Toute première fois que je mets les pieds dans une ferme, je suis une fille des villes, et je crois que cela se remarque assez facilement. Je m'arrête devant la brouette remplie de fleurs dans la cour, m'arrêtant pour contempler les couleurs, cette harmonie, avant de passer mon chemin. Je trouve du matériel agricole, je n'ai aucune idée de son fonctionnement, je crois bien que je pourrais rester une heure ici, à tout tester, et peut-être même à faire pas mal de dégats, douée comme je suis. J'aperçois une petite table et je vais y prendre place, j'essaie de placer mon visage pour qu'il soit en plein soleil, pour que les rayons me réchauffe. Je capte un mouvement non loin de moi, je pivote assez vivement avant de me rendre compte qu'il s'agit de la chèvre. Je ne suis pas rassurée, si bien que je vais m'asseoir sur la table cette fois, pour être un peu plus en hauteur, peureuse que je suis. Je la vois, entrain de rôder autour de moi. Je commence à me demander comme je vais m'en sortir lorsque je vois la silhouette d'Asmaa se profiler et venir vers moi. D'un bond, je descends et me dirige d'un pas plus que pressé vers elle. « Fais attention, elle est dangereuse. » J'annonce à Asmaa, les bras ballants tandis que je me rapproche de la candidate par mesure de sécurité au cas où la chèvre sera partante pour revenir me chercher. Mais je crois qu'elle doit être assez bonne en math puis qu'elle a compris qu'on est supérieure numériquement à elle, deux contre un, je pense que si elle est un minimum intelligente, elle ne reviendra pas. J'ai pas l'air conne comme ça, à me rapprocher d'Asmaa, osant même jusqu'à enrouler mon bras autour du sien.

J'étais décidée. J'allais repartir du bon pied avec cette Blanquette. Nooon parce que bon, Janka m'avait sérieusement fait flipper., du genre, ouiii elle pourrait te manger et tout et moi, crédule, je l'ai cru. Parce que mine de rien, ça fait peur ces bêtes là. Pour tout dire, j'avais un petit côté très peureuse quand même, même s'il était trèèèèès bien dissimulé. Sauf que bon, j'croyais bien mettre fait une mauvaise opinion de la demoiselle à cause de la Janette. Alors c'est bottée pour la ferme que je me dirigeais vers celle-ci, d'un pas véritablement décidé. Quand j'arrivais dans la cours, non seulement la bête était lâchée, mais en plus elle rodais autour de quelqu'un. Choueeeeettte j'vais passer inaperçue et puis finalement faire demi-tour... Ouai, j'vous dis, peureuse ! Sauf que la demoiselle (et là je parle de Fantine) alla vers moi. Que dis-je, derrière moi. « Fais attention, elle est dangereuse. » QUOIII ? Je lui adressais un regard paniqué, sourcils froncés. Elles se sont fait passer le mot ou quoi ? J'ai peuuuuur moi aussi. Mais trop quoi, j'pouvais pas rester là, j'allais faire pipi dans ma culotte ! « Arrrrrête dit pas ça, j'vais tomber dans les pommes ! » Lui disais-je alors que je servais presque de bouclier humain là. Bah parce que si elle nous attaque, même deux contre un, bah ouai elle peut être téméraire et agir pour la cause des chèvres, bah c'est moi qui prend tout là. Un attentat suicide, c'est moi le dommage collatéral. Maintenant, Fantine me prenait le bras, me décrochant sur le coup un rire... Mais pas longtemps quoi. De ma main, je la serrais, collant presque mon corps au sien. « Tu crois que... Qu'elle viendrait nous attaquer là ? » Lui demandais-je en fixant toujours la chèvre... « Tu sais ce qu'on va faire ? Soit on recule tout doucement, soit l'une de nous se donne en offrande... » Je lui lançais un regard suppliant. Bah ouai, t'as la peau douce et fraiche toi, et ta l'air tendre... Moi j'ai un peu trop de gras pour elle, j'le sens bien que je ne lui donnais pas envie. J'adressais alors à Fantine, un sourire à peine forcé, découvrant mes dents.

Quitte à être mal, autant être deux, j'aime partager, voyez-vous, c'est pour cela que je me dirige illico presto vers Asmaa, pour avoir un peu de soutien. «Arrrrrête dit pas ça, j'vais tomber dans les pommes ! » Hm, non je préfère pas. « Pourtant c'est pas le moment. » Je lui réponds alors en lui pressant le bras, histoire qu'elle reste avec moi, bien éveillée, on ne sait jamais. Non, si elle pouvait s'abstenir, ça m'arrangerait, parce que devoir trainer son corps à l'abri de la chèvre enragée, ça risque d'être un peu dur pour moi. « Tu crois que... Qu'elle viendrait nous attaquer là ? » Bonne question et je n'ai aucune réponse potable à lui fournir à vrai dire. J'ai envie de dire non pour nous rassurer mais je ne veux pas prendre le risque de lui mentir. Je laisse un léger silence qui veut tout dire et je pince mes lèvres, mes yeux balayant ce qui nous entourait à la recherche de ce fourbe d'animal. « Je ne pense pas. » Je réponds alors en prenant mes précautions, sans rien affirmer. « Tu sais ce qu'on va faire ? Soit on recule tout doucement, soit l'une de nous se donne en offrande... » Je me demande pourquoi elle me regarde quand elle évoque la deuxième option. Parce que c'est moi qui vais être jeter en pature, c'est ça ? « Hors de question ma belle, oublie. » Je lui réponds, catégorique en hochant la tête de droite à gauche, qu'elle raye définitivement cette idée de sa petite tête. Non, ça marche pas comme ça. En plus j'ai la peau sur les os, ça ne plairait pas à Blanquette, la chèvre. « Je te propose donc la première option, si tu es d'accord. » J'annonce avant que ma main n'appuye sur mon bras pour la faire reculer.

« Pourtant c'est pas le moment. » J'exagérais ààààà peine, non sérieux, je n'irais pas tomber dans les pommes, mais quand même. Je ne suis pas très familière avec cette bête-là. Je lâchais un semblant de rire, un poil stressé, parce que c'est limite si je ne stressais pas à sentir le regard de Blanquette sur moi. Elle pouvait nous attaquer. Elle allait le faire ? Oui, non, oui ? Naaaaaan, la chèvre n'allait pas foncer droit sur nous, quoique, si elle était pas bien dans sa tête, elle pourrait le faire. C'que je redoutais à mort quand même. Oui, à mort, à mort. « Je ne pense pas. » Je lâchais un soupire, au moins elle était plutôt optimiste. Optimiste, mais pas pour autant facile à manier. « Hors de question ma belle, oublie. » Roooooh, faut prendre ça à la légère, j'suis pas une lâcheuse. Non non non, au contraire, je ne l'aurai jamais laissé se donner en sacrifice, jamais de la vie. « Mais j'rigolais ! » On était à deux, on repartira à deux et entière de la ferme. Même s'il nous faut se bagarrer pour ça ! « Je te propose donc la première option, si tu es d'accord. » Je reculais comme elle m'y conviait, tournant cependant ma tête vers elle. « Boooon d'accord, c'est moins fun, mais ça me va ! » Lâchais-je, en feignant une moue boudeuse, avant de lui adresser un large sourire, oubliant ce pourquoi nous reculions à pas feutrés. Je laissais échapper un nouveau rire. « J'pensais être la seule capable d'avoir peur d'une bête pareille, toute blanche et tout. » Bah ouai, un truc blanc, c'est inoffensif non ? Je me mordillais la lèvre, avant de reprendre : « Qu'est-ce que tu faisais ici, en fait, avant que j'arrive ? »