W/ SÏANA

Les relations humaines m’épuisaient un peu. Je n’étais pas habituée à être entourée de gens en permanence, et je songeais d’ailleurs que j’avais bien de la chance que cette année l’émission prenait place dans un village entier, car si nous avions été confinés dans un loft comme cela peut être le cas parfois, je ne sais vraiment pas comment je m’en serais débrouillée. Pour l’heure, je m’étais décidée à prendre l’air – autant en profiter, non ? – saisissant ainsi l’occasion d’aller taper causette à la chèvre du coin, Blanquette (tel était son nom si j’avais bien suivi). Je me charge de la nourrir, me demandant si certains autres candidats y pensaient, si il ne serait pas mieux qu’on s’organise tous ensemble à ce niveau-là, histoire qu’elle ne devienne pas obèse, ou, au contraire, décharnée au possible. Ma tête se relève, pivote, je cherche du regard des caméras. Et si nous oublions de la nourrir, que se passe-t-il ? J’espère que la production veille au grain, et s’assure que les animaux de la ferme sont bien traités. En attendant, Blanquette m’a l’air affamée. Je la caresse distraitement, espérant l’apprivoiser – j’adorais les chèvres depuis… depuis Esmeralda sans doute. Quand soudainement, elle agrippe un bout de ma veste à pleines dents et commence à la tirer vers elle tout en broutant le tissu ; alarmée, je n’ose la repousser trop violemment, à la fois parce que je ne veux pas lui faire de mal et parce que je crains aussi une éventuelle contre-attaque. « Allez Blanquette, lâche-moi. C’est pas bon à manger ça, c’est plein de… plein de pétrole, je te jure c’est du synthétique et… arrête tu vas te rendre malade et… ! » Tout compte fait les relations inter-espèces me fatiguaient également.

Ce matin, j'avais pris mon petit déjeuner avec plusieurs candidats et c'est là que j'avais entendu qu'il y avait une ferme. Je n'étais pas encore tombé dessus et celle-ci ne m'intéressait pas puisque je la pensais abandonnée. Cependant, au dernier moment, l'un des candidat avait précisé qu'il y avait une petite chèvre. Une chèvre, il fallait que je vois ça par moi-même. J'ai toujours aimé les animaux et si j'avais pu avoir un chat dans mon logement étudiant, je n'aurais pas hésité. Cependant, le propriétaire n'était aucunement de cet avis et avait peur que je dégrade le logement. Il me connait bien mal, j'suis tellement maniaque. Mais soit, j'avais pas envie d'avoir des soucis avec la loi ou avec ce vieux grincheux. Pouvant apprécié la compagnie d'un animal, je décidais de me rendre à la ferme pour en profiter un peu. Peut-être pourrais-je l'approcher ? J'attrapais donc ma veste en jeans, pas très chaude en fait, c'était purement pour l'esthétique et marchai en direction de cette ferme. Oui, on m'avait indiqué le chemin à suivre et j'avais fais attention à tout retenir. Lorsque j'arrivais, je vis une fille qui était justement en train de se faire attaquée par la bête. Voyant la difficulté de celle-ci à extirper sa veste de la bouche de l'animal, je décidais de me baisser pour cueillir quelques brins d'herbes. Je m'approche donc de ces deux-là, tendant l'herbe à l'animal. « Tiens, regarde ce que j'ai pour toi. C'est bien meilleur, crois-moi. » Ouais, je parle la chèvre. Je dépose ma main inoccupée sur la tête de l'animal afin de le caresser et de tenter de l'apaiser un peu. La biquette finit par céder et lâche la veste de la candidate, satisfaite,je lâche à mon tour ce que je tiens entre mes doigts et me retourner vers ... Je ne sais plus son prénom. Faudra que je pense à le lui demander. « Te voilà sortie d'affaire. »

C'est avec soulagement que j'accueille l'arrivée de la nouvelle venue, qui, en deux temps trois mouvements, parvient à détourner l'attention de la bête et par la même occasion de me préserver de ses assauts répétés. Elle s'y prenait mieux que moi. Il faut dire que j'avais été un peu prise au dépourvu ; ça ne m'était jamais arrivé qu'une chèvre essaye de bouffer ma veste. Et puis elle était tellement mignonne, cette chèvre, ça m'aurait chagriné d'essayer de la séparer de ce repas qui avait l'air de drôlement la tentée. Un brin gênée, je me retourne vers la brune qui était venue à ma rescousse, et recadre une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille droite. “ Merci... ” je souffle, reconnaissante. “ Sïana, c'est cela ? ” j'ajoute, un peu incertaine. J'essayais de mémoriser les prénoms de tous, mais ce n'était pas forcément évident compte tenu de notre nombre. “ Moi c'est Dagga. ” je lorgne distraitement la chèvre de l’œil, vérifiant qu'elle ne compte pas récidiver.