une quantité non négligeable d’autres petits détails auxquels il faut constamment penser. Mais aujourd’hui je joue au feeling, j’ai envie d’écouter ma musique et pour ça je ne me concentre pas sur ce que je fais, mes doigts bougent naturellement. A force de pratique je pourrais jouer les yeux fermés. Du coin de l’œil je vois une chevelure rousse, je ne sais pas quelle rousse du jeu c’est puisqu’avant de lever la tête, je termine ma petite improvisation. Quand je coupe le son des cordes en posant ma paume dessus, je lève le regard vers la candidate. Dagga. « Bonjour. » Fis-je avec un sourire. Comme j’ai l’instrument en main une question me vient immédiatement en tête. « Tu joues d’un instrument. » J’adore les duos, ce serait cool qu’elle me dise oui mais bon, si elle ne sait pas ce serait aussi très inutile qu’elle me réponde par la positive.

La jeune femme me salue d’une ‘hey’ un peu rauque, le son de sa voix ne s’est manifestement pas fait entendre depuis un certain temps. Après nos salutations je lui demande si elle joue d’un instrument. J’ai l’impression que beaucoup de candidats ont cette passion et honnêtement ça m’arrangerais presque, je peux en parler avec eux et une passion commune est souvent signe d’une bonne entente future. Evidemment, ça ne fait pas tout, c’est clair. Ce serait trop facile, trop beau. « Je joue de la contrebasse. Elle ne passait pas dans ma valise, hélas, et je n’en ai pas vu dans les environs. Ça me manque un peu. » Répond-elle à ma question, je glisse mes doigts derrière le manche, du haut vers le bas comme si je caressais le bois verni. « C’est dommage. J’aurais adoré t’écouter. » Avouais-je. J’aime la musique, quelle qu’elle soit, sauf le rap mais bon, soit. Je suis un véritable mélomane, j’ai besoin d’une dose par jour, véritablement. C’est pourquoi mon ipod est toujours présent dans ma poche, mais mes doigts réclament aussi très souvent le contact pourtant dur des cordes de métal de la guitare acoustique. Et c’est avec délice que je réponds à ce besoin. « Récemment je me suis mise à la basse – ça fait plus moderne. Je ne crois pas qu’ils en aient par ici non plus… » Je regarde un instant la petite masse d’instrument, je plisse même les yeux pour tenter d’apercevoir une basse mais n’en voit pas. « J’adore la basse, c’est fou que ça change une mélodie ! J’ai souvent jouer avec un ami bassiste, juste une basse et une guitare, pas de batterie. La première fois, c’était magique ! » Pendant que je parle mon regard s’illumine, je n’avais jamais pensé qu’une basse ajoutait une telle dimension à la musique d’une guitare. Mais c’est devenu presque indispensable en fait pour moi, ça rend la musique encore plus vivante. « Tu joues très bien en tout cas. Enfin, tu dois déjà le savoir. » Fait-elle avec un petit sourire, je souris moi aussi, plus encore qu’elle-même. « Certes, mais ça fait plaisir. » Les compliments font toujours plaisirs, même dit et redit je ne suis pas quelqu’un qui se lasse vite !

L’écouter parler de la basse avec cette même passion qui m’anime, celle que provoque la musique chez beaucoup de personne, ça me fait rêver. J’aime constater que j’ai une passion commune avec quelqu’un, surtout celle-ci. C’est pour ça que je m’entends avec Tris et Elliot, par exemple, parce qu’elles aiment la musique autant que moi. Je suis certain de bien m’entendre avec Dagga, elle ne me semble pas être une fille difficile à vivre, au contraire et puis elle a de la conversation. « Exactement ! Mon père me faisait beaucoup écouter Chic, pour ne citer qu’eux, il admirait beaucoup le bassiste et souvent quand il écoutait il se prenait pour un bassiste. » Dis-je en riant, me remémorant ces quelques moments avec mon père. « Tu joues dans un groupe ? » demanda-t-elle finalement. Je secouai la tête de droite à gauche. « Non, je voyage trop pour ça et je voyage seul. Ce n’est pas tellement par choix mais je n’ai jamais demandé à quelqu’un de m’accompagner pour mes voyages. Du coup je me fais de nouvelles rencontres dans chaque ville que je visite, de nouveaux amis, une nouvelle vie à chaque fois. » Il me tarde déjà je partir sur la route de l’Islande, le prochain pays que j’ai à visiter, à découvrir surtout.